♠ ♦ Alice in Wonderland ♥ ♣

Chapitre 19 : ♠ ♦ Trop sages pour être Rebelz ♥ ♣

4734 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 23/01/2017 13:26

« Dépêche-toi putain ! On va être en retard au dîner royal ! »

Ça vous étonne si je vous dis que c'est Kuro qui vient de crier ceci, avec son éternelle peur d'être en retard ? Il a gueulé ça à Hiruma, qui fait -encore- la sieste sur le divan au lieu de se préparer pour le Bal de Cœur qui a lieu ce soir. Nous y sommes conviés seulement parce que nous sommes au château en ce moment en tant que serviteurs. Ne pensez surtout pas que c'est une sorte de buffet de réconciliation, loin de là.

C'est notre troisième jour dans ce satané royaume, et c'est aujourd'hui la date anniversaire du couronnement de Kotaro. Cela fait maintenant seize ans qu'il est Roi, du haut de ses dix-neuf balais. Oui, on est d'accord, on n'en a rien à faire, au fond. Mais bon, puisqu'on est là, autant profiter de la fête, non ?

Tous les Rebelz et moi-même sommes actuellement dans une chambre -trop petite pour tous nous accueillir-, afin de changer de tenues. Bien sûr, il va falloir que nous portions les couleurs du Royaume de Cœur, idée qui répugne tous les Rebelz, vous vous en doutez. C'est la raison pour laquelle les Tweedle et Kuro sont là, en liberté avec nous. Ce dernier est d'ailleurs déjà prêt, tout comme L. Je ne vous cache pas que ça fait très bizarre de les voir avec leurs tenues habituelles, mais revisitées façon Kotaro, parsemées de cœurs, d'or et d'argent. Les seules couleurs permises sont le rouge, le noir et le gris. Le blanc y est aussi, mais en quantité ultra-minimale.

Moi, je suis derrière un paravent, car au cas où vous l'auriez oublié, bah je suis la seule fille ici ! C'est pas que je suis pudique, mais y a des limites quand même ! Je retire ma robe bleue et la pose sur le rebord. Elle est lourde, à cause des tubes à essais contenant les ingrédients. D'ailleurs, j'ai peur que les Cavaliers Rouges fouillent nos vêtements pendant que nous ne les surveillons pas. Je fais part de cette crainte à Edge, qui enfile un sublime haut-de-forme, rouge certes mais magnifiquement décoré. Il me répond avec assurance :

« T'inquiète, ma belle. Personne ne fouillera nos fringues. Au Bal de Cœur, tout le monde s'amuse, même les plus bas esclaves. Les gardes n'auront pas le temps de fouiller, juste de se bourrer la gueule. Tes ingrédients craignent rien. D'ailleurs, quels ingrédients ?! »

Il se retourne vers moi avec un petit sourire espiègle et un clin d'oeil qui, aussi étonnant que cela puisse paraître, m'ont beaucoup rassuré au fond de moi. J'enfile ma nouvelle robe, qui a une coupe assez étrange que je n'avais jamais vu avant et me montre à mes amis.




« Euh, les garçons, vous en pensez quoi ? »

Je m'avance timidement, sortant de ma cachette qui n'était que ce somptueux paravent orné de grenats et de rubis. Les Rebelz se tournent vers moi. Je ne peux pas m'empêcher de remarquer Hiruma rougir, dans sa nouvelle tenue, en tentant de rester indifférent avec son petit sourire aux lèvres. Sa réaction m'a énormément fait plaisir, au fond de moi, mais je tente de le cacher. Seul L peut le savoir, en lisant dans mes pensées. Ce dernier murmure :

« Cela te va à ravir, Alice.

-Quoi ? C'est tout ?! Hurle Edge en me regardant. Elle est magnifique tu veux dire ! »

Là, pour le coup, c'est moi qui ai dû rougir, en baissant légérement les yeux. Je murmure :

« Je ne connaissais pas ce genre de robe. Je suppose que c'est ça le ''rockabilly'' ?

-Exactement, dit Kuro, les mains derrière la tête en souriant. Tourne un peu pour voir ! »

Je fais un petit tour sur moi-même, et Kuro se met à siffler pour s'amuser. Alors que je ris de bon cœur avec mes amis, les Tweedle entrent dans la pièce, fin prêts. Unsui enfile sa casquette, et hoche la tête en souriant en me voyant tourner : « Pas mal du tout ! »

En attachant négligemment ses rastas, Agon se rapproche de moi d'un air enjôleur et me colle contre lui : « Mais c'est que tu es canon, ma belle Alice ! »

Je pose mes mains sur son torse, pour plaisanter avec lui et dans un même temps essayer de me dégager : « Oh, Agon, ne dis pas n'importe quoi ! C'est toi le plus ''élégant'' ce soir ! »

Face à cette référence au tyran que nous détestons tant, nous éclatons de rire, moqueurs. Agon finit par me lâcher, me laissant m'asseoir près d'Hiruma et L sur le divan. Hiruma est assis bien droit, les jambes croisées. L a ses genoux contre son torse, le pouce à la bouche. Moi, j'ai mon menton appuyé dans mes mains, mes coudes étant posés sur mes genoux.

« Les mecs, dis-je en me redressant, pourquoi vous avez droit à des tenues identiques aux vôtres, seulement avec des couleurs différentes, alors que moi j'ai une tenue complètement à l'opposé de ce qui me plait... ou du moins, de ce dont j'ai l'habitude de porter ?

-C'est juste parce que tu vas ouvrir le Bal en dansant avec Kotaro... lâche L, d'une intonation beaucoup trop sereine.

-Pardon ?! »

Les yeux grands écarquillés, je me tourne vers Kuro, mon frère fidèle, mon plus grand soutien... qui est littéralement en train de convulser tellement qu'il est mort de rire.

« Mais je n'ai pas envie de danser avec... lui ! »

Tous les Rebelz rient. Ce n'est pas méchamment moqueur, je sais que c'est de bon cœur. Donc malgré le trac qui s'est emparé de moi à l'idée de cette danse, je ris avec eux.




« Au fait, Edge, où est Marshall ? », je demande soudainement. Pour toute réponse, le jeune Chapelier me désigne la petite salle de bain située à côté de la chambre. Kuro y entre, en râlant entre ses dents un ''Il me casse les couilles celui-là''. Il demande au concerné :

« Tu t'habilles pas Marshall ?

-Nan... J'ai pas envie d'assister à ce putain de bal. »

Marshall arrive dans la chambre, sa cigarette entre les lèvres, toujours dans sa tenue habituelle. C'est le seul qui n'est pas prêt. Kuro le suit, en se mordant le poing. Dans mes rêves, l'adorable petit lapin blanc ne semblait pas si colérique !

Marshall s'assied sur le lit central, cachant son visage derrière ses mains. Je pense qu'il ne se sent pas bien. Je m'assois devant lui, sur mes genoux à même le sol, et pose mes mains sur ses épaules. Je remarque qu'il a seulement changé de chapeau, je suppose qu'il n'a pas eu la force d'enfiler le reste. « Aller Marshall, on est tous là. Dis-moi ce qui ne va pas ? »

Lentement, il relève ses yeux orange vers moi, tire une latte et prend soin de pas me recracher la fumée au visage. Il chuchote : « Rien. J'veux juste pas y aller. Ces enfoirés méritent pas qu'on se déplace pour leur fête de merde. J'veux juste rester ici. »

Le calme de sa voix douce contraste avec la peine et la détresse que je sens dans son regard. Je prends ses mains. « Marshall. N'y vas pas pour eux. Vas-y pour nous. Pour toi. »

Je pose sa nouvelle tenue sur ses genoux. « Regarde, t'as encore des motifs jacquard ! »

Faiblement, il m'adresse un sourire. Il se lève en portant ses affaires, écrase sa cigarette, et va se préparer dans la salle de bain.

« Qu'est-ce-qu'il a à votre avis ? Je demande inquiète.

-C'est le timbré du groupe, Alice, murmure Hiruma en apparaissant à côté de moi. Il est calme, lent, serein. Mais il dissimule une grande haine et un esprit de rébellion immense. C'est le Lièvre de Mars, il est en train de devenir encore plus dingue qu'il ne l'est déjà... »




« Bienvenue à tous au grand Bal de Cœur ! »

Sans vous mentir, il me semble que c'est la première fois que je vois Kotaro Red si sincèrement joyeux. Il m'a l'air euphorique et jovial, juste heureux d'être au centre de cette fête qui lui est dédiée. Debout sur son trône (oui...), il lève les bras d'un air théâtral plus qu'exagéré et continue son discours.

« Merci à vous tous d'être ici présents ! Ces seize années en tant qu'élégant Roi du Royaume de Cœur resteront à jamais gravées dans ma mémoire et mon cœur.

À présent, célébrons cela tous ensemble ! Une pointe de cruauté s'installe dans sa voix en posant son regard sur nous, les Rebelz, isolés dans un coin de la pièce. Et ne vous amusez pas à gâcher ma cérémonie, à moins que vous ne vouliez avoir la tête coupée. 

Que le Bal de Cœur commence ! »

Il descend de son trône en faisant valser sa cape et s'avance fièrement vers la foule, les obligeant à s'écarter de son chemin d'un geste de main hautain. Le menton relevé et un sourire en coin, il s'approche de moi. Je déglutis avec difficulté. Agon et Unsui se prennent un violent fou-rire en voyant mon air affolé, Unsui se cachant poliment derrière sa casquette, Agon hurlant de rire et s'en foutant royalement que je l'entende s'foutre de moi.

Silencieusement, Kotaro tend sa main vers moi, avec un sourire à la fois impatient, séducteur, et narquois. « M'accordes-tu cette danse, très chère Alice ? »

Gênée par ce silence de mort et tous ces regards tournés vers moi, qu'il s'agisse des yeux de Cavaliers Rouges, de Rebelz, de majordomes arrogants, de sujets lèche-bottes ou d'esclaves affaiblis, je parviens seulement à poser mes yeux sur sa mitaine en cuir rouge cloutée. Après une longue inspiration et un petit regard lancé à Togano qui me sourit de loin, je finis par poser ma main dans la sienne. Kotaro est visiblement satisfait, arrange sa mèche d'un geste de nuque et me conduit jusqu'au centre de la salle. À ce moment précis, j'ai juste envie d'aller me cacher. Je ne sais absolument pas danser.

Avant d'apporter cette précision à Kotaro, je regarde les Rebelz avec détresse. Kuro se retient visiblement de rire, ses lèvres pulpeuses étant écrasées contre son poing et ses yeux rouges pleins de larmes. L me fait son étrange petit sourire, à la fois mignon et bizarre. Edge a les bras croisés et me fait un clin d'oeil pour me rassurer. Les Tweedle sont toujours pliés de rire. Marshall, lui, a le regard perdu dans le vide avec un léger sourire terrifiant, ce qui me rend assez inquiète à son sujet. Quant à Hiruma, il ne faut pas que je le regarde, ce serait bête de tressaillir maintenant, déjà que je suis tourmentée à l'idée de cette danse. Je me décide enfin à regarder Kotaro, qui fait bien deux têtes de plus que moi. Ses yeux chocolats sont plongés dans les miens. Je dois être rouge comme ma robe. Non pas parce qu'il m'intimide, mais pour la foule, en réalité. Bon, je me lance :

« Votre Majesté, sans vous mentir, je n'ai jamais dansé de valse de ma vie...

-Qui a parlé de valse ?! Murmure-t-il avec un sourire enjoué. Il s'exclame soudain à ses musiciens, qui possèdent des instruments étranges. Balancez-moi un rock'n'roll, come on ! »

Et là, sans même que je ne puisse comprendre ce qu'il m'arrive, Kotaro me fait tourner sur moi-même, puis autour de lui, puis m'a porté, et m'a reposé, et a tourné, et a fait des pas compliqué et extrêmement rapides !

La forte musique de ''guitares électriques'', de piano et de puissantes percussions a complètement brouillé mon esprit, me faisant oublier l'important nombre de personnes nous regardant danser. Je n'entends même plus les rires des Tweedle, si ce n'est de très loin. C'est comme si il n'y avait que Kotaro Red et moi-même dans cette salle.

Bref, sur cet air de ''rock'n'roll'' endiablé, je me suis défoulée, et me suis plutôt bien amusée en effectuant ces plusieurs pas rythmés avec le Roi de Cœur, profitant qu'il ne me porte pas pour m'étrangler au-dessus du sol mais pour que l'on s'éclate !




« Waouh ! Ça c'était un élégant rock'n'roll qui décoiffe, Alice ! »

Je me tourne vers Kotaro, qui arrive vers moi en se déhanchant fièrement, un peigne à la main. Essoufflée et encore sous l'euphorie de la danse, je termine mon grand verre d'eau avant de me placer correctement face à lui et de faire une petite révérence polie.

« Tout le plaisir était pour moi, Votre Altesse. »

Je lâche un petit rire nerveux. Maintenant que nous avons fini de danser, je suis un peu plus gênée, réalisant que tout le monde m'a vu en train de me lâcher, quelque peu aux bras de mon adversaire. Mais tant pis, je ne peux pas revenir en arrière de toute façon. Kotaro, après avoir recoiffé délicatement sa mèche, ferme son peigne dans un petit ''clic'' et le range dans la poche de sa veste. Il me regarde avec curiosité et un mauvais sourire.

« Je ne te comprendrai définitivement jamais Alice...

-Je suis un vrai mystère, Votre Majesté. Mais ce n'est pas ce soir qu'il faut m'élucider. Allez donc vous amusez à votre Bal de Cœur. »

Ayant repris mes esprits, j'esquisse un sourire des plus sincères, cachant un certain jeu espiègle qu'il n'a pas réussi à lire. Après m'avoir combattu du regard, il hausse un sourcil en ne perdant pas son sourire, et finit par se mêler à la foule pour profiter de la fête qui lui est réservée et se faire remarquer comme il le fait si bien.

« Tu danses vraiment bien, en fait ! »

Je sursaute, surprise, et me tourne vers Togano, que j'avais reconnu à sa voix grave si virile.

« Merci, je murmure en souriant. Je m'efforce ensuite à fuir son regard d'ébène. Je lâche un petit rire. J'aurais préféré danser avec toi, tout-de-même.

-Oh... moi aussi j'aurais bien aimé, dit-il en se grattant la nuque avec un petit sourire. Il arrange soudainement ses lunettes. En tout cas, passez tous une bonne soirée. »

Suite à cette phrase, il prend ma main doucement et y dépose un baiser. Je cache ma bouche derrière mon autre main, le poing fermé, faisant mine d'être agréablement gênée. Je le suis même un petit peu, en vrai. Mais pas ''agréablement''.

Car ça me ronge de me jouer de lui. Il ne m'a rien fait à moi...

« Pourquoi tu dis ça ? Je demande en retirant lentement ma main. Tu t'en vas ?

-Euh, oui. J'ai une mission en extérieur avec plusieurs troupes, donc je vais rater le Bal. Du moins le début. Mais j'essaierai de rentrer vite, promis. »

Il baisse les yeux, puis hausse les épaules en me regardant comme pour me dire ''Tant pis, on dansera la prochaine fois''. Je m'oblige à lui sourire, mais là, au fond de moi, j'ai la haine. Je sais que sa ''mission'' est de trouver les montres de mes amis. Là, pour le coup, je suis beaucoup moins rongée à l'idée de me jouer de lui. Mais Togano ignore que j'ai deviné son petit jeu. Je l'embrasse sur la joue en passant ma main sur sa nuque.

« Bon bah à plus tard alors, je lâche gentiment.

-Oui, à tout-à-l'heure j'espère, dit-il en rougissant. »

Il s'éloigne après m'avoir regardé quelques secondes. Une fois qu'il est loin je regarde ma main, espérant avoir un cheveu à lui entre mes doigts, comme le veut la liste d'ingrédients. Mais je n'ai pas réussi à en choper un.




«Viens-là, toi ! »

Je sens une longue main plaquée contre ma bouche, et une autre contre mon ventre, me soulevant à quelques centimètres du sol, mais je ne les vois pas. Je suis brusquement téléportée derrière un mur en retrait, et Hiruma apparaît en ricanant. Là, j'ai rougi.

« J'suis jaloux de n'pas avoir été à la place d'une certaine Fuckin' tête couronnée.»

Il a un sourire magnifique, et un regard envoûtant. Les joues en feu, je me décide enfin à plonger mon regard dans le sien. Je réponds dans un murmure :

« Crois-moi, j'aurais aussi beaucoup aimé que tu sois à sa place. »

Je me rapproche un peu de lui, mes mains dans les siennes. Lui aussi il rougit, mais il a toujours cet air diabolique increvable, cette aura de puissance démoniaque. Il fait glisser une de ses griffes sous mon menton pour relever mon visage vers lui, alors que je tentais de me cacher un maximum derrière ma mèche.

« C'est mieux comme ça, Fuckin' Brunette. »

Je me mords la lèvre en souriant, sûrement un peu bêtement, mais en tout cas très amoureusement. Il lâche un petit rire mauvais, comme pour me faire comprendre qu'il me tient, que je suis piégée par le Diable du Wonderland en étant tombée amoureuse de lui. Mais bon, je l'aime, et je veux bien rester piégée dans ses filets.

Doucement, il se penche, ses lèvres à quelques centimètres des miennes. Je pose mes mains sur son torse en me rapprochant également, les yeux clos.

« Putain, Edge, ça va ?! »

Son oreille de chat s'est agitée avant de se tourner vers la salle. Hiruma se retourne brutalement, se demandant ce qu'il se passe, et qui a crié. Moi aussi je suis inquiète. Alors que l'on s'apprête à aller voir quel est le problème, Hiruma semble réaliser ce que nous étions sur le point de faire. Il me stoppe en me tenant fermement le poignet, m'embrasse doucement dans le cou, puis me lance un dernier regard avant que nous ne partions voir ce qui est arrivé à Edge.




«Sans déconner, où vous étiez tous les deux ? Ça fait vingt minutes qu'je vous cherche ! » C'est ce qu'Hiruma et moi nous sommes pris dans la gueule de la part de Kuro, qui a les poings serrés et ses lèvres pulpeuses en évidence, attendant impatiemment une réponse. Vingt minutes ? C'est dingue. Lorsque l'on est aux côtés de la personne que l'on aime, le temps passe cruellement vite. Nous étions si bien tous les deux...

Hiruma me lance un petit regard sérieux, en rougissant, son sourire étant un peu éteint.

« On était juste en train de discuter. Après six ans sans se voir, on a bien le droit non ? »

C'est ce que l'homme-chat a dit pour notre défense. Moi non plus je ne compte pas leur avouer de si tôt que j'ai des sentiments pour Hiruma, et qu'il en éprouve pour moi en retour. Peut-être est-ce à cause de ce jeu de séduction que j'entretiens pour piéger Togano ? Je ne saurais pas vous l'expliquer. Quoi qu'il en soit, tous les deux, on se tait. On laisse couler.

« Qu'est-ce-qu'il se passe alors ? Je demande à Kuro d'une voix inquiète. »

Pour toute réponse, il nous conduit juste deux mètres plus loin, où Edge est faiblement appuyé aux jumeaux, ses bras autour des épaules de ces derniers. Il a la tête baissée, la respiration irrégulière. Hiruma s'approche de son ami, le cœur crevé de le voir dans cet état, tous deux tout tremblants. Unsui et Agon le tiennent fermement, leur côté espiègle étant complètement mis à l'écart à ce moment précis. Kuro, lui, baisse les oreilles, et L regarde Edge avec son pouce à la bouche. L'homme-loir, éternellement pensif, semble contrarié, comme si il pressentait quelque chose de mauvais. Marshall, quant à lui, nous tourne tous le dos. Il tient sa cigarette entre les doigts de sa main droite, le poing gauche étant puissamment fermé. Son regard, perdu dans le vide, contient une haine terrifiante, qui fait que je n'ose pas lui demander ce qui ne va pas. Je me contente de rester auprès de Edge.

« Edge, qu'est-ce-qu'il t'arrive, dis-moi, je murmure en posant mes mains sur ses joues délicatement pour l'apaiser.

-Je... je ne sais pas... je me suis senti très faible, d'un coup. J'ai juste failli faire un malaise je pense, rien de grave ma Alice, répond-t-il d'une voix fragile. »

Le jeune Chapelier parvient à lever son regard noir vers moi, avec un minuscule sourire qui se veut rassurant. Je lui rends ce sourire en chuchotant : « Aller, tu es plus fort que ça ! »

Il se relève doucement, grognant aux Tweedle de le laisser se démerder et arrange son haut-de-forme. Mais il baisse de nouveau le regard. Je ne sais pas ce qu'il lui arrive, mais Edge ne semble pas être complètement lui-même.




« Ils font quoi là ? Demande Kuro à voix basse, son regard rouge arrogant étant relevé vers Kotaro et Togano, à l'autre bout de la salle, près du trône. »

Je me tourne vers eux, et constate que Togano, rentré de sa ''mission extérieure'' avec ses troupes, chuchote quelque chose à Kotaro. Le Roi de Cœur lâche un mauvais ricanement avant de s'asseoir à son trône avec un verre de champagne à la main. Il s'écrie :

« Que la fête batte son plein, mes élégants sujets ! 

-Ferme ta gueule ! »

Tous les regards sans exception se sont tournés vers ce mec à la voix habituellement douce, mais à présent sèche par la colère. Marshall est debout, bien droit, face à Kotaro. Il serre le poing gauche, sa main droite tenant son pistolet doré en tremblant. Son regard ambré est rempli d'une haine incomparable. Kotaro se lève lentement et dit avec mépris :

« Et tu comptes faire quoi là ? Ton arme est censée être vide...

-Elle l'est pour le moment. Tentant de garder son calme, il sort l'unique balle qu'il a apporté ici de la poche de son gilet, la gardant fermement dans son poing fermé. Vous ne l'aviez pas vue dans mon vrai chapeau, n'est-ce-pas ?! »

Un sourire diabolique s'affiche sur le visage de Marshall. Le cœur fortement serré, et surtout divisé entre l'envie de voir Kotaro mourir et d'empêcher Marshall de faire quelque chose de si horrible, je n'ose rien dire. J'ai seulement réussi à me tourner vers Hiruma qui, avec un sourire carnassier rusé, désigne la balle du doigt.

« Et tu me tuerais ? Là ? Maintenant ? Alors que c'est une fête en MON honneur ? Lance Kotaro avec un sourire confiant. Je pensais que les Rebelz étaient les partisans de ces horribles merdes que l'on appelle ''Loyauté'', ''Sincérité'', il a un haut-le-cœur, ''Bonté''... Tu n'aurais jamais les couilles assez pleines pour me tuer !

-Crois-le, enfoiré, murmure l'homme-lièvre en arborant un sourire psychotique. »

En signe de soutien, les Tweedle ont effectué le fameux geste du camp, se moquant des conséquences puisqu'ils seront tous les deux de nouveaux enchaînés dés demain.

« Marshall, ne fais pas ça ! Ai-je hurlé en tendant la main vers lui, désespéramment. »

Mais c'était trop tard. Marshall a dégainé la balle, s'apprêtant à recharger l'arme en or.

« N'y pense même pas, connard ! »

La balle est brusquement propulsée au sol, quelques mètres derrière Marshall. Hiruma disparaît. Edge s'écroule sur ses genoux en se tenant l'abdomen. La voix de Kotaro retentit encore alors qu'il a la main levée, avec un sourire cruel, le verre de champagne étant brisé en mille morceaux à ses pieds.

Hiruma ré-apparaît près de moi, la balle à la main. Il la glisse dans la mienne doucement, et je la place dans une de mes poches à la va-vite.

L s’accroupit aux côtés de Edge en posant lentement sa main sur le dos de ce dernier. Le jeune Chapelier parvient à articuler entre deux douloureuses et silencieuses larmes, en lançant un regard plein de haine à Togano qui sourit face à cette situation : « Ce bâtard... il a pris ma montre... »

Marshall a le regard perdu droit devant lui et lâche son pistolet, qui est toujours aussi vide qu'à notre arrivé dans ce maudit château. Il passe une main crispée et frissonnante dans ses cheveux, avec un rire nerveux qui me déchire le cœur. Je souffre de le voir comme ça, rongé par la folie, et je pense que les autres Rebelz en souffrent également. Mais là, personne n'ose bouger... Nous savons que nous ne pouvons pas éviter cela...

Kotaro s'avance lentement vers Marshall, avec un dédain immense dans le regard et le sourire. Une fois à la hauteur de Marshall, qui est à peine plus grand que lui, Kotaro murmure : « Fais le malin avec qui tu veux, sale cinglé, mais pas avec moi. »

Il se tourne vers ses Cavaliers Rouges : « Mettez-lui une camisole de force ! Jetez-le au cachot ! Ce taré aura la tête coupée dans trois jours ! 

-Non, arrêtez ! »

Ce cri, je l'ai échappé malgré moi, courant vers Marshall et le serrant contre moi, les yeux pleins de larmes. Aucun Rebelz n'a eu la force de m'arrêter.

« Je vous en pris Votre Majesté, épargnez-le, il va se racheter !

-Haha, cela fait depuis qu'il est né qu'il doit se racheter ce con, pour la simple et bonne raison d'être venu au monde, a hurlé Kotaro dans un ricanement détestable et euphorique, accompagné de ceux des Hommes de Cœur. »

Je regarde Marshall en lui murmurant que nous l'aiderons tous, que je suis là pour lui. Pour toute réponse, il a plongé son regard orange dans le mien, avec un léger sourire. Ses yeux se mettent à briller. Mon esprit est soudain confus. Arg, et j'ai si mal à la tête. Je le lâche, alors que je n'en ai pas envie. Je recule, me joignant aux autres Rebelz, après avoir récupéré son pistolet doré tombé au sol et l'avoir caché dans un de mes bas. D'une part, j'ai envie de retourner étreindre Marshall. Mais de l'autre, je ne veux plus. C'est affreux...

Il me manipule, je ne contrôle plus rien, je ne sais plus quoi faire... Je ne peux RIEN faire...

Marshall détourne brutalement les yeux alors que les Cavaliers Rouges lui mettent une camisole. Je m'appuie faiblement à Kuro, cette Manipulation Empathique m'ayant beaucoup affaibli. Marshall nous lance un dernier regard, toujours avec cet étrange sourire, et nous murmure en se débattant : « Longue vie aux Rebelz. »

Alors que j'éclate en sanglot en posant ma tête contre l'épaule de Kuro, les gardes le conduisent au cachot, sous les éclats de rire de Kotaro qui retourne à son trône, le regard hautain de Togano et les mines perdues des Rebelz.





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