The X-files Unsolved: Fahrenheit
11 avril 2003
Easy Sleep Motel
Willowcreek, Ohio
Leyla se laissa tomber sur le lit, enfonçant sa tête dans l'oreiller, étouffant autant que possible son hurlement de frustration. Première journée, premières minutes sur le terrain, et elle enfonce un stylo dans son premier cadavre. Elle se sentait honteuse. Elle était mortifiée.
-Quelle nulle !
Redressée, a genou sur la couverture bariolée, Leyla se faisait mentalement la morale lorsque quelqu'un frappa à la porte. Du regard, la jeune femme fit un bref état des lieux : la chambre était spartiate en dépit de sa déco surchargée. Elle n'avait rien dérangé, mais, entre la porte et le lit, sur la moquette orange, Leyla avait laissé ses chaussures, sa veste et son holster. Elle sauta du lit, ramassant à la vite ce qu'elle avait bazardé au sol de colère quelques minutes plus tôt, et ouvrit la porte. Dans la lumière déclinante de la fin de journée, John se tenait sur le pas de la porte, les mains enfoncés dans les poches de son jean.
-Vous êtes prête ?
Les bras croisés sur ses affaires, Leyla bredouilla :
-Pour ?
Son collègue fronça les sourcils, et précisa :
-Manger.
Avec de grands yeux ronds, la jeune femme s'empourpra.
-Oui! Oui, un instant.
Se précipitant dans la salle de bain, la jeune femme enfonça sur arme dans le fond de son sac de voyage. Reviens s'assoir sur le lit, pour enfiler ses escarpins.
-Je prends le dossier ?
-Non, on va simplement manger, précisa John d'un sourire, amusé par l'agitation de sa collègue.
Puis il ajouta :
-De toute façon, tu n'as plus de stylo...
Leyla enfila sa veste, puis lâcha avec un regard sévère, mais amusé :
-C'est très drôle ça , John.
11 avril 2003
The Drunk Mermaid
Willowcreek, Ohio
Une vilaine odeur de tabac embaumait le pub. La lumière des néons était tamisée par la fumée, et un vieux standard du rock émanait péniblement d'un jukebox au travers les discussions du soir. La serveuse venait de prendre leur commande. John, qui avait pris un steak, était surpris de choix de sa collègue :
-Du poisson ?
-Oui, assura la jeune femme. C'est la région des grands lacs : ce serait dommage de s'en priver.
-Vu ce qu'ils remontent dans leur filet...
À cette réflexion, Leyla regretta immédiatement son choix. John la rassura, un sourire en coin :
-Ce poisson-là doit sortir du congélateur, ne t'inquiètes pas.
Le grand brun se leva :
- Je vais chercher une bière, je t'en ramène une?
Leyla acquiesça, elle en avait bien besoin. Doggett slaloma entre les tables et contourna le comptoir. Il sortit une pièce de sa poche et l'introduit dans la fente d'un vieux téléphone chromé accroché au mur.
Harrison essayait de compiler mentalement le peu d'éléments qu'ils avaient réunis: Bennet et Malkin, les deux corps repêchés, étaient tous deux employés de Cooper's copper, l'immense usine de cuivre situé en bordure du lac. L'usine étant le plus gros employeur de Willowcreek, le corps de Bennet seul n'avait pas suffi pour que le Shérif Darn perquisitionne les lieux. Le second cadavre devrait faire bouger les choses. Identifier un potentiel suspect revenait à chercher une aiguille dans une botte de foin. À plus forte raison que la cause des décès ne pouvait pas être clairement établie.
Une grande silhouette brune tira la chaise devant elle et pris la place de son collègue, puis d'une voix mielleuse se fendit d'un:
-Vous permettez ?
Leyla fut quelque peu prise de court :
-Il me semble que vous vous êtes déjà permise.
Sans relever la remarque, l'insolente tendit une main manucurée devant elle :
-Je suis Olivia Autumn de la Willowcreek Gazette.
Quelque peu interdit, Leyla fixa la main, ne sachant si Miss Autumn attendait un baise-main ou une poignée. De peur de s'écharper sur les longs ongles rouges en pointe, Leyla lui serra le bout des doigts, esquissant une salutation de la tête, accompagné d'un maladroit:
-Harrison.
-Je sais.
La journaliste n'avait pas trente ans. Ses longs cheveux noirs corbeaux et une ridicule lavallière retombaient sur un chemisier blanc qui compressait sa poitrine. Trop de fond de teint et de noir autour des yeux pour inspirer confiance, une arrogante assurance émanait d'elle. Elle devait avoir du succès auprès des hommes, mais son numéro ne prenait pas sur l'ancien agent du FBI.
-Que puis-je pour vous Miss Autumn ?
-A vrai dire, je pensais vous proposer mes services. J'ai de bons contacts auprès des habitants de la ville.
Elle sortit un petit enregistreur numérique de la petite pochette de cuir noire qu'elle avait sur les genoux.
-Vous permettez ?
Sans attendre de réponse, elle mit son petit appareil en route, le posa devant elle et repris :
-En échange d'informations…
Leyla se saisit délicatement de l'appareil et en coupa l'enregistrement :
-Je ne permets pas.
Autumn fit une moue teintée de surprise. Elle ne devait pas être accoutumée au refus. Leyla lui rendit le petit appareil, en prenant soin d'éviter ses griffes. Une serveuse vint déposer les plats. Sentant l'électricité dans l'air, elle ne s'attarda pas. La brune eu une grimace a la vue de l'imposant morceau de viande rouge qu'elle avait sous les yeux.
-Nous ne partagerons nos expertises qu'avec les forces de l'ordre. Commença Harrison en se voulant le plus clair possible. Si l'enquête requiert de vous interroger, nous les ferons avec l'accord du shérif Darn.
D'un raclement de gorge, Doggett s'annonça, une pinte de bière dans chaque main. Comprenant la situation, il intima calmement :
-Si vous ne comptez pas manger mon steak, vous serez assez aimable de me rendre ma place.
Reprenant bonne figure, Autumn se leva, sorti calmement un petit carton de sa pochette et le déposa à côté de l'assiette. Puis tenta un :
-Je vous laisse ma carte.
-Miss Autumn, je présume. Repris John. Nous ne sommes ni de la police, ni du FBI. Nous n'avons aucune autorité pour faire des déclarations à la presse. Maintenant, si vous voulez bien prendre congé…
John posa les deux larges verres frais sur la table.
-Mais bien sûr, lâcha la journaliste derrière les dents de son large sourire crispé. Je vous souhaite une bonne soirée. Si vous avez besoin de quoi que ce soit, n'hésitez pas.
La foule s'écarta sur son passage et, d'un pas chaloupé, la tête haute, la jeune femme disparus dans la brume de tabac. De colère devant tant de sans-gêne, Leyla pesta :
-On pêche des morues dans l'Erie?
-Elle ne lâchera pas l'affaire. Résuma John en s'installant devant son steak.
11 avril 2003
Tard dans la nuit
Willowcreek, Ohio
Sur le bord de la route, Bill Woodrow s'impatientait. La cinquantaine grisonnante, le regard mauvais, il tirait de longues bouffées sur sa clope. Au-dessus de sa tête, le vent soufflait dans les branches. Le ciel était dégagé, l'air était frais, il remonta le col à fourrure de son épaisse veste à carreaux. Woodrow se remit à faire les cents pas à côté de son pick-up. Il releva sa manche, jeta un coup d'œil à sa montre et soupira, énervé. Deux lumières apparurent au bout de la route.
-Putain, c'est pas trop tôt...
Un vieux familly wagon fatigué se stationna à quelques mètres derrière l'imposant véhicule. Un fin bonhomme s'extirpa de la voiture, un peu plus âgé que Woodrow, une calvitie plus que prononcée.
-Je suis désolé Mr Bill, j'ai dû attendre que Martha s'endorme...
-Je m'en fous de tes problèmes domestiques Jones. Tu as ta carabine ?
-Ho oui m'sieur. Fit le maigrichon en pointant un pouce filiforme vers la vieille familial.
Woodrow indiqua un petit chemin de terre entre les arbres quelques mètres plus loin de l'autre côté de la route.
-Gare-toi là-bas, ordonna-t-il. Pas besoin d'attirer l'attention avec deux voitures. Ensuite tu prends ton arme et on y va.
Après avoir laissé son véhicule dans les ombres, la fine silhouette de Jones traversa le bitume sous le quartier de lune bleu, son arme a la main. Il prit place sur le siège passager du pick-up dont le moteur tournait déjà. Après quelques minutes de route, il cracha ce qu'il avait sur le cœur, comme on retire un pansement :
-Steven est moins à plaindre que Bennett et Malkin, M'sieur Bill, mais je ne voudrais pas risquer ma vie...
Woodrow, qui, jusqu'à présent, s'était montré agressif, se voulu rassurant :
-Bennett était un crétin, c'était un accident stupide. Steven reprend le boulot dans quelques jours.
Il resserra ses mains sur son volant :
-D'ici là, on aura trouvé une solution définitive.
Le reste du court trajet se fit dans le silence. Ils ralentirent à l'approche d'une barrière de sécurité que Woodrow fit lever à l'aide de sa télécommande. Le véhicule entra lentement par delà les grillages qui entouraient le parking, et roula encore quelques minutes, puis Bill coupa le moteur. Toujours en silence, les deux hommes quittèrent le véhicule et cheminèrent sur un chemin bitumé qu'ils connaissaient bien. Jones tenait son fusil par le canon, Woodrow portait un gros sac de sport. Devant l'imposante bâtisse, Bill résuma, sa cigarette a moitié consumée pincée entre les lèvres :
-Ce soir, on reste à distance. Mais dès qu'on en voit un… On tire a vue, on balancera les morceaux dans le fourneau, avant l'arrivée de la première équipe.