Le Coeur en Feu
TK était fou de rage après l’intervention au silo de maïs dans la matinée et leur retour à la caserne. Judd était un connard ! Il pensait tout savoir et le connaître ? Mais ce n’était qu’un foutu texan arriéré. Il avait voulu aider Marjane !
Il cogna avec son poing dans son casier à l’étage.
Si Paul ne s’était pas interposé TK lui aurait certainement arraché la tête. Depuis la veille TK était fou de rage et épuisé. Il n’avait quasiment pas dormi de la nuit. Il était en colère contre Judd, contre Alex mais surtout contre lui-même. Il ne décolérait pas.
Son père qui avait confié le commandement à Judd pour le silo avait finit de faire exploser sa colère. Une fois en mission ce dernier avait voulu tout contrôler comme si TK ne savait pas gérer une intervention. Il était fou de rage. Et un TK fou furieux ne prenait jamais de très bonnes décisions.
Paul l’avait entendu frapper dans le casier et s’inquiétait pour son collègue renfrogné et fermé depuis deux jours.
-TK ça va ?
-Fous moi la paix Paul ! répliqua TK.
-Qu’est-ce que t’as ? Je vois bien que ça va pas depuis hier.
-Paul on t’as déjà dit d’arrêter de nous sonder comme ça. Fous moi la paix ! cria TK en quittant les vestiaires.
Il sortit alors que Marjane entrait.
-Mais qu’est-ce qu’il a ? s’exprima la pompière les yeux ronds.
-J’en sais rien, répondit Paul en soupirant.
TK passa le reste de sa garde à l’écart, loin de ses collègues et de son père. Et surtout Carlos tournait en boucle dans son esprit. Impossible de réussir à le faire sortir de sa tête. Son corps, ses yeux blessés. Il allait devenir fou.
Il avait besoin d’évacuer.
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Une poche de glace sur l’arcade sourcilière, du sang sur le t-shirt, menottes au poignet, TK toussa assis au bureau du poste de police. Si son père l’apprenait il se ferait tuer.
Après une journée infernale il n’avait trouvé rien de mieux à faire pour évacuer sa colère et sa frustration que de se rendre dans un tripot de la ville et se battre à mains nues avec deux alcoolos du coin. Il les avait bien amochés mais quelqu’un avait appelé les flics et il s’était fait embarquer.
Il avait failli éclater de rire lorsqu’on l’avait soumis à l’alcootest.
Carlos n’avait pas non plus passé une très bonne journée. Il avait l’esprit ailleurs et sa coéquipière avait dû l’interpeller à deux reprises pour le faire revenir à leur patrouille. Il était épuisé. Sa garde semblait durer depuis 48h.
-Reyes, bagarre dans un bar, l’interpella son supérieur. Tu peux me relâcher le petit jeune là-bas.
-Bien sûr chef.
-Tyler-Kennedy Strand il s’appelle.
Carlos tiqua immédiatement. Quoi ? Le policier tourna la tête vers son bureau de garde et y vit TK menottes aux poignets le dos courbé.
Non mais c’est pas vrai…songea-t-il.
Depuis la veille au soir Carlos était désormais en colère et non plus seulement blessé par l'attitude du jeune pompier.
Il se dirigea d’un pas ferme vers lui. Lorsque TK releva la tête Carlos s’asseyait en face de lui. Le sang lui monta au cerveau et son cœur manqua un raté.
-Sérieusement ? s’exprima le jeune pompier.
-Austin est une petite ville TK. Enfin Tyler-Kennedy je veux dire, répondit Carlos.
-Humpf…
-L’inconvénient de t’être fait arrêter c’est que j’ai découvert ton vrai nom. D’ailleurs c’est la première chose que j’apprends sur toi.
-T’as le droit de venir me parler ? Y’a pas conflit d’intérêt ? répliqua TK qui sentait de nouveau la colère monter.
-La bonne nouvelle c’est qu’aucun de tes nouveaux amis n’a voulu nous parler de votre petite bagarre, s’exclama Carlos en lui retirant les menottes. Et étant donné que ton taux d’alcoolémie était à zéro on ne peut pas t’inculper pour ivresse publique. Tu peux y aller, termina Carlos en lui rendant ses effets personnels dans une petite pochette plastique.
-Et la mauvaise nouvelle ?
-La mauvaise nouvelle c’est que t’avais les idées claires, répondit Carlos en le fixant.
En réalité Carlos était très en colère contre TK mais également inquiet.
-Je sais que je suis pas ton petit ami. Et je cherche pas non plus à être ton ami. Mais tu devrais parler à quelqu’un de ce qui t’as poussé à agir de manière aussi suicidaire, poursuivit Carlos sans le quitter du regard.
TK savait parfaitement ce qu’il avait fait. Il savait qu’il s’était mis en danger. La façon dont Carlos le regardait le déstabilisait. Il avait l’impression que le policier pouvait voir jusqu’au fond de son âme, qu’il le comprenait. TK baissa les yeux. Il avait honte de son attitude. Toute sa colère disparut dans la seconde. Il culpabilisait.
-T’as un peu de sang au coin des lèvres, s’exprima Carlos en lui tendant la boite de mouchoirs.
TK s’essuya la bouche.
-L’autre côté, repris Carlos.
-Attends laisse-moi faire, finit-il par dire en voyant que TK n’enlevait pas le sang du bon côté de sa bouche.
Au moment où Carlos lui toucha la commissure des lèvres à travers le mouchoir TK sentit son corps se tendre. Il lui faisait immédiatement de l’effet. Un frisson lui parcourût la nuque.
-Merci... Écoute je suis désolée d’avoir pété les plombs l’autre soir, repris TK prenant son courage à deux mains.
-Je suis flic j’ai l’habitude, répondit Carlos la mine renfrognée.
TK vit bien qu’il n’avait pas l’air enclin à la moindre discussion mais il devait s’expliquer. Il ressentait le besoin de parler à cet homme qu’il connaissait à peine mais avec lequel il avait partagé beaucoup plus d’intimité ces derniers jours qu’avec n’importe qui depuis des années. Il avait besoin de lui faire comprendre, de se justifier.
-Le truc c’est que j’ai vécu une rupture difficile. Du genre dévastatrice. Et ça m’a fait replonger.
-Tu veux parler de moi ? répondit Carlos avec méchanceté.
-Non. Je veux parler de la drogue.
Le policer sentit son cœur s’arrêter et le sang vider son visage. Il regarda TK qui avait baissé le regard. Les pièces s’emboitèrent dans son esprit et tout devint plus clair. Sa colère retomba et il s’en voulut.
Il avait voulu apprendre des choses sur TK ; il était servi.
-Je vois. Je comprends mieux maintenant ta réaction face au champagne. Excuse-moi j’ai vraiment été bête.
-Non c’est pas ta faute. Depuis ma rechute c’est comme si je vivais dans le brouillard. Ca m’a vidé de mes émotions. Je voulais juste…ressentir quelque chose.
Carlos ressentait sa douleur et son désespoir dans ces derniers mots. Ce n’était pas un homme capricieux adepte des aventures sans lendemain. C’était un homme brisé avec un passé. Carlos n’aurait jamais pu s’en douter. Malgré cela TK lui plaisait encore plus. Il le trouvait touchant. Son rythme cardiaque s’accéléra. TK se levait pour partir. Il devait dire un truc pour ne pas que leur conversation se termine comme ça. Il choisit d’avoir recours à l’humour.
-Vu l’état de ta lèvre, je dirais que ça a fonctionné, reprit le jeune policier.
-T’es en train de te foutre de moi ?
-Ouais t’as tout compris, finit Carlos avec un sourire en coin.
TK éclata de rire. Il s’était attendu à tout sauf à ce trait d’humour. Il sentit une douce chaleur se répandre dans son corps. De nouveau, il se sentait en confiance avec Carlos. Il se sentait bien tout simplement.
Carlos le regarda s’éloigner. Il l’avait failli l’inviter à boire un verre mais au dernier moment il s’était ravisé. Poule mouillée, songea-t-il en voyant TK s’éloigner.
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Michelle était passé après leurs services. Il lui avait donné la liste des pick-up bleus de la région sans grande conviction. De nouveau leur conversation tournait autour de l’affaire Iris. Carlos en avait marre ce soir-là. Lui aussi avait besoin de vider son sac mais personne ne semblait vouloir l’écouter.
-Alors Carlos quoi de neuf de ton côté ? Tu vois quelqu’un ? Oh intéressant, s’exclama Carlos avec une voix aiguë. C’est génial l’amitié pas vrai ? demanda-t-il à Michelle en reprenant une gorgée de bière.
-Je suis désolée. C’est vrai qu’en ce moment notre relation est un peu à sens unique.
-Ouais…
-Bon et sinon Carlos, y’a du nouveau dans ta vie ? Tu fréquentes quelqu’un ?
-Non. Non, personne. Enfin je ne crois pas, répondit Carlos.
-Ca veut dire quoi ça ? T’en es pas sûr ?
-Disons que j’ai couché avec un type et qu’ensuite c’est devenu bizarre, répondit Carlos le regard dans le vide.
-C’est toujours comme ça non ?
-Non Michelle c’est pas toujours comme ça, répondit le policier avec un rire.
-Bah allez vas-y raconte-moi ! C’est qui ce mec ?
-En fait tu le connais. C’est TK Strand.
-Oh bien joué, souffla Michelle.
-Ouais c’est vrai qu’il est canon. Et maintenant j’arrive plus à me l’enlever de la tête.
-Tu devrais l’inviter à sortir, affirma la secouriste.
-Oh non. Non. Il m’enverrait sûrement bouler. Je déteste avoir à courir après un mec.
-Pourquoi ? Après tout c’est quand même toi qui a les menottes ! Et c’est pas toi qui me parlait de ravaler sa fierté ?
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Rester seul chez lui, Carlos terminait sa bière assis dans son canapé.
En faisant tourner sa bouteille entre les mains il songea à ce que lui avait dit Michelle. Il ne pensait qu’à TK ces derniers temps. Mais depuis leur conversation au poste il était perdu. Pourquoi lui avait-il révélé toutes ces informations et s’être autant ouvert ? Il passait d’un extrême à l’autre et Carlos ne savait plus quoi en penser.
TK le désarçonnait. Jamais un mec ne l’avait autant poussé dans ses retranchements et chamboulé.
D’autant que TK avait été clair il ne voulait pas d’une nouvelle relation. Et Carlos devait respecter ça. Il avait des principes. Mais il voulait le revoir. Plus que tout. Alors si sa seule solution pour l’approcher était de n’avoir qu’une relation sans lendemains, pourquoi pas ? Était-ce si terrible ? Mais pourrait-il s'en contenter ?
Carlos soupira, sa tête tombant en arrière. Il ne pouvait plus se le sortir de la tête. Tout son corps était tendu. Il avait envie de le voir. Mais comment l’approcher sans le faire fuir ?
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Le lendemain matin Carlos recroisa la 126e et TK pour une intervention auprès d’une jeune sportive ayant chuté du 6eétage. Près de la voiture où se trouvait la victime Carlos ne pût s’empêcher de regarder TK travailler.
TK focalisé sur la victime se refusa à regarder Carlos après son grand déballage de la veille et demeura concentré sur la jeune femme blessée.
Une fois la victime évacuée, la 126e remballait son matériel tandis que Carlos se dandinait d’un pied sur l’autre en regardant TK. Il devait prendre son courage à deux mains.
-TK ? interpella le policier alors que le pompier était seul près du camion.
-Oh, salut Carlos, répondit le jeune pompier les yeux baissés.
Carlos sentit que le jeune homme était mal à l’aise et n’osait pas le regarder directement dans les yeux.
-Ta lèvre va mieux ?
-Ouais. Ouais merci, répondit TK avec un sourire.
-Je me demandais…est ce que tu serais d’accord pour…en fait je voudrais t’inviter à boire un verre, s’exprima finalement Carlos dans un souffle. Enfin…à boire de l’eau ou de la limonade…termina le policier légèrement rougissant.
TK ouvrit la bouche sans savoir quoi répondre. Cette invitation était tout simplement adorable.
-C’est pas pour diner ou quoi que ce soit, mais seulement…
-Ouais d’accord, je veux bien, répondit finalement TK en relevant les yeux vers Carlos.
Ils ne disaient plus rien, ils se souriaient juste. Un instant suspendu.
-TK, l’appela Owen depuis l’avant du camion.
-Bon alors je t’envoie un texto tout à l’heure, reprit Carlos.
-Euh ouais je termine vers 22h, répondit TK, à plus tard.
-A plus tard.
TK se dirigea vers la cabine du camion sourire aux lèvres.
-C’est ce policier qui te met dans cet état ? demanda Owen en le voyant sourire.
-Quoi ? Mais non, se renfrogna de nouveau TK en mettant son casque.
Le Capitaine Strand éclata de rire.