A Galaxy Railways Story : Reiko

Chapitre 56 : Mars

6596 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 11/06/2024 18:09

Chap 56 : Mars


Bruce glissa un doigt sous la bretelle du soutien-gorge, la faisant doucement rouler le long de l’épaule de sa femme. Puis, il caressa la peau nue, de son cou jusqu’à la naissance de sa poitrine.


- Chaton, soupira-t-il en l’enlaçant étroitement. Détends-toi, ça fait une semaine qu’on est rentrés.

- Tu peux me le répéter encore une fois ? S’il-te-plaît, le supplia-t-elle en pivotant contre lui.

- C’est vraiment si important ?

- Tu ne trouves pas ça étrange, toi ?

- Si, mais on s’en est tirés. Le reste m’importe peu.


Reiko se mordilla la muqueuse de la joue, soucieuse.


- De là où je viens, entendre des voix n’est jamais bon signe. 

- Les terriens sont superstitieux, c’est connu…


Face à l’air outré qui se peignit sur le visage de la pilote, il réalisa sa maladresse.


- Ce n’est pas ce que je voulais dire.

- Bruce.

- D’accord, capitula-t-il. Hé bien, après avoir mis la main sur ton chasseur, on est partis en expédition dans cette foutue jungle. Et je t’ai entendue une première fois.


La jeune femme se détacha de son époux et s’installa en tailleur sur le lit, attentive.


- Qu’est-ce que je disais ?

- Tu m’appelais au secours et… Tu avais l’air d’avoir mal, de saigner et tu étais terrifiée… Je… C’est nécessaire qu’on remue toute cette merde ?, grogna-t-il.

- Hum. Et ensuite ?

- Killian t’a localisée et ça c’est reproduit. Le son était diffus et ce n’était pas facile de le situer. Tu as mentionné mon nom, celui de notre fille et même celui de ton vieux bandit de père. Tu as aussi essayé de me signaler ta position.

- Et Manabu est tombé dans le trou ?

- Et Manabu est tombé dans le trou.


Elle tapota sur les draps, préoccupée.


- C’est comme si cette entité qui s’est faite passer pour moi vous avait guidés exprès vers ce ravin, non ?

- Ou alors les gaz atmosphériques de cette planète nous ont fait perdre la tête.

- Tous les deux ? Avec l’exacte même hallucination auditive ?

- Ouais, mais on n’est plus à une bizarrerie près. Je m’en fiche, tant que tu es en vie et que tu vas bien.

- Ces temps-ci, on accumule…

- Tu songes à la sirène ? Parce que ça n’a rien à voir. Cette fâcheuse aventure dans la jungle n’est due qu’à la bêtise de ce crétin de Black associée à celle de cet idiot de Yuuki.

- Hum.

- Ma chérie, il y a des mystères dans cet univers qu’on n’est pas près d’élucider, donc pas la peine de te faire des nœuds au cerveau avec ça.

- C’est déconcertant. Quelqu’un nous aurait espionnés ? Pourquoi ? Comment a-t-il su pour Sayuri et papa ?

- J’en sais fichtre rien, avoua-t-il en attirant Reiko sur le lit et en s’acharnant sur la boutonnière de son pantalon. 

- Hé ! On n’avait pas terminé !

- Moi, si. Enfin, pour ce qui est de cette conversation. Là, je voudrais qu’on en commence une autre, plus approfondie.

- Appro… Appro…

- C’est ça, écarte les jambes que je te montre à quel point je t’aime.

- Je… Oui mais… Mais…


Son mari eut un rire moqueur.


- T’as l’habitude que je te désape, pourtant, dit-il en déposant des baisers sur le ventre et l’aine de sa partenaire.

- T’es irrécupérable, pourquoi ça ne te stresse pas ? 

- Parce que mon bébé dort et dieu sait que ça n’arrive pas souvent.

- Je vois pas le rappo…

- Et que ma femme est allongée, presque nue, et d’après moi on pourrait viser le “totalement” si elle parlait moins.

- Hé ! Je suis sérieuse, j’ai un mauvais pressentiment.

- En ce qui me concerne, poursuivit-il en faisant la sourde oreille, tant que ma famille est en sécurité, je laisse mes inquiétudes sur le palier de notre appartement.


Il embrassa Reiko à pleine bouche, désireux de mettre un terme à cette discussion. Cette dernière, qui était de toute façon exténuée de réfléchir et d’argumenter, décida de ne pas s’appesantir sur le sujet.

En rejoignant la Space Defence Force, elle avait cru que son quotidien se résumerait à protéger les passagers de la Compagnie des Chemins de Fer Intergalactiques. Cependant, elle éprouvait sans cesse la désagréable sensation qu’une ou plusieurs menaces la guettaient, tapies dans l’ombre, prêtes à surgir et à la happer dans leurs ténèbres sombres et glacées.

“Les humanoïdes se tiennent tranquilles donc peut-être que Bruce a raison. Deux épisodes malheureux à six mois d’intervalles ne signifient pas que quelque chose de grave se trame. Toutes ces années de méfiance et de haine ne m’ont pas appris à relativiser.”


- Si tu préfères te reposer, proposa-t-il en s’immobilisant.


Reiko eut un sourire mutin.


- Je ne recule pas devant un combat.

- À tes ordres, répondit-il en enfouissant son nez dans la chevelure emmêlée de sa compagne.


***


De discrets coups assénés sur la porte retentirent et Bruce leva les yeux de son rapport.


- Entrez. 


Le cadet de sa section entrouvrit le battant et se faufila à l’intérieur du bureau, dans ses petits souliers.


- Assieds-toi, Black, ordonna-t-il, la mine renfrognée.


Le nouveau venu s’exécuta pendant que le Commandant, d’humeur ombrageuse, s’adossait contre un mur.


- On m’a déjà fait remarquer que j’avais tendance à réagir au quart de tour et à, je cite mon épouse, “gueuler sur les gens sans les écouter”. Elle a lourdement insisté pour que je ne te convoque pas fissa avec un renvoi sans préavis. Et, comme j’ai pas envie que tu sois la cause de tensions dans mon mariage, j’ai pas eu le choix. Remercie la dingue sur ce coup là.


Le jeune homme s’empourpra et ne pipa mot.


- T’as un truc à dire pour ta défense ? Je t’écoute.


Killian prit une profonde inspiration et riva ses prunelles dans celles de son supérieur.


- Je ne pensais pas à mal. Je souhaitais simplement… Faire de mon mieux pour mon unité et pour aider les voyageurs.

- Ouais, c’est ce que les siamois ont plaidé. Et j’imagine que c’est pas complètement faux. Quant à moi, je crois qu’on peut y adjoindre une bonne dose de prétention et d’imprudence.

- Les… Siamois ?

- Reiko et Manabu. Autre chose à ajouter ?

- Rien, argua-t-il en froissant le tissu de son uniforme entre ses phalanges. Enfin, si. Je suis désolé et si vous choisissez de me garder, je vous assure que ça ne se reproduira pas.


Un fin sourire étira les lèvres du sniper.


- J’y compte bien. Comme ce désastre n’est pas entièrement de ton fait et puisque ni Reiko ni Manabu n’ont eu un comportement exemplaire, je reconnais qu’une deuxième chance n’est pas de trop. Ils  sont assez coutumiers des convocations à motif d’insubordination donc tu me feras l’obligeance de ne pas les imiter. 

- Je… Je vous le promets !, s’exclama-t-il en bondissant sur ses pieds et en esquissant un pas vers la sortie.

- Encore un instant.


Killian Black se figea et se détourna avec des mouvements saccadés.


- Ou… Oui ?

- Que tu aies réussi à la localiser dans la jungle, en te référant uniquement à la fréquence du métal dans lequel sa combinaison a été fabriquée, a pesé dans la balance de ma décision. C’était un véritable tour de force.

- Merci ?

- T’as ta place parmi nous alors ne gâche pas tout, vu ?

- Je m’y emploierai, Commandant.

- Et Reiko tient à te présenter des excuses pour son attitude belliqueuse. J’espère que tu les accepteras.


Le stagiaire, qui avait clairement distingué la menace sous-jacente dans cette phrase, acquiesça.


- Autant que tu le saches, elle a grandi sur l’Arcadia du Capitaine Harlock. Par conséquent, les allusions sur les “plaies” qui infestent l’espace, tu oublies. 

- Son père, c’est…

- Père adoptif, mais c’est tout comme. Donc, sujet sensible. Et, au vu de l’aide fournie par le pirate lors des batailles de la Station et de Râ-Metal, on lui doit… Putain, j’arrive pas à croire que je vais dire ça… On lui doit le respect, compris ?

- Bien reçu.

- Allez, vas-y et utilise à bon escient cette semaine de congé, notamment pour potasser le fonctionnement de Big1. Histoire que cet incident reste ce qu’il était : un incident isolé.

- Je le ferai et… Profitez de vos vacances.

- Tu parles, s’agaça le sniper tandis que le battant claquait.


Il referma l’ordinateur et empoigna la veste qu’il avait nonchalamment jetée sur le porte-manteau.


- C’est pas ma conception des vacances ça, marmonna-t-il dans sa barbe.


***


- Bruce ! T’en as mis du temps ! 


Reiko lui adressait de grands signes de la main depuis l’un des quais de la gare centrale de Destiny. Elle patientait devant un train à la ligne épurée qui rappelait celle de l’ancien Shinkansen terrien.


- J’avais un truc à régler avant de partir.

- Un truc ?

- Rien d'important, dit-il en l’embrassant et en attrapant Sayuri qu’elle tenait blottie contre elle.

- L’hiver se termine et il fait encore froid, mais la météo sur Mars s’annonce plus clémente.

- Hum, t’as les valises ?, l'interrogea-t-il en berçant la fillette qui somnolait.

- Oui. Juste là, répondit-elle en pointant trois gros sacs.


Bien que ce voyage fût loin de le ravir, Reiko était heureuse et cela lui suffisait amplement. 


- Monte, l’express va décoller. Je m’occupe des bagages et de Yuyu.

- J’ai hâte de les revoir, se réjouit-elle en faisant coulisser le panneau du wagon. Dans sa dernière lettre, le petit était malade. Pourvu qu’il se soit rétabli !

- Mais oui, mais oui. Avance, chaton, la pressa-t-il en montrant son badge au contrôleur, qui s’inclina avec déférence.


Elle s’installa sur une banquette, joyeuse.


- J’ai tout prévu ! Même pour toi !

- Même pour moi ?

- Bien sûr !


Après quelques secondes de réflexion, elle reprit la parole.


- Ça t’ennuie ?, demanda-t-elle, déçue. 

- Non.

- Tant mieux ! J’en ai aussi pris pour eux, pour qu’on puisse faire une photo de famille !

- Une photo de famille ? C’est pour ça que les valises pèsent cinquante kilos ?

- Je… C’est parce que…


Elle baissa le menton, légèrement honteuse.


- Non rien, c’était une mauvaise idée de toute manière.

- Pas nécessairement, soupira-t-il. On pourrait même l’envoyer à Harlock. T’as pas eu de ses nouvelles depuis un bail, non ?

- Plusieurs mois.

- Te fais pas de bile, il doit être en train de défendre la veuve et l’orphelin quelque part entre Cassiopée et la Voie Lactée.

- Oui, t’as sans doute rai…

- Ohasan !


Sayuri, qui s’était réveillée, tendait des bras suppliants vers sa mère.


- Donne-la moi.

- Y’en a que pour toi.

- Jaloux ?


Le Commandant garda le silence, se contentant de saisir au vol un journal sur un siège voisin.


- Moi ? Et puis quoi encore ?, ronchonna-t-il.


*** 


Le train ne s’était pas immobilisé en gare que Reiko s’escrimait déjà sur la poignée, à deux doigts de dégonder le vantail.


- Mon amour…, tenta de la tempérer Bruce, attends une sec…


La porte s’ouvrit et la jeune femme sauta sur le quai, fébrile.


- Fais gaffe à Yuyu ! 


Elle tourna la tête à droite et, tel un faucon en chasse, repéra ses proies.


- Hirumi ! Mamo… Mamo… Mamoru !

- Ne cours pas !, l’interpella, en vain, le sniper.

- Voilà les plus belles ! 


Le Commandant du Yamato dû raffermir ses appuis pour ne pas être emporté par une tornade aux cheveux bruns.  

Il souleva Reiko et Sayuri, qui poussa un glapissement aigu, et les fit tournoyer dans les airs.


- Ils sont complètement tarés, lâcha Bruce en s’approchant. T’es pas de mon avis, Umi ?

- Hum, approuva-t-elle en confiant Susumu à son parrain.

- Toujours aussi causante, reprit-il en s’emparant du garçonnet. Au moins, avec toi, ça sera de vraies vacances.

- Hum.


Reiko, qui avait noué ses cuisses autour de la taille de son ami, était visiblement déterminée à se servir de ce dernier comme d’une bête de trait. Celui-ci avait d’ailleurs égaré sa casquette dans la bataille, qu’Hirumi ramassa et épousseta.


- Je suis tellement contente de vous voir et de profiter avec vous de ce festival !

- Nous aussi, Koko !

- Vous habitez loin ?

- Non, à quelques encablures d’ici. 


Elle se pencha au-dessus du visage de Mamoru, sa chevelure formant un rideau opaque devant ses yeux.


- Merci de nous accueillir.

- Tout le plaisir est pour nous.

- Comment va Susumu ?

- Mieux, mais il a une santé fragile.

- Son asthme ?

- Oui, parmi d’autres pathologies. Et Yuyu ? Elle a encore du mal à dormir la nuit ?

- Hum… Je ne sais plus quoi faire.

- Bon, on ne va pas coucher là, s’impatienta Bruce.

- Il a raison, répondit le Commandant du Yamato en s’agenouillant pour que son chargement puisse mettre un pied à terre.


Reiko enlaça brièvement Hirumi, qui n’était pas une grande adepte des effusions sentimentales, et lui donna Sayuri dans le but de récupérer Susumu des bras de son mari.


- Quel temps merveilleux, s’extasia-t-elle. Et vos cerisiers sont déjà en fleurs ! C‘est bien le printemps !

- Et t’as rien vu !, lança Mamoru en enfonçant ses poings dans ses poches.


*** 


- Oh !, s’étonna Reiko.

- J’étais sûr que ça te plairait.

- Elle ressemble à… À ma maison… Quand j’étais…

- Ce n’est pas surprenant, expliqua Kodaï. Mars a été colonisée par la nation japonaise terrienne. La fête de ce soir est aussi l’un de ses héritages.


La pilote se mordit les lèvres pour freiner les images qui se déversaient sur son esprit. Un tourbillon de pensées à la fois heureuses et cauchemardesques.

La goût sucré des Taiyaki.

Le fracas de l’effondrement d’un immeuble.

Les couleurs pastels du yukata de Nadeshiko Sakuramachi.

Les clameurs de l’armée humanoïde.


- Tu l’ignorais vraiment ?, la questionna Bruce.

- Ouais.


Une barre d’inquiétude apparut sur le front de Mamoru.


- Est-ce que…?

- Ça va. C’est chouette. On rentre ?

- Après vous, l’invita le Commandant en s’effaçant sur le côté. 


Sayuri effectua quelques pas hésitants sur le palier sous les vifs encouragements des quatres adultes présents. Susumu, âgé de deux mois de plus que la fillette, l’avait prise de vitesse et s’était déjà faufilé dans la maison, construite dans le style nippon traditionnel.


- Elle est adorable, s’émerveilla Mamoru en la suivant à la trace. 

- Oh que oui ! C’est un vrai bonheur. Sauf la nuit.

- Sauf la nuit, renchérit Bruce.

- On peut prendre le relai pendant votre séjour ici, proposa le Commandant du Yamato en leur désignant un kotatsu.

- On ne voudrait pas vous déranger.

- Pas de soucis, je suis cloué au sol. Le sommeil ce n’est pas ce qui me manque.


Reiko haussa un sourcil intrigué.


- Le Yamato est de nouveau au hangar ?

- Si c’est pas le canon, c’est l’alimentation iscandarienne qui nous pose problème. Et j’ai le sentiment qu’il faut qu’on répare ça sans tarder.

- Pourquoi ?

- C’est trop calme, intervint Hirumi.

- Trop calme… Pas comme chez nous, ironisa Bruce.

- Hum, il s’est passé beaucoup de choses depuis notre dernière correspondance, confirma Reiko.

- Il n’y a rien de mieux que le thé pour accompagner les bonnes histoires, répondit Mamoru, à l’instant où sa femme apportait une théière de laquelle se dégageait une agréable odeur herbacée.


***


Bruce lorgna sur le paquet que Reiko avait disposé sur ses genoux alors que le Commandant du Yamato s’était déjà attelé à défaire le sien.


- Oh… Oh ! Omoshiroï desu !

- Ah non, tu ne vas pas t’y mettre aussi. Je suis fatigué de traduire Koko à longueur de journée, donc épargne-moi ça.


Mamoru réprima un petit rire et déplia le vêtement devant lui.


- Ce sera de circonstances.

- Ouais.

- Et le rouge a toujours été ma couleur. 

- Comme ça tu seras assorti à ton gros vaisseau, railla le sniper en s’affalant dans son fauteuil.

- Quelle délicate attention !, s’enthousiasma Kodaï.

- C’était pas un compliment, s’exaspéra Bruce en levant les yeux au ciel.

- Arrête de râler et enfile le tien.

- J’suis Commandant aussi maintenant, t’as pas d’ordre à me donner.

- Si tu veux prendre le risque de contrarier ta chère et tendre.

- Tu me prêtes tes ciseaux ?


***


Reiko s’inclina et tendit un cadeau enveloppé d’une étoffe orangée à son amie.


- J’espère que tu l’accepteras !


Hirumi pencha la tête sur le côté, curieuse. 


- Pour moi ?

- Pour vous tous.

- Merci, dit-elle simplement en attrapant l’objet et en se courbant à son tour.


Contrairement à son conjoint, elle prit le temps de dénouer les rubans et de replier le tissu. Puis, elle étendit précautionneusement la toile orientale.


- Un… Kimono ?

- Un vrai de vrai ! Il est bleu foncé, tu devrais te sentir à l’aise dedans. Il rappelle la teinte de tes cheveux. Et ces fleurs ivoire, comme ton obi, ce sont des chrysanthèmes. Je me suis dit que… Que ce motif te correspondrait bien. Il n’est pas trop voyant…


Reiko sursauta quand l’Officière du Yamato l'étreignit vigoureusement.


- Il est superbe.

- Je… J’en suis ravie, répondit-elle en ravalant les larmes qui embuaient son regard. Pour Susumu, j’en ai choisi un rouge à rayures blanches, qui mélange les couleurs de vos habits, à toi et à Mamoru. Je lui ai d’ailleurs offert tout à l’heure.

- Et pour toi ?

- Ah ça…


La militaire extraya une housse de son sac, qu’elle ouvrit soigneusement.


- Okaa-san en possédait un similaire, qu’en dis-tu ?


***


- C’est que t’es pas trop vilain apprêté de la sorte !

- Je suis bien foutu donc ça aide. 

- C’est pas l’humilité qui t’étouffe, rétorqua Mamoru.


Par opposition au vêtement exubérant, agrémenté d'arabesques dorés, de son compère du jour, celui du sniper était plutôt commun. Les différentes épaisseurs de soie se constituaient d’un dégradé oscillant entre le marine et le bleu ciel. 

“Elle connaît mes goûts”, ne put-il s’empêcher de constater.


- C’est confortable à porter, observa-t-il, agréablement surpris.

- Il ne me manque plus qu’un éventail. Est-ce qu’elle en a emmenés ?

- Un éventail ?, répéta Bruce, narquois. Tu veux pas qu’on te farde les pommettes tant qu’on y est ? 

- Et pourquoi pas ? Je pourrais être la geisha la plus en vue de Mars.

- Ce qu'il ne faut pas entendre, se désola-t-il en nouant une ceinture brillante, semblable à celle de son père, autour du ventre de Susumu.


Des gloussements joyeux résonnèrent alors au-dessus des escaliers et les deux hommes se retournèrent, en parfaite synchronisation.

Drapée dans sa toile sombre, Hirumi descendait prudemment les marches, Sayuri nichée dans ses bras. La petite ne dérogeait pas à la règle et arborait une tenue bleue pâle sur laquelle étaient brodées des fleurs de cerisiers roses, assorties à son obi. 

Les mêmes fleurs qui parsemaient le kimono de sa mère. 

Bruce ouvrit la bouche, la referma et l’ouvrit à nouveau. Il fut subitement frappé par un air de “déjà vu”, qui lui fila la chair de poule.

Cette scène lui évoquait indubitablement Robunte Roldo, lorsqu’il avait été si blessant envers celle qu’il aimait et qu’il avait bien failli perdre si elle avait cédé aux avances de Moritz Schneider… Paix à son âme.

Ce jour-là, elle l’avait littéralement ébloui mais ce n’était rien… Ce n’était rien comparé à l’uppercut qu’elle venait de lui infliger dans l’estomac.


- Putain, chaton, finit-il par lâcher. T’es… T’es…


La chevelure brune de sa belle avait été domptée en une élégante tresse qui retombait nonchalamment sur son col. Sa toilette, rose pâle, était ornée de sakuras qui s’entremêlaient gracieusement tandis que sa taille avait été ceinturée par une étoffe blanche, soyeuse. Et puis, à l’image d’Hirumi, ses paupières avaient été assombries et ses lèvres, recouvertes d’un rouge carmin.


- T’es euh… Euh…

- Vraiment magnifique. Toutes les deux, les complimenta Mamoru en souriant, grand seigneur face à la détresse de Bruce. 

- Ouais, c’est ça que je voulais dire, grommela-t-il.

- Vous êtes prêts ?, les questionna Hirumi. Il fait déjà nuit dehors.


Le petit groupe s’attela aux derniers préparatifs, c'est-à-dire la confection des lanternes du festival, dans lesquelles ils répartirent de minuscules bougies.

Reiko, agenouillée sur le plancher, avait habilement assemblé la sienne et faisait part de son ouvrage à sa fille, qui l’admira avec des yeux ébahis.


- Et là, tu accroches ces cordons en spiral. Ça sert à éloigner les esprits malfaisants ! Non, Yuyu, on ne mange pas les feuilles du bonsaï. Regarde plutôt ici. J’ai dessiné “l'œil qui voit tout”. Lorsqu’on agite ce lampion, les démons prennent peur car ils savent qu’une puissance bien plus forte qu’eux existe. Une puissance capable de les traquer et de les bannir au-delà des limites consciente de notre univers.

- C’est pas un peu effrayant comme histoire pour une enfant ?, intervint Bruce en s’asseyant sur le parquet ciré.


Elle secoua la tête négativement.


- Au contraire, je trouve ça rassurant que quelqu’un veille sur l’Humanité.

- Quelqu’un comme Kami-sama ? Ou… Harlock ?

- Ce sont deux excellents exemples. 


Le sniper déposa un baiser dans le cou de sa compagne.


- Pourquoi une femme aussi sublime a-t-elle accepté d’épouser un type comme moi ?

- Pourquoi un homme aussi doué a-t-il accepté de s’encombrer d’un boulet comme moi ?, rectifia-t-elle.

- Tu veux que je me fâche ?, gronda-t-il. On avait dit quoi à propos de l’auto-dénigrement ?

- C’est pas digne d’un agent de la Space Defence Force.

- Voilà, ce n’est pas digne d’un agent de la SDF, donc…

- Okay, okay, j’ai pigé.

- J’aime mieux ça. J’espère que tu me laisseras enlever toutes ces couches de tissu… Quand la fête sera finie.

- Si tu es sage.

- Faut pas trop compter là-dessus, déclara-t-il en suivant le tracé de la colonne vertébrale de Reiko avec la pulpe de ses doigts.

- Bruce…

- Kokoooo, se plaignit Mamoru. C’est trop duuur ! J’en ai déchiré trois.

- J’arrive, souffla-t-elle en lissant le vêtement sous ses genoux et en se levant.


*** 


- C’est…

- Magique ?, compléta la pilote.

- Exactement !, répondit le Commandant du Yamato en coupant sciemment la parole à son homologue de la SDF.

- J’ai l’impression d’être de retour à Kyoto. C’est…


L’émotion l’empêcha d’achever sa phrase.

Une allée à la longueur démesurée s’étendait à leurs pieds. De part et d’autre de celle-ci, des étals colorés, odorants et attrayants s’alignaient.

Un torii, une arche japonaise inspirée de la tradition shintoïste, se dressait au bout de la voie et, derrière celui-ci, un escalier de plusieurs centaines de marches menait à un temple qui rayonnait d’une lumière dorée. 

Les larmes roulèrent sur les joues de Reiko, irrépressibles.


- Okaa… Okaa…

- Chérie…


Elle plaqua ses mains contre son visage, submergée par un tsunami de sentiments.

Le rire cristallin de Nadeshiko Sakuramachi.

Les origamis dansant à la lueur des torches.

Les mochis aux haricots rouges.

Et les bombardements.

Les cris de douleur des enfants. 

La famine, la souffrance et la mort. 

Ces souvenirs, c’était trop. 

Trop dur à supporter. 

Trop dur à canaliser. 


- Chaton… 

- Une minute. Juste… Une minute.


Mamoru et Hirumi s’approchèrent, soucieux. 


- Est-ce qu’on…

- Partez devant, on vous rejoint.

- Très bien, on vous attend vers le portail.


Reiko s’accroupit, en proie à une crise d’angoisse. Sa respiration était aussi saccadée que sa vision était floue. Bruce happa Sayuri, qui tenait encore l’habit de sa maman entre ses phalanges, et l’appuya sur son torse.


- On peut s’en aller si c’est trop difficile. Je m’en fiche. On va où t’as envie. 

- Non, je vais me reprendre. Je vais… Me reprendre.

- D’accord, murmura-t-il en lui caressant le dos.


Les badauds contournaient la famille Speed en lui jetant des regards ahuris, auxquels le sniper ne prêta aucune importance, bien résolu à octroyer le temps nécessaire à la jeune femme pour se ressaisir.

Lorsque cette dernière se décida enfin à se relever, il lui désigna un stand tout proche.


- Un dessert, ça te tente ?


***


- Oishī !, s’exclama Reiko. 

- Traduction ?

- C’est délicieux !

- À la bonne heure. 


Assise sur un banc, la pilote dégustait une glace composée de trois ou quatre boules superposées.

Et, au grand soulagement du Commandant du peloton Sirius, les douceurs avaient accompli leur mission : alléger le poids de l’anxiété pesant sur les épaules de Reiko. 

Un poids qu’il aurait volontiers pris et ajouté à sa collection mais dont elle rechignait à se séparer.

Il vola une serviette en papier sur une table voisine et essuya le menton barbouillé de miettes de Sayuri, qui découvrait quant à elle la saveur sucrée d’un gâteau aux fraises.


- Hé, mâche tranquillement. Personne ne va te la dérober.

- Hum. Moui.

- J’ai prévenu Mamoru et Hirumi. Ils ont déjà débuté l'ascension.

- Hum. Hum.

- Tu t’en fous, t’as de quoi manger. J’sais même pas pourquoi j’me fatigue à t’expliquer.


Tout à coup, une détonation retentit dans le ciel, faisant sursauter enfants et adultes.


- Feux d’artifices !, s’écria un chaland.


Une foule s’attroupa dans l’allée et Bruce, qui n’appréciait guère être piégé au milieu d’un troupeau d’êtres humains, ramassa précipitamment leurs affaires.


- Je vais balancer les déchets et on va se dénicher un coin à l’écart pour profiter du spectacle. Okay ?

- Ça marche.


Le sniper s’éloigna alors promptement en quête d’une poubelle. Reiko se leva à son tour et remarqua qu’elle avait tâché son kimono avec de la crème à la vanille.


- Kuso.


Elle se dirigea vers l’étal du glacier et attrapa un torchon pour nettoyer les dégâts mais elle ne parvint qu’à étaler davantage le liquide.


- Fais chier.


Elle s’ingénia à frotter la soie durant une bonne minute avant d’abandonner en grognant, réalisant qu’il lui faudrait un détachant efficace pour en venir à bout.

Pendant ce temps-là, des explosions éclataient à intervalles réguliers et la voûte céleste se teintait d’une multitude de traits colorés éphémères.


- Yuyu, on attend papa et…


Elle se détourna et se pétrifia en apercevant le banc.

Ou plutôt l’absence de petite fille sur le banc.


- Sayu ? Sayuri !


Au cours de sa vie, elle n’avait pas été étrangère à la panique et aux situations potentiellement mortelles.

Mais rien n’était comparable à ce qu’elle éprouvait en cet instant.

Une onde traversa son corps de part en part, de la pointe de ses orteils au sommet de sa tête, et elle poussa un hurlement rauque, presque guttural.


- Sayuri !


Elle examina l’espace entre l’assise et le sol puis les arbres à proximité, mais rien. Et ce, sans cesser de crier le prénom de son enfant. Faute de mieux, elle se rabattit sur les stands alentours, en vain. 


- Chaton ? Pourquoi est-ce que tu…


Le sang de Bruce se figea à son tour et il empoigna les avant-bras de sa conjointe.

- Où est-elle ?

- Je ne… Je ne sais pas… Je ne l’ai quittée des yeux qu’une minute et… 

- On ne t’a pas dit qu’il ne fallait jamais relâcher sa surveillance ?, s’énerva-t-il. Surtout au milieu d’une foule comme celle-là ? Putain ! C’est pas vrai !


Le Commandant activa son mode automatique et passa l’assemblée au crible.


- Elle n’a pas pu aller bien loin.

- Et si elle s’était égarée ? Et si on l’avait kidnappée ? Elle est tellement mignonne que…

- Calme-toi. Je vais la retrouver.

- Mon bébé… Mon bébé, s’affola Reiko. J’ai… J’ai… C’est à cause de moi…

- On en discutera plus tard, trancha-t-il. Suis-moi.

- On devrait se séparer…

- Pas dans ton état. Contacte Mamoru et Hirumi.

- Ou… Oui.


Elle s’exécuta, fébrile, et raccrocha dès que le couple Kodaï lui eût assuré qu’il les rejoindrait au plus vite.

Bruce avait lui déjà terminé d’inspecter les environs immédiats.


- On doit chercher quelqu’un pour faire une annonce au micro, vu ?

- Compris.


Ils s’aventurèrent dans le public en appelant désespérément leur fille.

Inutile de préciser que l’état mental de Reiko était catastrophique.

Elle avait la sensation d’être une boule de nerf vidée de toute émotion, la terreur exceptée.

Elle aurait mille fois préféré être à nouveau prisonnière de Promethium. 

Tout plutôt que la perte de Sayuri.

Perte dont elle était l’unique responsable.

Quant à Bruce, il gérait ça à sa manière.

Il devait agir ou risquer de devenir fou. Telle une grenade dégoupillée, il quadrillait le secteur.

D’après lui, une enfant d’un an et demi n’était pas en mesure de parcourir une distance significative. Elle se cachait probablement dans un renforcement, à l’abri des regards.


- Sayu… Sayuri… Où es-tu ? Madame, auriez-vous vu… ?


Ils interrogeaient les passants, fouillant le moindre recoin, mais elle demeurait toutefois invisible.


- Monsieur, excusez-moi de vous déranger…

- C’est une gamine d’un an et demi, elle a des cheveux noirs…

- Des yeux bleus…

- Elle porte un kimono de la même couleur….


Cependant, les seules réponses qu’ils obtinrent furent “Non, je suis désolé.”, “Je n’ai rien vu.” ou pire “Vous auriez dû faire attention ! Quel genre de parents êtes-vous donc ?”

Reiko se laissa tomber sur une banquette, en larmes.


- Yuyu… Sayu…

- Reste-là, lui intima Bruce. Je m’en occupe. Je vais la ramener.

- Je viens… Je viens avec toi.

- Non, tu ne me seras d’aucune aide si tu ne réussis pas à te canaliser. Fais-moi le plaisir de ne pas bouger d’ici.


Puis, sans plus de cérémonie, il disparut dans la marée humaine. 

Il avait repris ses vieux réflexes de mercenaire et avait décrété qu’il ne quitterait pas cet endroit sans sa fille.

Aucune autre alternative n’était envisageable.

De nombreuses secondes - ou minutes ? - Reiko n’aurait su le dire, s’égrenèrent tandis qu’elle se tenait prostrée, fixant des origamis de forme hélicoïdale qui pendaient à un cerisier.

C’est alors qu’elle les ressentit.

Les battements.

Elle porta deux doigts à sa poitrine et en déduisit qu’ils ne provenaient pas de son corps. 

Profonds et terrifiants, ils martelaient sa boîte crânienne.

Elle avisa les alentours, surprise.

Était-elle la seule à les “entendre” ?

La militaire se mit debout, hésitante.


- “Ton instinct a toujours été très sûr…”, marmonna-t-elle, comme un leitmotiv. 


Trahissant les directives de son mari, elle s’avança à pas lents dans l’allée, les paupières à demi-closes.

N’ayant pas d’autre piste, elle choisit de suivre les battements et de remonter jusqu’à leur source.

Elle avait l’impression d’évoluer dans une réalité différente de celle des personnes présentes à ce festival.

Cris et rires se mêlaient, formant un joyeux brouhaha qui glissait sur sa peau comme le vent.

Bien qu’il fût impossible que Sayuri ait marché aussi loin, elle continua sans se poser de question.

Elle parvint assez rapidement face au torii mais, contre toute attente, le contourna, empruntant un chemin dissimulé dans les hautes herbes. Progressant parallèlement à l’escalier du temple, elle déboucha devant une porte grillagée, ébréchée, rouillée et presque totalement dégondée.

Ici, les battements étaient plus forts. Plus intenses. Ils lui vrillaient le cerveau et elle ne s’entendait plus penser.

Tremblante, elle poussa le vantail, se baissa et entra dans le passage étroit et voûté. 

Il faisait sombre à l’intérieur et elle se guida en tâtonnant contre les murs sur une dizaine de mètres.

Elle finit par arriver dans une pièce circulaire au centre de laquelle se dressaient des vestiges de colonnes s’apparentant à des flèches.

Les parois étaient quant à elles recouvertes de peintures effrayantes défraîchies, représentant des créatures démoniaques, parmi d’autres réjouissances du même acabit. De l’eau ruisselait au travers de la grotte et seul le bruit des gouttes s’écrasant au sol troublait le silence des lieux.

Puis, elle la vit, assise en tailleur au milieu des ruines.

Le cœur de Reiko s’emballa et elle se rua en avant.


- Sayuri !, croassa-t-elle en happant la fillette par son yukata.


Elle la serra dans ses bras en sanglotant.


- Pardon… Pardon… Je te demande pardon. Je t’aime. Tu es blessée ? Non… Tu vas bien… Merci, kami-sama… Merci, kami-sama ! Mon dieu, quelle frayeur… 

- Ohasan ! Ohasan !


Le bébé gazouillait, indifférent à l’angoisse qui étreignait sa maman.


- Mon amour… Je suis là. Maman est là et elle ne partira plus jamais.


***


Lorsque, après avoir été averti par un appel de son épouse, Bruce débarqua dans la crypte en compagnie de Mamoru, il découvrit Reiko recroquevillée au pied d’une colonne renversée, Sayuri pressée sur son ventre.

Elle balbutiait des paroles inaudibles et ses membres étaient agités de tressautements qui paraissaient incontrôlables. Son kimono rose s’était imbibé d’une eau calcaire qui avait laissé un léger dépôt blanchâtre sur le tissu.

Bruce fut soulagé de constater que Sayuri semblait aller pour le mieux et dormait paisiblement.


- Chérie…


Comme Reiko ne répondait pas, il posa un genou à terre et écarta une mèche de ses cheveux.


- Elle est en état de choc, lança le Commandant du Yamato.

- Comment ont-elles atterri ici ?, le questionna-t-il, perplexe. Et, d’abord, on est où ?

- Aucune idée. Faut les sortir de là. On aura tout le temps d’éclaircir ça à la maison.

- Ouais. Chaton, t’es avec moi ?

- Les battements, chuchota-t-elle. Ils se sont arrêtés.


Voyant qu’il était inutile d’essayer de négocier avec la pilote, il renonça à l’interroger.


- Elle avait raison. Entre la sirène, les voix imaginaires et maintenant ça… Le sort s’acharne sur ma famille.

- Bruce…

- Oui, on décampe.


Il plaça un bras sous les genoux de Reiko et un second autour de ses hanches, avant de soulever mère et fille.


- Je peux prendre Yuyu.

- Pas la peine, j’ai les épaules assez solides pour nous trois, soupira-t-il. 


Il baissa les yeux et s’aperçut que toutes deux ronflaient allègrement.


- Ça existe les récidives de malédictions ?

- Pardon ?

- J’espère juste que je ne suis pas responsable de tout ce merdier.


Mamoru propulsa son talon gauche dans la grille, la faisant voler en arrière de plusieurs mètres.


- J’ignore de quoi tu parles mais je suis certain que ça n’a rien à voir.

- Comment Sayuri a-t-elle pu se téléporter ici ? Et Reiko… Comment a-t-elle eu l’idée de venir la chercher dans ce trou paumé ?, demanda Bruce en émergeant à l’air libre.

- On a d’autres problèmes pour le moment, le recadra Kodaï.

- Et, pour changer, je me suis encore comporté comme un parfait goujat alors qu’elle était littéralement terrorisée.

- Elle ne t’en voudra pas.

- Elle devrait, mais je la connais… Elle va culpabiliser jusqu’à s’affamer.

- On veillera à ce qu’il n’en soit rien.


Ils débouchèrent sur la place principale et remarquèrent que le feu d’artifices s’était achevé. Hirumi, qui patientait près des escaliers, les rejoignit au pas de course, Susumu niché dans son cou.


- Elles vont bien, déclara Mamoru.


Il se tourna ensuite vers son ami et lui asséna une claque sonore dans le dos.


- Plus de peur que de mal. Une bonne nuit de sommeil et tout rentrera dans l’ordre.

- J’en suis pas sûr, rétorqua Bruce.


Il observa le firmament, préoccupé.


- J’ai la désagréable sensation que ça ne fait que commencer.

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