♠ ♦ Alice in Wonderland ♥ ♣
Chapitre 20 : ♠ ♦ Aussi fêlé qu'une vieille tasse de thé ♥ ♣
3174 mots, Catégorie: T
Dernière mise à jour 23/01/2017 16:15
Après l'avoir conduit dans la chambre où l'on s'est tous changés pour qu'il retrouve sa tenue d'origine, Kotaro jugeant que ''ses couleurs étaient souillées en étant portées par un tel abruti'', les Cavaliers Rouges resserrent les sangles de la camisole de Marshall, le jetant au cachot. Le sous-sol du château de Cœur est aussi froid qu'une tombe. Frileuse comme je le suis, j'ai du mal à accepter le fait que Marshall doive y rester... surtout pour être guillotiné une fois sorti de là ! Nous devons tous faire quelque chose. Mais pour le moment, je n'ai aucune idée... C'est Togano qui l'a jeté au sol comme une peluche délaissée par un enfant, avant de refermer les barreaux entre Marshall et nous dans un grincement aigu crispant. Après avoir verrouillé l'immense cadenas et l'avoir protégé par de nombreuses gouttes de Potion de Champ de Force, le Valet de Cœur me regarde tristement en voyant ma mine désespérée, puis s'en va du cachot, nous laissant là face à notre ami prisonnier.
« Vous avez encore trois jours pour lui dire ''Adieu''. »
La voix de Togano résonne encore dans le cachot tout entier pendant qu'il monte les escaliers. Alors que j'allais me soucier de mon ami, je constate tout d'abord que cette cellule est beaucoup trop grande pour lui seul... Je trouve ça assez étrange.
« C'est parce que cette cellule est réservée aux Rebelz, Alice, dit L dans mes pensées. Kotaro ne rêve que d'une seule chose : qu'un jour nous soyons, tous autant que nous sommes, enfermés là-dedans. Mais toi et moi savons bien que cela n'arrivera jamais. »
Suite à cette explication qui fait froid dans le dos, je hoche la tête à l'intention de L, puis me jette à genoux devant la cellule, tendant ma main entre deux barreaux.
« Marshall, approche-toi... Tu peux y arriver... »
Difficilement, l'homme-lièvre se redresse sur ses genoux dans un gémissement de douleur, et se rapproche de moi, me laissant caresser sa joue à travers les barreaux. Son regard de feu est empreint d'un désespoir qui me scie le cœur en deux. Je murmure :
« On va te sortir de là, ne t'en fais pas. Certes tu es isolé, mais on est pas loin, d'accord ?
-Je sais Alice, chuchote-t-il avec un sourire, je crois en vous tous. Mais ne pensez pas qu'à moi, faites attention à vous, et libérez d'abord Kuro et les Tweedle.
-On s'en fout de nous ! S'exclame Hiruma. On aidera ces trois-là à s'échapper, et toi on te fera sortir de là. En attendant ne faiblis pas, hein, t'es plus fort que ça Marshall. »
Marshall, malgré son beau sourire sombre, verse une fine larme, que je m'empresse d'essuyer.
Je me relève lentement, me faisant violence pour m'éloigner de mon ami. Je me tourne vers Hiruma, alors que Edge et L s'approchent de Marshall pour le rassurer. Les Tweedle et Kuro, quant à eux, ont été de nouveaux enchaînés dés l'arrestation de l'homme-lièvre, ''par mesure de sécurité'' comme me l'a tristement dit Togano. Il fait le mec triste, mais je sais qu'au fond il s'en fiche pas mal.
Hiruma a les yeux baissés, et il est silencieux. Je m'approche de lui et lui murmure :
« Ça va aller, on va sortir Marshall de là. On va trouver une idée ! »
Il relève son regard vers moi. Il semble désespéré. Son sourire est quasiment inexistant. Mon cœur en reçoit un immense coup. Hiruma remarque que je suis attristée, et se saisit lentement de son collier. La Poudre de Lune dans le bocal-pendentif semble différente : elle brille beaucoup moins qu'avant. Malgré tout, l'homme-chat replace le collier, esquisse un grand sourire et lance : « Aller, vous inquiétez pas !
-Quoi ? Lance Edge. Tu as une idée pour sortir Marshall de ce cachot de merde ?
-Pas encore, continue Hiruma, mais ensemble on va trouver. Et ce en moins de temps qu'il nous en faut pour dire ''Fuckin' Gâchette Facile'' ! »
Hiruma lance un regard espiègle à Marshall en disant ça, faisant naître un léger sourire sur les lèvres de ce dernier. Edge finit par sourire, lui aussi, en baissant son haut-de-forme devant ses yeux. Toute aussi souriante, je m'assois de nouveau près de Marshall, pour lui caresser les cheveux amicalement. L lui chuchote, un brin satisfait :
« Oui, cela ne fait aucun doute. Nous trouverons le moyen de te sortir de là. »
Le lendemain, les Tweedle m'ont aidé à détruire la balle perdue de Marshall, pour en récupérer la poudre. Alors qu'Unsui la place minutieusement dans un de mes tubes à essai, il me demande : « Il va bien Marshall ? Il a pas trop perdu la tronche ?
-Il est pas encore aussi fêlé qu'une vieille tasse de thé ? Demande Agon à son tour.
-On va dire que ça va, je murmure en plaçant délicatement le tube rempli de poudre de balle dans l'une de mes poches. Il nous fait confiance pour trouver un plan. Mais je vous cache pas que pour le moment, nous n'avons aucune idée...
-Ça va venir, lance Kuro, assis en tailleurs avec les poignets attachés au-dessus de sa tête. Vous avez encore demain et après-demain ! Je sais que L ne va pas tarder à trouver une idée géniale. Mais surtout, assurez-vous que Marshall ne devienne pas fou par l'emprisonnement. Sinon, c'est son propre esprit qui sera manipulé par lui-même... »
Tout en écoutant attentivement les conseils de mes amis prisonniers, je barre la ligne correspondante sur ma liste d'ingrédients, contente d'en avoir un de plus, mais jugeant que je suis très loin d'avoir terminé.
-La poudre d'une balle perdue : Marshall Tokuchi
Soudain, je me relève, si brusquement que j'ai failli me casser la gueule.
« Oh putain, y a deux ingrédients que je ne peux trouver qu'ici moi ! Je plie la liste, la range au même endroit que d'habitude (dans mon décolleté) et m'écrie à l'intention de mes trois amis. J'vais les chercher ! Merci encore pour votre aide. Longue vie aux Rebelz ! »
Les jumeaux me regardent partir en cavalant, après avoir effectué le fameux geste du camp. Kuro a ses yeux rouges baissés et sourit malicieusement. Unsui a les yeux grands écarquillés. Agon, lui, remue lentement la tête de droite à gauche d'un air enjoué. Les trois lancent à l'unisson, alors que je m'éloigne de plus en plus : « Sacrée Alice ! »
Ma course effrénée est stoppée par Togano, marchant bien droit au milieu d'un des nombreux couloirs du château, dans le sens contraire au mien. Il me sourit.
« Oh, bonjour Alice. » Je le toise, avec un regard noir, et me tourne un peu pour le contourner. Il m’attrape le bras, soudainement triste. « Attends ! »
Je retire violemment mon bras, ma mèche barrant mon regard assassin. J'ai une cruelle idée.
« Quoi ?! Je te signale que c'est par TA faute si je suis pressée ! Je dois aider Edge dans ses tâches car, au cas où tu l'aurais oublié, il ne peut plus les effectuer seul car il n'a plus de montre ! Et je dois aussi prendre soin de Marshall, afin qu'il ne sombre pas dans la folie ! Mais ça, ça t'est complètement égal ! La souffrance des Rebelz est bien le cadet de tes soucis, tu l'as même voulue ! Tu sais quoi ? Je sais même pas pourquoi je te parle encore ! »
Alors que je m'apprête à partir une seconde fois, il m'attrape cette fois-ci les épaules fermement et me maintient face à lui. Je ne le quitte pas du regard.
« -Alice, s'il te plait, ne m'ignore pas...
-Je t'ai assez pris en considération comme ça, depuis mon retour au Wonderland. Et je n'aurais jamais dû, dis-je en me débattant.
-Tu sais mieux que moi que je fais ça parce que j'y suis obligé !
-C'est toi, et toi seul, qui as voulu devenir le Valet de Cœur !
-Pas en échange de ma vie, Alice ! »
Un silence de mort règne soudain. La curiosité s'affiche sur mon visage, alors qu'il lâche mes épaules. Il baisse les yeux, arrange ses lunettes de soleil et prend une grande inspiration. D'un regard plus calme, je l'encourage à s'expliquer. Il murmure, avec peine :
« -Je pensais que tu devinerais, Alice. Si j'abandonne ce poste, Kotaro me tuera. Certes, j'avais onze ans, et lui treize, quand j'ai rejoint le Royaume de Cœur. Mais c'était tout de même un Pacte de Vie ou de Mort qui nous liait depuis ce jour, même si nous n'étions que des gosses. Si je faiblis, ou le trahis, je peux être assuré d'avoir la tête tranchée et enfermée dans une cage, fièrement exposée au-dessus de son trône d'or... »
Il tremble, en disant ça... Je suis, au fond, prise d'un certain remord, un remord qui me tord le ventre. Mais... mais je dois me jouer de lui, encore un petit bout de temps. Je ne vous cache pas que, après ce qu'il m'a dit, c'est moi qui ai à présent peur de mourir en m'amusant avec ses sentiments. Cependant, je n'ai pas le choix.
Je prends ses mains, le regardant plus gentiment, plus affectueusement.
« Excuse-moi Togano, j'ai... j'ai dis tout ça sous la colère. Je m'inquiète pour les Rebelz.
-Je comprends, ce n'est rien, il lève ses yeux vers moi, je ne veux pas te perdre tu sais.
-Ce n'est pas ce que je veux non plus... Je tiens à toi.
-Moi aussi. »
Il rougit, et ne dit rien. Je le regarde, gênée. Gênée car nous sommes tout près, l'un de l'autre. Lui étant probablement en train de tomber amoureux. Moi étant en train de faire saigner son cœur. Lentement, il pose ses mains sur mes joues, et les caresse, dégageant doucement ma mèche. Je frissonne, et fais de même, en plaçant ses lunettes sur sa tête, pour mieux plonger mon regard dans le sien.
Soudainement, il se penche timidement et dépose un petit baiser sur mes lèvres. Faisant mine d'être étonnée, quoique je pense l'être véritablement, je l'embrasse une deuxième fois. Mais cette fois, il reste, et savoure le baiser en collant mon corps au sien. Il a les yeux clos, moi non. Je caresse ses cheveux, y passant plusieurs fois ma main, jusqu'à en saisir un ou deux. Ils sont doux, ses cheveux, à tel point qu'ils ne tombent pas facilement ! Plaçant ma main gauche sur sa joue et commençant un nouveau baiser plus fougueux, je tire rapidement une fine mèche de cheveux, caressant toujours sa joue pour ne pas qu'il sente la douleur. Il rompt soudainement le baiser en s'éloignant, la respiration haletante et les yeux embrumés.
Je le regarde aussi, rougissant sûrement malgré moi, et esquisse un petit sourire en finissant par baisser les yeux. Il tourne également le regard, remettant ses lunettes sur son nez. Je garde ma main droite derrière mon dos, tenant les trois ou quatre cheveux arrachés et sautant de joie intérieurement. Il se saisit délicatement de ma main gauche et y pose ses lèvres avant de me chuchoter en reculant : « À plus tard, peut être, Alice.
- Oui, à plus tard, Togano. »
Je suis toujours gênée. Mais cette fois-ci parce que je me sens affreusement manipulatrice.
Mais bon, en sentant ses quelques cheveux que j'entortille entre mes doigts, je pense que mes remords vont très vite s'envoler. Ouais, on peut le dire, je suis une sacrée garce...
Il me sourit, puis s'en va silencieusement. Je le regarde partir, en effectuant une révérence polie. Puis, je me retourne, sort un tube à essai et y place la légère mèche de cheveux. J'appuie ensuite ma liste contre un mur, barre la ligne concernant cet ingrédient, et m'en vais joyeusement, en sautillant comme une gamine, en chantonnant l'air d'une chanson que me chantait Kuro lors de ma première visite et dont étrangement je me souviens.
Peut être qu'au fond, ce n'est pas Marshall le plus ''fêlé'' de tous ici. J'ai l'impression de le suivre à la trace, à ma façon.
-Un cheveu : Togano Heartace
Je descends lentement les escaliers qui mènent au cachot, le bruit de mes bottines prévenant sûrement les prisonniers de mon arrivée. Enfin, pour le moment, il n'y en a qu'un, de prisonnier. Kotaro est plutôt du genre à tuer ceux qui se mettent au travers de sa route directement, sans les enfermer d'abord. Vous pensez peut être que c'est une chance, qu'il ait laissé trois jours à Marshall, nous permettant de trouver une éventuelle solution. Mais si il a fait ça, c'est pour que l'homme-lièvre devienne dingue par l'emprisonnement, étant en plus de cela limité dans ses mouvements. Et surtout, pour qu'il se torture mentalement en sachant qu'il va très certainement mourir.
Je m'assois près de la cellule, me tenant aux barreaux, et le regarde. Il est allongé sur le côté, me tournant le dos, et je l'entends se parler seul. Il est tout tremblant, ses bras doivent lui faire si mal en étant maintenus derrière lui. Je parie qu'il ne les sent même plus.
« Marshall, je l'appelle en posant une assiette garnie de friandises et une tasse de thé encore chaude à côté de moi. C'est moi, Alice. Approche. »
Avec difficulté, en lâchant un rire nerveux, Marshall se relève doucement et rampe jusqu'à moi. Il murmure distinctement, me fixant avec un regard vide, les poches sous ses yeux étant encore plus marquées : « Plus que demain, après-demain, et quand l'aube se lève, je crève. »
Il appuie son front aux barreaux, contre mes doigts. « Je crève putain... »
Je pose mes mains sur ses joues et chuchote d'une voix qui se veut rassurante :
« Dis pas de bêtises. On va te sortir de là, reste fort. Je t'ai apporté à manger et à boire.
-S'te plait, Alice... donne-moi à manger d'abord. »
Je prends le plus gros morceau de tarte à la framboise, passe ma main entre les barreaux, et l'aide à manger, plaçant mon autre main sous son menton pour ne gaspiller aucune miette, et aider mon ami à se rassasier.
Voir Marshall reprendre légèrement vie en entendant ma voix, en mangeant plusieurs pâtisseries et en buvant un thé comme s'il s'agissait de la dernière gorgée de sa vie m'a fait du bien, tout en me causant un énorme pincement au cœur. C'est avec difficulté que je me suis forcée à le quitter, le laissant ainsi dans sa cellule, pour retourner à mon travail. Dans les escaliers, je croise la route de Edge, qui descendait en courant, avec une théière à la main. Théière qui a failli finir explosée en mille moreaux sur le sol.
« Hey, Alice, attention ! S'écrie-t-il en riant.
-C'est toi qui cours et c'est moi qui dois faire attention ? Je surenchéris de bon cœur.
-À ce que je vois, tu as été plus rapide que moi, pour prendre soin de la Gâchette Facile.
-Oui, mais tu peux tout de même rester un peu avec lui, ça lui fera du bien.
-Je sais, je comptais pas repartir, il regarde la théière. J'vais boire ce thé tout seul du coup, quoique je pense qu'il ne cracherait pas sur une tasse supplémentaire. »
Il marque une petite pause, sourit tristement puis me regarde. Il chuchote d'un air grave :
« Tu n'as toujours pas d'idée, Alice ?
-Non... Je suppose que toi non plus...
-Nan, il secoue la tête puis s'exclame avec rage. Putain, j'étais rassuré et confiant. Ton retour signait l'immortalité du Pays des Merveilles. C'est un renouveau que l'on attendait. Et à cause de Kotaro, la prophétie semble totalement foirée. Le Wonderland a beau être éternel à présent, si la mort guette les Rebelz, tout ça n'aura servi à que dalle. »
Il baisse les yeux, son splendide haut-de-forme cachant son regard d'ébène. Il me prend soudainement les mains, les yeux brillants de larmes. Moi aussi, je pleure. Ouais, je ne comprends pas leur prophétie, et estime que ce n'est pas le moment de questionner les Rebelz à ce sujet. Mais je ne suis pas idiote et partage sa douleur. Je la ressens aussi. Il me regarde, une touche d'espoir s'ajoutant dans ses yeux.
« Si seulement on trouvait une solution. Pour le sauver. Même TOUS nous sauver. J'étais un Chapelier juste badass, avant ! Je vous laisse imaginer ma tête face à ce mot inconnu, mais il continue. Mais maintenant je ne suis qu'un bon-à-rien. J'suis même pas capable de trouver une idée... Bordel, je sers à rien !
-Ce n'est pas de ta faute, Edge, je murmure en posant ma main sur son cœur. Tu sais autant que moi que Kotaro fait exprès de nous affaiblir. Il vole vos montres, emprisonne nos amis, confisque leurs armes, nous menace de mort... Il fait tout pour que l'on baisse les bras, que l'on faiblisse et que l'on doute de nous, comme tu es en train de le faire. Mais ça ne se passera pas comme ça, Edge ! On doit lui prouver ce qu'on vaut ! »
Comme le jeune Chapelier a toujours les yeux rivés vers ses chaussures punk dépareillées, les mains dans les poches, je relève son menton pour le forcer à me regarder, et lui souris. Il finit par esquisser un léger sourire lui aussi.
« Tu as raison, on va pas se laisser abattre. Il veut nous anéantir. Mais il ne nous aura pas facilement, il prend mes mains une nouvelle fois, pas tant qu'on sera unis face à lui. C'est qu'une pauvre merde, on lui pisse dessus nous ! »
Il rit comme un gamin suite à ça, et moi aussi d'ailleurs. Il me soulève ensuite à quelques centimètres du sol en me serrant contre lui, et me repose sur la marche sur laquelle j'étais. Il incline son chapeau pour me saluer et chuchote avant de rejoindre Marshall :
« Tu m'avais manqué, Alice. Beaucoup manqué. »