Le Coeur en Feu
Suite à l’incendie, Owen avait proposé à son fils et Carlos d’emménager dans sa maison suffisamment grande pour 3 et Caramel. Depuis leur arrivée dans la maison l’affectueux bouvier dormait toujours au pied du lit du couple la nuit lorsqu’il ne dormait pas carrément sur le lit sur les pieds de TK. La présence du chien rassurait les deux hommes qui continuaient, notamment Carlos, à faire quelques cauchemars réactionnels. La mascotte de la 126e veillait sur eux.
Suite à leur installation, censée être temporaire, la cohabitation s’accorda très bien entre les trois hommes. Owen et Carlos se trouvèrent de nombreux points communs en matière de sport, de nourriture diététique et de cuisine. TK était ravi que son père et son petit ami s’entendent aussi bien. Le secouriste riait d’ailleurs bien souvent en écoutant leurs interminables et incompréhensibles conversations sur les qualités nutritives du chou kale ou l’apport des graines germées sur le métabolisme. Mais TK appréciait cette entente entre les deux hommes surtout quand il se rappelait que son dernier copain – Alex – n’avait jamais été en odeur de sainteté auprès du capitaine.
Une routine s’installa donc entre les trois hommes tandis que TK et Carlos tentaient de rebondir après l’incendie ; avancer et passer à autre chose. Au fur et à mesure des semaines ils s’étaient rachetés vêtements, appareils électroniques, et quelques éléments pour le futur logement qu’ils réussiraient à trouver.
Ils passaient également tout leur temps libre dans les bras l’un de l’autre face à l’ordinateur à éplucher toutes les annonces possibles et imaginables d’appartements et de maisons sur Austin pour leur futur nid d’amour.
Très vite ils s’étaient mis d’accord - et en partie après l’avis de TK - qu’ils cherchaient en priorité et en premier lieu une location. TK n’avait aucun dollar de côté et il refusait catégoriquement que Carlos paye la totalité de leur logement pour eux d’eux. Désormais adulte, sobre et indépendant il souhaitait participer à tous les frais de leur couple et de leur vie quotidienne. Devant de tels arguments emplis de bon sens Carlos n’avait pu que s’incliner. Avec l’argent de l’assurance il se vengerait sur quelques meubles et placerait le reste pour qu’un jour, peut-être, ils achètent à deux.
Sans le savoir pourtant, les nuages noirs s’amoncelaient au loin et leur couple n’allait pas tarder à être mis à rude épreuve.
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Pour la 126e, en revanche, tout ne se déroulait pas comme prévu.
Après l’incendie, l’équipe avait cru pouvoir reformer la team et remettre la caserne en état. Mais avec le refus d’Owen de prendre le commandement des pompiers du comté d’Austin c’est finalement Billy Tyson qui prit le poste et dans son ambition fit fermer la caserne au motif de coupes budgétaires.
La totalité de la 126e aller donc être réaffectée dans d’autres casernes et Owen ne serait peut-être plus capitaine de caserne. Ils ne travailleraient plus ensemble.
La sentence, tombée comme un couperet, les mis tous dans état d’abattement.
Ce fût terrible pour tous parce que Billy Tyson avait détruit leur famille. Ils venaient des quatre coins des États-Unis et s’étaient retrouvés au sein de cette caserne et ils formaient depuis une famille. Leur famille. La 126e.
L’avenir était encore davantage incertain pour l’équipe de secouristes composées de Tommy, Nancy et TK. Si les autres pompiers étaient sûrs de retrouver un poste dans les autres casernes les équipes médicales étaient pour leur part toutes complètes et aucune caserne ne pouvait, à ce jour, les accueillir. C’était donc la double peine pour le trio.
Si TK pouvait redevenir pompier l’avenir était définitivement incertain pour les filles. Mais TK se refusa à choisir la facilité et reprendre un poste de pompier. Il voulait demeurer loyal à leur équipe de secouristes. Et il aimait trop son nouveau statut pour régresser. Tommy et Nancy furent très touchées par le soutien du jeune homme et cette épreuve souda encore davantage le trio. TK aimait énormément ses deux partenaires et plus le temps passait et plus ils devenaient proches.
En l’absence de solutions et ne pouvant rester sans emploi trop longtemps Tommy se résolu, et à son grand désarroi, à se tourner vers leur dernière solution : la société d’ambulanciers privée « Paragon Medics » dont les méthodes étaient aussi détestables que leur dirigeant.
Nancy ne tarda pas à rebaptiser leur nouveau chef « Dracula sur tapis » relativement au fait qu’il suçait le sang des patients pris en charge par la société d’un point de vue financier et qu’il passait ses journées à marcher sur le tapis de course qui trônait sous son bureau.
D’une passion, le travail du trio devint certains jour une corvée. Ils ne parlaient plus de « patients » mais de « clients », chaque morceau de gaz ou pansements étaient comptés, on les obligeait à vendre des prestations et des actes médicaux toujours plus chers aux patients qui se retrouvaient dans leurs ambulances et parfois même ils étaient contraints à voler des patients sur les interventions.
Les méthodes de la société privée bousculaient leur éthique et déontologie et rendait régulièrement Tommy folle furieuse ce qui débouchait invariablement par des scènes d’affrontements verbales avec son responsable.
Les secouristes de la 126e et la société privée n’avaient absolument pas le même regard ni la même posture de travail.
Leur seul réconfort ? Pouvoir continuer à travailler ensemble. Si Tommy ne s’était pas encore faite virée c’était principalement parce que toute l’équipe l’aurait suivie et que le responsable aurait donc perdu une équipe sur le terrain. Il ne pouvait donc pas se le permettre ; toujours pour une question de rendement et de productivité.
Ce soir-là, après une énième journée à avoir l’impression de voler les victimes TK rentra d’humeur maussade. Heureusement pour lui ils étaient de repos les deux prochains jours. Il allait pouvoir oublier le travail, se réfugier dans son cocon auprès de Carlos et peut être organiser une soirée Catan avec toute la bande.
Les semaines et les mois passants, la situation de la caserne ne s’améliorait nullement.
Owen semblait avoir totalement abandonné le combat rendant verte de rage Marjan qui multipliait les actions coup de poing pour empêcher que qui que ce soit ne touche à la caserne et finir ses semaines menottes aux poignets embarquée par Carlos devenait une habitude. Owen avait fini par quitter sa maison, et avec Caramel s’était installé dans une vieille maison dans les collines. Les suppliques de TK n’y avaient rien changé, qui avait fini par lui aussi, lâcher l’affaire dans le combat avec son père en le laissant partir. TK et Carlos étaient donc seuls dans la maison.
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En arrivant devant la maison noire, TK constata que son compagnon n’était pas encore rentré de sa garde ce qui accentua son humeur maussade.
Après avoir ouvert la porte il quitta ses chaussures qu’il poussa dans un coin, il jeta les clés de la maison sur l’îlot de la cuisine et alla se vautrer dans le canapé sans retirer sa veste. Il mit ses pieds sur la table basse et croisa les mains sur son torse en soupirant. Il fixa le mur les sourcils froncés en se demandant comment la situation avait pu autant se dégrader.
Ajouté à sa situation professionnelle et la fermeture de la 126e, le couple ne trouvait toujours pas de logement. Soit les maisons étaient trop chères, soit les appartements étaient trop petits ou vétustes. Mais rien n’y faisait aucun bien ne trouvait grâce à leurs yeux. Depuis le Covid,le marché sur Austin était en berne. Pourtant leurs recherches avaient débuté tout de suite après l’incendie (en mai) et désormais en septembre plus de 4 mois s’étaient écoulés. TK commençait sérieusement à s’impatienter. Il voulait retrouver un chez eux.
C’est donc dans cet état que Carlos trouva son partenaire en rentrant ce soir-là.
-Hey babe, dit-il en venant s’asseoir à côté de lui sur le canapé après avoir rangé ses affaires dans le placard de l’entrée.
-‘lut, maugréa le secouriste la mine sombre.
-Qu’est-ce qui se passe ? répondit Carlos en posant sa main sur sa nuque et en commençant à caresser la peau qui dépassait de la veste de son compagnon.
-Rien.
-Dis-moi…
-On à plus de caserne, toute l’équipe est éparpillée au 4 coins d’Austin, je commence sérieusement à détester mon boulot dans cette boîte de merde et on n’a toujours pas trouvé de logement, répondit TK avec une voix d’enfant, j’en ai marre.
-Mon cœur….
-J’en ai marre Carlos je te jure ! On devrait changer d’Etat ! La Californie ça te tente pas ?
Carlos eût un petit rire en entendant la litanie qu’il entendait déjà depuis plusieurs mois.
-Je suis sérieux !
-Bon. Tu veux une bonne nouvelle ?
-Quoi ? T’as trouvé une solution pour soudoyer ce foutu Billy Tyson ? marmonna TK sans cesser de fixer le mur devant lui.
-Non, répondit le policier. Je nous ai peut-être trouvé un appart.
TK se redressa franchement à la nouvelle et regarda son partenaire avec une lueur nouvelle dans les yeux.
-C’est vrai ?
Carlos hocha la tête de haut en bas en se mordant les lèvres dans un large sourire.
-Fais voir, s’écria TK à nouveau souriant.
Carlos sortit son portable ravi de son petit effet sur le secouriste. TK se lova contre lui pour regarder l’annonce.
Et qu’elle annonce !
Un grand loft situé en plein cœur de ville non loin des endroits qu’ils affectionnaient tous les deux en termes de restaurants, bars, cinémas, boîtes et autres lieux culturels. Une grande chambre, une grande cuisine donnant sur un grand séjour, de grandes fenêtres, de belles poutres métalliques, une ambiance moderne et industrielle, au dernier étage d’un petit immeuble ancien de trois étages. Bref, un loft tout à fait dans leur style, aux dimensions qu’ils recherchaient et dans le quartier qu’ils visaient. C’était tout simplement parfait.
Carlos rigola franchement en voyant les yeux ronds remplis d’étoiles de TK. La bouche entrouverte il était visiblement très emballé.
-Alors ?
-Où t’as trouvé cette annonce ?
-Sur le site des petites annonces. Elle est sortie ce matin.
-Dis-moi qu’il y a un numéro de téléphone…répondit TK en faisant passer, pour la seconde fois, sous ses yeux, les photos.
-Je les aient déjà appelés on peut le visiter demain matin.
-Tu sais que je t’aime, s’exclama TK en se jetant sur son partenaire redoublant son rire.
Allongé sur le corps de Carlos, le secouriste prit ses lèvres entre les siennes le corps ondulant. Le policier fit doucement passer les doigts sous la veste et le t-shirt de son partenaire le faisant frissonner.
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Le lendemain, TK se réveilla au petit matin, trop excité par la visite qui s’annonçait plus tard dans la matinée. Il s’entreprit à réveiller son compagnon, par de petits baisers dans la nuque, couché sur le ventre, les bras sous son oreiller, le visage tourné vers sa moitié.
-Mmmh, marmonna-t-il alors que TK poursuivait l’exploration de sa nuque et du haut de son dos. T’es bien matinal…
-On visite le loft ce matin, s’écria TK avec une voix enjouée entre deux baisers.
Puis il se leva du lit comme piqué par un aiguillon.
-Des pancakes ça te dit ? Je vais nous faire des pancakes, poursuivit le secouriste sans même attendre la réponse de son compagnon.
Il quitta la chambre.
-Je vais faire du café, cria-t-il depuis les escaliers.
Carlos replongea sa tête dans l’oreiller les yeux à peine ouverts, une marque d’oreiller sur la joue.
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TK tournait dans le loft les mains dans les poches, des étoiles dans les yeux. Cet appartement était littéralement la perfection. Comment un tel bien avait pu être remis en location ? C’était incompréhensible. TK se projetait déjà. Il se voyait agencer cet appartement avec Carlos, le regarder avec amour préparer des petits plats dans la cuisine. Il se voyait littéralement vivre ici.
Carlos le regardait déambuler. Lui aussi adorait cet appartement mais il aimait encore davantage voir TK l’adorer. Tout ce qui rendait le secouriste heureux le rendait, lui, encore plus heureux. Il ne vivait que pour son partenaire et l’aimait de manière inconditionnelle.
-Alors t’en penses quoi ? demanda le policier en voyant le secouriste le rejoindre.
-Ce que j’en pense ? répondit TK un large sourire traversant son visage et illuminant toute la pièce. Tu vois je verrais bien mettre….
-Alors messieurs, qu’en pensez-vous ? s’exclama la vieille dame, propriétaire du loft, en lui coupant la parole.
-Il est parfait ! s’exclama TK avec un grand sourire. Quel est le montant du loyer avec les charges ?
-Le loyer ? répondit la propriétaire en haussant un sourcil. Quel loyer ?
-Le loyer pour l’appartement, rétorqua Carlos.
-Mais l’appartement n’est pas à louer, je le vends, s’écria la dame. L’agence ne vous a pas prévenus ?
A cette nouvelle, tout le sang quitta le visage de TK. Le loft était à vendre ! A vendre ! Pas à louer. Dire que TK était déçu aurait eu été un euphémisme. C’était la déception de trop. Il s’éloigna de leur conversation en soupirant les larmes aux yeux.
-Non, non l’agence ne nous avait pas prévenu, repris Carlos sentant la terrible déception de son partenaire. Mais vous êtes sûre qu’il est à vendre ? Ce n’est pas une location ?
-Je suis sûre de moi mon petit, répondit la dame en riant, je quitte le Texas pour rejoindre ma fille en Californie. Alors oui je vends cet appartement.
En entendant le prix d’achat, si Carlos le trouva au prix du marché, TK sans économies le trouva exorbitant. En terminant la visite et en quittant le loft, TK la boule au ventre et la gorge serrée était extrêmement déçu et n’avait plus prononcé un mot.
Rentrés dans la maison d’Owen c’était une colère injustifiée que ressentait TK et c’est son compagnon qui en fit les frais.
-Pourquoi t’as pas directement demandé à l’agence si l’appart n’était pas à louer ? s’écria-t-il justement en se retournant vers son partenaire.
-Quoi ? répondit Carlos dans un rire.
-Pourquoi tu ne leur as pas demandé ? repris très sérieusement TK. Tu contrôle toujours tout, t’organises tout ! Et là tu oublies de demander ça ? Jamais je ne serais aller faire cette visite si je l’avais su ! Comment tu as pu oublier !
Carlos se prit la colère et la fatigue de TK en plein visage. Il le savait épuisé de ces derniers mois mais ses paroles le blessèrent et étaient parfaitement injustifiées. Il baissa les yeux.
-TK, repris il après quelques secondes la voix plus grave possible souhaitant éviter la confrontation, en ce qui me concerne peu importe l’endroit où je vis tant que c’est avec toi.
La colère du secouriste fondit instantanément à ses mots. Face au regard de Carlos il baissa les yeux à son tour. Carlos se rapprocha de lui, comprenant sa nouvelle déception, sa fatigue et sa colère des derniers mois mais pour lesquelles il ne pouvait rien sauf à être là pour lui.
Le policier déposa un léger baiser sur ses lèvres après avoir glissé ses mains le long de ses hanches.
-Je t’aime, murmura-t-il face aux yeux tristes de TK.
-Je vais aller m’allonger, répondit le secouriste dépité.
Carlos soupira en le voyant monter les marches. Il décida d’appeler toute la bande à venir les rejoindre ce soir-là pour une soirée entre amis et ainsi tenter de remonter le moral à TK.
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Dans les jours qui suivirent l’humeur maussade ne quittait plus TK. A chaque annonce dégotée par Carlos il ne faisait que comparer avec le loft ou leur ancienne maison ce qui se terminait invariablement par des disputes. Plus rien ne semblait trouver grâce à ses yeux et il semblait ne plus du tout vouloir s’investir dans leurs recherches.
Carlos ne sachant plus comment gérer la situation, fini par tenter un coup de poker dont il avait le secret.
Quinze jours après leur déconfiture au loft il dit à TK avoir trouvé un nouvel appartement. Après des efforts surhumains il décida finalement le secouriste à le suivre pour une visite.
En se rendant dans le quartier de cette nouvelle visite TK trouvait les lieux très familiers. Il reconnut l’immeuble du loft, et sans comprendre Carlos, suivit ce dernier, au dernier étage.
Une fois rendu dans le fameux loft qui hantait TK depuis 15 jours Carlos se tourna vers lui avec un large sourire.
-Surprise ! s’exclama-t-il.
TK fronça les sourcils sans comprendre.
-On est chez nous ! J’ai vu à quel point tu étais déçu que le loft ne soit pas à louer alors avec l’argent de l’assurance et mes dernières économies j’ai fait une offre à la propriétaire qui l’a acceptée ! On est chez nous ! s’exclama Carlos un large sourire aux lèvres alors que les clés tintaient dans sa main.
De nouveau, tout le sang quitta le visage de TK qui sentait l’intérieur de son corps s’effondrer.
-Je sais que tu ne voulais pas acheter, repris précipitamment le policier voyant son partenaire blêmir, mais tu aimais tellement cet appartement que je ne pouvais pas le laisser passer. Mais ne t’inquiète pas je t’ai mis sur le contrat d’achat. Il est à nous deux ! Peu importe qui a avancé les fonds non ?
Chaque parole de Carlos était comme des déflagrations pour TK et un vent de panique, d’une intensité qu’il n’avait que peu connu, envahi chaque cellule de son corps.
-Quoi ? parvint-il finalement à articuler.