La vengeance de l'ombre
Mulder fut transféré en urgence au service des soins intensifs. Le personnel médical s'activa autour de lui, une symphonie de bip sonores et de murmures emplissant la pièce. Des moniteurs affichaient des courbes irrégulières, trahissant la fragilité de son état. Des tubes et des cathéters le reliaient à diverses machines, assurant et surveillant ses fonctions vitales.
Dans la salle d'attente, les minutes s'étiraient en une éternité pour Miller. Assise, elle fixait la porte fermée des soins intensifs, son esprit assailli d'images de Mulder attaché et torturé. L'horreur de la découverte dans l'entrepôt la hantait, mêlée à une angoisse profonde quant à l'issue de son combat.
Elle se levait et se rasseyait nerveusement, incapable de trouver le repos. Ses mains tremblaient légèrement, malgré ses efforts pour les maintenir immobiles. Chaque bruit provenant du couloir la faisait sursauter, espérant ou craignant l'arrivée de nouvelles.
Benton était parti pour le commissariat, devant coordonner la suite de l'enquête et informer le bureau de Washington de la tournure dramatique des événements. Miller se sentait seule, son unique réconfort étant que Mulder était enfin en sécurité, entre les mains de professionnels.
Les heures s'égrenaient lentement, teintées d'une incertitude poignante. Miller repassait en boucle les moments passés avec Mulder, son intelligence vive, sa détermination inébranlable. L'idée qu'il meurt, après tout ce qu'il avait enduré, était insupportable. Elle se raccrochait à l'espoir, à la force qu'elle avait perçue chez lui malgré sa souffrance. Cet homme était un combattant. Il ne pouvait pas abandonner maintenant.
Finalement, une infirmière s'approcha d'elle, son expression neutre rendant la lecture de son visage difficile. Le cœur de Miller bondit dans sa poitrine.
"-Sergent Miller ?" demanda l'infirmière d'une voix douce. Le docteur Reid aimerait vous parler."
L'attente avait été un supplice. L'heure de savoir était enfin arrivée. Miller se leva, les jambes lourdes, et suivit l'infirmière.
Le docteur Reid, un homme d'une cinquantaine d'années aux traits fatigués mais au regard bienveillant, attendait Miller dans un petit bureau adjacent aux soins intensifs. Il lui fit signe de s'asseoir et prit une profonde inspiration avant de commencer à parler.
"Sergent Miller, l'état de l'agent Mulder est... critique, mais stable pour l'instant. Il a subi de multiples traumatismes, comme vous le savez. Les fractures aux côtes sont importantes, et il a une contusion pulmonaire. L'hémorragie interne a été maîtrisée chirurgicalement, mais il a perdu beaucoup de sang."
Miller écoutait attentivement, chaque mot résonnant dans son esprit. Elle serrait ses mains l'une contre l'autre, essayant de contenir son anxiété.
Il marqua une pause, observant l'expression inquiète de Miller.
-Pour l'instant, nous le maintenons sous sédatifs et assistance respiratoire. Son corps a subi un choc terrible, et il a besoin de repos pour tenter de récupérer. Les prochaines 24 à 48 heures seront déterminantes."
Un poids sembla se soulever légèrement de la poitrine de Miller en entendant le mot "stable". Ce n'était pas une victoire, loin de là, mais c'était un signe qu'il se battait toujours.
-Pourrai-je... le voir ? demanda Miller, sa voix à peine audible.
Le docteur Reid hésita un instant.
-Brièvement. Il est inconscient et très fragile. Mais votre présence pourrait peut-être l'aider. Venez."
Il se leva et conduisit Miller à travers le couloir silencieux jusqu'à la porte de la chambre. À travers la vitre, Miller aperçut Mulder, immobile dans son lit, entouré de machines clignotantes.
Le docteur Reid ouvrit la porte et la laissa entrer. Miller s'approcha lentement du lit, le cœur serré. Elle prit délicatement la main de Mulder, froide et inerte, dans la sienne.
"-Mulder, murmura-t-elle doucement, sa voix pleine d'émotion. Nous sommes là. Battez-vous."
Elle resta un moment à ses côtés puis, réalisant la nécessité de le laisser se reposer, elle quitta la pièce, emportant avec elle un fragile espoir.
Le soleil amorçait déjà sa descente dans le ciel quand Benton rejoignit Miller à l'hôpital. Il avait le visage grave.
"-Jai de mauvaises nouvelles, Miller. L'agent Peterson a été retrouvé mort, a la frontière Canadienne. Une balle entre les 2 yeux. Sur une intuition, nous avons fait une analyse comparative d'empreintes, tient toi bien que les semelles de chaussures de cet enfoiré correspondent a l'une des 3 traces de pas dans l'entrepôt... et certaines empruntes relevées sur la chemise de l'agent Mulder correspondent aussi. Peterson était une taupe parmis nous. Nous avons aussi poussé tes recherches sur le dossier de la première enquête de Mulder, il y a trois ans... c'est aussi Peterson qui avait falcifié le dossier Newman...
-Le vice de procédure... et l'attaque de l'agent Mulder ... murmura faiblement Miller.
Choquée elle dut s'asseoir pour encaisser la nouvelle
-J'ai parlé avec le bureau de Washington. Ils prennent la trahison de Peterson très au sérieux. Et la traque de Newman va prendre une ampleur à l'échelle nationale, étant donné qu'il a disparu de nos radars la nuit dernière nuit. Dommage que Peterson soit déjà crevé, je pense que je lui aurais fait subir un sort pire que la mort si je l'avais eu entre mes mains. "
Ses points se serrèrent sous le coup de la colère, cette trahison abjecte et sa participation active au calvaire de Mulder le révoltait.
Il ajouta :
- Compte tenu de ton implication dans l'enquête initiale et de ton rôle dans le sauvetage de l'agent Mulder, le FBI a proposé que tu puisses assurer une surveillance discrète à l'extérieur de sa chambre, en alternance avec leurs agents, afin d'assurer sa sécurité ici.
Un soulagement visible se peignit sur le visage de Miller.
-"-Merci Benton... C'est important pour moi."
-Je le sais, répondit-il avec un hochement de tête. Fais attention à toi, Miller. Cette affaire est loin d'être terminée."
Dès lors, Miller devint une présence constante aux abords des soins intensifs. Elle veillait, silencieuse et déterminée, prête à réagir au moindre signe, son inquiétude pour Mulder la maintenant en état d'alerte constant. L'attente se poursuivait, mais elle avait désormais un rôle actif à jouer dans la protection de l'agent du FBI.
Les jours qui suivirent s'étirèrent en une monotonie anxieuse. Miller se rendait à l'hôpital avant l'aube, y restait jusqu'à tard dans la nuit, ne rentrant chez elle que pour quelques heures de sommeil fragmenté. Elle s'était aménagé un coin discret dans la salle d'attente des soins intensifs, observant attentivement le va-et-vient du personnel médical, les visiteurs rares et silencieux.
Elle échangeait des regards entendus avec les agents du FBI qui assuraient la sécurité de Mulder, une alliance tacite s'étant formée entre eux. Ils comprenaient son implication émotionnelle, son besoin d'être là. Parfois, l'un d'eux lui donnait des nouvelles succinctes de l'état de Mulder : "Stable", "Pas de changement", "Les médecins sont prudents".
Ces bribes d'informations étaient maigres, mais elles suffisaient à alimenter son espoir.
Elle lisait des romans policiers, ironiquement, pour tromper l'ennui et l'anxiété, mais son esprit vagabondait constamment vers la chambre de Mulder.
Benton venait la voir régulièrement à l'hôpital, lui apportant des informations sur l'enquête concernant la trahison de Peterson et la traque toujours infructueuse de Newman. L'équipe du FBI dépêchée de Washington travaillait sans relâche, mais Newman restait une ombre insaisissable. L'impunité de Newman et de son dernier complice était insupportable.
Un après-midi, alors qu'elle était absorbée par sa lecture, une infirmière l'approcha avec un léger sourire.
"-Sergent Miller, l'agent Mulder s'est réveillé. Il est encore très faible, mais il a demandé à vous voir."
Le cœur de Miller fit un bond. Elle se leva si brusquement que sa chaise faillit se renverser. Un mélange d'excitation et de nervosité l'envahit. Elle suivit l'infirmière, le pas hésitant, jusqu'à la porte de la chambre de Mulder.
Lorsqu'elle entra, la lumière tamisée de la pièce lui permit de distinguer la silhouette pâle de Mulder dans son lit. Ses yeux étaient ouverts, fixant le plafond avec une expression lasse. Il tourna lentement la tête à l'approche de Miller, et un faible sourire se dessina sur ses lèvres tuméfiées.
"-Miller," murmura-t-il, sa voix rauque et faible.
Un soulagement immense submergea Miller. Elle s'approcha de son lit, les larmes aux yeux.
-Mulder... mon Dieu, vous êtes réveillé."
Miller s'approcha du lit de Mulder avec une infinie précaution, son cœur battant la chamade. Elle tira une chaise près de lui et s'assit, ses yeux ne quittant pas son visage pâle et marqué.
-Comment vous sentez-vous ?" demanda-t-elle doucement, sa voix pleine d'une émotion contenue.
Mulder cligna lentement des yeux, un léger froncement de sourcils traversant son visage.
-Comme si... un semi-remorque m'avait roulé dessus... puis avait fait marche arrière, murmura-t-il avec une faible tentative d'humour, sa voix rauque et éteinte.
Un léger sourire se dessina sur les lèvres de Miller malgré l'inquiétude qui persistait dans ses yeux.
"-C'est... un bon signe. Vous avez encore votre sens de l'humour."
Un silence fragile s'installa entre eux, empli de la tension des jours passés et du soulagement de ce premier échange. Miller laissa à Mulder le temps de reprendre ses forces.
Finalement, Mulder parla à nouveau, sa voix à peine audible.
-"Vous... vous êtes restée.
Ce n'était pas une question, mais une constatation, une reconnaissance de sa présence constante.
Miller hocha la tête.
-Bien sûr que je suis restée, Mulder. Nous étions... en quelque sorte... une équipe sur cette affaire.
Un faible sourire revint sur les lèvres de Mulder.
-Une équipe... inhabituelle, peut-être.
-Efficace, ajouta Miller avec une légère fermeté. Nous allons coincer ce fumier de Newman.
L'ombre de la colère traversa brièvement le visage de Mulder.
-Peterson... murmura-t-il, sa voix se chargeant d'amertume. Je n'aurais jamais... jamais imaginé...
-Je sais, répondit Miller doucement, atterrée de voir que l'agent Mulder était deja au courant. Personne ne l'aurait imaginé. Le FBI enquête. Ils vont découvrir toute la vérité.
Un long silence suivit, durant lequel Mulder ferma les yeux, visiblement épuisé par le simple fait de parler. Miller resta assise à ses côtés, silencieuse, soucieuse de ne pas troubler ses moments de repos.
Après quelques minutes, Mulder rouvrit les yeux, son regard cherchant celui de Miller.
"-Newman... il faut... l'arrêter. Sa voix était faible mais déterminée.
-Je sais, Mulder, répondit Miller avec conviction. Et nous l'arrêterons. Dès que vous serez en état de nous aider...Elle hésita un instant. Enfin... dès que le FBI le permettra.
Mulder laissa échapper un faible soupir.
-Le FBI...Il ferma à nouveau les yeux. Ils vont vouloir... me mettre au repos.
-Peut-être, concéda Miller. Mais vous êtes tenace, Mulder. Je ne vous imagine pas rester les bras croisés bien longtemps."
Un infime sourire se dessina sur les lèvres de Mulder avant qu'il ne retombe dans un sommeil fragile.
Les jours qui suivirent furent marqués par une lente et laborieuse progression pour Mulder. Il restait confiné à son lit d'hôpital, mais les sédatifs furent progressivement diminués, lui permettant de passer de plus longues périodes éveillé. Miller était une visite quotidienne, lui rapportant les maigres nouvelles de l'enquête sur Newman et la trahison de Peterson. Le FBI avait intensifié ses recherches, mais Newman restait insaisissable, laissant planer une ombre menaçante au dessus d'eux.
Mulder, malgré sa faiblesse physique, était mentalement alerte. Il posait des questions précises à Miller, essayant de reconstituer les pièces du puzzle, de comprendre comment Peterson avait pu être impliqué et où Newman avait pu s'enfuir. Sa frustration grandissait de ne pouvoir participer activement à la traque.
"-Ils doivent chercher dans ses anciens réseaux, insistait Mulder d'une voix encore faible, sa main agrippant celle de Miller. Il n'a pas agi seul il y a dix ans. Il a des contacts, des gens qui pourraient l'aider à disparaître."
Miller écoutait attentivement, prenant note de ses suggestions. Elle transmettait ses observations à Benton et aux agents du FBI, qui reconnaissaient la perspicacité de Mulder, même affaibli.
Un après-midi, le directeur adjoint Anderson fit une apparition à l'hôpital. Son visage habituellement impassible portait les marques de la fatigue et de la préoccupation. Il s'entretint brièvement avec les médecins avant de rendre visite à Mulder.
"-Mulder," dit Anderson d'une voix grave en entrant dans la chambre. Je suis soulagé de vous voir conscient.
-Directeur adjoint, répondit Mulder avec un léger hochement de tête, vous venez me sermonner pour mes notes de frais trop élevées?
Anderson marqua un temps d'arrêt, se demandant si Mulder plaisantait, puis poussa un soupir de soulagement. Même au milieu de la tourmente, cet homme ne changeait pas, pensa t il. Il eu un bref sourire.
-Le FBI prend cette affaire très au sérieux, annonça Anderson. Nous mettons tout en œuvre pour retrouver Newman et comprendre l'étendue de la trahison de Peterson. En revanche, vous devez vous concentrer sur votre rétablissement. Vous avez failli mourir, Mulder.
-Avec tout le respect que je vous dois, Directeur, répliqua Mulder avec une lueur de détermination dans les yeux, Newman court toujours. Chaque minute qui passe lui donne une chance de disparaître pour de bon, ou pire, de recommencer.
Anderson soupira.
-Je comprends votre impatience, Mulder. Mais votre état de santé est encore trop fragile. Vous devez laisser les professionnels faire leur travail pour l'instant."
La frustration était palpable chez Mulder, mais il savait que le directeur adjoint avait raison. Il était pour le moment prisonnier de son propre corps.
Miller, témoin de cet échange tendu, posa une main sur le bras de Mulder.
"-Il a raison, Mulder. Vous devez vous reposer. Mais cela ne veut pas dire que vous abandonnez"
Les jours suivants, Mulder se montra plus coopératif avec le personnel médical, comprenant la nécessité de recouvrer ses forces.
Finalement, après plusieurs semaines d'hospitalisation, les médecins autorisèrent le retour de Mulder à son domicile. Miller se proposa pour l'accompagner, arguant qu'il n'était pas encore en état de rester seul. Mulder fut presque soulagée en entendant sa requête. Même s'il était d'une nature plutôt solitaire, il s'était fait a la présence discrète et rassurante de la jeune femme. Elle le soutenait et l'épaulait sans le freiner, faisant d'elle une alliée et une amie précieuse.
Pour le dernier jour d'hospitalisation de Mulder, Miller arriva tôt le matin dans sa chambre. Elle fut soulagée de voir que l'agent du FBI était debout, un paquet de graines de tournesol dans une main, son regard fixé sur l'extérieur par la fenêtre. Il était visiblement pressé de rentrer.
"-Mulder, je suis heureuse de vous voir sur vos pieds, fit elle en s'annonçant.
-Bonjour Miller, quoi de neuf? Demanda Mulder en se retournant vers elle.
-Rien de particulier. Enfin...
Elle s'arrêta. Fox sentit tout de suite que Miller avait quelque chose d'important a lui dire, ou plutôt a lui demander. Elle semblait vraiment troublée, au bord des larmes.
-Miller, dites moi le fond de votre pensée. Si quelque chose vous tracasse au niveau de l'enquête, vous devez me le dire.
-Eh bien, je ne voulais pas vous en parler pendant votre convalescence, mais vous allez mieux et... "
La jeune femme sortit une enveloppe jaune froissée de sa poche, et la posa sur la tablette de lit de Mulder. Celui ci fut parcouru d'un frisson, reconnaissant la lettre de menace de Newman reçue la veille de son agression.
-Miller, je... commença Mulder
Mais Miller semblait soudain furieuse, elle le coupa:
-Mulder j'aimerais comprendre. Vous saviez que vous étiez en danger, pourquoi vous ne nous avez rien dit? Vous auriez pu avoir une protection, nous aurions pu...
Sa voix se brisa. Elle se prit la tête dans les mains et s'assit sur le rebord du lit d'hôpital. Mulder, sur ses gardes, vint la rejoindre.
-Miller, je suis désolé si mes actions ont pu vous causer la moindre souffrance. Mais cette lettre... c'était un règlement de compte, quelque chose entre Newton et moi. Je n'aurais jamais permis que quelqu'un d'autre soit pris dans la tourmente a cause de moi, pour me protéger. Vous comprenez?
La jeune femme releva la tête, ses yeux un peu trop brillants fixant Mulder intensément. Elle inspira profondément.
-Mais les risques, votre agression, toutes ces souffrances... vous auriez pu les éviter, murmura t elle.
-Je n'en suis pas sûr Miller, répondit Fox. Je pense que cet homme m'aurait eu là bas, même avec cinquante hommes pour me protéger. Il aurait trouvé un moyen."
Mulder et Miller restèrent silencieux, méditant sur les paroles prononcées.
Miller ne comprenait pas Mulder, son refus d'aide avait faillit lui coûter la vie. Mais elle ne put que saluer son courage, son abnégation totale pour retrouver le tueur, quitte a tout perdre. Sa colère s'apaisa, et elle se rendit compte qu'elle n'en admira que plus cet homme.