Âme de Pureté

Chapitre 77 : L'Eveil | Chapitre 77

4053 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 03/03/2020 20:47

Lundi, je me réveille tant bien que mal et enfile l'uniforme scolaire de Lorène. Ce nœud vert me donne du fil à retordre, au point où je décide de le dénouer et de déboutonner les deux premiers boutons de ma chemise, laissant entrevoir la naissance de mes seins. Pour l'occasion, je décide de retirer les bras noirs aux bords orange que mon hôte s'évertuait à porter. Je ne comprends pas ce choix, nous avons pourtant de belles jambes, autant les montrer au monde entier !

Munie de mon sac de cours, j'ai demandé de l'aide à Haiyama pour m'indiquer le chemin vers le lycée de Flems, une route qui évite la rue commerçante. Cet idiot de Joey est probablement en train de m'attendre, surtout si Yugi lui a raconté notre petit jeu des ombres. Cela expliquerait les nombreux appels en absence de sa part depuis la veille.

C'est donc au terme d'un long voyage à pied que je rejoints l'établissement scolaire.

— Regardez qui ose fouler mon territoire !

Le timbre nasillard de Kaoruko sonne à mes oreilles comme une énième nuisance à effacer de la vie de Lorène. Chance pour elle et son troupeau de moutons, il y a trop de témoins pour la faire disparaitre de la surface de la Terre. Je me contente donc de me tourner dans sa direction et de l'accueillir chaleureusement.

— Bonjour Hime-chan, comment se porte la princesse de Flem en cette magnifique journée ?

La rousse plisse les paupières et me foudroie de ses prunelles vertes. Ses amies se mettent à piailler à tout va.

— Penses-tu que j'ai oublié ce que tu m'as fait l'autre jour ? Crois-moi la direction sera mise au courant de cet acte odieux !

Au loin, j'aperçois Soso me héler de la main à hauteur des casiers de l'entrée.

— Désolée princesse, mon public me réclame. 

Un signe de la main, et je me détourne d’elle pour rejoindre ma nouvelle meilleure amie. Soso arbore une expression joyeuse, voire excitée. Etrange, ce n’est pas le comportement que les gens adoptent en ma présence dernièrement. A sa hauteur, je la salue simplement.

— Alors, on a eu une panne de téléphone ? me lance-t-elle avec gaieté. Et quelqu’un a oublié de nouer son nœud, on dirait.

Sans attendre de réaction de ma part, elle glisse ses mains sur ma chemise et la reboutonne avant de s’attaquer au tissu vert. Son attitude me fout la chair de poule. Elle agit comme si elle avait oublié la journée de vendredi. Il n’y a qu’une solution : elle est hantée par un esprit.

— A-Ah, je bredouille une main glissée à l’arrière de mes cheveux. Ouais, ce truc ne fonctionne pas très bien, je vais devoir m’en racheter un autre. 

Ensuite, elle m’invite à l’accompagner jusqu’aux casiers, où nous troquons nos chaussures de ville pour celle de l’établissement. Discrètement, j’observe le visage de la brune. Encore ce sourire… Elle prend un long moment à admirer des clichés au fond de son casier. Je tends le cou et remarque qu’ils la représentent elle et Lorène ces derniers mois. Quel drôle d’oiseau.

— So… Zoé, est-ce que tout va bien ? 

Ses épaules se crispent, puis se détendent aussi vite. L’effet de surprise ? J’ai du mal à y croire, elle respire d’assurance.

— Bien sûr, Lore, pourquoi est-ce que cela n’irait pas ? 

Un autre détail me perturbe, elle ferme les yeux à chaque fois qu’elle sourit et évite les contacts physiques amicaux. Dans mes souvenirs, elle ne cessait d’enrouler son bras autour des épaules de Lorène, quitte à l’étouffer.

— Je ne sais pas, tu as l’air bizarre… 

La cloche retentit, signalant l’imminence du premier cours. Au fond de moi, je me sens soulagée, Soso et moi n’occuperons pas la même classe de toute la journée. Tandis que les couloirs se vident progressivement, il semblerait que mon amie temporaire rechigne à suivre le mouvement. Je l’interroge du regard.

— Je n’ai pas très envie d’y aller. 

Vraiment ? De coutume, c’est elle qui forçait Lorène à rejoindre sa classe. Quelque chose cloche, et cela commence sérieusement à me foutre le cafard. Dans ce cas, mon hôte aurait sollicité leur amitié, autant en faire de même.

— Tu veux en discuter ? je demande, adossée à son casier.

Soso hausse les épaules.

— Je ne sais pas.

— N’hésite pas, je suis là pour ça. 

C’est que Lorène aurait répondu. Soso baisse la tête, masquant une partie de son visage derrière ses boucles châtain.

— Merci, c’est tellement adorable de ta part d’être mon amie. 

La cloche sonne une nouvelle fois, nous sommes officiellement en retard. Plus personne ne traine dans les couloirs, à l’exception d’elle et moi.

— Dommage que tu ne sois pas mon amie, ajoute-t-elle plus bas.

— H-Hein ? 

Sans que je puisse m’y préparer, Soso se retourne brusquement sur moi et agrippe le col de ma veste pour me plaquer contre les casiers. Le bruit est assourdissant, mais ce n’est rien à côté du coup de genoux qu’elle m’assène dans le ventre. Prise par surprise, je tombe au sol, les bras enroulés autour de ma blessure.

— T-Tu es malade ! 

Une force m’oblige à relever la tête, elle me plaque contre le métal froid et me glace le sang de son regard, sombre.

— Yugi m’a tout raconté. Tu croyais réellement que j’allais rester là sans rien faire ? Que je n’allais pas distinguer Lorène de cette pute que tu es ? 

Alors j’avais raison, cette gaieté ne correspondait pas avec son comportement. Je dois avouer que je me suis presque fait coincer par cette banale lycéenne. Sauf qu’elle a oublié quelque chose.

— Tu tiens vraiment à mettre en colère un esprit vieux de cinq mille ans ? N’oublie pas que ce que Lorène a fait Yoshida, je peux facilement le reproduire sur toi. 

Son emprise sur mon col devient tremblante, mais elle se ressaisit pour me repousser contre les casiers. Soso essaie de paraître forte, mais à l’intérieur, elle redoute l’ampleur de mes pouvoirs.

— Je… Je m’en fiche. Rends-moi Lorène et je te laisserai tranquille, c’est tout ce que je te demande. 

Un rire s’échappe de ma gorge. Sérieusement ?

— Que crois-tu que je fais, là ? 

Son regard interrogateur m’invite à poursuivre :

— En tant qu’esprit, je pourrais aisément sécher les cours et vivre ma vie. Alors explique-moi ce que je fous dans cette école pour minable ? Je m’applique à suivre le quotidien de Lorène en attendant son retour. 

Mon argument la déconcerte, je le lis une pointe d'hésitation dans ses prunelles noisette. Néanmoins, elle persiste à me maintenir d'une poigne plutôt impressionnante. Même Isis n'a pas tenu aussi longtemps contre moi.

— Si tu veux réellement son bien, alors pourquoi tu ne la ramènes pas du Royaume des Ombres ?

Je claque ma langue contre mon palais.

— Si c'était aussi simple, crois-moi, nous n'aurions pas cette discussion à l'heure qu'il est.

Ses inspirations deviennent de plus en plus profondes. Elle est en proie au doute. C'est un bon point.

— Nous n'avons aucune raison de nous faire la guerre, Hirae-san. Nous désirons toutes les deux la même chose : que Lorène revienne parmi nous.

— Epargne-moi tes beaux discours.

— Tu ne manques pas d'air, je pourrais me débarrasser de toi en un claquement de doigts.

Sa mâchoire se contracte, elle serre les dents pour garder son calme. Impressionnant. La pression se raffermit sur mon col.

— Alors qu'attends-tu ? Envoie-moi au Royaume des Ombres.

Un court instant, je laisse transparaître ma surprise quant à sa réaction. Je m'attendais plutôt à ce qu'elle se rétracte, comme tout humain tenant à sa vie.

— Hors de question, je conclus en balayant violemment sa main pour me libérer.

— Mais pourquoi ? Qu'est-ce qui t'en empêche ? Serais-tu devenue faible ?

Son entrave levée, je me relève sur mes deux jambes et lui adresse un sourire amusé. Des provocations ? Ce n'est définitivement pas original.

— Non, bien au contraire, mais tu l'apprendras bien assez tôt.

L'heure de cours est bien entamée à présent, je décide d'interrompre notre conversation pour me diriger vers la salle de classe de Lorène. D'habitude, je déteste me déclarer vaincue, mais je dois avouer que cet adversaire est plutôt coriace.


La dernière cloche annonce la fin des cours et le début des activités de club. Comme prévu, j'ai endossé le rôle de mon hôte en prenant note des moindres mots des professeurs, en répondant aux questions qui m'étaient posées, en me comportant comme ils l'attendaient de sa part. Lorène me remerciera, j'en suis certaine. Au fond du local, j'écoute d'une oreille distraite les allégations de Kaoruko. Le festival a lieu dans quelques jours, il est heure de remonter les troupes et surtout, d'éviter de se faire ridiculiser par Domino.

— Certains membres de ce club se sont montrés peu motivés récemment et je souhaiterais que tout cela cesse afin que nous prouvions à ces écervelés de quel bois Flem se chauffe !

Le bras levé, elle invite les autres membres à l'imiter. Rajoutez-lui une moustache et elle rappellera les heures sombres de l'humanité.

— Yuu-chan.

Evidemment, le vilain petit canard ne bronche pas d'un poil devant la magnifique oie aux ailes majestueuses. Les bras croisés, je la fixe dans l'attente de ses instructions.

— Je t'ai préparée un discours pour samedi.

Tous les regards se tournent vers la chef du club. Les chuchotements vont de bon train, ces poules se demandent pourquoi moi et pas quelqu'un de plus compétents. Et je les rejoins parfaitement sur ce point. Je n'ai aucune envie de répondre à ses attentes.

D'ailleurs, son idée de discours m'intrigue. Il me semblait que Lorène devrait se démerder à pondre un texte suffisamment intéressant pour la satisfaire, pas qu'elle devait apprendre une formule pré-faite.

— Ne me regarde pas comme ça. Je ne suis pas folle au point de te laisser la possibilité de gâcher tous les efforts du groupe.

Perchée sur son estrade, Kaoruko secoue ses cheveux roux et tend négligemment un paquet de feuilles. Ses larbins assurent la transmission et me font parvenir le texte. Mains sur les hanches, elle semble se délecter de mon incompréhension.

— J'ai pris la peine de prévenir ton conseiller de cette initiative - personnelle cela va de soi - et il en est ravi. J'espère que tu sauras me remercier comme il se doit.

Cette fille est encore plus sadique que moi. Elle orchestre mes moindres faits et gestes sans la moindre idée qu'elle affronte bien plus forte qu'elle.

Ne t’inquiète pas Lorène, je vais te dépêtrer de là aussi. Je ne t'abandonnerai pas.

Durant le reste de l'heure, je m'évertue d'apprendre les lignes par cœur. En tant qu'esprit ayant vécu dans une bibliothèque débordant de livres de pensées, retenir ce torchon ne s'avère pas bien compliqué. Lorsque mon âme a été mélangée à celle de Lorène, j'ai appris sa vie dans les moindres détails : ses joies, ses déceptions, ses victoires, ses défaites. Rien ne m'est étranger, alors ce n'est pas un texte de pacotille qui va m'arrêter.


Le soleil se couche sur Flem lorsque que je dépasse le portail de la cour. Déjà trois jours que Lorène est coincée au Royaume des Ombres. Plus je prends de temps pour lui prêter main forte, plus elle risque de succomber aux ténèbres. Ma main se resserre sur la sangle de mon sac. Non, je ne permettrai pas une telle chose.

— Eléonore !

Mon cœur bondit. Je n'avais plus entendu ce nom depuis quelques temps. Dans mon dos, une silhouette aux cheveux bouclés accourt et ralentit à ma hauteur.

— Tu ne devrais pas m'appeler comme ça, je peste quand Soso me devance.

Elle se contente de se poster devant moi et d'hausser les épaules.

— Ne compte pas sur moi pour jouer à ton petit jeu. Tu n'es pas Lorène et tu ne le seras jamais.

Son visage est complètement fermé. De toute évidence, elle ne prévoit pas de me laisser partir comme ça.

— Quel est ton plan ? poursuit-elle, les sourcils froncés.

— Je pense que Lorène devrait se rendre au konbini pour prendre son service.

— Mai-

— Sauf que j'ai d'autres chats à fouetter. Il me faut l'œil du Millénium que possède Yugi.

— L'œil du Millénium ?

Cette fille n'a aucune idée de quoi il s'agit, mais elle est la première à s'engager dans la bonne direction. Cela tombe bien, elle me servira de guide jusqu'au pharaon.

— Et après ? Quand il t'aura donné cet œil, comment vas-tu ramener Lorène ?

Nous marchons l'une à côté de l'autre mais maintenons une distance raisonnable. Pour peu, on ne remarquerait pas que nous nous rendons au même endroit.

— Bakura, il pourra m'aider à l'utiliser.

— Bakura ? Tu veux dire sa partie maléfique ? rectifie-t-elle, une pointe d'amertume dans la voix.

— Sa partie intéressante, en effet. Il m'enverra au Royaume des Ombres et j'irai rechercher Lorène, moi-même.

Pour appuyer mes mots, je lui lance un regard plein de détermination. Soso ne réplique rien. Murée dans un silence soudain, elle m'indique le chemin jusqu'à la boutique du grand-père de Yugi. Au bout d'une vingtaine de minutes, j'aperçois la bâtisse au loin. Les couleurs criardes de la devanture contrastent avec l'armée d'immeubles en arrière-plan.

— Tiens donc, je pouffe en remarquant le comité d'accueil à deux pas du magasin.

Du coin de l'œil, j'aperçois le regard noir de Soso. Voici donc la raison pour laquelle elle a tenu à m'accompagner jusqu'ici. Vêtus de leurs uniformes bleus et roses, le quatuor s'est réuni pour m'accueillir chaleureusement. Yugi tapote nerveusement l'artéfact autour de son cou tandis que Joey et Tristan se préparent à me sauter dessus. Quant à Téa, elle garde une distance raisonnable, quitte à se cacher derrière le petit Yugi.

— Bonsoir à tous ! je m'exclame bruyamment.

— Eléonore.

Le jeune Mutô s'avance d'un pas et s'éloigne ainsi du noyau des défenseurs de l'amitié.

— Que me vaut ces retrouvailles ? Moi qui pensais avoir le droit à un minimum d'intimité avec le pharaon.

Ma fausse plainte ne semble pas l'amuser autant que moi. Quel dommage. En tout cas, si leur manège consiste à m'effrayer de par le nombre, c'est un échec.

— Qu'as-tu fait à Lorène ?!

Tandis qu'il restait en retraite depuis mon arrivée, Joey se détache à son tour et me toise, tel un lion en cage. Il ne contrôle pas ses émotions, le dadais.

— Un autre ton, Wheeler, je crache, sèchement.

Ce type a osé toucher mes lèvres et pour ça, il devrait s'estimer heureux que je ne l'envoie pas périr dans le Royaume des Ombres.

— Eléonore a peut-être une solution pour sortir Lorène de cet endroit, déclare Soso dans mon dos. On devrait l'écouter.

Mais son intervention ne plait pas à tout le monde.

— Pourquoi devrait-on la croire après tout le mal qu'elle a fait ? geint Téa, les bras pressés contre sa poitrine.

— Téa a raison, surenchérit Tristan avec véhémence. On ne peut pas lui faire confiance, tu le sais parfaitement !

Leur spectacle me divertit autant qu'il m'emmerde. La pauvre Soso, personne sauf elle n'accepte la vérité : il n'y a que moi qui peux aider Lorène. Leur discours d'amitié et leur prière ne changera absolument rien au destin.

— Vous êtes tous aussi inutiles les uns que les autres.

Piqué au vif, Joey s'apprête à me sauter au cou quand son fidèle ami le retient en agrippant ses bras.

— Calme-toi, Joey ! Elle cherche à t'énerver, rien de plus!

— Je vais lui montrer à cette vieille peau à quel point je peux être utile pour lui refaire la gueule !

Pour peu, ses efflux de colère me provoqueraient un fou-rire. Mais je n'omets pas la raison de ma venue.

— Vous devriez écouter Soso, j'ai effectivement une idée de la marche à suivre pour sauver notre chère Lorène. Allons bon, évitons de nous laisser emporter par nos émotions, voulez-vous ?

— Tu n'es qu'un monstre ! proteste Téa.

Un monstre ? Bon sang, Lorène, si tu étais là, tu regretterais tellement d'avoir pris sa défense. Tu veux que je remédie à ça, pas vrai ? Ne t’inquiète pas, je suis là.

— Eléonore !

Oh, on dirait que le pharaon a enfin décidé à refaire surface.

— Atem ?

— Je sais ce que tu as fait à Ishizu, Marik et Odion. Tu vas le payer !

La haine traverse son visage et celui de ses compères. Seule Soso parait surprise de cette annonce. Je tâche de la rassurer d'un clin d'œil.

— Ce n'est qu'un souci collatéral. Ils méritaient de périr pour tout le mal qu'ils ont fait.

— Tu n'as pas le droit de choisir qui peut mourir comme bon te semble !

Cette marque du pharaon m'insuffle une désagréable chaleur au sein de mon estomac.

— Ah... ? Vraiment, pharaon ? Alors pourquoi suis-je morte, il y a deçà cinq mille ans ?

— Je...

— Et dans ce cas, pourquoi Lorène a-t-elle disparu suite à votre affrontement ? Tu leur as dit à tes amis que tu lui as brisé les os un à un avant de l'envoyer dans ce monde lugubre ?

Une fois encore, seule la brune à mes côtés parait tomber des nues. Les autres se jaugent avant de me foudroyer du regard.

— Ils savent que nous as tous les deux entrainés dans un jeu des ombres et que Lorène s'est sacrifiée pour une raison que j'ignore.

Une raison qu'il ignore ? Les doigts ancrés dans la sangle de mon sac, je m'avance d'un pas dans sa direction.

— Elle avait l'air sûre d'elle quand elle est partie, j'ajoute, d'un ton plus grave. Ce n'est pas un hasard si elle s'est sacrifiée. Je la connais mieux que vous tous, et jamais Lorène n'aurait laissé sa place sans un but bien précis.

Mon attention dévie vers l'asperge aux cheveux blonds. Ses yeux s'écarquillent et sa bouche s'ouvre en O.

Quelle idiote, décidément.

— Pourquoi a-t-elle fait ça, Wheeler ?

— Joey, tu sais quelque chose ? insiste Soso.

Tous les regards se concentrent désormais sur lui. Je veux l'entendre de sa propre bouche.

— J-Je... On avait parlé d'un truc un peu avant votre jeu des ombres. Mais c'est...

— Maximilien Pegasus, je termine, amère. C'est toi qui lui as martelé qu'elle devait trouver une solution pour réparer son geste.

Il mérite de rejoindre tous les autres pour cet affront. Après la surprise, Joey abandonne son air ébahi pour me faire face.

— Si elle s'est sacrifiée dans le but de sauver Pegasus du Royaume des Ombres, alors on doit la soutenir !

— Wheeler.

— Quoi ?

— Si elle meurt dans le Royaume des Ombres, tu en seras l'unique responsable, tu t'en rends compte ?

Son visage devient si pâle que je crains un instant qu'il va tomber de son mètre quatre-vingt.

— Ne l'écoute pas, Joey ! réplique Atem à l'attention de son meilleur ami. Ce n'est pas de ta faute et nous allons la ramener, je te le promets !

Voir tant d'assurance dans ses propos m'intrigue au plus haut point. Je pose mes mains fermement sur mes hanches et le défie des yeux.

— Et je peux savoir par quel moyen ?

Le Royaume des Ombres n'est pas un lieu de vacances ou de recueillement. On n'y entre pas comme ça. Les seules possibilités que je connaisse à ce jour, ce sont les duels des ombres, les jeux des ombres et l'utilisations des pouvoirs du Millénium. A ma question, Atem ne répond rien, plongé dans une intense réflexion. Agacée de notre incapacité à collaborer, Soso pousse un long soupir et s'interpose entre les Power Ranger et moi-même.

— Eléonore veut se servir du pouvoir de l'œil du Millénium pour rejoindre Lorène et la tirer de là.

— Il est hors de question que Yugi le lui donne ! proteste Téa.

— Parce que tu as une meilleure idée à proposer ?

Si un jour on m'avait dit que je me retrouverai au sein d'une querelle de groupe et que Soso s'évertuerait à défendre mes propos, j'aurais forcé Lorène à prendre plus soin de cette amitié.

— Non... Mais pourquoi tu la protèges ainsi ? Elle a pris la vie de ta meilleure amie et tu t'opposes à nous !

Visiblement, je ne suis pas la seule à m'étonner de son comportement.

— Je connais Lorène depuis deux ans, je suis la première à vouloir son retour et c'est justement pour cette raison que je ne me laisse pas emporter dans des disputes de gamins. Eléonore a déjà tué des gens et elle pourrait très bien en faire de même avec nous tous - excepté Yugi.

Enfin un peu de reconnaissance dans mes talents d'assassin.

— Mais à moins que vous n'ayez une illumination dans les prochaines secondes, je pense que son idée n'est pas si stupide que ça. Ce n'est pas comme si l'un d'entre nous devait risquer sa vie pour aller sauver Lorène.

Cette brunette leur complique bien la vie. Son regard noisette se promène le long du conseil des quatre puis s'attarde sur Joey.

— On n'a pas le choix, marmonne-t-elle à son égard.

Le grand blond grogne et tape du poing contre lui-même. Il n'a aucune envie de collaborer avec nous, Lorène, il n'a pas envie de t'extirper de ton cauchemar.

— Yugi... On doit.

— Je sais, mais elle devra se plier à quelques règles.

— Je ne crois que ce soit le moment de jouer aux chefs, pharaon. Je te l'ai déjà dit, ce temps est révolu.

— Laisse-moi tout de même te les communiquer." Enchaine-t-il sans réellement soutenir mon regard. Tout d'abord, je veux être informé de tous tes faits et gestes, tes déplacements et les personnes avec qui tu discutes.

— C'est mignon, on dirait un mari jaloux.

Vu sa tête, Téa bouillonne de l'intérieur.

— Une fois que tu parviendras au Royaume des Ombres, je veux que tu récupères les âmes de Maximilien Pegasus, Odion, Ishizu et Marik Ishtar. Et bien sûr Lorène.

La liste s'allonge lourdement. Peut-être devrais-je reporter ma vengeance envers Kaiba à plus tard.

— Je te confierai l'œil du Millénium si tu te conformes à mes demandes.

Ce n'est plus un clown mais un cirque entier qui se joue sous mes yeux. Néanmoins, je sais pertinemment que sans l'œil du Millénium, mes plans pour sauver Lorène tomberont à l'eau.

— Entendu.

— Soso, poursuit-il en se tournant vers la brune. J'aimerais que tu m'aides à surveiller Eléonore.

— Tu peux compter sur moi.

Alors comme ça, je deviens l'heureuse propriétaire d'une floppée de baby-sitters ? Ils sont d'un ridicule... Mais si Atem a envie de me coller matin et soir, je ne vais pas me faire prier, tant qu'il me suit dans ma chambre.

— Comment refuser une aide aussi précieuse que la vôtre ? J'accepte.

Ce soir-là, sous l'appréhension de tous, le pharaon me remet l'œil du Millénium pour sceller notre accord.


Ne t'en fais pas Lorène, nous serons bientôt réunies.

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