♠ ♦ Alice in Wonderland ♥ ♣

Chapitre 23 : ♠ ♦ Des vies jouées à Pile ou Face ♥ ♣

1973 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 25/01/2017 17:30

Marshall lance un terrible regard à Kuro, ses yeux orange dessinés de poches se mettant à briller, possédant ainsi de beaux reflets dorés. L'homme-lapin essuie ses dernières larmes, son regard grenat étant plongé dans celui de Marshall de manière désinvolte. Tout tremblant dans sa camisole, l'homme-lièvre se concentre, esquisse un sourire nerveux en coin, et ne quitte pas sa cible des yeux. Relevant son menton avec insolence, mais ayant le cœur brisé à l'idée de manipuler l'esprit de ses trois amis Rebelz, il murmure posément de sa douce voix dérangée :

« Cassez-vous. Vous devez quitter le Royaume de Cœur, le plus vite possible. Vous irez d'abord chercher Blue Habashira, lui expliquer que nous allons nous faire exécuter, et lui dire d'aller au Royaume de Pique. Vous en profiterez pour déterrer la montre de L, qui se trouve sous le champignon de Blue. Vous prendrez également la mienne, qui est dans le trou d'un tronc d'arbre, le troisième à l'Ouest en partant du champignon. Arrivés à la Zone Carreau, vous récupérerez la montre d'Hiruma, sous une tuile du toit du local d'armes. Puis vous vous casserez au Château de Pique. Vous poserez les montres sur un meuble. Et surtout vous direz à Jumonji White que nous sommes tous les cinq condamnés à la guillotine. Barrez-vous, maintenant. »

Soudain, Kuro et les Tweedle reculent brusquement, se cramponnant à leurs armes, tentant de se débattre de l'emprise de la Manipulation Empathique. Marshall tremble encore plus, une goutte de sueur coulant sur sa tempe en même temps qu'une larme fugitive. Il lui est très difficile de manipuler trois personnes en même temps, surtout pour réaliser tant de tâches qu'elles ne veulent vraiment pas accomplir. Kuro s'exclame :

« Bordel, Marshall, fais pas ça, on peut pas vous laisser là ! Arrête ! »

Une part de lui veut rester ici, mais Marshall parvient petit à petit à contrôler son esprit. Malgré lui, il recule toujours plus, tendant une main désespérée vers la cellule. Agon se saisit du bras droit de Kuro, Unsui tenant son autre bras, tous deux aussi ne domptant plus leurs esprits. Ils tirent Kuro en arrière, en gémissant de douleur, leurs cœurs ne voulant pas partir. À sa manière toujours très calme, mais sa folie destructrice raisonnant dans sa voix, Marshall murmure : « Vous êtes l'unique chance de notre survie... Partez. »

Les trois Rebelz manipulés partent en courant, nous laissant définitivement là. La grande porte claque derrière eux.




Avec difficulté, tentant d'ignorer la souffrance de Marshall qui frissonne encore sous l'effet de son redoutable pouvoir, qu'il doit maintenir le plus longtemps possible, je sors la liste de mon corset et barre le nouvel ingrédient trouvé.

-Une larme : Bunny Kuroki

Je constate douloureusement qu'il ne reste que deux ingrédients sur la liste. Deux petits ingrédients que je ne trouverai probablement jamais, ou du moins que je ne pourrai jamais verser dans la préparation de cette putain de Potion de Mémoire. Alors c'est donc ça ? Je suis de retour au Pays des Merveilles pour y mourir lamentablement ? Là, à ce moment précis, j'aurais aimé que ce ne soit qu'un simple rêve.

« Mais ce n'en est pas un, murmure L en se tournant vers moi, mordillant son pouce droit et sa main gauche étant posée sur l'épaule tremblante de Marshall, dont les yeux sont toujours brillants.

-J'avais oublié que tu lisais dans les pensées, toi, dis-je ironiquement en rangeant la liste.

-Si Agon, Unsui et Kuro parviennent à faire tout ce que Marshall leur a ordonné, continue l'homme-loir aux cheveux noirs d'un air sérieux, nous avons une infime chance de survivre. Sois patiente, même si je sais que ce n'est pas ton fort, Alice... Le temps décidera lui seul d'être notre allié ou notre ennemi... »

Je baisse les yeux, consciente que ce que dit L est vrai. Il n'y a plus qu'à attendre. Mes yeux se posent sur l'horloge murale. Il est 22h17 très précisément. En classe à Cloverjack's School, je m'amusais à compter les heures, les minutes, les secondes même, uniquement parce que je n'avais rien d'autre à foutre. Maintenant, je décompose le temps pour profiter de chaque instant, la moindre petite seconde représentant un souffle de vie, avant que l'aube n'arrive.




Je repense d'ailleurs aux élèves de Cloverjack's School. Certes il y en a certains qu'il vaut mieux oublier mais... et mes amis ? Ils ne me verront donc plus jamais. Je ne sais pas ce qu'ils penseront, moi qui étais supposée aller à mon cours de dessin, mais j'espère qu'ils ne souffriront pas trop de mon absence. Au fond de moi, je suis persuadée que je ne manquerai à personne sur Terre. Seulement au Comte Taro Raimon, alias Monta. Je suis une fille horrible... je ne pense pas assez souvent à lui, alors qu'il a été mon seul véritable ami, aussi longtemps que je me souvienne. J'ai l'impression de le connaître depuis que je suis née, je ne sais même plus comment nous nous sommes rencontrés, nous avons grandi ensemble. Nous avions sûrement trois ou quatre ans, la première fois que nous nous sommes parlés. Même en étant plus jeune que moi de quelques mois seulement (je suis du 18 Mai, et lui du 31 Août), et étant aussi beaucoup plus petit de taille (son mètre 55 enviant mon mètre 66), il s'est toujours comporté comme un grand frère avec moi, me protégeant des p'tits salauds de la classe (dont je tairais le nom car vous les connaissez, et ça me répugne vraiment de les évoquer à quelques heures de ma mort). D'une loyauté sans faille, la détermination étant son seul mot d'ordre, il a toujours écouté ma folie et ne s'en est jamais lassé. Il faut avouer que lui aussi était un peu fêlé, et c'est le seul taré que j'ai connu sur Terre à vrai dire. Sena Kobayakawa est assez timide, et Ciel Phantomhive un peu trop sérieux. Quant aux trois mômes, je ne les ai pas assez connu, à cause de leurs jeunes âges. Cependant, Monta est différent. Il était mon compagnon de connerie, mon ami d'enfance, un grand complice qui va me manquer. Je ne lui souhaite que du bonheur.

En réalité, il me rappelle un peu Kuro. Ils se ressemblent sur un point : ils préfèrent tous deux mourir que de laisser tomber un ami. À la différence, Kuro peut devenir beaucoup plus violent que Monta, si un de ses proches est attaqué. Putain, ces mecs sont comme mes deux frères, dans deux mondes que tout oppose, et si ça se trouve, je vais bientôt perdre les deux.




Doucement, je me lève, et me dirige vers le mur du fond de la cellule, près de la ceinture de fer qui me retenait prisonnière. Je m'assois, toute recroquevillée, et fais signe à Edge d'approcher. Le blond s'exécute, avec un visage désespéré. Je déteste voir mes amis dans cet état. Mais lorsque c'est le Chapelier qui est désespéré, lui qui est habituellement si cinglé, enfantin et violent, c'est comme si tous les espoirs de ce monde s'envolaient. Il fait en sorte de cacher son regard embué de larmes derrière son haut-de-forme.

« -Tu veux déjà que j'te rattache là ? Murmure-t-il avec son habituel ton insolent, mêlé à une tristesse poignante.

-Oui s'il te plait. Au cas où un Cavalier Rouge entrerait... »

Edge baisse les yeux vers son gilet mauve et turquoise et en sort la petite clef rouge de sa poche, la plaçant dans la serrure avec hargne. Hiruma apparaît près de moi, et pose sa tête sur mon épaule en ronronnant, le cœur lacéré de voir Edge contraint de m'enchaîner.

Un cri déchirant rompt ce calme déstabilisant. Un gémissement rauque de douleur. Je me tourne vivement, et voit Marshall à genou, le front touchant presque le sol, haletant et souffrant, toussant brutalement. Il tremble comme je ne l'ai encore jamais vu trembler, sa camisole tirant ses bras avec une terrible force. Dans un élan d’inquiétude, et certainement aussi de peur, j'ai tapé l'épaule de Edge pour qu'il cesse de m'enchaîner, et j'accours vers Marshall, suivie du Cheshire et du Chapelier, alors que L tente de le relever.

L'homme-lièvre convulse légèrement, comme s'il venait de recevoir une décharge électrique, et semble être un poids mort étant donné comment L galère à le faire s'asseoir. Aidé de nous autres, il parvient à le redresser. Morte d’inquiétude, je pose mes mains sur les joues pâles de Marshall, remarquant que ses yeux ne brillent plus, si ce n'est à cause de ses larmes de douleur. Sa lèvre inférieure tremble malgré lui.

« -Qu'est-ce-qu'il y a Marshall ? Demande Hiruma. C'était trop difficile de contrôler trois Fuckin' esprits en même temps, nan ?

-Non... non... parvient-il à répondre, les yeux baissés. Il relève enfin son regard orange vers nous et dit avec rage. Les Cavaliers Rouges ont volé ma montre... J'ai perdu mon pouvoir. »




Le regard noir de L s'est brusquement baissé, l'homme-loir étant à son tour pris d'un frisson d'angoisse. Essuyant une larme de Marshall avant de le serrer contre moi pour apaiser son chagrin et sa souffrance, je me rends compte qu'Edge serre les poings :

« Ce connard... Il devient de plus en plus puissant ! S'exclame-t-il avec rage en passant une main nerveuse dans ses longs cheveux blonds coiffés en l'air, après avoir retiré son chapeau.

-Il ne lui manque que ma montre, et celle de L, murmure Hiruma, frottant amicalement sa joue contre l'épaule de Marshall, tel un véritable chaton.

-Ce n'est pas à cela qu'il faut penser ! Lance L, la colère ayant pris le dessus sur son calme habituel. Si la montre de Marshall est entre les mains de Togano Heartace, c'est qu'il ne manipule plus les esprits des Tweedle et de Kuro, et donc qu'ils vont devoir accomplir leurs tâches par la force de leurs propres volontés. Et étant donné leurs réactions bouleversées lorsqu'ils ont quitté ce cachot, selon mes hypothèses il n'y a que 25% de chances qu'ils fassent ce que Marshall a ordonné.

-Arrête avec tes statistiques, L... j'ai lâché sous la tristesse, la haine, et la fatigue. Il n'y a pas que les chiffres dans la vie. Kuro, Agon et Unsui sont nos amis, ils savent qu'ils ont nos vies entre leurs mains, comme s'ils les jouaient à Pile ou Face. Moi, je leur fais entièrement confiance. Ils vont faire tout ce que Marshall a dit, et nous sortiront d'ici vivants. »

Après avoir déposé un bisou sur la joue de Marshall, qui s'est faiblement relevé, je retourne près de la ceinture de fer, que Edge a définitivement attaché cette fois-ci. Je vois dans son regard qu'il est très en colère, que la folie le guette. Il range la clef dans sa poche, serrant la mâchoire, en silence. Hiruma reste au côté de Marshall quelques secondes, attendant que Edge prenne sa place pour venir près de moi. Il pose sa tempe contre ma tête, en ronronnant. Il ne sourit plus du tout. Je prends sa main, les yeux clos par l'épuisement.

« Maintenant, puisque tu es si confiante, attendons. Murmure L, se recroquevillant... » 


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