Mille-quatre-vingt-degré Snowboarding
Chapitre 2 : Crystal Lake : I like that race
698 mots, Catégorie: M
Dernière mise à jour il y a environ 1 mois
Crystal Lake mérite bien son nom. Il fait un temps radieux et la vue sur la vallée est magnifique. Au loin scintille le lac aux eaux cristallines... Wahou, d'où tu sors ça, Ricky, ? Quelle inspiration ! « Crystal Lake », peut-être. Bon, passons.
Tout en haut de la piste, le silence règne, mais dans ma tête tourne en boucle une des musiques entendues la veille. Impossible de se défaire de cette voix aiguë qui répète à l'infini : « I like, I like that, like that bass ». Soudain on annonce au micro les compétiteurs : « Ricky Winterborn versus.... Sashimi Makisushi ». En fait je suis pas sûr d'avoir correctement décortiqué son nom. Quelle idée aussi d'avoir un prénom japonais... La voici qui s'approche de la ligne de départ. Yes, c'est bien la fille. J'hésite entre la laisser gagner pour faire le galant ou tout donner pour l'impressionner. Un vingt-huitième de seconde plus tard je choisi la seconde option.
« Ready ?» tonne la voix dans le micro. Bien sûr que je suis prêt, je ne suis pas du genre à me laisser déconcentrer. « I like, I like that, I like that bass » répond ironiquement une autre partie de mon cerveau. Et puis le décompte est lancé : trois, deux, un... « Go ! » C'est parti ! Un petit saut en avant pour s'élancer dans la pente et je fléchis les genoux pour prendre le maximum de vitesse.
Je longe bientôt une falaise sur ma droite. Une montgolfière affleure, à quelques mètres de la crête. C'est magnifique mais je n'ai pas le temps de l'admirer : la piste s'engouffre dans un corridor sinueux. Je dois rester focalisé sur mes courbes, j'ai devancé Origami Kawasaki mais la moindre collision avec la paroi me coûterait ma première place. Tiens, qu'est-ce qu'il se passe ?! Je ne vois plus le sol, que... ? Merde, un drop énorme que je n'ai pas anticipé ! Ok Ricky, accroche toi et montre nous que c'est toi le boss du saut ! Je me concentre pour positionner ma board parallèle à la réception, à peine distrait par les « I like, I like that... » qui s'acharnent toujours sans répit.
Une sortie de piste plus loin, et je me régale dans la poudreuse. La sensation de flottaison est parfaite, jouissive, mais je constate amèrement que je ralentis et qu'il me faut retourner sur la neige damée. Atari Onigiri me talonne et la ligne d'arrivée approche. Je me vois entrain de surfer sur un écran géant qui diffuse en direct la course. Trop classe ! Mais je dois rester focus. « … I like that bass ». Eh oh, j'ai dis : focus.
Quelques kicks tentent à leur tour de m'attirer, tels des sirènes (quelle image poétique, Ricky !) Je résiste (quelle force de caractère, Ricky !) et je continue tout schuss, les genoux fléchis et la casquette au vent que j'ai bien fait de serrer à fond avant de partir. Et là, là... « …like that bass ». Là, donc, la ligne d'arrivée. Arakiri Sumotori n'est pas devant moi, elle est donc derrière (quel sens de la déduction, Ricky !) et par conséquent la victoire est à moi !
Je freine en soulevant une gerbe de neige fraîche et lève un poing triomphant vers le ciel. Mon adversaire arrive juste après et secoue la tête de dépit en lieu et place du regard admiratif que j'escomptais (sûrement la pudeur japonaise, ne te décourage pas Ricky !) Elle déchausse et s'approche de moi, marmonne un truc que je ne comprends pas bien. Est-ce qu'elle vient de me dire « I love you » ? Je lui demande de répéter en tendant l'oreille, ou plutôt en lui tendant négligemment mes lèvres, au cas où. Et la voici qui me déclare, le plus distinctement du monde : « I like that bass ».