Le Coeur en Feu
TK avait tout de suite sentit l’adrénaline monter en recevant l’appel de Carlos à minuit le priant de venir le rejoindre chez lui. Du bon temps en perspective.
Pourtant il demeurait toujours partagé entre ce qu’exprimait son corps et ce qu’exprimait son esprit. Alex. Carlos. Tellement différents. Et pourtant leur point commun ? La culpabilité de TK.
En prenant la route de la maison de Carlos, TK ne savait plus quoi faire. Il avait très envie de retrouver le beau mexicain et de nouveau tout oublier. Et en même temps il voulait prendre ses jambes à son cou. Pourtant il mourrait d’envie d’avoir de nouveau ses mains sur lui et sentir ses lèvres contre les siennes. Il accéléra. Il n’arrivait pas à résister. C’était comme…
Comme de la drogue…songea-t-il avec effroi. Toutefois en repensant à leurs ébats quelques heures plus tôt il ne pouvait pas ne pas répondre à l’invitation du policier.
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-Salut, souffla TK après que Carlos ait ouvert sa porte.
Il se rua instantanément sur sa bouche. La journée avait été insupportable avec son esprit tournant en boucle.
-Cette fois c’est toi…murmura Carlos, riant et répondant à son baiser. Il se sentit fondre instantanément.
-Tu préfères avoir les rênes ? répondit TK avec un rire en tirant sur le haut de sa chemise faisant voler plusieurs boutons. Il mordit sa nuque.
-Attends, attends. Va pas trop vite TK, s’écria Carlos repoussant son visage et découvrant sa tête de son sweat-shirt jaune.
-C’est toi qui m’as appelé pour que je vienne chez toi.
-Ouais mais si je t’ai appelé c’est pour une autre raison, répondit Carlos en le repoussant doucement alors qu’il en avait pourtant très envie.
Carlos se rendit compte qu’il était difficile de résister à un homme comme TK. Son corps avait immédiatement réagi au premier baiser. Il aurait aimé le laisser faire, là, contre cette porte mais il avait prévu quelque chose d’autre avant.
En se tournant TK aperçut la table dressée pour dîner et perdit instantanément toute envie de quoi que ce soit.
Carlos le prit par la main et l’installa à table. Non, TK n’avait pas du tout envie d’un dîner aux chandelles.
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-Tu vas te dire que ça m’a demandé beaucoup d’efforts. Mais rassure-toi je gère, s’exclama Carlos avec un large sourire.
-Pas pour moi, merci, répondit TK face à la flûte de champagne que lui tendait Carlos.
-Désolé j’aurais dû demander. Le repas sera prêt dans une minute. Le poissonnier du marché m’a conseillé son vivaneau. Il a dit qu’il était frais alors…Rassure moi t’aime le poisson ?
-Je trouve tout ça…un peu solennel, répondit TK.
-Solennel ? demanda Carlos qui ne comprenait pas. Tu veux parler du dîner ?
-Non c’est juste que je croyais qu’entre nous deux les choses étaient claires parce que là… ça… dit-il en montrant la table, c’est pas ce que je recherche.
-Bon. D’accord, répondit Carlos essayant de garder contenance. Mille excuses. Mais faut pas que tu croies que je fais ça avec tout le monde.
-Ca se voit…répondit TK avec un sourire.
TK le voyait ; Carlos était un homme gentil, prévenant et sincère. Il n’y avait pas une once d’arrière-pensée avec ce dîner mais il ne pouvait tout simplement pas. C’était au-dessus de ses forces.
-Avoir une vraie conversation avec quelqu’un avant de le fréquenter, je ne pense pas que ce soit trop demandé, s’exclama Carlos avec une pointe d’ironie.
-C’est un petit peu tard pour ça non ? répondit méchamment TK.
Carlos perdit son sourire.
-Je sors tout juste d’une relation. J’ai pas envie de sauter directement dans une autre, repris TK.
-C’est un diner pas une demande en mariage, répliqua Carlos.
TK perdit à son tour son sourire. Il ne s’était pas attendu à une telle phrase qui lui transperça le cœur violemment. Avec ces quelques mots c'était comme si TK avait pris une gifle en plein visage.
-Quoi ? J’ai touché un point sensible ? repris Carlos en voyant TK pâlir.
Cette phrase avait ramené TK à ses propres démons. C’était tout simplement au-dessus de ses forces. Et comment l’expliquer à Carlos ? Comment l’expliquer à l’homme qui lui faisait face le couvant du regard de ses deux grands yeux bruns ? TK en avait l’estomac retourné.
-Attends, attends TK où est ce que tu vas ?! s’écria Carlos voyant TK se lever pour partir.
-Mec tu m’invites à passer chez toi après minuit, s’énerva TK, à ton avis à quoi je m’attendais ?
-C’est sûr, répondit Carlos mal à l’aise, on a fini tard tous les deux. Pourquoi ça te met dans un tel état ?
-Je…fit TK sachant que Carlos était vraiment sincère. Désolé pour le malentendu, termina-t-il en tournant les talons et claquant la porte derrière lui.
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Après le départ soudain de TK, Carlos resta debout dans la salle à manger pendant plusieurs minutes. Non seulement son « plan » n’avait pas marché mais en plus il ne comprenait pas comment la soirée avait pu aussi mal tourner en si peu de temps.
Il était choqué.
Qu’est ce qui avait bien pu se passer pour que TK le prenne aussi mal ? Il n’avait rien dit de particulier pourtant ? Certes, il ne cherchait pas ce type de relation mais comment Carlos aurait pu le savoir ? Leur aventure de l’après-midi ne pouvait pas lui permettre de dire que TK ne cherchait qu’une relation physique et rien d’autre. Tk n'avait rien dit à ce propos ; il était simplement parti en 4e vitesse.
Carlos était blessé. Il avait dressé une table, fais à diner et il s’était fait jeter. Il n’avait pourtant rien fait de mal. Il voulait simplement être gentil, apprendre à le connaître.
Il n’avait plus faim. C'est à ce moment précis que le four choisis de sonner pour annoncer que le poisson était prêt. Il soupira. Il se sentait comme un idiot au milieu de la salle à manger avec ses bougies et son champagne.
Il sortit le plat du four et de colère le jeta dans l’évier. Le plat se brisa en plusieurs morceaux le poisson encore fumant. Il ne gâchait jamais la nourriture. Il adorait cuisiner mais il était vraiment blessé. Surtout il ne comprenait pas ce qui venait de se produire. Si TK ne recherchait pas une telle relation il aurait pu le lui dire différemment plutôt qu’en s’énervant.
Carlos se sentait vraiment comme un idiot.
Pourquoi, mais pourquoi ? songea-t-il les mains appuyés sur le rebord de son meuble de cuisine. Mais qu’est-ce que j’ai fait ?
Il éteignit la bougie et les lumières. Il laissa tout en plan, et sans diner, partit se coucher le cœur serré.
Allongé dans son lit, une main sous la tête, fixant le plafond il mit plusieurs heures à s’endormir tentant vainement de comprendre ce qui avait pu se passer.
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En sortant de chez Carlos, TK était très énervé. Non parce que Carlos avait été tout simplement adorable en préparant ce dîner mais parce qu’il avait réagi comme un con. Quel mal y’avait-il à partager un repas en discutant ?
Cette table dressée avait été comme une piqûre de rappel de tout ce qu’il ressentait depuis l’après-midi même.
TK était tiraillé entre toutes ses émotions. Il allait devenir dingue. Il sentait qu’à tout moment il pouvait de nouveau basculer dans les médocs. Mais cela aurait été choisir la facilité. Et il ne pouvait pas faire ça. Ni à son père ni à sa mère. Il avait besoin d’une réunion mais à cette heure-ci et sans parrain il ne pouvait contacter personne.
Il aurait aimé en parler à Carlos. Il se surpris à cette pensée. Mais il aurait sincèrement aimé lui en parler. Il avait vu en partant le regard blessé du policier qui n’avait rien fait pour mériter sa colère.
TK se savait indisponible émotionnellement et pourtant il n’avait pas hésité une seconde avant de plonger dans les bras de Carlos. Pourquoi avait-il agi ainsi ? Désormais il le savait, il lui avait fait du mal. Carlos avait été gentil et attentionné ce soir ; attendant la fin de leurs services pour le contacter, lui préparant à dîner et dressant une table.
TK savait que Carlos n’avait pas fait cela pour le mettre dans son lit. D’une part, parce qu’ils l’avaient déjà fait et d’autre part, parce que la sincérité transparaissait totalement de lui. Il avait simplement voulu lui faire plaisir et discuter. Apprendre à le connaître.
C’est là que TK compris.
Carlos avait voulu lui faire plaisir. Il avait eu de l’attention à son égard. Il s’était sincèrement intéressé à lui. Alex le fuyait depuis des mois avant leur rupture et TK avait toujours eu l’impression d’en faire plus pour leur couple que son partenaire. Il avait toujours eu l’impression de lui courir après, de chercher son attention. Quelque part TK s’était toujours dit qu’Alex le jugeait pour sa toxicomanie et ses addictions. TK avait toujours pensé en son for intérieur que leur relation n’était pas sur un pied d’égalité mais il était resté parce qu’il était tombé amoureux. TK avait accepté certaines choses comme de s’effacer parce qu’il l’aimait. Il l’avait même demandé en mariage en se faisant tout de même jeter comme une merde.
TK en était intimement convaincu ; Carlos n’était pas comme ça. Il avait bien vu comment ce dernier lui avait fait l’amour. C’était presque comme s’il n’avait cherché à faire plaisir qu’à TK en s’oubliant lui-même.
Ce soir avec une telle attention TK avait paniqué parce qu’il se sentait comme une merde…
D’ailleurs, comment Carlos aurait pu savoir que TK ne cherchait rien d’autre qu'une relation sans lendemains. Il ne lui avait rien expliqué. Il avait juste fui.
Je suis vraiment trop con…
Il rentra chez son père et lui furieux.
-TK ça va ? s’exclama Owen assis à l’îlot de la cuisine et en le voyant entrer dans la maison.
-Ouais, ouais…
-T’as mangé ?
-Papa je veux juste aller me coucher, je suis crevé.
-Ok…répondit le Capitaine Strand en le voyant s’enfuir et monter les marches quatre à quatre.
Il était visiblement contrarié mais Owen devait aussi lui laisser son intimité. Il lui avait déjà - et même si c’était pour son bien - imposé la cohabitation, le psy deux fois par semaine et les réunions.
Arrivé dans sa chambre TK balança ses chaussures de sport à travers la pièce et se coucha tout habillé.
Il aurait voulu lui écrire mais qu’est-ce qu’il aurait bien pu dire ? « Désolé je suis un con » ?
TK se tourna rageusement sur le côté en soupirant. Depuis le soir au restaurant à New-York et sa nouvelle overdose il n’avait plus aucune estime de lui-même. Il se sentait seul, comme une merde d’avoir été si lâchement jeté. Alex l’avait pris pour un con pendant des mois. Il en aimait un autre et l'avait certainement trompé. Et pour finir il avait jeté TK dans un grand restaurant sans aucun état d’âme, ni aucune excuses.
Ce soir-là, après son overdose son père lui avait demandé s’il avait voulu se donner la mort. TK avait répondu par la négative mais était-ce vraiment la vérité ? N’avait-il pas voulu en réalité vraiment en finir ? TK se détestait et encore davantage depuis sa rupture. Il se sentait inutile, un poids pour ses parents, un échec sur toute la ligne.
Comment un mec comme Carlos pouvait avoir envie de lui faire à dîner ? Comment pouvait-il avoir envie de le connaître ? Comment pouvait-il avoir envie de s'approcher de lui ?
Les larmes jaillirent de ses paupières sans qu’il puisse les retenir. Comment allait-il pouvoir s’en sortir ?
Le deuxième oreiller serré contre sa poitrine TK se mit à pleurer comme il ne l’avait pas encore fait depuis sa rupture. Il se sentait abandonné, seul au monde et ne ressentait plus rien.
Il était au fond du gouffre.