Mésentente cordiale

Chapitre 30 : Mésentente cordiale - Ch 30

Chapitre final

1855 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 09/11/2016 23:29

Au moment de se lever de table, Don Alejandro annonça qu’il allait les devancer sur le chemin du retour et envoyer un attelage pour la señorita et ses effets personnels.

— Oh, mes effets personnels prendront très peu de place, lui répondit-elle, mais je vous remercie. D’autant que je ne suis guère pour l’instant en état de monter.

— Diego restera vous tenir compagnie jusqu’à l’arrivée de l’attelage. Tu viens Felipe ?

— À vrai dire Père, j’ai encore deux ou trois choses à voir avec Felipe, mentit Diego. Et puis après ces deux derniers jours j’aimerais également profiter un peu de sa compagnie.

Cette dernière phrase n’était, elle, pas un mensonge. Mais elle tombait aussi à point nommé pour arranger ses affaires.

— Oui bien sûr, soupira Don Alejandro, où avais-je la tête ?

Diego, Felipe, et même Victoria qui passait à proximité se dirent chacun intérieurement qu’ils savaient fort bien où Don Alejandro avait la tête, mais nul n’osa le lui dire en face.

— Toutefois, tenta-t-il encore en dernier recours, Felipe est certainement exténué après ces deux jours, et il rêve sûrement d’un bon bain et de se mettre au lit…

Felipe, dont la mauvaise conscience commençait à le tarauder quant au mauvais tour qu’il venait de jouer à Diego, résista à l’appel du bain et du repos dont il rêvait pourtant et fit signe qu’il pouvait encore attendre une heure. Il décida de rester avec Diego, au grand soulagement de celui-ci. Et d’ailleurs le jeune homme lui aussi avait bien envie de passer du temps en la compagnie de celui qui serait bientôt son père, même s’ils ne seraient pas seuls et ne pourraient se parler librement.

Il sourit à Diego en signe d’excuse et celui-ci le serra brièvement dans ses bras, à la fois heureux de le retrouver et reconnaissant de le voir ne pas complètement suivre Don Alejandro dans ses manœuvres à visée matrimoniale.

— Si vous voulez bien m’excuser un instant, dit la señorita Alacen qui se sentit soudain de trop face à ces effusions familiales, je vais aller régler ce que je dois à la señorita Escalante pour ces deux derniers jours avant de remonter rassembler mes affaires.

— S’il vous plait Señorita, lui dit Diego qui retrouva soudain tout sa galanterie et sa courtoisie d’hôte qui se respecte, laissez-donc cela et soyez notre invitée ! D’autant que vous n’avez guère pu profiter de votre séjour au pueblo…

— Je peux payer mes propres dépenses, Señor. J’y tiens, ajouta-t-elle fermement.

Diego comprit alors qu’il l’offenserait en insistant et s’inclina.

C’est ainsi que, boitant, s’appuyant de table en table, présentant ici et là ses excuses aux consommateurs qu’elle bousculait au passage, elle gagna le comptoir.

Diego aurait voulu en profiter pour avoir une conversation en privé avec Felipe, mais son père était toujours là, attendant le retour de la señorita pour prendre congé d’elle dans les formes.

De son côté Victoria encaissait les pièces que la señorita Alacen venait de sortir d’une aumônière accrochée à sa ceinture. Luz se dit que la charmante aubergiste était soudain beaucoup moins affable, en tout cas presque taciturne, et se demanda ce qui avait bien pu changer son attitude pourtant si aimable encore il y avait une heure à peine.

— Je vous remercie une fois encore de votre hospitalité señorita Escalante, tenta-t-elle pour l’amadouer. Je vous suis infiniment reconnaissante du soin que vous avez pris de moi, mais vous devez maintenant être soulagée de la dose de travail en moins que mon départ va vous apporter…

Luz s’attendait à une réponse polie et convenue – sincère ou non, là n’était pas la question – du style oh mais ce n’était rien, ou bien vous ne m’avez pas dérangée, ou encore un simple je vous en prie qu’appelait normalement chez toute personne courtoise ce genre d’entame, au lieu de quoi Victoria lui répondit :

— Oh mais je ne doute pas que vous serez très bien chez les de la Vega, n’est-ce pas ? Avec tout ce monde pour prendre bien soin de vous…

Le tout dit sur un ton qui laissa Luz très perplexe, et ne lui permit pas de trancher si oui ou non la señorita Escalante était finalement contente de la voir partir. L’aurait-elle vexée à ce point, en abrégeant ainsi son séjour sous son toit ?

Un peu déconcertée, elle s’en retourna vers ses nouveaux hôtes, dérangeant à nouveau les mêmes clients, se confondant à nouveau en excuses auprès d’eux.

Alors que Don Alejandro commençait à prendre congé et qu’ils se rapprochaient tous quatre de la sortie de la taverne, elle se souvint soudain de son cheval.

— Ne vous inquiétez pas pour lui, la rassura Diego, il va rester aux écuries de la caserne tant que sa patte n’est pas guérie. Il y est très bien, je vous assure.

— Je voudrais le voir, dit-elle simplement, presque suppliante. Avant de partir je souhaiterais aller le voir, s’il vous plait.

— Diego va vous y accompagner, lui dit Don Alejandro avec un sourire. À tout à l’heure, mes enfants ! ajouta-t-il en franchissant la porte.

Piégé une fois de plus par son père, Diego n’eut d’autre choix que d’offrir son bras à la señorita pour lui permettre de s’y appuyer et marcher à son rythme. Ils avaient à peine franchi la porte qu’il se souvint tout à coup qu’il n’avait pas payé leurs consommations à Victoria et s’arrêta net.

— Si vous voulez bien m’excuser, je dois d’abord aller régler notre repas avant d’oublier… Je ne voudrais pas mettre Victoria en déficit, ajouta-t-il avec un sourire. Navré de ce contretemps, Señorita.

— Ce n’est rien, ce n’est rien, lui dit-elle. Mais méfiez-vous, je crois qu’elle est présentement d’humeur assez maussade…

Felipe, comme pour s’excuser de s’être tant amusé aux dépens de son père et d’avoir contribué à le placer dans le mauvais pas dans lequel Don Alejandro l’avais mis, proposa de se substituer à Diego pour accompagner Luz jusqu’aux écuries, allégeant du même coup sa conscience en même temps qu’il retirait une petit épine du pied de son père.

Venant donc à sa rescousse, il offrit alors son propre bras à la señorita tandis que Diego retirait le sien.

Diego se dit alors qu’il avait le meilleur fils qui se puisse rêver au monde. Oui, vraiment, Felipe était finalement un bon garçon, et il renonça donc à son idée de vengeance et de rendez-vous arrangé avec la sûrement très charmante mais quasi-inconnue señorita Iturbide.

Felipe et leur toute nouvelle invitée venaient à peine de faire un pas en direction de la plaza, tournant le dos à la taverne ainsi qu’à Diego, que Victoria rejoignit celui-ci sous le porche.

Sans mot dire, elle se haussa sur la pointe des pieds avec un peu d’hésitation puis, résolument, elle plaqua un baiser sur la joue de Diego.

Celui-ci, tout étonné, se tourna ensuite lentement vers Victoria et parvint à articuler :

— …Que… que… En quel honneur… ?

Elle sourit et lui dit simplement:

— Je suis contente que Ramone vous ait libéré de prison après vos premiers articles dans le Guardian

Puis elle s’en retourna comme elle était venue, disparaissant à l’intérieur de sa taverne.

Diego, rougissant, regarda alors de nouveau vers la plaza et vit que Felipe, toujours dos à la taverne mais la tête tournée vers lui, n’avait rien manqué de la scène. Un sourire goguenard décorait son visage, allant de pair avec des yeux facétieux pétillant de malice.

Oh, toi, tais-toi ! articula Diego à son endroit, sans qu’un seul son sortît de sa bouche.

Mais Felipe ne se “tut” pas du tout. Bien au contraire : son sourire sardonique se fit plus large encore…

 

 

NDLA : Ce chapitre marque plus ou moins la fin de ce qui constitue la « première partie » de cette histoire, la partie consacrée à la mésaventure de Felipe, la fin posant les bases pour la suite de l’histoire…

A un moment j’avais hésité entre scinder la fic en deux (ou trois) fic qui se suivent (renommer celle-ci « Mésentente Cordiale  - Partie I », puis créer une autre fic « Partie II », etc…) ou bien continuer à la suite, quitte à faire une très longue fic à beaucoup de chapitres… Finalement j'opte pour "boucler" celle-ci, et faire de la suit une "Mésentente cordiale II", en quelque sorte... Qu’en pensez-vous ?

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