♠ ♦ Alice in Wonderland ♥ ♣

Chapitre 22 : ♠ ♦ Une nuit pour sauver cinq vies ♥ ♣

5284 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 24/01/2017 18:02

Poussée en direction du cachot, par Togano Heartace. Éjectée dans la cellule destinée aux Rebelz, près de Marshall qui est allongé dos à moi et tout tremblant, riant nerveusement sous la folie qui le hante. Forcée de m'asseoir contre le mur froid du fond. Attachée au niveau de la taille par une immense ceinture de fer, reliée à ce même mur par une chaîne. Je me débats comme une diablesse, regardant le Valet de Cœur dans les yeux.

Il verrouille l'espèce de ceinture de métal, avec un clic qui résonne encore dans mes oreilles. Une gêne commence à naître dans mes côtes et mes reins. Gêne qui se transformera vite en douleur. Mais de toute façon, je n'aurai bientôt même plus l'occasion d'avoir mal.

Il tourne le regard, faisant mine de m'ignorer.

« Togano !

-Ferme-la ! Il se calme soudainement, mais la rage se fait tout-de-même ressentir dans sa voix. Tu m'as trahi Alice...

-Toi aussi tu as trahi les Rebelz, tu y penses des fois ?

-On parle pas de ça là, il serre mes joues entre ses doigts et me murmure en me regardant de haut, avec une pointe d'ironie. Arrête de faire l'arrogante. T'as pas à être fière alors que dans quelques heures tu n'auras même plus de tête ! Il est 18h00, Alice. À 6h00 vous serez exécutés, toi et Marshall. Au lieu de faire la maligne, regarde bien la petite aiguille de l'horloge faire le tour complet du cadran. Faudra être patiente ! »

Je verse une larme qui vient s'écraser contre son pouce, jetant un vif coup d'oeil à une sombre horloge accrochée en face de la cellule. Elle est ici spécialement pour rendre les détenus dingues face aux heures qui défilent sous leurs yeux, et face auxquelles ils sont impuissants, sachant qu'ils vont mourir. Hiruma, Edge et L arrivent, je les vois dans les escaliers qui observent silencieusement la scène, bloqués par des Cavaliers Rouges. Togano me lâche enfin, un sourire aux lèvres, alors que je ne le quitte pas des yeux.

Il se saisit à présent de mes deux poignets dans une seule de ses mains, s'apprêtant à les enchaîner au-dessus de ma tête. Je me débats de plus belle, lui mettant quelques coups de pieds accidentels. « Non, Togano, arrête, je vais pas tenir !

-Au pire, si tu meurs avant l'heure, ça empêchera pas le Roi de te trancher la tête ! »

Soudain, il lâche mes poignets, gémissant de douleur. Dans l'incompréhension la plus totale, je me tourne vers Marshall, qui est orienté vers nous à présent.

Toujours allongé sur le côté, il ricane encore de manière psychotique, en regardant Togano. Ses yeux orange sont en train de briller, alors qu'il frissonne dans sa camisole. Il manipule Togano, ce dernier sortant de la cellule, la fermant à clef et s'en allant. Le Valet de Cœur parvient à chuchoter en passant près des autres Rebelz, avec un mauvais air :

« Profitez bien d'eux. Vous avez douze heures, avant qu'ils ne soient plus de ce monde. »

Son léger rire sarcastique, accompagné des pas des Cavaliers Rouges sortant du cachot et du claquement de la grande porte, nous laisse là, nous cinq, silencieux et désespérés.




« Merci, Marshall. » C'est ce que je suis parvenue à articuler, sous le choc.

L'homme-lièvre rampe jusqu'à moi avec difficulté, frissonnant violemment, faisant tinter les piercings et chaînes de ses longues oreilles. Il parvient à se relever avec mon aide, et appuie sa tempe contre mon épaule, avec un sourire en coin. Il ricane doucement, alors que je caresse son dos pour tenter de l'apaiser, lui murmurant de se calmer. Edge, suivi de L et Hiruma, s'accroupit près des barreaux. Il me demande avec tristesse :

« Alice, tu faisais quoi dans la salle du trône avant que Kotaro n'arrive ?

-J'essayais de récupérer un ingrédient qui n'est trouvable qu'au Royaume de Cœur... »

Hiruma se tourne vers Edge et hoche la tête pour approuver. Le voir sans son sourire me déchire le cœur en mille petits morceaux. Il murmure :

« Je sais de quel ingrédient il s'agit. Il se tourne ensuite vers moi en se tenant à un barreau. On peut le récupérer à ta place, si tu veux. »

C'est une putain de bonne idée ! Bon, si ça se trouve, je n'aurai pas la chance de créer cette Potion de Mémoire, mais autant essayer jusqu'au bout. Je retire le tube à essai que j'ai commencé à remplir de poudre d'or tout-à-l'heure de ma poche, et le place entre les dents de Marshall. Il sourit légérement, ayant sûrement envie de rire à cause de cette drôle de façon de leur apporter le tube à essai. Je ne peux pas le faire moi-même, étant donné que je suis attachée au fond de la cellule. Marshall se déplace à genoux jusqu'aux barreaux pour qu'Hiruma puisse récupérer l'objet. L'homme-lièvre s'allonge ensuite sur le côté, comme il l'était à mon arrivée dans ce sombre cachot, frissonnant encore sous la douleur de ses bras engourdis. Il esquisse toujours ce mystérieux sourire qui le rend indestructible et possède un regard empreint d'un diabolisme sans fin, mais je sais qu'au fond de lui, il est terriblement pétrifié à l'entente de la mort qui arrive à grands pas raisonnants. L, du bout des doigts, prend le tube à essai, après qu'Hiruma l'ait regardé furtivement s'approcher. L'homme-loir réfléchit ensuite, les yeux rivés sur moi, le pouce à la bouche et agitant ses oreilles, avant de lancer de sa voix grave et monotone : « Aller, on établit un plan... »




Il leur aura fallu une heure et demi pour tout mettre au point. Il est 19h30 lorsque que les Rebelz ont quitté le cachot. L reste blasé et pensif, mais est extrêmement confiant au fond de lui. Il sait que son plan va fonctionner. Ou du moins, la première partie du plan. La suite, il n'arrive pas à l'envisager dans son intégralité : elle repose sur sa confiance envers le destin, et sur l'attente. C'est seulement une question de temps et d'efficacité.

Edge affiche un immense sourire, se préparant au carnage. Il sait à quel point leur plan est risqué mais est prêt à tout. Le Chapelier arrange son haut-de-forme, et tend la main pour qu'Hiruma y dépose le tube à essai d'Alice. Il le place dans sa poche, une lueur de rébellion brillant dans ses yeux noirs. Il est déterminé à sauver cinq vies en une seule nuit.

Hiruma quant à lui a ressenti un terrible pincement au cœur en laissant Marshall, et surtout Alice, dans leur cellule lugubre. Mais il sait également que c'est pour eux qu'il fallait impérativement se dépêcher. Il se tourne vers L et tend la main. L y pose délicatement une clef rouillée. Comme L l'a expliqué au groupe avant de quitter le cachot, au cours de la journée, il a cherché partout cette fameuse clef dans la plus grande discrétion.

Satisfait de l'avoir entre les doigts mais ne parvenant tout-de-même pas à sourire pour appuyer cette satisfaction, Hiruma disparaît dans un nuage de fumée, alors que L et Edge vont retrouver Kuro et les Tweedle pour leur tenir compagnie et leur expliquer la situation.




Hiruma arrive calmement dans la salle du trône, avec une démarche féline silencieuse. Togano est là, avec quelques troupes qui se préparent à partir. Hiruma les regarde, les bras croisés, contre un des piliers de la salle. Il ne dit rien. Togano l'a vu, mais l'ignore, et s'en va. Hiruma a directement compris que les Cavaliers Rouges et le Valet de Cœur continuent activement leur quête des montres magique. Mais il se retient d'y penser maintenant, et traverse la salle. Accélérant le pas, il se dirige vers une sorte de placard à balais tout proche. Il s'agit du refuge des Cavaliers Rouges, là où ils stockent leurs armes par exemple. Cette pièce, si petite et semblant ordinaire, cache donc bien son jeu. Mais ce qui intéresse le diabolique félin ici, ce sont les clefs. Face à la porte solidement fermée, les yeux clos, il se téléporte à l'intérieur de la salle. Une fois face à ces rangées de clefs accrochées aux quatre murs et aux armes entassées les unes sur les autres, il murmure un ''Ya-Ha'' satisfait. Il constate que la Clef de Cœur n'est pas là, puis se doute que cette clef est trop importante pour être dans une salle si... accessible. Cette clef-là, pense-t-il, doit être dissimulée dans une pièce protégée d'un champ de force qui lui empêcherait même de s'y téléporter.

Mais bon, il se ressaisit : ce n'est même pas cette clef-là qu'il cherche, bordel. Il se remet au travail. Il regarde chaque clef une à une, en cherchant une en particulier sans même l'avoir déjà vue en vrai. Cependant, il sait que lorsqu'elle sera en face de lui, il la reconnaîtra, et ce grâce à un croquis que les Tweedle lui ont fait dans la matinée, pendant qu'Alice récupérait le cheveu de Togano. Après une bonne heure de recherche, Hiruma l'a trouvé. Tout comme le dessin l'indique, cette clef est noircie par l'usure, semblable que celle que L lui a donné au préalable mais plus petite, plus abîmée, et gravée des lettres ''KR'' sur le haut. Il la place dans la poche de son débardeur punk avec l'autre clef, fermant la fermeture éclair pour ne pas les perdre, et se téléporte hors de cette pièce pour rejoindre L et Edge au plus vite.




Le Chat du Cheshire entre dans la salle où Unsui, Agon et Kuro sont enchaînés. Edge et L sont avec eux. Hiruma ricane en souriant à peine, s'approchant d'eux :

« Kekeke, y a aucun garde ici, vous pouvez ouvrir vos gueules ! »

L se tourne vers lui lentement en se grattant la nuque :

« Tu as la clef ?

-Bien sûr que je l'ai... Hiruma regarde la grande pendule, qui affiche 20h47. Ouais, j'ai mis un peu beaucoup de temps, mais je l'ai. »

Il sort la plus petite clef de sa poche, mais Edge frappe vivement son bras.

« Aïe, mais t'es con ou quoi, Fuckin' Chapelier ? Hurle Hiruma.

-Ne la sors pas maintenant... murmure Edge avec sérieux derrière son regard immature.

-Pourquoi ? S'exclame Kuro en se débattant, ayant les bras engourdis d'avoir été si longtemps attachés au-dessus de sa tête. Putain, j'veux m'casser d'là !

-D'abord, continue Edge, Hiruma ferait mieux d'aller chercher vos armes. Au moins, vous pourrez vous défendre en cas d'attaque de Cavaliers Rouges : ils ne vous laisseront pas tranquilles si ils vous voient libres ! »

Hiruma, regardant Edge dans les yeux, se sent idiot de ne pas y avoir penser. À dire vrai, il a juste hâte de voir ses amis libres, de tout remettre en ordre, de sauver Alice...

« Tu sais donc ce qu'il te reste à faire, Hiruma. Dit L en lui tendant une petit sac fermé à l'aide d'un cordon. Hiruma le récupère et L continue avec un ton monocorde. C'est la Poussière de Sommeil des Tweedle, fais-en bon usage. Edge et moi avons quelque chose à faire, de la plus haute importance. Pour ce faire, nous devons attendre que Kotaro soit couché. D'après mes hypothèses, il se mettra au lit assez tôt ce soir, vers 21h00 environ. Dés qu'il dormira, on passera à l'attaque... »

Hiruma est impressionné par le calme de l'homme-loir et ses capacités de réflexion.

Rangeant ce petit sac dans sa poche avec les deux clefs, il murmure à l'intention des Tweedle et de Kuro : « Tenez bon, bande d'enfoirés. »

Tous ensemble, à l'exception de Kuro qui ne le peut pas, effectuent le geste des Rebelz, et Hiruma se téléporte près de la porte du fond pour gagner du temps.




Devant cette grande porte d'ébène noire aux somptueuses gravures, Hiruma prend une grande inspiration. Il sait ce qu'il lui reste à faire mais, malgré tout, il hésite. Et si il échouait ? Il ne préfère pas songer à cela. Il se ressaisit, pensant soudainement au sourire qu'Alice lui a fait pendant le Bal de Cœur, alors qu'ils étaient seuls tous les deux, à l'abri du reste du monde. Il se dit qu'il doit le faire, pour revoir ce sourire, même si le sien-propre risque de ne plus jamais exister. Son sombre regard vert se pose vers sa main, dans laquelle est sagement posé le sac de Poussière de Sommeil des jumeaux. L'homme-chat le place dans sa poche quelques secondes, pour détacher le foulard à damier attaché à sa queue de félin, et s'en sert pour masquer son nez et sa bouche. « Ce serait con de m'endormir aussi », pense-t-il, en reprenant le petit sac. Il ferme soudainement les yeux, se concentrant pour rester invisible. Une fois téléporté à l'intérieur de la pièce et toujours aussi transparent, il s'approche des trois gardes armés qui entourent l'immense vitrine centrale. Sous la protection de verre reposent les pistolets d'Agon et Unsui, décorés de dragons en style tribal, et la batte de baseball en métal de Kuro, toujours maculée de sang séché et ornée d'un ruban blanc. Quatre pendentifs, représentant respectivement le carreau, le trèfle, le cœur et le pique, sont accrochés à ce même ruban. Hiruma a toujours éprouvé un certain plaisir diabolique en voyant à quel point chaque Rebelz bichonne ses armes, jusqu'à les décorer. D'ailleurs, sa mitraillette lui manque atrocement.

Une fois à la hauteur des trois hommes, Hiruma dépose précautionneusement de la Poussière de Sommeil au creux de sa main, avant d'en prendre quelques pincées entre ses doigts et de l'envoyer vers eux. Voyant que les gardes étaient seulement en train de somnoler et perdant ainsi patience, Hiruma vide carrément le petit sac dans sa main, et jette le contenu en plein dans leurs visages. Complètement saupoudrés, les trois hommes tombent au sol, profondément endormis, leurs armes échappant même de leurs mains. Hiruma en profite pour réapparaître. Satisfait, il ne parvient tout-de-même pas à esquisser le moindre sourire. Il sort la plus grande des deux clefs de sa poche, celle que L a cherché toute la journée, et ouvre la vitrine. Minutieusement, il se saisit des deux pistolets, humant leur odeur d'armes à feu qui lui avait tant manqué. Il prend également la batte de baseball, puis referme la vitrine et s'en va comme un voleur avec son butin.




Il n'est que 21h23. Pourtant Kotaro dort déjà paisiblement. Le cruel Roi de Cœur est lui aussi très fatigué, il faut le dire, de devoir diriger les Rebelz et contrôler leurs attitudes envers lui. Sans oublier qu'il doit constamment s'égosiller pour que ses esclaves incapables fassent ce qu'il leur demande. Il se doit d'être à l’affût, se protéger, même si les Cavaliers Rouges le font également. Oui, lui aussi est exténué. Cela ne fait que cinq jours, six si l'on compte leur arrivée, que les Rebelz empiètent dans son Royaume, et Kotaro les craint au fond de lui. Ils ne sont pourtant pas nombreux, mais c'est leur folie que Kotaro redoute. Lui-même est aussi fou. Mais lorsque deux camps de cinglés s'opposent, c'est le plus taré des deux qui gagne. Et Kotaro le sait : sa folie n'est rien face à celle des Rebelz.

Dormant à poings fermés, au beau milieu d'un songe, il ne pense pas à cela à cet instant précis. Il rêve. Son sommeil est si profond qu'il n'entend même pas L et Edge entrer dans sa chambre par effraction, par la fenêtre. Les deux Rebelz s'approchent du lit royal, regardant Kotaro avec rage.

« J'ai envie de lui cracher dessus... chuchote Edge avec hargne.

-Tu feras ça plus tard, on a quelque chose de plus important à faire d'abord, susurre L avec un sérieux perturbant, contournant le lit de sa démarche courbée. »

Sans faire de bruit, L ouvre le petit coffre qui est posé sur la table de chevet, à l'aide d'une minuscule clef d'or qu'il a trouvé cet après-midi. La discrétion de l'homme-loir l'a en effet aidé à fouiller les moindres recoins du Château de Cœur, et à dégoter tout ce dont les Rebelz ont besoin. Il sort la couronne de son écrin, la tenant du bout des doigts, et l'observe longuement en mordillant l'ongle de son pouce. Son regard cerné se pose enfin sur Edge, qui serre les poings en tremblant. Par la pensée, il lui dit d'un ton qui se veut rassurant :

« On est obligé, Edge. Longue vie aux Rebelz. »

Il hoche la tête, comme pour donner un départ, et Edge s'exclame suffisamment fort :

« Tu as la couronne, L ?

-Oui. Elle était beaucoup plus facile à trouver que je ne l'imaginais ! »

Leurs voix doublant de volume sonore, Kotaro se tourne et se retourne dans son lit, envoyant valser sa couverture. Pour le réveiller définitivement, Edge s'écrie :

« Attention, il se réveille ! »

Alerté, Kotaro s'assoit, fatigué, frottant ses yeux munis de longs cils. Il parvient à ouvrir entièrement ses yeux, aperçoit distinctement le Chapelier Fou, puis remarque que le Loir tient sa propre couronne entre ses mains. Il sursaute et hurle :

« Que faites-vous là ?!

-Ça se voit pas ? »

La voix insolente de Edge résonne encore dans les oreilles de Kotaro, même en étant évanoui. Avant qu'il n'ait eu le temps d'appeler ses gardes, Edge lui a mis un immense coup de poing en plein visage, l’assommant brutalement. Profitant qu'il soit complètement dans les vapes, L sort de sa poche le tube-à-essai dans lequel Alice a commencé à récolter la poudre d'or. Aidé de Edge, il continue à le remplir, tenant fermement la couronne et en frottant la dorure pour prélever la poudre. Une goutte de sueur roule sur la tempe de Edge, qui se dépêche, mais s'applique. Au bout de deux ou trois minutes, le tube-à-essai est rempli à la moitié, ce qui est largement suffisant. Edge donne alors le tube à L pour qu'il le bouchonne, le place dans une poche intérieure de son manteau, et repose alors l'objet dans son étui, comme si de rien n'était. L'homme-loir, pour apaiser Alice, lui dit par la pensée :

« Nous avons la poudre. Vous ne serez bientôt plus seuls. »




Recevant le message télépathique, je me mets à pleurer, sans pouvoir me contrôler... Marshall est près de moi, sa tempe posée contre ma tête, souffrant de notre situation mais restant fièrement silencieux. Sans bruit, je lui murmure entre deux sanglots :

« Ils l'ont fait, Marshall... »

Sachant ce que je voulais dire par là, l'homme-lièvre m'a interrogé de son regard ambré, avant de laisser s'échapper une douloureuse larme. Il se colle encore plus à moi, rongé par le regret, le chagrin, et victime d'une migraine qui le scie. Il reste toujours muet, le regard haut et invincible, mais étant véritablement désespéré au fond de lui. Je frotte amicalement son dos, embrasse ses cheveux sans parvenir à m'arrêter de chialer, et prends ma liste entre mes mains, barrant délicatement ce qu'il faut :

-De la poudre d'or : The King Kotaro Red

Il ne m'en reste que trois à trouver, mais je sais au fond de moi que la mort va m'en empêcher.




Un quart d'heure aura suffi pour que Kotaro sorte de son malaise, prévienne les Cavaliers Rouges, et pour que Edge et L soient arrêtés. Les voici à présent jetés dans la cellule, à nos côtés. Sous mes yeux impuissants, certains gardes enchaînent la cheville de L à un boulet et menottent les mains de Edge devant lui. Kotaro est là, déjà habillé, la joue rougie par le coup de poing que Edge lui a donné, et nous toise en refermant la cellule solidement une fois que ses Hommes de Cœur en sont sortis. La veine de sa tempe ressort, sa terrible colère se faisant ressentir dans son regard brun.

« Ah vous jouez, hein ?! S'exclame-t-il avec de la haine dans la voix, accompagnée d'arrogance. Personne ne touche à ma couronne ! Qu'on vous coupe la tête ! »

L baisse les yeux, mordillant son pouce, l'ignorant complètement. Edge, lui, affronte le Roi de Cœur du regard, avec un sourire narquois. Kotaro se tourne vers ses Hommes et dit :

« Demain, ils seront quatre à mourir. Faisons attention au petit chaton, maintenant... »

Alors qu'il monte les escaliers avec ses troupes et sort du cachot, L murmure :

« C'est bon, ne vous cachez plus... »

Surprise, je relève la tête, dégageant doucement ma mèche du bout des doigts. Edge aussi se tourne d'un air étonné, mais Marshall est trop affaibli et reste appuyé à ma tête faiblement. Hiruma apparaît soudain, avec Kuro, Agon et Unsui, à présent tous trois libérés et armés. Je suis impressionnée : tout comme L peut envoyer son pouvoir Télépathique à qui il le décide, Hiruma peut rendre ses alliés invisibles, l'espace de quelques temps... oui, c'est L qui vient de m'expliquer tout ça, par la pensée. Je suis trop fatiguée pour comprendre ça toute seule. Comment ça, ce n'est pas une excuse valable ?!

Les trois Rebelz accourent, s'accroupissant près de la cellule, se tenant aux barreaux. Ils semblent désespérés de nous voir tous les quatre condamnés à mort...

« -Hey, la tanche, s'écrit Agon à l'intention d'Hiruma, tu nous as pas précisé que tu nous libérais pour qu'on voit nos quatre potes emprisonnés... »

Hiruma ne lui répond pas, et regarde silencieusement son bocal-pendentif contenant la Poudre de Lune. Elle est définitivement éteinte. Je verse une larme de plus, juste achevée de voir Hiruma si malheureux, lui qui possédait pourtant un sourire qui hantait mes rêves.

Pour une fois, Unsui n'a rien à rajouter suite à la réplique de son jumeau. Il nous regarde un à un, les larmes aux yeux, serrant les barreaux entre ses poings avec haine. Il aurait aimé avoir sa montre de Force Extrême, pouvoir détruire cette cellule, et nous libérer.

Kuro, quant à lui, ne regarde que moi. Je vois à sa mâchoire contractée, à ses oreilles baissées et à son regard intense qu'il est en rage. Il souffre de nous voir là. Ses yeux rubis trahissent une tristesse profonde.

Edge finit par rompre ce silence de mort, se tournant vers L, l'ombre de son haut-de-forme dissimulant ses yeux noirs : « Donne-lui quand même la poudre, au cas où... 

-Tu as raison, dit L en fouillant dans la poche intérieure de son manteau, qu'au moins nous n’ayons pas causé tout ce chaos pour rien. »

Mollement, L tend le bras vers moi, tenant le tube-à-essai contenant la poudre d'or de la couronne de Kotaro. Je récupère le tube, le place dans l'une de mes poches, et soupire tristement, tâchant d'esquisser un petit sourire pour remercier le Loir et le Chapelier. Hiruma, le cœur brisé de me voir triste et enfermée, loin de ses bras, dit en sortant une petite clef rouge de sa poche :

« Lorsque j'ai récupéré la clef qui servait à libérer Kuro et les Tweedle, j'ai retrouvé la fameuse clef que le Valet de Cœur a utilisé pour t'attacher ici, Fuckin' Brunette. Il la fait glisser dans la cellule, Edge la rattrapant sous son pied. Ce bâtard de Togano aurait mieux fait d'la garder sur lui... Il s'adresse ensuite directement à Edge. Détache-la. Faudra juste l'enchaîner de nouveau avant... avant tu sais quoi. »

Je le vois frissonner. Je tremble à mon tour. Le voir si effrayé à l'idée de notre exécution, si vulnérable, me détruit intérieurement. Edge s'approche et parvient à retirer cette immense ceinture de fer qui m'empêchait de respirer correctement. Poussant gentiment Marshall, qui me sourit en signe de compréhension, je me précipite vers les barreaux, tout près d'Hiruma. Je me déplace lentement, mes reins me faisant atrocement mal, mais je réussis à m'asseoir face à lui. Sans aucune pudeur, il caresse mes joues et dépose un tendre baiser sur mes lèvres. Je rougis, sentant que les Rebelz sont surpris.

« Ah carrément ?! » Lance Agon, avec un rire moqueur.

Je lui souris avec difficulté mais sincèrement, glissant mes doigts dans les cheveux d'Hiruma avec tristesse.




Ce lourd silence me pèse. Je lâche enfin Hiruma, en m'y obligeant de toutes mes forces. Si ça ne tenait qu'à moi, je pense que je resterais là près de lui jusqu'à ce que l'heure de la guillotine soit arrivée. Mais il faut savoir être raisonnable. Je me déplace vers les Tweedle, qui me regardent tristement. Unsui semble achevé. Agon cache cette tristesse par fierté. Je passe mes bras à travers les barreaux pour les rapprocher de moi du mieux que je le peux. C'est difficile de les étreindre, mais j'essaie. Ils semblent tous deux touchés, Agon me regardant longuement sans un mot et Unsui versant une larme. Au bout d'un léger temps à les câliner, je recule en soupirant, et me tourne vers Kuro. Il a les yeux baissés, il tremble, et tique en remuant l'une de ses narines nerveusement. Je me place en face de lui, et chuchote : « Aller, tout va s'arranger, grand frère. »

Suite à cette phrase, il plonge son regard dans le mien, sa lèvre inférieure tremblant de manière incontrôlée, et passe ses bras à travers les barreaux pour me serrer contre lui. Ses doigts s'agrippent à mon dos, ses oreilles blanches tapotant mon front. Je passe ma main dans ses cheveux pour l'apaiser, quelques larmes roulant sur mes joues, alors qu'il commence à sangloter, lui, le Rebelz qui ne pleure jamais. Le silence est rompu par une question de Edge, qui demande tout haut ce que tout le monde se demande tout bas :

« Tu te souviens de votre amitié fraternelle, ma Alice ?

-Oui... je réponds doucement. La Potion d'Oubli a retiré tous mes souvenirs, exceptée ma relation avec Kuro, pour une raison que j'ignore. Sur le coup, lorsqu'il est revenu me chercher sur Terre, je ne me suis même pas rappelée de son nom. Mais au plus les jours passent ici, et au plus cette fraternité me revient en tête. »

Kuro, à l'entente de ce discours, s'éloigne légérement de notre étreinte et murmure en me regardant dans les yeux : « Je ne peux pas te laisser là, petite sœur. »

Il l'a fait. Il s'est mis à pleurer. Une larme brillante s'échappe lentement de son œil gauche. Ma main étant toute tremblante par le chagrin, je me dépêche de sortir un tube-à-essai vide de ma poche, l'ouvrir, et le plaquer délicatement contre sa joue, attendant que la larme y coule. Alors que je referme le tube, Kuro me regarde avec étonnement, comme si ce que je faisais été inutile. Si c'est réellement ce qu'il pense, il a en partie raison. Mais c'est l'espoir qui me maintient en vie. À mon arrivée, Blue Habashira m'a donné une mission. Et jusqu'à ma mort, mon objectif est de l'accomplir.

Assez désolée d'avoir gâché ce moment d'adieu (même si je n'ai pas vraiment envie de dire adieu à Kuro, mon frère, le seul dont je me souviens), j'essuie les nouvelles larmes du Lapin Blanc avec un léger sourire triste mais bienveillant. Il chuchote, serrant les dents avec rage, secouant lentement la tête de gauche à droite :

« Comment ? Comment tu veux que tout s'arrange, putain ?

-Vous êtes quatre à être en liberté, je murmure en tâchant de garder mon calme, pour ne pas éveiller sa haine destructrice. Tant que les Rebelz sont unis, rien ne peut leur arriver.

-C'est peut être un p'tit peu fou, c'que j'vais dire. Voire carrément dingue. Mais moi, j'ai entièrement confiance en vous, mes p'tits cons. Lance Edge aux Rebelz libres, avec un petit sourire, dissimulant sa peur. »

Agon et Unsui se lancent un regard complice à cet instant, avec un sourire empli de solidarité. Kuro, touché par les propos du Chapelier, ne se sent tout-de-même pas de taille pour nous sortir de là. Il est trop apeuré, en colère et triste pour trouver une idée. Il dit :

« Non. T'as pas à me faire confiance Edge. J'suis juste inutile. J'resterai là jusqu'au bout. J'vous laisserai pas, quitte à crever avec vous.

-Ah là tu peux rêver, lance Marshall en se redressant. J'te rappelle que moi j'ai toujours mon pouvoir de Manipulation Empathique. Même en étant affaibli comme j'le suis, j'ai le moyen de vous faire sortir d'ici de force...

-Non, Marshall, fais pas ça ! S'écrie Agon en tapant du poing sur un barreau.

-On ne peut pas partir sans vous ! Surenchérit Unsui.

-Vous croyez réellement que je vous laisserai le choix ? Lâche Marshall avec un sourire.

-Bah moi, tu m'auras pas, Fuckin' Lièvre ! »

C'est Hiruma qui s'est exclamé ça. Il disparaît brutalement, pour apparaître près de moi, dans la cellule. L, pourtant habituellement si calme, s'exclame les yeux grands écarquillés :

« Non ! Hiruma, pourquoi tu as fais ça ?! 

-Il est hors de question que vous creviez sans moi... »

Je me tourne vers lui, étonnée. Edge donne un brutal coup de poing à Hiruma, qui se tient la joue fièrement suite au coup. Le Chapelier Fou crie entre deux sanglots :

« Mais t'es con putain ! Y a un champ de force, tu peux plus sortir même en te téléportant !

-Je sais, connard, c'est pour ça que je suis entré, murmure Hiruma en se massant la pommette. Il me regarde ensuite. On est arrivé ici tous les cinq ensemble, alors on reste ensemble à la Vie à la Mort. Il se tourne enfin vers les trois Rebelz qu'il a libéré. Quant à vous, prouvez qu'on vous a pas délivré pour rien, et fuyez.

-On vous laissera pas mourir ! Hurle Kuro en cognant les barreaux avec sa batte.

-Vous ne me laissez donc pas le choix... chuchote Marshall en frissonnant. »




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