Le nouveau role de TK
T.K. était assis dans le salon d’Andréa, les doigts crispés autour d’une tasse de thé refroidie. Ses yeux fatigués allaient sans cesse de la fenêtre au petit canapé où Jonah jouait calmement avec un camion jouet, inconscient du tumulte qui entourait sa famille.
Andréa tira le rideau du salon, jeta un coup d’œil dehors, et laissa échapper un soupir agacé.
— Ay Dios mío… deux voitures de police devant ma maison. Les voisins vont penser que j’ai caché un narco dans le sous-sol, grogna-t-elle en croisant les bras.
Carlos leva les yeux vers elle, un sourire las au coin des lèvres.
— Mama… je te l’ai déjà expliqué. On ne peut pas prendre de risque. Pas tant que ce type est toujours en liberté.
— Je sais, mijo, je sais… Mais tu sais comment c’est dans le quartier. Les gens parlent, et moi j’ai pas envie de répondre à mille questions à la messe dimanche.
T.K. se redressa légèrement, l’air soucieux.
— Vous êtes certaine, Andréa, que ça ne vous dérange pas de le garder cette semaine ? demanda-t-il. On peut trouver une autre solution si c’est trop pour vous…
Elle se tourna vers lui, le visage radouci.
— T.K., ce petit garçon, c’est mon petit-fils. Bien sûr que je vais le garder. Il est en sécurité ici, et je suis ravie de l’avoir. Je chiale, c’est vrai, mais c’est dans mes gènes. Ça ne veut pas dire que je ne tiens pas à vous.
Un petit sourire se dessina sur les lèvres de Carlos.
— Gracias, mama
— Mais vous deux, ajouta-t-elle en pointant un doigt sévère entre eux, vous allez me promettre que vous serez prudents.
Carlos échangea un regard avec T.K., et ce dernier hocha lentement la tête.
— Promis, souffla-t-il.
Andréa s’assis sur le sol pres de Jonah.
— Bon, mi amor, montre-moi comment il roule, ton camión.
Jonah poussa son camion de pompier avec enthousiasme, imitant la sirène avec ses lèvres puis grimpa sur ses jambes sans prévenir.
— Grand-maman ! T’es en feu ! cria-t-il joyeusement.
Elle éclata de rire et fit semblant d’éteindre les flammes imaginaires sur sa jupe.
— Ay, ay, ay ! Sauvez-moi,
Jonah rigola.
- Bon, mon trésor. Dit aurevoirs a tes papas. On va passer du temps ensemble.
— Bon, mon trésor. Dit aurevoirs à tes papas. On va passer du temps ensemble, déclara Andréa en pressant doucement Jonah contre elle.
Le petit leva les yeux, ses boucles brunes tombant sur son front. Il fronça les sourcils.
— Vous partez où ?
— Juste pour un moment, répondit T.K., s’agenouillant devant lui. On va aider les policiers, d’accord ? Mais toi, tu vas rester avec grand-mère.
Carlos prit ensuite Jonah dans ses bras, un peu plus longuement. Il lui caressa les cheveux, déposa un baiser sur son front, puis le regarda droit dans les yeux.
— Tu écoutes bien, d’accord ?
Jonah fit oui de la tête.
Elle s’approcha de son fils et lui dit dans sa langue maternelle, d’une voix douce mais ferme, en posant une main sur sa joue :
— Mi hijo, cuídalos. No solo con tu placa… con tu corazón también. (Mon fils, protège-les. Pas seulement avec ton insigne… avec ton cœur aussi.)
Carlos la regarda, les yeux brillants. Il acquiesça en silence, incapable de parler sous le poids de l’émotion.
— Te prometo que haré todo lo posible, murmura-t-il. (Je te promets que je ferai tout ce que je peux.)
Andréa le prit brièvement dans ses bras. Puis elle tapota sa poitrine, au niveau du cœur.
— Eso es lo que te hace fuerte. No lo olvides. (C’est ça qui te rend fort. N’oublie jamais.)
Elle se tourna ensuite vers T.K. et lui adressa un regard tendre.
— Il a parfois la tête dure, mais il t’aime plus que tout. Prends soin de lui aussi.
— Je le ferai, promit T.K., la gorge nouée.
Puis, sans un mot de plus, ils franchirent le seuil de la maison, laissant derrière eux la chaleur d’un foyer… pour replonger dans la tempête.
Carlos ouvrit la portière du passager pour T.K., un vieux réflexe qui lui était resté malgré les années. T.K. lui lança un petit sourire amusé.
— Vous etes en train d’essayer de me séduire, Agent Reyes ?
— Peut-être, répondit Carlos en haussant les sourcils, un coin de sa bouche relevé. C’est que j’ai un faible pour les anciens urgentistes devenus papas sexy.
- Et moi tu sais que ca me fait craquer quand tu parles en espagnol.
— ¿Ah, sí? murmura-t-il, la voix plus grave, plus basse. ¿Quieres que siga?
T.K. le regarda du coin de l’œil, le cœur battant un peu plus fort. Ce ton, cette langue, cette chaleur… ça le ramenait à ces premiers mois entre eux,
— Là, c’est carrément de la triche, marmonna-t-il avec un sourire. Tu veux que je fonde ou quoi ?
— Peut-être, répliqua Carlos en se penchant légèrement, le regard toujours rivé sur la route.
Le silence s’installa un instant, pas pesant, mais chargé. T.K. serra un peu plus fort la main de Carlos, les yeux brillants.
— On devrait faire ça plus souvent, souffla-t-il. S’éloigner un peu. Prendre le temps. Retomber amoureux… encore et encore.
Carlos freina doucement à un feu rouge et tourna la tête vers lui, cette fois pour de bon. Ses yeux étaient sombres mais tendres.
— J’ai jamais arrêté.
Le feu passa au vert. La voiture repartit doucement dans la nuit tranquille.
— Et moi, j’ai jamais eu aussi hâte d’arriver quelque part, murmura T.K., un sourire au coin des lèvres.
Carlos roula encore quelques minutes en silence, la main de T.K. toujours glissée dans la sienne. Puis, sans rien dire, il bifurqua sur une petite route déserte, bordée d’arbres et à peine éclairée par les réverbères. Il roula doucement jusqu’à un stationnement abandonné près d’un vieux terrain de sport, puis coupa le moteur.
T.K. le regarda, intrigué, un sourire en coin.
- Qu’est-ce qu’on fait ici ?
— J’ai juste besoin de toi, souffla Carlos. Là. Maintenant.
T.K. ne répondit pas. Il se pencha vers lui et l’embrassa. Un vrai baiser, long, profond, qu’ils n’avaient pas eu le luxe de partager depuis des semaines. Depuis que Jonah remplissait leurs jours — et leurs nuits — de rires, de cris, de dessins et d’amour.
Carlos répondit avec une urgence douce, glissant une main dans la nuque de T.K., l’autre venant effleurer sa cuisse. T.K. frissonna.
— On est vraiment en train de faire ça ? chuchota-t-il entre deux baisers, la voix déjà plus rauque.
— Tu m’as dit que l’espagnol te faisait craquer… attends de voir ce que mes mains peuvent faire.
T.K. éclata d’un rire étouffé, mais se rapprocha encore, sa jambe frôlant celle de Carlos. Il glissa ses doigts sous la chemise de son mari, redécouvrant la chaleur de sa peau, cette tension sous-jacente qu’il connaissait si bien.
Le pare-brise s’embua rapidement, les vitres aussi.
Carlos murmura à son oreille, en espagnol, des mots doux, brûlants, que T.K. ne comprenait pas toujours mais qui lui allaient droit au cœur. Il répondit par des gestes, par des soupirs, par la promesse muette qu’ils étaient encore eux, malgré la fatigue, malgré les responsabilités.
Quand ils se retrouvèrent enfin dans les bras l’un de l’autre, haletants, les vêtements légèrement défaits et les cœurs battant à l’unisson,
Ils restèrent là encore un moment, enlacés dans l’habitacle silencieux.
— On devrait se sauver ensemble plus souvent, souffla T.K.
Carlos souris en remetant de l’ordre dans ses vêtements.
- ET la prochaine fois, tu me dira des mots doux en hébreux, roucoula-t-il.
Carlos sourit en remettant de l’ordre dans ses vêtements, jetant un coup d’œil à T.K., encore légèrement décoiffé et les joues rougies par la chaleur de l’instant.
— Et la prochaine fois, tu me diras des mots doux en hébreu, roucoula-t-il, sa voix basse et taquine.
T.K. leva un sourcil, amusé.
— Tu veux que je te dise quoi ? Tu sais que ce n’est pas la langue la plus sexy…
Carlos se pencha, mordilla doucement le lobe de son oreille.
— Si c’est toi qui le dis, ça l’est toujours.
T.K. gloussa,
Ils échangèrent un dernier baiser volé, tendre et un peu étourdi, comme deux amants encore ivres d’avoir été seuls ensemble. Puis Carlos alluma le moteur, prit la route, une main posée sur la cuisse de T.K.
— Rentrons, dit Carlos en jetant un œil au ciel crépusculaire, où la lumière s’effaçait lentement derrière les toits. Je vais probablement devoir passer la nuit au poste, le capitaine veut qu’on boucle le dossier.
— Alors une chance qu’on ait profité un peu tous les deux, répondit T.K. avec un sourire en coin, encore bercé par leur moment de tendresse.
Carlos tendit la main et serra brièvement celle de son mari, leurs doigts entrelacés entre les sièges. Le silence s’installa entre eux, doux, ponctué seulement par le ronronnement du moteur et les murmures de la radio en fond.
Mais au loin, dans la pénombre grandissante, deux phares apparurent. Rien d’anormal au départ. Une voiture en sens inverse, comme tant d’autres. Jusqu’à ce qu’elle dévie.
— Carlos… fit T.K., en fronçant les sourcils.
La voiture en face accéléra soudainement. Sans clignotant. Sans hésitation. Et fonça droit sur eux.
— Merde ! s’écria Carlos, donnant un violent coup de volant.
Les pneus hurlèrent sur l’asphalte, cramant le bitume. Le moteur rugit, la carrosserie gronda sous la violence du choc. Le véhicule de Carlos fut projeté contre la rambarde, puis rebondit violemment sur la chaussée.
Le fracas des tôles froissées résonna comme un coup de tonnerre. Le pare-brise explosa en une pluie de verre tranchant. T.K. sentit son corps balloté, projeté vers la portière. L’airbag éclata devant lui, le projetant en arrière, la tête cognant contre le montant du toit.
Le souffle coupé, la douleur fulgurante au visage, T.K. tenta d’ouvrir les yeux.
Le bruit sourd des pneus qui dérapent, la voiture qui se met à glisser.
Puis le choc final, brutal, lorsqu’ils percèrent la glissière de sécurité, dévalant le talus dans un fracas assourdissant.
Le silence retomba uniquement brisé par la respiration rauque de T.K. et les craquements inquiétants de la carrosserie déformée.