Le Coeur en Feu
La nuit qui suivie l’incendie fût mouvementée.
TK dormit extrêmement mal. Carlos fût très agité dans son sommeil et fit plusieurs cauchemars réactionnels. Il dormit dans les bras de TK toute la nuit ce qui d’ordinaire était plutôt l’inverse. Dès lors, le secouriste n’avait dormi que d’un œil surveillant le sommeil de son compagnon. Plus la nuit avançait et plus TK s’inquiétait pour lui. En outre, l’insomnie permettait de réfléchir et pour sa part TK avait sévèrement cogité. D’une part il sentait finalement la colère monter et d’autre part il culpabilisait. Et s’ils n’avaient pas pu s’en sortir ? S’il était arrivé quelque chose à Carlos ? S’il n’avait pas pu garder son sang-froid ?
TK passa donc une très mauvaise nuit. La seule chose qui le rassurait était le corps qui n’avait pas quitté ses bras de toute cette très longue nuit. Il s’endormit d’un sommeil peu reposant aux premières lueurs de l’aube.
Ce sont le bruit des tasses et de la machine à café ainsi que des voix qui finirent par le réveiller en milieu de matinée.
Il prit garde à ne pas réveiller son policier qui avait fini par se calmer, sur le ventre, les bras sous son oreiller le visage tourné vers TK. Avant de descendre il passa doucement une main dans les boucles brunes et déposa un baiser sur la tempe de son compagnon.
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En descendant TK retrouva dans la cuisine son père et le commandant Reyes en grande conversation une tasse de café à la main. Il sentit la colère, de nouveau, monter dans sa gorge.
-Bonjour mon fils, s’écria le capitaine de la 126e.
-Bonjour TK.
-‘jour, marmonna le secouriste encore ensommeillé le visage chiffonné.
Il prit un mug dans le placard et se servit un café dont il but les premières gorgées avec avidité pour se réveiller.
-Il dors encore, s’exclama-t-il face à la question muette de Gabriel Reyes qui ne le quittait pas des yeux le visage soucieux.
-Tu as bien dormi ? se risqua Owen.
-Non Papa. Non, on n’a pas bien dormi, répondit TK en posant sa tasse sur l’îlot face à eux.
Il affronta son père du regard pendant quelques minutes. Gabriel sentit que la tension monta d’un cran dans la cuisine.
-Je suis désolé de dire ce que je m’apprête à dire Monsieur Reyes. Je sais que ça ne fait pas longtemps qu’on se connais, repris TK, mais…qu’est-ce qui vous a pris ? interrogea TK en les regardant tous les deux. Comment avez-vous pu faire un truc pareil sans nous en parler ?
-TK il fallait qu’on l’arrête, répondit Owen qui vit la colère monter dans le regard de son fils.
-Bien sûr qu’il fallait l’arrêter ! s’écria TK dans un éclat de voix qui fit sursauter Gabriel. Mais tu te rends compte de la manière de procéder que vous avez utilisé ?!
Les éclats de voix réveillèrent Carlos d’un sommeil comateux, peu reposant, qui n’avait finalement consisté qu’en quelques maigres heures. Il chercha son partenaire qui ne se trouvait plus dans le lit. Sa place était froide et les draps retombés.
En entendant les éclats de voix au rez de chaussée il se leva et sortit de la chambre. Il reconnut les voix de TK, d’Owen et de son père.
-Vous auriez pu nous prévenir ! continuait justement TK dans la cuisine. Est-ce que cela aurait changé votre plan de nous mettre au courant ? Nous n’aurions pas tenté de vous en empêcher vous savez ? Alors je vous le redemande nous prévenir aurait-il changé quelque chose à vos plans ?!
-Non, affirma Owen.
-Pour que cela fonctionne il fallait que le moins de personnes possibles soit au courant, il ne fallait pas de risques de fuites, répondit à son tour Gabriel.
Leurs réponses déclenchèrent un rire amer à TK, qui, les mains à plat sur l’îlot, baissa la tête en la secouant.
-Vous savez ce que m’a dit Carlos quand je suis rentré hier soir après l’incendie à la caserne ? dit-il en relevant la tête.
Aucun des deux hommes ne répondit en voyant le visage bouleversé du secouriste.
-Il m’a dit que nos pères avaient fait ce qu’ils avaient à faire et que nous n’étions que des dommages collatéraux, termina-t-il un sanglot dans la voix.
Il se mit à faire les cent pas le long de l’îlot les mains croisées derrière la tête retenant ses larmes, les lèvres pincées.
-Des dommages collatéraux, reprit-il pour lui-même. Voilà ce qu’on a été hier soir…
-TK…
-Papa tu as vu bien plus de feux que moi dans ta carrière, repris TK en lui coupant la parole, et tu sais pertinemment que le feu de hier soir était d’une extrême dangerosité ! On ne s’en ait sortis que par miracle. Tu sais aussi bien que moi qu’on aurait dû y rester !
Aux paroles du secouriste le visage du commandant des Texas Ranger se décomposa.
-On ne s’en est sorti que par miracle ! Parce que vous avez débarqué en dernière seconde ! On était coincés là-haut et la seule solution que j’avais c’était de nous faire passer par la fenêtre à plus de 6 mètres du sol ! J’avais aucune solution…j’étais…
TK s’arrêta au milieu de sa phrase pris par l’émotion. Il se passa une main sur le visage.
-S’il était arrivé la moindre chose à Carlos, ne serait-ce qu’une simple brûlure je m’en serais voulu jusqu’à la fin de mes jours ! repris TK. Vous auriez dû nous prévenir ! On ne s’attaque pas à ce genre de taré sans prévenir au moins ses proches. Et si on s’était endormis ou si on était restés au rez-de chaussée ? On ne serait pas là ce matin ! Vous vous rendez-compte de ça ? Vous vous rendez compte des répercussions pour nous ? Carlos n’a plus de maison, on a tout perdu parce qu’un taré est entré chez nous pour y mettre le feu ! On aurait pu mourir, si Carlos…si je….
TK s’arrêta de nouveau, incapable de continuer.
-Je sais qu’il fallait qu’il soit arrêté mais vous auriez dû nous prévenir, termina TK dans un souffle.
-J’ai besoin de prendre l’air, dit-il en soupirant.
Il traversa la cuisine, ouvrit la baie vitrée et alla s’asseoir sur les deux marches de la terrasse qui conduisait au jardin. Il prit sa tête entre ses mains. Dans la maison ni Owen ni Gabriel n’avaient prononcé une seule parole.
En haut des escaliers, appuyé sur la rambarde, Carlos avait entendu chaque parole de TK le visage défait.
Il finit par descendre l’escalier.
-Bonjour Carlitos, comment tu te sens ce matin ?
-Ça va, répondit le policier avec un grand sourire pour tenter de donner le change.
-Du café Carlos ? demanda alors Owen.
-Oui merci beaucoup.
Il but les premières gorgées du liquide brûlant sans un mot. Face à lui leurs pères semblaient mal à l’aise.
-Où est TK ? demanda finalement le mexicain.
-Sur la terrasse, répondit Owen alors que son téléphone se mit à sonner. Excusez-moi…
Carlos prit le chemin de la terrasse laissant son père seul. Après ce qu’il venait d’entendre il avait besoin de TK.
Gabriel regarda son fils traverser à son tour la terrasse en bois et s’asseoir aux côtés du secouriste. Il le vit poser sa main sur la nuque de ce dernier prononçant des paroles qu’il ne pouvait pas entendre. TK finit par se laisser aller contre l’épaule de Carlos qui déposa un baiser sur son front avant de l’enfermer dans ses bras, le menton sur le haut de sa tête.
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En début d’après-midi Carlos souhaita se rendre sur les lieux de l’incendie, constater les dégâts, prendre quelques clichés et commencer toutes les démarches auprès des assurances. TK insista pour accompagner Carlos pour voir leur ancien chez eux. L’enquête ne durerait pas puisque le pyromane en série avait formellement été identifié.
Par chance la camaro avait échappé au terrible brasier.
Voir l’état de la maison en pleine nuit était une chose et la voir en plein jour en était une autre. Difficile de croire qu’il y a quelques heures auparavant une maison à étage se tenait là.
En sortant de la voiture, Carlos regarda le désastre la gorgée serrée. Cette maison avait vraiment une signification particulière pour lui : c’était son premier achat, c’est ici que TK était venu la première fois, pleins de souvenirs avaient fait partie de la décoration intérieure liés à ses racines, sa famille et sa culture, cette maison avait été son refuge pendant plusieurs années. Il soupira.
Les derniers pompiers restés et les enquêteurs le laissèrent passer la rubalise jaune qui le séparait de la rue.
Tellement d’eau avait été déversée en plus de tous les matériaux qui avaient fondus ou explosés qu’il ne restait plus qu’un amas gluant d’objets, de bois, de verre et autres. Il ne restait absolument plus rien à récupérer. Même les poutres IPN avaient été fortement endommagées par l’incendie.
Derrière lui, les mains dans les poches TK ne pouvait lui aussi que constater les dégâts. Bien qu’habitué aux incendies et leurs dégâts ; c’était une chose différente lorsqu’il s’agissait de sa propre maison et de ses effets personnels. Comme Carlos, TK avait perdu toutes ses affaires hormis quelques cartons de souvenirs restés chez son père. Il soupira.
Dans la zone qui avait été jusqu’à hier la cuisine, Carlos commença à prendre des photos pour les assurances. Il allait falloir faire venir un expert et calculer le montant des dégâts.
TK se rapprocha de son compagnon et entoura sa taille de ses bras le visage tourné appuyé contre son dos. Carlos posa ses mains sur celles du secouriste.
-On va bien, chuchota TK, on va trouver une solution, on va s’en sortir.
Carlos se tourna vers lui et engloba son visage de ses mains.
-Je sais. Je t’aime, murmura-t-il avant de prendre ses lèvres.
Au milieu de ce chaos l’amour demeurait. Malgré tout.
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Le soir venu, allongés dans le lit chez Owen, Carlos et TK s’apprêtaient à se coucher. Carlos avait passé la journée au téléphone avec les assureurs, secondé par le secouriste. Et Dieu merci tout allait être pris en charge avec à la clé certainement une indemnisation conséquente du fait du caractère criminel de l’incendie. Sa conseillère avait été extrêmement réactive et rendez-vous avec l’expert avait d’ores et déjà pris. Carlos se félicita de cette avancée. Au prix où il payait son assurance il s’en félicita doublement.
TK s’allongea à ses côtés dans un grognement. Il était épuisé.
-TK, s’exclama Carlos au moment où son compagnon allait éteindre la lampe de chevet.
-Oui ?
-Tu peux…tu veux bien…répondit le policier le regard fixé sur les doigts de son partenaire, visiblement gêné.
-Tu veux que je laisse allumé ?
-S’il te plaît, s’écria le policier du bout des lèvres.
TK laissa la lampe allumée et prit dans ses bras son compagnon qui vint se nicher au creux de son cou entourant son corps de ses bras en fermant les yeux.