A Galaxy Railways Story : Reiko
Merci d’avoir patienté ! Après un an et demi d’écriture régulière, j’avais besoin d’une pause !
Chap 75 : Birthday
- Poussin, arrête de fixer ces vitres.
- Destiny n’apparaîtra pas plus vite, s’exaspéra Tadashi en levant les yeux au ciel.
Reiko tira la langue à son frère tout en lui faisant un nez de cochon.
- Super exemple pour Yuyu.
- Da.Ma.Re.*
- Elle comprend le japonais à cause de toi. Ça ne sert à rien de changer d’idiome.
- Les enfants, on ne se chamaille pas.
Les enfants en question échangèrent des grimaces qui firent éclater de rire Sayuri.
- Destiny, les avertit Harlock.
La pilote se rua à l’autre bout de la passerelle à l’instant où le saut warp s’achevait.
Elle était littéralement en train de mourir d’excitation.
Bien sûr qu’elle avait parlé à Bruce par holo, mais ce n’était pas la même chose que de l’avoir en chair et en os à côté d’elle.
Il lui manquait.
Chacune de ses cellules lui manquait.
Elle était comme un animal affamé qui ne parvenait pas à atteindre la satiété, et ce quoi qu’elle fasse.
- Viens Yuyu !
Elle attrapa la main de la fillette mais fut stoppée dans son élan par Harlock.
- Une minute, puce. Je l’emmènerai après. Profitez de vos retrouvailles.
- D’a-d’accord.
Elle avala les mètres qui la séparaient du hangar au pas de course. Elle dérapa dans les angles, dévala les escaliers et sauta même par-dessus des rambardes.
Puis, le souffle court, elle arriva enfin devant les volets de sécurité.
Elle sentit l’Arcadia atterrir et entendit les moteurs se couper.
Elle trépignait avec impatience alors que les persiennes remontaient lentement.
Survoltée, elle se glissa sous l’abattant et déboucha à l’air libre, sur le pont qui se déployait.
Le sniper avait lui aussi happé le rebord de la rampe pour se hisser sur celle-ci sans attendre qu’elle ne touche le sol.
La pilote descendit la pente en courant. Son époux eut tout juste le temps d’ouvrir les bras et de raffermir ses appuis avant qu’elle ne se jette sur lui et qu’elle ne noue ses jambes autour de sa taille.
- A-na-ta, sanglota-t-elle en enfouissant le nez au creux de son épaule.
- Cha-ton…, répondit-il après quelques secondes d’hésitation, d’une voix étranglée par l’émotion.
- Tu es là… Tu es là…
- Je suis… Là…
Elle ne bougeait plus tandis qu’il respirait à peine, humant l’odeur de son shampooing et se délectant de la chaleur de son corps entremêlé au sien.
Il ne réalisait pas qu’elle était là. Vraiment… Là.
Après ces longues nuits de solitude, il pouvait enfin… La serrer contre lui.
- Je t’aime, finit-il par lâcher.
- Moi aussi… Moi aussi… À en mourir.
- On atteindra pas cette extrémité, j’y veillerai personnellement.
Elle caressa les joues de son amant avec tendresse.
- Tu as maigri.
Il l'observa attentivement.
- Et toi, tu as repris des couleurs.
- Je suis correctement nourrie par madame Masu. Tout s’est bien passé pour toi ce mois-ci ? Tu es resté évasif lors de nos appels.
- Hum… Le pire a été évité on va dire.
- Hein ?
- Pour l’heure, le peloton Sirius demeure intact.
- Bruce… Qu’est-ce que tu me caches ?
- Rien, mon amour, mentit-il.
- Tes traits sont tirés et tes pommettes, creusées.
- Koneko, ne te fais pas de souci… Les tracas du quotidien, additionnés à votre absence à toi et à Sayuri, ça faisait sans doute beaucoup, même pour moi.
- Je suis désolée…
Il joua avec sa chevelure qui, entre ses mains, paraissait plus douce que de la soie.
- Bon dieu, ça m’a manqué, murmura-t-il.
- Quoi ? Ma tignasse incoiffable ?
- Entre autres choses, avoua-t-il en baladant ses doigts sur les courbes de la jeune femme.
Alors qu’il retirait son pull-over pour avoir un accès plus dégagé à sa peau nue, elle ne put contenir un gémissement de satisfaction.
- Si tu commences comme ça, je ne me retiendrai pas, la prévint-il.
- Parce que tu en avais l’intention ?
- Pas le moins du monde. Ta chambre ? Je t’inviterais bien dans la mienne mais…
- Bruce…
- Qui m’en voudrait de profiter de ces retrouvailles ? Si Harlock t’a laissée venir seule c’est en toute connaissance de cause.
Sa précieuse Reiko toujours pelotonnée contre son torse, il grimpa la passerelle à pas lents et mesurés avant de s’enfiler dans le dédale de coursives du vaisseau spatial.
Gentiment, il souleva son menton pour mieux contempler son visage. Puis, il déposa un baiser léger sur ses lèvres, qui s’intensifia lorsqu’elle y répondit volontiers.
- Mon épouse rougissante… Après toutes ces années, j’ai encore cet effet sur toi ?
- C’est parce que… C’est parce que…
- Tu sais ce qui t’attend, non ? Tu auras tout le loisir de t'empourprer quand…
Il ouvrit la porte de sa cabine avec un coup de pied bien placé.
- C’est insonorisé, j’espère ?
- Anata !
- Je me renseigne, c’est tout.
- Je… Aaah !
Elle heurta le matelas et aurait pu rebondir sur celui-ci si elle n’y avait pas été fermement épinglée par le Commandant de l’unité Sirius.
- Chérie… Si le monde venait à brûler… Si, malgré tous nos efforts, les flammes de l’enfer venaient à déferler sur ce foutu univers… Je…
- Anata ?
- Je mourrai de bonne grâce pour vous protéger, toi et Yuyu. Peu importe ses raisons, Noo ne vous aura pas, ni l’une ni l’autre. Je le jure.
- Je… Non… Comme tu l’as dit, on n’en arrivera pas là… Otto-san… Ne le permettra pas !
- Le vieux bandit n’est pas infaillible mon amour.
Des larmes inondèrent les yeux de la pilote et le sniper se sentit immédiatement coupable.
- Oh… Non… Ne pleure pas… Pardonne-moi, c’était idiot. Comment me faire pardonner ?
- Je ne veux pas… Que… Tu… Te…
- Non, non, c’était une pensée débile. Je suis un imbécile de première. Oublie ça. Je vais te faire oublier ça.
Il entreprit de lui ôter son pantalon sans daigner le déboutonner.
- Att…
- Putain, pourquoi c’est toujours si compliqué de te désapper ?
Tandis qu’il se débattait avec le jean, elle ne put s’empêcher de sourire.
- Bruce…
- Hum ?, dit-il sans lever le nez de sa tâche.
- On va traverser ça ensemble, okay ? Toi et moi. Et on s’en sortira, compris ? Il n’y a aucune autre possibilité envisageable.
Il la regarda enfin et son expression s’adoucit.
- Oui, on fera ça. Tout à l’heure… Pour l’instant…
Il arracha ses dessous avec un rictus torve.
- Le devoir m’appelle.
***
Une heure plus tard, quand ils se décidèrent finalement à regagner le pont principal, Harlock les y attendait en arborant une mine indéchiffrable.
- Encore en vie, Ojii-san ?
Celui-ci grinça des dents.
- Moi oui mais toi peut-être plus pour très longtemps.
- Allons, allons… C’est comme ça que vous accueillez votre gendre ? Tiens, salut la blonde.
- Kei.
- Daiba, t’es là aussi ? Et…
La petite fille nichée sur les genoux de l’artilleur s’empressa de descendre de son perchoir.
- Okaa-san !
Puis, après un moment d’hésitation, elle reconnut son père, qui s’accroupit en tendant les bras incapable de parler, saisi d’une émotion si intense qu’il en oublia toutes les personnes aux alentours.
- Otto… Otto…
Sayuri arrêta de marcher pendant une fraction de seconde avant de reprendre sa course en poussant un hurlement aigu.
- OTTO-SAAAAAN.
Elle plongea vers celui-ci qui l’attrapa au vol et la pressa contre lui.
- Mon bébé, fit-il par souffler.
La fillette gazouilla de contentement et Reiko s’agenouilla auprès d’eux, les étreignant de toutes ses forces.
- Ma famille est enfin au complet.
Bruce ne répondit pas, le visage enfoui dans le cou de l’enfant.
Même Harlock, qui n’était pas du genre à facilement s’émouvoir, surtout lorsqu’il était question de son gendre, s’attendrit devant cette scène de bonheur quotidien.
- Speed, t’as réussi à lâcher ton gros train ?
- J’ai mis mon unité au chômage technique pour quelques jours. De toute façon, avec Manabu et Reiko en moins, c’était tout comme. On tournait déjà en effectif réduit, alors bon…
- T’as maintenu le navire à flots ?
- On va dire que j’ai fait au mieux. Si nos deux têtes brûlées en chef ne s’échignaient pas à contourner le règlement, je ne croulerais pas autant sous le travail.
- Désolée…, commença Reiko.
- Ça va, chaton. Je te taquine. De toute manière, ils sont tous rigides à la direction.
- Et si c’est pas l’hôpital qui se fout de la charité, rétorqua Tadashi.
Le Capitaine frappa dans ses paumes pour attirer l’attention de l’assemblée réunie sur la passerelle de son vaisseau.
- Vous tous ! On a une fête à préparer, je compte sur votre participation active. Dashi !
Le jeune homme s’avança avec une liste qu’il déroula jusqu’au sol.
- C’est quoi encore ce bazar ? C’est la fête d’anniversaire d’une gosse de deux ans, hein, pas le jubilé de la reine de Râ-Métal.
- Bruce !, le rabroua sa femme pour laquelle le sujet “Promethium” était toujours sensible.
- Pardon, koneko.
Le pirate toussota et reprit là où il en était resté.
- Nous avons réparti les tâches…
- Il a réparti les tâches, rectifia l’artilleur de l’Arcadia.
- … Et donc, Kei et Dashi à la décoration de la salle commune, Masu et Mimeh en cuisine, Yattaran et Koko…
Un cri de surprise le tira de son énumération.
Reiko se précipita au centre du pont, fixant l’écran qui venait de s’allumer.
- J’espère que vous m’avez attendu pour manger le gâteau !
L’homme au manteau jaune et gris eut un sourire en coin.
- Enfin, je devrais plutôt dire nous !
***
- Chérie, laisse le respirer, tu veux ?
- C’est qu’il serait jaloux notre sniper préféré ?
- Je crois pas vous avoir demandé votre avis.
Hirumi tapota l’épaule de Bruce et celui-ci se détendit imperceptiblement.
- Ouais, je sais.
Les jambes enroulées autour des hanches de Warrius Zero, Reiko riait comme une enfant qui venait de retrouver un camarade de jeu qu’elle n’avait pas vu depuis des années.
Mamoru s’était quant à lui jeté sur Sayuri pour la presser contre lui. Bruce avait donc hérité de Susumu mais ne s’en plaignait guère. Sous ses airs de tireur d’élite renfrogné, il avait toujours adoré le garçonnet qui n’était pas beaucoup plus âgé que sa fille.
- Il a grandi… Et sa santé ?
Hirumi secoua la tête, sa chevelure bleue volant derrière elle.
- Son asthme s’est aggravé ?
Elle opina du chef, visiblement inquiète.
- Le Docteur Zero peut l’examiner, suggéra Harlock avec douceur.
Hirumi le remercia d’un geste du menton.
Captant la teneur de leur discussion, Mamoru s’approcha, Sayuri lovée dans ses bras.
- Les médecins ignorent comment traiter sa pathologie. Il semblerait que ses poumons soient atteints… En profondeur.
- Je ne vous promets rien mais l’Arcadia est à la pointe de la technologie et nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour vous aider.
- Et c’est déjà plus que nous en demandons, souffla Mamoru d’une voix éteinte.
Reiko, qui s’était enfin résignée à relâcher son ami, se faufila vers le couple Kodaï.
- Le pronostic est alarmant ?
Pour toute réponse, le Commandant du Yamato serra les poings si fort que sa circulation sanguine se coupa.
- Oh, Mamoru-kun…
Bruce, dont la mauvaise humeur s’était promptement dissipée, caressa tendrement le dos de l’enfant.
- On trouvera une solution. S’il le faut, je ferai intervenir la SDF. Notre équipe médicale se défend. Yûki…
- J’apprécie le geste, Speed.
Warrius Zero se gratta le cuir chevelu, réfléchissant lui-aussi à la situation.
- Je n’ai rien de plus à offrir qu’Harlock et Bruce, mais j’ai de nombreuses relations. S’il existe un procédé thérapeutique pour soigner son mal, je le dénicherai. Je vais prévenir Marina et la mettre sur le coup immédiatement.
Impuissante spectatrice de la souffrance de ceux qu’elle aimait, Reiko sentit son coeur s’alourdir dans sa poitrine.
- Je voudrais tant être utile… Vous être utile.
- Poussin…, l’interpella Harlock, anxieux à l’idée que la déprime de sa fille ne poigne à nouveau.
Bruce et Tadashi qui, d’ordinaire, étaient incapables de se supporter, pouvaient faire preuve d’une entente extraordinaire dès lors qu’il s’agissait de protéger Reiko. Ils partagèrent donc une œillade entendue et décidèrent de concert d’alléger la tension ambiante.
- Susumu est bien du début du mois de septembre ? Du cinq, non ?
- Et Sayuri du vingt, ajouta l’artilleur.
- Filez-moi donc cette liste vieux brigand, on a une double fête à préparer, annonça le Commandant de l’unité Sirius en happant le papier. Je veux tout le monde dans la “control room” pour un briefing d’ici dix minutes.
- On n’a pas de “control room” ici le cheminot et on est déjà sur le pont mais, pour une fois, je suis d’accord avec toi, approuva Tadashi.
***
Alors que Bruce était occupé à accrocher une guirlande dans la salle commune, Warrius s’avança vers ce dernier, perché sur l’escabeau.
- Les menaces ont-elles fonctionné ? J’ai affirmé ma position auprès de ton QG pas plus tard que ce matin.
- J’ai pas reçu d’ordre de démobilisation de mon peloton, je suppose donc que oui.
- Reiko t’en a fait sacrément bavé, non ? Cette histoire sur Wilane… Elle t’a désobéi pour tenter de délivrer ce type… Ivan Zarnitsky. Elle a impliqué Manabu… Votre stagiaire, Killian… Et elle a aussi entraîné toute la SDF dans un conflit qui l’a vraisemblablement dépassée. Sans compter qu’elle a mis en évidence les manigances des humanoïdes.
- Ouais, ce trafic abominable visant à transformer les humains en combustibles pour robot. En composants énergétiques… Qui s’en serait douté ? La Compagnie des Chemins de Fer Intergalactiques a longtemps entretenu des liens étroits avec les machineers, même si Layla Destiny Shura s’est affranchie de leur influence depuis la bataille de Râ-Metal et l’affaire des bombes à résonance magnétique qui ont détruit nos stations.
- Hum… Nous avons intercepté plusieurs cargaisons de ces piles énergétiques avant qu’elles ne pénètrent dans l'atmosphère terrestre. Ce trafic prend de l’ampleur. Et le gouvernement mixte terrien ne peut pas tolérer ces sortes d’ampoules électro-magnétiques. Elles agissent comme un booster sur le corps mécanisé. Le rendant plus résistant, plus fort…
- Plus immortel ?
- Tout juste.
Bruce acheva d’étendre sa guirlande, songeur.
- Je ne comprends pas… Harlock n’a-t-il pas mis fin aux agissements sur Grande Andromède ? En bousillant leurs installations ?
Tadashi, qui entrait à l’instant avec un carton rempli à ra-bord de décorations d’anniversaire, acquiesça.
- Nous l’avons fait mais qui te dit…
- Que cet endroit était l’unique lieu de production ?, compléta l’artilleur.
- Exact.
Warrius Zero empoigna une nappe colorée et entreprit de dresser une table.
- Le timing est mal choisi. Nous ne sommes pas capables de faire face à une contre-attaque de l’Empire Mécanique. Pas maintenant.
- Pas alors que nous affrontons un ennemi d’une puissance sans commune mesure, précisa le fils d’Harlock.
- Des nouvelles de Maetel ?, les interrogea Warrius. Elle devait enquêter sur le numéro deux de l’Empire, non ? Celui qu’avait mentionné le dictateur de l’ouest, Allison Walembo… Quelque chose ?
- Aucune, répondirent Tadashi et Bruce en parfaite symbiose.
Un silence angoissé les étreignit.
- C’est mal engagé, constata le Commandant du Karyû.
- Sans oublier nos récentes découvertes sur la lune, intervint le frère de Reiko.
- Noo… C’est quoi au juste ?, les questionna Bruce. Une sorte de Dieu ? Un démon ?
- Le Chaos. Rien de plus, rien de moins. Une entité millénaire qui désire se libérer des chaînes qui l’emprisonnent, expliqua patiemment Tadashi.
- Pour… Quoi faire ?, insista son beau-frère.
- Soumettre tous les porteurs d’ADN. En faire ses esclaves. Instaurer un régime de terreur, se réapproprier l’univers et enfin rétablir le chaos originel… Celui créé une fraction de seconde dix exposant moins quarante-trois secondes après la naissance du cosmos.
- “À partir du Vide, apparaît le Néant et le Néant crée l’Existence. Tant que le cercle de l’Existence ne se brise pas, l’Existence ne retourne pas au Néant…”, récita Bruce. Cette prière de la vie… Trouve tout son sens avec les informations fournies par la gardienne de la lune. Noo, né du vide, a engendré l’Humanité. Le Cercle de l’Existence regroupe cet ensemble de vestiges censé maintenir le pouvoir de la chaîne de l’espace qui retient l’esprit de Noo bouclé derrière la porte de Yedar. Un sceau peu à peu annihilé par la cupidité et l’ambition des hommes. Et dans le cas où ce démon parviendrait à se défaire de ses entraves…
Bruce laissa sa phrase en suspens mais chacun saisit le sens de ses insinuations.
- La peur, la mort et la douleur envahiraient l’univers. Les enfers déferleraient littéralement sur nous, crut bon de spécifier Tadashi.
- Des perspectives peu réjouissantes, lança Harlock en pénétrant à son tour dans la salle commune, Mamoru sur ses pas.
- Et on a un plan pour éviter ça ?, s’enquit le sniper.
- Nous avons localisé les emplacements des différents sceaux et veillons à ce qu’ils demeurent inviolés. Nous avons sollicité l’aide de la Flotte Indépendante Terrestre et de certaines nations alliées. Le Yamato est aussi sur le coup, pas vrai Kodaï?
Ce dernier émit un “hum” d’assentiment.
- Et nous avons la tablette en notre possession. Celle donnée par l’extraterrestre du temple de la face cachée de la lune. Yattaran est encore en train de déchiffrer ses inscriptions. Je suis persuadé qu’elle contient un indice ou un moyen de lutter contre notre adversaire.
- Elle vient de mon père, j’en suis sûr !, clama Tadashi avec assurance.
- Est-ce qu’on peut se fier à ce que cette folle de la lune vous a raconté ?, grogna Bruce. Ça ne vous paraît pas dingue que la Terre soit un morceau maudit du corps de Noo ? Franchement…
Le Capitaine de l’Arcadia ébouriffa davantage ses cheveux bien que cela semble impossible de prime abord.
- Le Professeur Daiba lui a probablement confié la tablette. Et ce que nous avons vu là-bas était convaincant, je te l’assure.
- Il en faudra plus pour rallier la SDF à notre cause… Et je n’ai plus les faveurs du Quartier Général. Guy Lawrence n’ira pas contre les ordres de Todo ou de Shura et même si Julia Reinhart est de notre côté, je crains qu’on ne soit en sous-effectif.
- On improvisera, c’est ce qu’on a toujours fait, répliqua Harlock.
- Si vous le dites. J’ai quand même l’impression qu’on est pris en sandwich entre les humanoïdes et Noo. Cette fois-ci, on ne s’en tirera pas aussi aisément. La guerre de Râ-Métal… C’était une sinécure à côté de tout ce bordel surnaturel.
Mamoru toussota pour gagner leur attention.
- Ce qu’il s’est produit pendant le festival sur Mars avait un lien avec Noo, non ? Ces ruines souterraines dans lesquelles Sayuri a été retrouvée… Elles font aussi partie du Cercle de l’Existence, non ? Pour quoi et par qui a-t-elle été attirée là-bas ? Le démon en personne ?
- Je ne crois pas, dit Tadashi après un moment de réflexion. Ce ne serait pas plutôt…
Une voix féminine les interpella.
- Le clan de la chaîne hélicoïdale.
Les quatre hommes firent volte face comme un boys band des années quatre-vingt-dix sur Terre.
- Vous n’êtes pas les seuls à vous retourner le cerveau, continua-t-elle avec un sourire narquois.
- Qu’est-ce qui te fait dire ça ?, demanda Tadashi, curieux.
- Les battements.
- Les battements ?, répéta son époux, confus.
Reiko soupira avant de s’asseoir sur la table d’anniversaire arrangée par Warrius Zero.
- Je les ai perçus ce jour-là pour la première fois. Ils m’ont guidée jusqu’à Sayuri à travers la foule. Ils étaient chauds et réconfortants. S’il s’agissait de Noo, j’aurais ressenti une menace et ce n’était définitivement pas le cas.
- Chérie, ça ne suffit pas pour étayer ton hypothèse…
- Je n’ai pas fini. Ces battements, je les entendais aussi dans mes cauchemars. Et ils ont mis Noo en déroute à plus d’une reprise. Puis, durant le tournoi de la SDF… Lors de la dernière épreuve… J’ai eu une sorte d’hallucination dans mon Space Eagle dans laquelle j’avais été transportée au cœur du Néant, dans la dimension de notre ennemi. J’ai récité la prière de la vie et j’ai calqué le rythme des battements en frappant dans mes mains. J’ai pu repousser Noo… Ou tout du moins son esprit, qui m’assaillait. J’en suis sûre désormais. Les battements m’ont protégée. Le clan de la chaîne m’a protégée.
Elle marqua un silence puis reprit.
- Il y a aussi autre chose… Bruce… Tu ne penses pas que Noo a déjà essayé de se débarrasser de toi ?
- Qu’est-ce que tu veux dire ? Oh…
La vérité se fraya lentement un chemin dans son cortex cérébral.
- Notre psychisme… Aurait été altéré… Lorsqu’on s’est crashés sur la planète de la chimère ? Ce n’était pas son chant… Qui nous aurait appelés… Mais Noo ?
- Possible, répondit sa femme.
- Probable, abonda Tadashi, au fait des mésaventures de la SDF sur UX-4785. Elle vous a peut-être manipulés par l'intermédiaire du Chaos. N’oublions pas qu’il peut s’immiscer dans notre tête à sa guise.
- Et… Les voix qui nous ont attirés dans le puits sans fond de la planète Éphémère… Se pourrait-il… ? Noo aurait-il pu imité ton timbre ?
- Mon amour, on a affaire à une entité démoniaque, à ton avis ?
- J’ai failli y passer ces deux fois-là et, si ma mémoire ne me joue pas de tour, Noo m’a bien désigné comme le Commandant qui ne voulait pas mourir…
- Quand on a eu cette hallu collective sur SSX, ouais, termina Tadashi.
- Putain…
Harlock croisa les bras. Bien que la lumière ait été faite sur les événements s’étant déroulés l’année dernière, il n’était guère rassuré par la tournure prise par cette discussion.
- Pourquoi sommes-nous particulièrement visés par Noo ? Seuls Dashi et Koko ont été sujets à ces cauchemars. Et je ne suis pas encore certain de comprendre cette histoire de serment de sang et de sacrifice.
Yattaran, qui avait habilement esquivé les corvées de préparation de la fête, entra dans la pièce en courant, une maquette à la main.
- VIOUUUUUM, fit-il en caricaturant le bruit d’un avion.
Après avoir effectué plusieurs tours de table, il remarqua les visages fermés de ses compagnons.
- Ne faites pas cette tête d’enterrement les gars. Noo ne va pas s’envoler et mon petit doigt me dit que le Doc a de bonnes nouvelles à nous annoncer.
***
Les mains plaquées sur ses yeux, Mamoru retenait tant bien que mal ses larmes. Hirumi avait le nez dans la veste de Bruce le seul, hormis Reiko, qui pouvait en tirer quelques phrases. La fille d’Harlock s’efforçait quant à elle de calmer le Commandant du Yamato en lui frottant le dos avec des cercles concentriques.
- Vous en êtes sûr, Docteur ?
- Oui, cette forme d’asthme est très rare mais elle n’est pas impossible à contrôler. Nous avons la technologie adaptée et nous la transmettrons au Yamato. Pour ce qui est de l’éradiquer, je compte sur les recherches de Zero. Il connaît du monde et notamment de nombreux scientifiques talentueux. Nous avons encore une multitude d’alternatives.
- Il y a de l’espoir, lança Harlock. Kodaï, Hirumi-chan, ne désespérez pas.
Susumu, assis sur un tapis, jouait gaiement avec Sayuri, qui lui montrait patiemment comment empiler des étoiles dans des cubes étoiles.
- On va trouver, affirma Bruce. Un moyen pérenne pour le guérir. Pas vrai, Daiba ? Zero ?
Ils acquiescèrent de concert.
- Fêtons ça, les enjoignit Tadashi. Bourbon rouge, lait fraise ou thé de tabito. On a tout ce qu’il faut pour vous faire plaisir y compris pour ceux qui ont des goûts bizarres, dit-il en glissant un regard vers son beau-frère et sa sœur.
- J’aime l’amertume du thé de Tabito !
- Critique pas ma boisson, gronda le sniper, ou je te la fais ingurgiter avec un entonnoir.
La fête débuta et, en dépit de la menace planant sur l’univers, l’alcool coula à flots et les rires emplirent la salle commune de l’Arcadia. Même Mimeh était sortie de sa cabine pour se joindre à cette joyeuse assemblée.
Reiko était heureuse pour la première fois depuis longtemps.
Légère.
Elle ne quittait pas des yeux son mari et sa fille.
Elle se sentait enfin entière, sa famille et ses amis réunis au grand complet après ces longues semaines de privation.
“Je les protégerai quoi qu’il en coûte. Contre Noo. Contre les humanoïdes. Contre tous ceux qui auront l’audace de se dresser devant nous.”
Cette promesse, qu’elle se fit à elle-même, était gravée dans le métal de la carlingue de l’Arcadia.
Et, vous tous, n’êtes pas sans savoir que les pirates ne dérogent jamais à leurs promesses.
Quant à Bruce, adossé au bar à l’exact opposé de la pièce, il buvait son traditionnel lait à la fraise dopé, une fois n’est pas coutume, au rhum. Ses traits étaient émaciés et, malgré ses retrouvailles familiales, le poids sur ses épaules ne s’était pas amoindri.
Pourtant, sans qu’il n’en ait conscience, ses pensées rejoignirent celles de sa femme.
“Je les protégerai quel qu’en soit le prix. Si tout doit péter, je m’assurerai qu’elles s’en tirent indemnes. J’étais sérieux tout à l’heure. Même si je dois casser ma pipe, je ferai en sorte qu’elles survivent.”
Ses yeux se posèrent ensuite sur les Kodaï.
“Eux aussi…”
Semblant deviner le fil de ses songes, Tadashi s’approcha de lui.
- Si j’étais Noo, je me pisserais dessus.
- Hein ?
Le Commandant de la section Sirius haussa un sourcil intrigué.
- Je sais à quoi ressemble votre détermination, à toi et à Harlock. Si j’étais Noo je me pisserais dessus, répéta-t-il. Vous mettre en rogne, c’était pas la meilleure idée qu’il ait eue en plusieurs millénaires. Pas futé le démon.
Bruce ricana.
- T’as pas tort. Je pourrais lui coller la même raclée que je t’avais fichue sur Tabito, un poignet attaché derrière le dos.
- Dans mes souvenirs, c’est moi qui t’avais infligé une dérouillée.
- T’as la mémoire courte, Daiba.
Les deux hommes trinquèrent et le sniper se relaxa légèrement.
- Je ne t’ai pas remercié pour la fois où tu m’as secoué, dans la dimension de Noo.
- T’as pas à le faire, déclara Bruce en lui étreignant l’épaule avec force.
- Ouais faut croire que t’es devenu mon frère.
- N’abuse pas non plus.
Toutefois, le sourire flottant sur les lèvres de l’agent de la Space Defence Force démentit ses paroles.
- Enfin, t’es mon brother tant que tu restes à bonne distance de Kei.
- Qui ? La blonde ?
- Hum.
Celle-ci était d’ailleurs installée sur une banquette non loin d’eux et s’amusait avec les enfants.
- Pourquoi tu sors toujours pas avec ?
L’artilleur de l’Arcadia avala sa salive avec difficulté.
- Ce n’est pas moi… La personne pour laquelle elle a des sentiments.
Bruce fronça les sourcils, dubitatif.
- Pas toi ? Qui alors ?
Le regard de Tadashi se dirigea vers Harlock.
- Le vieux bandit ? Tu plaisantes, j’espère ?
- J’en suis sûr.
- T’as de la merde dans les yeux ou quoi ?
- Pardon ?, s’offusqua le jeune homme.
Bruce se frotta le visage, exaspéré.
- Aux dernières nouvelles, c’est bien à Kanna que ton père chante la sérénade.
- Oui mais…
- Pas de mais, écoute moi. T’es aussi aveugle que Manabu, bon dieu ! Elle te regarde comme si elle avait envie de te manger. Et crois-moi, je connais ça.
- Arg, dégueu. On parle de ma sœur, je te rappelle.
- Bref, elle attend clairement que tu fasses le premier pas, alors bouge tes fesses et va la voir.
Les joues de Tadashi s’empourprèrent d’une délicate teinte rosée.
- Non… Je… ? Je ne peux pas…
Bruce fit signe à Yattaran de monter la musique.
- Va l’inviter à danser, imbécile. Tu me paieras un coup à boire plus tard pour me remercier.
Puis, sans crier garde et d’une poigne puissante, il le propulsa vers Kei
Tadashi émit un petit cri aigu avant de se planter, pantois, devant l’Officière radar.
Conscient de son embarras, le Commandant de Big1 s’approcha de Reiko, une main derrière le dos et la seconde tendue vers elle.
- M'accorderiez-vous cette danse, belle inconnue ?
- Mon mari n’est pas là, alors pourquoi pas, pouffa-t-elle.
- Un mari ? Quel homme chanceux, susurra-t-il dans son oreille. S’il est absent, rien ne m’empêche de vous ravir sur le champ.
- Oh ? Quel audacieux charmeur vous faites, Monsieur…
Enlacés l’un contre l’autre, ils ouvrirent le bal.
Ce moment de grâce paraissait suspendu dans le temps.
Il les renvoyait des années auparavant sur Gun Frontier, lorsque Bruce la serrait dans ses bras pour la toute première fois.
- Tu te souviens ?
- Ouais, comme à l’époque, tu m’écrases les pieds.
- Hé !
Il se réfugia dans le cou de sa dulcinée, mordillant langoureusement la peau sensible de sa nuque.
- Je t’aime, lâcha-t-il, complètement charmé par cette dernière.
Isolés dans leur bulle, ni Bruce ni Reiko ne remarquèrent que Tadashi et Kei avaient entamé un slow lascif, très vite suivis par Mamoru et Hirumi. Warrius invita quant à lui Mimeh, qui tenait à peine debout après tous les verres qu’elle avait ingurgités.
Harlock en profita alors pour prendre le relais avec les enfants, soulagé d’échapper à une invitation à danser.
- Toi et moi, murmura Reiko.
- Toi et moi, confirma Bruce.
- Pour toujours…
- … Et à jamais.
Madame Masu entra à cet instant en portant un gâteau d’anniversaire coiffé de deux bougies, aussi haut qu’elle, pendant que Yattaran changeait la musique pour le traditionnel “Happy birthday to you”.
La cuisinière déposa le plat sur la table commune et Susumu, tout comme Sayuri, furent installés face à cette montagne de sucre et de chocolat.
- Soufflez vos bougies !, les enjoignit Harlock alors que son équipage amorçait un chant des plus enthousiastes.
Les doigts du couple Speed s’entrelacèrent tandis que le dos de la fillette était pressé contre le ventre de sa mère.
- Joyeux anniversaire Sayuri et Susumu !
* Ferme-la.