Le Coeur en Feu
-Qu’est ce qui s’est passé ?! répéta Carlos sans pouvoir quitter des yeux le tube qui forçait la gorge de TK.
-TK a voulu aller secourir le garçon…repris Nancy les larmes aux yeux. On était pas équipés mais y’avait personne aux alentours pour nous aider. L’ambulance à mis un temps fou à arriver. Il est allé sur la glace avec une corde qu’on avait faite avec des draps et en voulant remonter à la surface, la glace a rompu sous leurs poids…
Carlos avait du mal à respirer. Il sentait les muscles de sa gorge se serrer. Il se passa une main sur le visage alors qu’il lui semblait que la terre s’ouvrait sous ses pieds.
Tommy prit alors le relais de Nancy qui cherchait ses mots pour expliquer la situation à un Carlos au visage bouleversé.
Encore une fois le policier ne put que constater que le secouriste n’en avait fait qu’à sa tête sans prendre en considération les risques pour lui-même. Il se sentait impuissant et tout à coup tellement en colère.
Comment pouvait-on à ce point prendre des risques totalement inconsidérés et irréfléchis ?
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TK ne savait pas où il était. Il ne pouvait pas bouger, il entendait pleins de bruits. Et cette voix, cette voix…est ce que c’était ?
Tout à coup, une lumière. Il se retrouva alors dans la cuisine de la maison de son père alors que sa mère faisait son apparition un large sourire aux lèvres, les cheveux noués sur le côté, vêtue d’une robe noire.
Était-il en train de rêver ? Était-il mort ?
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Après la venue du médecin Carlos était accablé.
Coma. Le mot avait été prononcé. Après un arrêt cardiaque sur le lieu de l’accident en raison d’une hypothermie sévère et un second en arrivant, le corps de TK était tombé dans le coma.
Si la médecin avait expliqué que les fonctions cérébrales étaient toujours en activité, elle n’avait aucun moyen de déterminer quand le secouriste allait sortir de cet état, ni comment ou s’il allait tout simplement en sortir.
Au regard de la situation et de ces deux incidents cardiaques, TK était étroitement surveillé par tout le staff médical.
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Carlos était assis sur une chaise près du lit de TK, accablé, avachi, le regard dans le vide, respirant au rythme des différentes machines émettant d’insupportables bips sonores.
Il entendait son ex-amant respirer, ou plutôt était-ce la machine qui lui violait la bouche qui respirait et émettait un son qui rendrait, très certainement, Carlos fou.
Depuis combien de temps était-il assis sur cette chaise ? Quelques minutes ? Quelques heures ? Il ne savait plus.
Avant qu’il ne finisse par s’asseoir épuisé, la 126e était passée. Owen était toujours introuvable et injoignable à l’instar de Marjane.
Tommy et Nancy avaient dû se rendre à Paragon rendre leur rapport sur l'incident survenu lors de l’intervention.
Carlos était donc désormais seul.
Dieu seul savait à quel point Carlos aimait cet homme allongé dans ce lit et cette chambre impersonnels. Alors que le jeune homme lui avait piétiné le cœur sans vergogne. Pourtant en le voyant ainsi, Carlos avait vu, de nouveau, tous ses sentiments lui éclater au visage. Tels les flots d’une marée montante et furieuse, tout lui revenait et lui emplissait le corps et l’esprit. Dieu qu’il l’aimait ! Il avait eu beau se résigner et se couper de ses émotions, il l’aimait toujours et à la simple idée de le perdre, Carlos aurait pu se jeter au sol pour le suivre dans son dernier voyage.
Malgré sa colère, malgré leur dispute et les actes de TK, Carlos en voulait encore. Il voulait encore de lui. Il ne pouvait pas concevoir une existence sans la présence de TK et à défaut d’être dans sa vie, au moins dans ce monde.
Un frisson lui parcourut le dos alors que sa gorge se serrait de nouveau. Carlos aurait tout donné, absolument tout, pour ne voir ne serait-ce que ses yeux s’ouvrir à nouveau.
Il en était à ce stade de la réflexion lorsque l’ensemble des machines s’éveillèrent dans un bruit furieux et se mirent à émettre des sons stridents et continus.
Ces bruits sortirent Carlos de sa torpeur.
Il se leva lentement, fixant les écrans qui indiquait des éléments qui lui était impossible à comprendre.
C’est alors que l’ensemble du staff médical arriva en trombe dans la pièce. Le policier compris que la situation était grave.
On le fit sortir tandis qu’il voyait le médecin se saisir des palettes et que les infirmiers manipulaient TK pour lui mettre une plaque sous le dos.
Carlos aurait voulu leur hurler de ne pas le toucher et de le laisser tranquille mais il était impuissant et il se retrouva à la porte de sa chambre alors que quelqu’un fermait les rideaux pour qu’il ne puisse pas assister à un tel évènement qui pourrait être traumatique et à l’issue indéterminable. Il s’assit lourdement sur les chaises qui longeaient le mur de sa chambre et se prit la tête entre les mains.
TK allait peut-être mourir et il ne lui avait absolument rien dit. Leur dernière dispute allait être leurs derniers mots. Carlos sentit les larmes et le sang lui monter à la gorge.
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TK faisait un nouvel arrêt cardiaque, son corps décompensait. Il s’agissait du troisième arrêt qu’il subissait suite à son hypothermie sévère.
Après sa nouvelle défaillance cardiaque, le médecin vint expliquer la situation à Carlos qui avait été rejoint par Tommy et Nancy après leur rapport. Carlos écoutait sans réellement entendre. La seule chose qu’il comprenait était que la situation se dégradait et que l’équipe médicale craignait une décompensation totale de TK et que l’ensemble de ses organes ne finisse par lâcher.
Nancy et Tommy prirent les mains de Carlos dans un geste désespéré de réconfort.
Bientôt le Docteur Patel fût appelée sur une autre urgence sans pouvoir davantage rassurer la famille du patient.
Carlos avait besoin de sortir où son coeur allait aussi lâcher. Il se détacha de ses amies et sortit après avoir enfilé sa veste.
A la sortie de l'hôpital, le froid lui fouetta le visage et les sens.
TK était en train de mourir. Il allait le perdre. Il n’avait plus d’espoir, il n’arrivait plus à positiver ou à réfléchir. Il allait le perdre.
Carlos s’éloigna de l’entrée et s’appuya contre un renfoncement de mur les yeux vers le ciel.
Il allait le perdre.
Il glissa le long du mur. Accroupit, le dos contre la paroi glacée, le visage entre les mains ; Carlos se mit à pleurer, la bouche entrouverte dans un cri silencieux.
Il allait le perdre. Il le perdait.
Ces pleurs devinrent profonds et incontrôlables, secouant ses épaules. Ses larmes semblaient sortir de son âme et balayaient tout son être. Il se sentait écrasé. Tout l’intérieur de son corps ressentait une douleur émotionnelle insupportable. Il avait la sensation d’étouffer. Sa poitrine se serrait et sa gorge se nouait.
Ses larmes dévalèrent sans retenue sur ses joues, lui brûlant la peau. Ses sanglots rauques et sourds, résonnèrent sur les murs de l’hôpital dans ce coin où il était irrémédiablement seul, comme un écho de sa détresse intérieure.
Le visage déformé par la douleur, les traits de Carlos étaient tirés comme si chaque larme aggravait sa douleur et sa souffrance. Il se sentait totalement impuissant, seul, et rien ne pouvait l’apaiser. Pendant de longues minutes sa souffrance explosa autour de lui et s’éparpilla.
Dieu l’avait abandonné, il les avait abandonnés. Carlos était en train de perdre TK.
Finalement, assis à même le sol, un genou remonté contre lui, une main dans les cheveux ; le visage marbré et ravagé, Carlos cessa de pleurer. Il eut un moment de vide, une sorte de lente dérive dans laquelle le policier se retrouva complètement vidé, sans énergie, le cœur semblant peser une tonne et tomber comme une enclume dans sa cage thoracique.
Son regard fixé sur un point lointain semblait absent comme si le jeune mexicain n’était plus vraiment là.
Après un moment, il se releva péniblement, les cheveux épars et les mains tremblantes, en s’appuyant contre le mur glacé.
Carlos perdait TK. Sans avoir pu lui dire tout ce qu’il voulait lui dire.