Âme de Pureté

Chapitre 9 : Bataille Ville: chapitre 9

3140 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 19/10/2019 14:38

Lorsque je redescends dans le couloir des chambres, des effusions de voix éclatent. Comme je le pressentais, Kaiba refuse catégoriquement d'atterrir son dirigeable pour emmener Bakura à l'hôpital. Décidément, son tournoi se transforme de plus en plus en Battle Royal dans lequel nous sommes tous destinés à nous mettre sur la gueule.

La conclusion du dernier duel a de quoi nous stresser. Ce pauvre garçon était visiblement sous le contrôle de deux esprits différents, l'un dans l'anneau du millénium autour de son cou, l'autre dans la baguette du millénium aux mains de Marek.

Pourtant, aussi moche que soit ce type, il n'est pas le réel possesseur de la baguette du millénium.

Je me doute. On dirait là une piètre mascarade organisée par Namu et Marek pour tromper les autres. Pourquoi n'irait-on pas tout révéler tant qu'il est encore temps ?

Parce que ça ne nous regarde pas et j'ai beau être capable de contrer son contrôle d'esprit, je ne pourrai pas nous sauver la mise à chaque fois.

C'est sûr qu'avec cet exploit, nous ne sommes pas du tout suspectes.

J'aime quand tu dis « nous ».

Piquée au vif, je ne rétorque rien et me dirige vers la chambre de Mai. Celle-ci se trouve assise à une table, une série de cartes harpies déposées devant elle. Je suis surprise de ne pas la voir auprès des autres à s'enquérir de l'état de Bakura.

- « Ton téléphone vient juste de sonner. » Dit-elle sans détourner son attention de la table.

En effet, j'avais laissé mon sac à main au coin du lit. Bredouillant quelques excuses, je tâche de me faire discrète afin de ne pas la déconcentrer dans sa construction de deck. Selon le règlement du tournoi, un interlude d'une trentaine de minutes sera imposé entre chaque duel pour permettre aux duellistes de se préparer.

Ou bien de retirer les corps de ceux morts au combat.

Du fin fond de mon sac, j'extirpe mon téléphone portable et quitte la chambre pour consulter mes messages. Mince, j'avais complètement oublié de prévenir ma mère que je m'absentais pour une durée indéterminée. Je me vois encore ce matin partir de la maison en l'informant que j'allais constater l'ampleur des dégâts au lycée. Vue l'heure tardive, lui sonner la réveillerait, je lui laisse donc un simple message pour ne pas qu'elle s'inquiète de ma disparition. Idem pour Zoé, à qui je sème des détails par-ci par-là sans lui expliquer clairement dans quel pétrin je me suis encore fourrée.

- « Joey, tu es sûr que tu ne veux pas te préparer pour ton prochain duel ? Tu es peut-être le prochain à monter là-haut. »

La voix de Sérénity s’élève à l’autre bout du couloir. Celle-ci déambule aux côtés de son frère qui vient juste de remarquer ma présence. Le regard noir qu’il me lance ne laisse planer aucun doute quant à son opinion de moi.

Ce type est un looser, ça se voit à sa coupe de cheveux.

Je ferai mieux de m’excuser pour mon comportement de tout à l’heure. Les paroles d’Eléonore étaient autant malvenues qu’infondées.

- « Joey ! » Je l’interpelle en esquissant quelques pas dans leur direction.

- « Tu as raison, petite sœur, je devrai certainement me préparer à détruire ces Pilleurs de l’Ombre. Après tout, même un idiot comme moi devrait y parvenir. »

La jeune brune penche la tête sur le côté, incrédule aux paroles de son frère. Haussant les épaules, celui-ci lui indique de le rejoindre dans sa chambre, envoyant valser ma tentative de lui parler. Bon, si je ne force pas un tant soit peu avec lui, je ne risque pas d’arranger les choses. Je me hâte derrière eux et rentre dans la chambre. Joey pique un far devant mon insistance.

- « Je peux savoir qui t’a permis de venir ? 

- Personne, mais vu que tu fais ta tête de cochon, il faut bien que je m’invite ! »

Bras croisés, il me jauge du regard. Je vais prendre ça pour un « vas-y, j’écoute », je me penche légèrement en avant, comme on me l’a appris quand je suis arrivée au Japon.

Tu es aussi pathétique que lui, finalement.

- « Je te présente mes excuses pour ce que je t’ai dit tout à l’heure. Ce n’était en rien fondé et j’espère que tu iras très loin dans la compétition. »

Mes paroles sonnent fausses tant je sais que ces insultes ne venaient pas de moi. Lui-même n’a pas l’air convaincu. Sérénity, elle, attend patiemment sur le lit, les yeux déviant de Joey à moi.

- « Etrangement, je ne te crois pas. »

Et piètre menteuse en plus. Décidément, tu n’as rien pour toi, ma chérie.

Et si toi tu t’excusais ? Après tout, c’est de ta faute si je me retrouve dans cette situation.

Oh ma chérie, si tu penses pouvoir me contrôler, n’oublie pas que je suis celle qui peut forcer tes membres à exécuter mes moindres désirs. Ce dirigeable survole actuellement tout le Japon rien pour les beaux yeux de Kaiba. Il serait fort dommage que tu chutes d’aussi haut. Quoique, je me demande si tu pourrais y survivre…

Des menaces de mort, sérieusement ? Cet esprit débloque complètement. A en croire les récents événements, ma mort entrainerait la sienne, donc elle n’a aucun intérêt de me faire subir un tel châtiment.

- « Alors, c’est tout ce que tu avais à me dire ? Parce que le prochain duel ne devrait pas tarder et j’aimerais pouvoir me concentrer. »

J’écoute à peine ses paroles. Il est dur de réfléchir distinctement quand quelqu’un vous interrompt à tout bout de champ.

- « Ecoute Joey, je suis possédée par un esprit qui me menace de me jeter par-dessus bord ! »

Quoi ? Sérieusement ?

Cette fois-ci, je n’ai pas réfléchi. Tendue comme un I, j’ai balancé tout ce qui s’était passé depuis ma montée dans le dirigeable, sous les regards incrédules des deux Wheeler.

- « … Et du coup Yugi m’a plaquée contre son lit sans raison ! 

- Yugi ? Non, franchement, tu as dû rêver. Yugi ne ferait jamais ça.

- Pas lui, mais l’esprit qui habite le puzzle du Millénium ! »

Au moins, Eléonore ne m’a pas interrompue pendant que je débitais toute l’histoire. Je n’ai rien omis et surtout pas la partie où le détenteur de la baguette du millénium n’était pas celui qu’ils pensaient mais bien Namu.

- « Honnêtement, j’ai dû mal à gober tout cela. Namu a aidé Bakura et si je te suis bien, cela voudrait dire que c’est lui qui m’a manipulé l’esprit pour que je combatte Yugi ? Non, ça ne tient pas la route. »

Mes épaules s’affaissent, je peine à cacher ma déception. C’est pourtant vrai, Namu se sert d’eux depuis le début ! Pourquoi les aurait-il accompagnés dans ce dirigeable s’il n’était pas aussi louche !

Parce qu’il participe aussi au tournoi.

…Pourquoi on ne me l’a pas dit ?

Seul un rire venu du fin fond de mon crâne me répond. Sérénity me toise d’un air embêté, comme si elle avait envie d’ajouter quelque chose, mais que tout était beaucoup trop absurde pour mériter de s’y intéresser. Soudain, les haut-parleurs s’allument dans tout le dirigeable.

- « Votre attention s’il vous plait. Tous les duellistes doivent se présenter sur le pont dans deux minutes. »

L’annonce d’un nouveau duel. Armé de son disque de duel, Joey invite sa sœur à le suivre dans le couloir pour rejoindre les autres. Voyant que je ne leur emboitais pas le pas, il se retourne vers moi.

- « Tu ne viens pas ? »

Au moins, il m’adresse à nouveau parole.

- « Non, je viendrai plus tard, il y a peu de chance que ce soit mon tour de toute façon. 

- Comme tu veux. Ne dévalise juste pas mon frigo en mon absence. »

J’affiche un sourire en coin, tentant vainement de masquer ce sentiment d’injustice. Si personne ne me croit, alors comment vais-je bien pouvoir me débarrasser de cette chose qui vit au plus profond de mon corps ?

- « C’était bien essayé, mais malheureusement, tu as perdu. 

J’emprisonne rageusement ma tête entre mes mains, la pressant si fort que mes doigts en tremblent.

- Sors de ma tête. 

- Je m’y plais bien, dans ta tête. 

- Je te jure que tu ferais mieux de me laisser tranquille, sinon… »

Sinon ?

Sa voix résonne au plus profond de mon âme, comme si un baffle amplifiait ses mots. Du coin de l’œil, je reluque l’évier emboité à côté du frigo, et plus particulièrement des tiroirs en dessous de celui-ci. En deux temps, trois mouvements, je me précipite vers le premier tiroir et l’ouvre pour découvrir de l’argenterie. Ces fourchettes et cuillères doivent coûter une fortune, connaissant Kaiba. Mon choix se porte alors sur un long couteau à steak. Un nouveau rire s’élève de nulle part.

Tu ne devrais pas t’amuser avec des objets aussi tranchants. Regarde-moi ces dentures.

Ses paroles se transforment progressivement en susurres. Mes doigts amènent l’outil face à mon visage sans que je puisse récupérer le contrôle.

- « Magnifique. » Je réponds, sur le même ton qu’elle.

Une ouverture. Un flottement. Un instant durant lequel mon poignet droit m’appartient de nouveau. Je plaque la lame contre mon cou et pivote vers le miroir à côté du lit pour admirer mon reflet.

- « Qu’essaies-tu de prouver ainsi ? »

Ma main resserre son emprise sur le manche, les dents du couteau frôlent la peau de mon cou. Un seul mouvement bref et précis engendrerait la fin de ce problème. Evidemment, je n’ai aucunement l’intention de me trancher la carotide. De fines gouttes de sueurs se forment sur mon front. Probablement proviennent-elles de ma propre peur. Eléonore ne semble pas le moins surprise du monde par mon geste.

- « Laisse-moi tranquille. Je ne veux pas de toi. »

Mes doigts desserrent légèrement le manche en bois. Mon reflet renvoie un sourire moqueur étirant mes lèvres.

- « Depuis quand c’est toi qui décides ? » Je murmure malgré moi.

Un long silence s’en suivit sans qu’aucune d’entre nous ne décide de baisser ce couteau. Nous fixons notre reflet sans relâche, dans l’attente d’une quelconque réaction. Elle a raison, je ne peux même pas lâcher la lame, mes doigts sont littéralement fixés à ce manche.

- « Je me disais bien que cette force maléfique provenait d’ici. »

Je sursaute, manquant de me couper le cou. A l’entrée, une jeune femme masquée derrière un long voile, ne laissant entrevoir que ces yeux d’un bleu profond. Sa tenue est singulière, une robe blanche ornée de diverses parures dorées. Sa peau halée et son style oriental se détachent des Japonais que j’ai l’habitude de croiser. Les symboles accrochés à son voile et attachés à son cou sont les mêmes que ceux des objets millénaires. Son pendentif fait probablement partie de la panoplie d’objets égyptiens présents dans ce dirigeable.

- « Quel plaisir de te revoir, Isis. »

Une telle familiarité…Je suis pourtant sûre et certaine qu’il s’agit de ma première rencontre avec cette femme.

- « Tu fais erreur, mon nom est Ishizu Ishtar.

- Aidez-moi s’il vous plait. »

Je ne lui ai pas laissé le temps de se présenter davantage. Rien que de savoir qu’elle détecte cette forme maléfique suffit à la placer dans la catégorie « Allié ». Cette femme ne paraît d’ailleurs pas surprise par ma demande.

- « Mon collier du Millénium m’a révélé qu’une forme maléfique autre que celle de mon frère s’est invitée dans ce tournoi. Tu ne dois pas interférer dans le destin du pharaon. »

J’ignore si son ordre s’adresse à moi ou l’esprit. Dans l’état actuel des événements, je ne suis pas capable de grand-chose face à Eléonore.

- « Le destin du pharaon ? Je vois, malgré les siècles, tu n’as pas changé d’un poil, Isis ! »

Pourquoi insiste-t-elle sur ce prénom ? Je doute qu’Ishizu comprenne les tenants et les aboutissants de ce que l’esprit raconte.

- « Toi qui possèdes ce corps, tu dois l’empêcher de nuire à Yugi et abandonner ce tournoi. 

- Mais comment ? Je parviens à peine à bouger seule. »

Pour appuyer mes mots, Eléonore s’amuse à tourner le couteau à viandes entre mon index et mon majeur, comme s’il ne s’agissait que d’un vulgaire bâton de majorette.

- « Tu entends ça, Isis ? Il n’y a rien qu’elle puisse faire pour m’empêcher de me venger du pharaon. 

- Tu n’as pas le choix. D’une manière ou d’une autre, tu y parviendras. Mon collier du millénium annonce un futur incertain. Le pharaon doit mettre un terme au dessein de mon frère.

- Une petite minute ! » Je l’interromps brusquement. « Ton frère ? Le type qui possède la véritable baguette du millénium ? Alors tu sais que l’autre mec est un imposteur, tu devrais le dire à Yugi et ses amis ! Ils me croiraient enfin… »

A ma plus grande surprise, l’égyptienne aux yeux azurs secoue la tête en guise de refus.

- « Je n’ai en rien le droit d’interférer dans le destin du pharaon. Il doit le découvrir par ses propres moyens. »

Cela n’a aucun sens… Comment peut-elle se qualifier d’aide du pharaon si elle le laisse courir un grave danger ?

Mes lèvres s’étirent davantage.

- « On dirait que tu commences à comprendre… le pourquoi ces protecteurs du pharaon me débectent. »

Cette remarque m’était clairement visée, bien que son rire aigu s’adresse à Ishizu, gardant une distance correcte entre nous. C’est ça, elle a peur.

- « Ecoute-moi, tu dois absolument réussir à reprendre le contrôle. Le pharaon a totalement perdu sa mémoire donc il ne peut pas se rendre compte du danger qu’elle représente pour lui. Elle ne pourra pas te faire du mal pour des raisons de réceptacle. Tu ne possèdes aucun objet du millénium, elle ne peut rien contre toi. »

Je tressaute. D’où proviennent ces battements de cœur accélérés ? Ma respiration se saccade. Une nouvelle fois cette sensation d’étouffement m’agrippe la poitrine.

- « Vraiment ? Alors que dis-tu de ça ? »

Ma poigne se resserre brusquement autour du manche et, d’un geste précis, s’abat sur mon poignet gauche. La lame dentelée tranche d’un coup sec dans ma peau, me provoquant un spasme de surprise à la vue du filet de sang qui s’écoule le long de mon bras. La vive douleur m’arrache un cri mélangé de surprise et d’effroi. Ishizu demeure interdite. Appelle de l’aide, bon sang !

Tu avais raison, finalement. Personne ne viendra te sauver, sauf moi.

Le couteau heurte le sol dans un fracas. Néanmoins, je ne me rappelle pas l’avoir lâché. Mes yeux se portent sur la fine plaie ornant désormais mon poignet. L’image du sang ne me dégoûte pas particulièrement. Au contraire, cette couleur m’hypnotise. Ce n’est pas la première fois qu’il coule, n’est-ce pas ? Mon esprit se perd lentement vers des bribes de souvenirs difficilement distinguables.

Tu n’iras pas plus loin.

Ces fragments de mémoire s’effacent pour me ramener à la réalité. Ishizu est partie, m’abandonnant à mon triste sort et me vidant de mon sang au beau milieu de la chambre de Joey. A première vue, j’ai récupéré un semblant de contrôle sur mon corps, ce qui me permet de chercher la trousse de secours rangée dans une des armoires près du buffet. Rien de grave, même la douleur est largement supportable. Je veille à désinfecter correctement la plaie, non sans quelques grognements d’inconforts avant de bander mon poignet. Le couteau trempe dans l’évier, je ne voudrai pas que quelqu’un se risque à couper sa viande agrémentée de mon sang.

- « Je suis en plein cauchemar. Entre ce tournoi qui vire au battle royal et cette histoire sordide d’esprit qui vient délibérément de me scarifier de bras. Yuurei, tu deviens folle. »

Il est très probable que le duel soit sur le point de s’achever là-haut. J’ai l’impression qu’une éternité s’est écoulée entre le moment où les autres sont partis et maintenant. A travers les hublots, j’entrevois des éclairs qui n’ont rien de naturel. Je me demande bien de quel affrontement il peut bien s’agir.

Ishizu m’a conseillée d’abandonner ce tournoi pour permettre à Yugi d’accomplir son destin sans embûche. C’est donc cela que je représente aux yeux du pharaon, un obstacle ? Quel drôle de destin.


 

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