Âme de Pureté

Chapitre 79 : L'Eveil | Chapitre 79

3091 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 18/03/2020 20:33

Posséder mes propres sujets a toujours été un désir caché, alors quand ces idiots ont décidé de me coller jour et nuit, j'en ai conclu que j'allais bien m'amuser. Au petit matin de de cinquième jour dans la peau de Lorène, j'enfouis l'œil du Millénium dans mon cartable et quitte la maison, le cœur léger.


Aujourd'hui sera le jour où je te retrouverai enfin, ma chère Lorène.


— Ce n'est pas parce que l'école ne t'intéresse pas que tu peux te permettre de mettre les autres en retard !

A peine ai-je posé le pied à l'extérieur que cet idiot de Joey Wheeler et son vélo rouillé osent me manquer de respect.

— Pourquoi m'ont-ils affublé du pire clown du cirque ? Tu peux rentrer chez toi Wheeler, je n'ai pas besoin d'un vieux clébard à mes pieds.

Dans ces moments-là, je trouve ce cher Seto Kaiba plutôt juste dans ces paroles. Avec sa coupe de cheveux horrible, ce grand dadais ressemble à un de ces clochards dont on évite le regard tant on a pitié d'eux et de leur pauvreté.

— Je suis là pour t'empêcher de ruiner la scolarité de Lorène. Et je te rappelle qu'elle et moi sortons ensemble !

Ses arguments ne convaincraient pas même pas le plus con des platistes.

— Lorène a toujours aimé les causes perdues et tu en es la preuve.

Bien que je n’aie aucune envie de partager quoi que ce soit avec ce putois, je décide de m'installer à l'arrière de son vélo, sur l'extension prévue pour son boulot de livreur. L'heure tourne et il est hors de question que je me presse pour me rendre à cet endroit stupide qu'est le lycée de Flem.

— Une minute. Je refuse que tu montres Lorène aussi peu couverte.

Ses mains dégoûtantes nouent les boutons de la chemise que j'avais précautionneusement entrouverte.

— Qu'est-ce que tu peux être chiant.

— Je t'en prie, il n'y a vraiment pas de quoi, grogne-t-il d'un air mauvais.

Accrochée à l'attache arrière du vélo, je me maintiens en équilibre tandis que Joey dévale les rues à une vitesse fulgurante. Ils auraient pu me coltiner n'importe qui d'autres, j'en aurais été ravie. D'ailleurs, j'espère qu'ils ont prévu d'intégrer Téa à leur surveillance rapprochée, je me ferais une joie d'apprendre à la connaître. Le deux-roues s'arrête à hauteur du portail, où Soso prend la relève. L'idiot du village ne s'attarde pas et salue la brune avant de foncer aussi vite en direction de Domino City.

— La prochaine fois, prévoyez un mec plus beau et qui n'empeste pas la transpiration dès huit heures du matin.

— Bien sûr et on t'ajoutera un véhicule assez large pour y caser ton ego, rétorque Soso en m'attrapant fermement le poignet.

Le chaton se rebellerait-il ?

— Je te prierai d'être plus sympathique envers ma personne. Après tout, je suis votre seule chance de ramener Lorène saine et sauve.

Son emprise se resserre, je tique de douleur quand ses ongles s'enfoncent dans ma peau.

— Pour le moment, on attend toujours que tu démontres tes fameux pouvoirs, alors fais profil bas.

Moi ? Faire preuve de discrétion ? Un jeu d'enfants. Je me suis tapie dans le corps de Lorène durant des années sans que personne ne me repère. Alors une journée...

Les cours me paraissent incroyablement ennuyeux et rudimentaires. Quand on a accès à tous ses souvenirs en un claquement de doigts, inutiles de se creuser les méninges pour devenir la première de classe l'espace d'une semaine. Si Lorène me le demande gentiment, je l'aiderai même à s'améliorer en cours.


A la fin des cours et des activités de club, Soso m'accompagne chaleureusement jusqu'au portail où elle s'arrête, jetant des coups d'œil insistants en direction de la rue.

— Tu ne me suis pas jusqu'à chez moi ?

Elle secoue la tête.

— Non, mon boulot m'attend. C'est au tour d'un autre de prendre la relève.

— Et je peux savoir qui ?

— Quelqu'un d'aussi détestable que toi.

Si elle continue à le prendre ainsi, je vais finir par être blessée au plus profond de mon cœur.

— Ah, enfin.

Les épaules de Soso s'affaissent lorsqu'une silhouette se détache au loin. Son uniforme bleu et ses cheveux bruns en pique ne laisse aucune place au doute : Tristan Taylor. Les derniers mots de ma nouvelle meilleure me frappent brusquement.

— Attends, tu n'étais pas censée être avec lui ?

Elle ne répond que d'un grognement distinct, sûrement est-il déjà trop proche pour qu'elle ose se prononcer.

— Salut les filles ! On a besoin d'un gardien ?

— J'ai surtout besoin que tu arrives à l'heure pour aller bosser. Surveille-la bien, s'il te plait.

Tristan n'a pas le temps d'acquiescer qu'elle s'enfonce dans une rue voisine, direction le centre-ville de Flem.

— Sympa l'accueil...

— Contente de voir que je ne suis pas la seule mal-aimée.

Le sourire que je lui adresse le fait grincer des dents. Leur réaction en ma présence est bien plus enivrante qu'auparavant. Je me demande comment je vais parvenir à m'en passer dès que Lorène reviendra.

— On va où ?

J'ai l'impression d'être la baby-sitter.

— J'ai le choix ? Alors je veux aller cambrioler le commissariat du coin, un très vieil ami m'attend !

Ses épaules se crispent. Quelle idée d'envoyer un pauvre moldu se charger de me contrôler. Même cet empoté de Wheeler a plus d'assurance que lui.

— Hors de question ! proteste-t-il avec vigueur. Je t'en empêcherai !

— Et comment ?

La cour s'est vidée des derniers élèves, nous laissant seul dans cet immense terrain. Enhardie par ce constat, je plisse les yeux et me concentre pour invoquer le symbole du Millénium. Quitte à me coltiner ce type, autant lui foutre la peur de sa vie.

— A-Arrête ça ! Ou je...

— Qu'est-ce qu'un pauvre imbécile de ton espèce va bien pouvoir faire contre un esprit aussi puissant que le mien ? Je n'arrive pas à croire que le pharaon t'ait jugé bon pour assurer ma surveillance.

Tristan recule d'un pas, son visage tendu ne reflète que l'effroi qui l'anime. Sa bouche s'ouvre et se referme sans qu'il ne prononce le moindre mot. Satisfaite de mon petit effet, je recouvre mon calme et lui ris au nez.

— Alors, on s'est chié dessus ?

Mes éclats de rire ne sont définitivement pas communicatifs.

— C-Ce n'est pas drôle !

— Allons, allons. Je me suis emmerdée dans les limbes durant des siècles, amuse-moi un peu.

Il déglutit si fort que sa pomme d'Adam vibre sous son stress. Cela promet d'être une bonne soirée.

— Pourquoi t'avoir choisi, toi ?

Les mains levées à hauteur de son torse, Tristan a l'air beaucoup moins confiant qu'à son arrivée.

— Je... C'était Yugi qui était supposé venir.

Le pharaon en personne ?

— Mais il ne pouvait pas, et vu que Téa, Joey et Soso ont un boulot, je me suis proposé pour le remplacer.

Intéressant, alors sa majesté a eu un imprévu suffisamment important pour l'empêcher d'assurer ma surveillance.

— Pourquoi ne pouvait-il pas ?

Son visage s'exsangue, il est à deux doigts de faire une syncope devant moi. Au moins, cela m'évitera de l'envoyer au Royaume des Ombres de mes propres mains.

— J'ai juré de ne rien dire !

— Donc tu es au courant. Je t'en conjure, Tristan, ne deviens jamais un agent secret, ou tu tueras toute ta patrie avant même de t'en apercevoir.

Quelle bonté d'aider tes amis, Lorène. Je suis certaine que tu apprécierais mon petit geste.

— Tu as l'œil du Millénium ?

Une brève fouille dans mon sac et je récupère l'artéfact dans le creux de ma main. Assez joué.

— Amène-moi à Bakura.

Si j'avais eu le pharaon devant moi, il aurait certainement refusé d'accéder à ma demande. Cependant, ce singe n'hésite pas une seule seconde avant de dégoter son portable et de composer le numéro de son ami.

— Dis-lui de nous rejoindre sur la jetée entre Domino et Flem, j'ai quelque chose à lui montrer.


— Je peux te poser une question ?

Les yeux rivés sur les vagues frappant le port de Flem, je piétine sur place. Nous attendons depuis une trentaine de minutes que ce cher Bakura daigne se montrer. A croire que ce n'est pas assez pénible que de devoir supporter ce mec sans intérêt.

— Ce n'est pas ce que tu fais depuis qu'on a quitté le lycée ? je crache, mentalement épuisée.

— Tu n'as répondu à rien du tout !

— Tu m'as quand même demandé si les esprits avaient une vie sexuelle dans l'au-delà. Estime-toi heureux que je ne t'aie pas envoyé vérifier ta foutue théorie toi-même !

Ce qu'il peut être gonflant. Il irait bien avec cette écervelée de Téa Gardner finalement.

— ... Juste une question, après je me tais.

— Si je voulais te faire taire, j'ai une solution bien plus radicale que de répondre à ta question.

Les bras croisés, je feins de l'ignorer, mais en l'absence de Bakura, je commence sérieusement à m'ennuyer.

— Une seule question.

Et le sourire qu'il affiche pendant une seconde tâche de me faire regretter ma décision.

— Pourquoi tu obliges Lorène à agir selon tes envies alors que tu as l'air de tenir à elle ?

Mes doigts se contractent sur la barrière. Pour être honnête, je ne pressentais une autre de ces conneries, mais il n'en est rien. Mon air ébahi doit traduire mes pensées car il s'empresse d’ajouter :

— Cela fait un moment que je me pose la question.

Je me doute que son esprit lent n'a pas pu accoucher d'une question aussi intelligente en trois secondes.

— Pourquoi ? Je te retourne la question dans un autre sens, pourquoi ne le ferai-je pas ?

— Parce que tu as l'air de l'aimer.

— L'aimer ? Bien sûr que je l'aime. J'aime Lorène comme je n'ai jamais aimé personne d'autres.

Sauf... Non.

— Ne trouves-tu pas cela censé de vouloir le meilleur pour la personne que tu aimes ? De l'élever au-delà des étoiles, lui faire accomplir de grandes choses, la protéger des monstres du placard ?

Mon âme a beau avoir pris entièrement possession de cette enveloppe charnelle, je ressens néanmoins un grand vide dans ma poitrine à chaque fois que Lorène occupe mes pensées.

— Mais si ce n'était pas ce que Lorène voulait ?

— Cela fait deux questions, Tristan.

— S'il te...

— Si tes parents avaient été assassinés sous tes yeux, que la seule famille qui te restait t'avait abandonné dans un orphelinat et qu'elle avait envoyé un passeur sceller l'âme d'un esprit inconnu dans ton propre corps, comment aurais-tu réagi ?

Mon timbre de voix est volontairement grave et calme. Je veux que cet idiot comprenne à quel point je suis la solution à tous les maux de Lorène.

— Je ne sais pas...

— Et bien figure-toi que Lorène non plus, ne le saura jamais. Parce que j'ai tout fait pour ne pas qu'elle se rappelle des souffrances par lesquelles elle est passée. Nous avons toutes les deux soufferts des agissements de personnes extérieures qui ont décidé à notre place. Alors j'ai choisi que son destin devait être différent du mien.

Tristan n'émet aucun commentaire, cela tombe bien parce qu'au même moment, j'aperçois Bakura à une vingtaine de mètres au loin. D'après son air nonchalant et ses mains plongées dans son jean gris, mon ami a pris entière possession du corps du jeune lycéen. Au creux de mon ventre, je ressens une certaine excitation à l'idée de lui expliquer mon plan.

— Je le sens pas, bredouille le grand brun.

— Personne ne t'oblige à rester ici. Hé, Bakura !

Mes salutations demeureront sans réponse, le principal concerné s'arrête à notre hauteur et dévisage Tristan.

— Qu'est-ce qu'il se passe ? Et pourquoi ce type est avec toi ? Je pensais qu'Eléonore voulait me voir.

— Et c'est le cas, je rétorque fièrement avant de désigner l'intrus. C'est juste mon garde du corps attitré pour la soirée. Faisons juste comme s'il n'était pas là.

— Hé !

Bakura hausse les épaules et soupire. Moi aussi j'aurais aimé que nos retrouvailles se déroulent autrement.

— J'ai cru comprendre que tu avais défié le pharaon au jeu des ombres.

Son regard se veut froid et sombre. Il sait pertinemment que j'ai échoué, j'avais l'occasion de me débarrasser d'Atem et je ne l'ai pas fait.

— En effet, mais tout ne s'est pas passé comme prévu, mon hôte s'est sacrifié et se trouve en ce moment même au Royaume des Ombres.

Ma défaite contre le pharaon sera bientôt de l'histoire ancienne. Mes pouvoirs dans ce monde ne font qu'augmenter et, un jour, je serai capable de prendre ma vengeance sans l'aide d'un jeu de pacotille.

— Pourquoi m'as-tu appelé ? demande-t-il sans me quitter des yeux. Tu as un autre plan pour prendre ta revanche ?

Discuter de tout cela face à Tristan est légèrement embarrassant, comme si j'allais d'un coup dévoiler mes sombres desseins devant un ami de ma cible.

— Non, j'ai besoin de toi pour retourner au Royaume des Ombres.

Le silence qui suit ma requête me glace le sang. La réaction de Bakura ne vient qu'au bout d'une dizaine de secondes à scruter la moindre parcelle de mon visage. Il rit, se plie en deux, mains sur les côtes pour ne pas défaillir. Déterminée, je dégote l'œil du Millénium de mon sac de cours et le brandit à hauteur de son visage.

— Regarde, le pharaon m'a confié l'œil, avec ça, tu peux transférer mon âme pour que je puisse m'enfuir en cas de pépin.

La seule raison pour laquelle je devais récupérer cet artéfact auprès d'Atem, c'est le lien entre cet œil et mon âme. Nous sommes rattachés par le sceau de Shadi, le symbole du Millénium.

— Je pourrais retrouver Lorène et la ramener dans ce corps avec moi.

Bakura me servira d'intermédiaire, le temps de mon exploration. Mon plan est solide, il ne manque plus que l'accord de mon fidèle partenaire à travers les âges.

— Tu te fous de moi, Ente' ?

Ente... Je m'appelle Eléonore, désormais. Mes lèvres se pincent sous l'incompréhension.

— Cela fait des décennies que ton âme erre sur cette Terre et maintenant que tu possèdes enfin un corps sans limite à tes pouvoirs, tu t'inquiètes pour une gamine ?

Ses propos à l'encontre de Lorène ne me plaisent pas, mais je n'en démords pas et poursuis de plus belle :

— Elle peut m'aider à défaire le pharaon, tu ne l'as jamais vue en action. Elle est édifiante !

Déterminée, j'avance d'un pas et attrape sa main pour y glisser l'œil du Millénium puis reviens à ma position d'origine.

— Vas-y, je suis prête à rejoindre le Royaume des Ombres !

Les membres tendus, j'attends que mon âme quitte mon corps pour retrouver ma partenaire. Cependant, Bakura conserve l'artéfact dans sa main et hausse un sourcil.

— Tu es devenue complètement stupide à force de passer du temps avec ces crétins, peste-t-il en secouant la tête. Si tu veux faire du tort au pharaon, alors empare-toi des cartes de Dieux Egyptiens et ramène-les-moi. Cet œil ne te sera d'aucune utilité.

Les cartes de Dieux Egyptiens ? Slifer et toute la clique ? A quoi bon les réunir, ils ne m'aideront pas à ramener Lorène !

— Si, il sera utile. Utilise-le contre moi, s'il te plait !

C'est mon seul moyen de...

— Non, Entechenès.

 Mes yeux s'écarquillent, mon visage entier se contracte à l'écoute de mon ancien nom. Mon existence passée n'a laissé que quelques traces, dont mon nom et j'y ai renoncé dès lors que mon âme a rencontré celle de mon hôte.

— Pourquoi ? je l'interroge froidement.

— Parce que tu t'obstines à vouloir aider le pharaon et ses amis alors que tu viens d'obtenir ta clé pour une nouvelle vie. Te débarrasser de cette petite est la chose la plus intelligente que tu as faite depuis ton retour.

Sur ce, il se détourne de nous et esquisse quelques pas en direction opposée.

— Quand tu l'auras compris, reviens me voir, nous pourrons parler à nouveau.

Son discours me fait l'effet d'une douche froide. Je saisis tardivement qu'il n'a aucune intention de m'aider, aucune envie de m'envoyer dans le Royaume des Ombres comme je le prévoyais depuis cinq jours. J'ai fait tout ça pour rien.

— Tristan !

Le jeune homme aux longs cheveux blancs se tourne une dernière fois vers nous et hèle le brun à mes côtés.

— Q-Quoi ?

— Réflexe !

Une sphère fend les airs depuis sa main droite à celle de Tristan qui l'attrape sans de réelles difficultés. Celui-ci découvre l'œil du Millénium et bégaie aussitôt :

— M-Mais... Mais.

— Garde ça loin d'elle, cela lui évitera des pépins.

Pas un regard, ni un geste d'affection de sa part. Bakura s'éloigne à l'autre bout de la jetée, à la limite entre Flem et Domino City. Impuissante, je fixe sa silhouette disparaitre au loin. Ma tête se vide, ma respiration s'approfondit, ma vision se voile.

— C'était bizarre, déclare Tristan au bout d'une minute de silence.

De l'eau chatouille mes joues et s'écoulent le long de mon menton. C'est cela le plus bizarre.

— Bon, qu'est-ce qu'on fait maintenant ? enchaine-t-il, recevant un autre vent en guise de réponse.

Sa main s'abat sur mon épaule, je tressaute.

— Hé, tu m'écoutes ?

L'adrénaline traverse mes veines, mes émotions négatives bouillissent au plus profond de mon être. D'un revers du poignet, j'efface rageusement les larmes perlant au coin de mes yeux et fais volte-face.

— E-Eléonore ?

 Je n'ai aucune envie de taper la discussion avec ce débile. Mon attention se reporte sur l'objet qu'il tient dans sa main. Mes griffes agrippent son bras et, sans hésitation, je lui subtilise l'œil du Millénium avant de déguerpir en courant.

— Hé ! Reviens !

Mais je serais déjà bien loin quand il tentera de me rattraper.

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