The X-files Unsolved: Fahrenheit

Chapitre 3 : Willowcreek

2388 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 19/12/2022 14:52

Chapitre second : Willowcreek




11 Avril 2003

Autoroute 90, direction ouest.

A la sortie de l’état de New York.



           Ils étaient partis tôt ce matin-là. Il leur restait un peu plus de trois heures de route, et la vieille Ford Escort de location venait de passer par Buffalo, s’apprêtant à traverser un morceau de la Pennsylvanie. John ne quittait pas la route des yeux, les mains visées sur le volant, tandis que Leyla potassait le dossier envoyé par la police locale de Willowcreek. Le corps d’un certain David Bennet avait été retrouvé en bordure du lac Erie. Caucasien, la quarantaine, le malheureux aurait été en partie dévoré vivant par un ou plusieurs animaux sauvages non identifiés. Les morsures étaient nombreuses et couvraient une bonne partie du corps, mais c’est surtout le trou béant au milieu du torse qui aura causé la mort du pauvre homme. Les forces de l’ordre, n’arrivant pas non plus à identifier les causes des nombreuses brulures également présentes sur le cadavre, ils n’ont pas hésité longtemps lorsque Frank les contacta pour leur proposer l’aide d’Unsolved. Jimmy avait eu vent de l’affaire via les nombreuses unes de journaux locaux qu’il était chargé, chaque matin, de passer en revues. Cela lui prenait parfois énormément de temps, mais cette fois-ci au moins, la pèche avait été bonne. Le hasard aidant, John connaissait très bien le shérif de Willowcreek:

-Lucius est un gars bien, expliqua-t-il presque nostalgique. On a bossé un peu ensemble au début des années 90, à New York. Il a quitté la rue il y a quatre ans pour Willowcreek. Il voulait profiter du calme d’une petite ville avant de pouvoir prendre sa retraite. Être flic dans une ville comme New York, c'est une confession de foi, on voit et on vit des trucs à vous faire douter de la bonté des Hommes. Mais Lucius avait le don pour nous ramener à l’essentiel, et nous garder les pieds sur terre.

John n’était pas du genre bavard, ni du genre à raconter sa vie. Leyla ne savait pas si c’était sa présence dans cette voiture qui le rendait un peu plus loquace, ou si c’était la perspective de revoir un vieil ami. Un long camion de volaille les doubla lentement. Les butes herbeuses défilaient de chaque côté de la route, et sous la voiture le bitume faisait ronronner la gomme des pneus. Leyla n’avait pas l’habitude de faire autant de route sans musique.

-C’est votre première enquête avec Unsolved ?

-Sur le terrain, oui. Avec Frank, on a déjà géré deux dossiers à distance. Ça débute doucement. Mais j’attendais de t’avoir avec nous pour vraiment retourner sur le terrain.

Elle savait que ce n’était pas le but, mais Leyla se senti flatté par ce dernier point. Cela lui rappela également pourquoi John en était arrivé à l’extrémité de passer indépendant :

-Tu penses vraiment que le Bureau est infiltré ?

-Je ne le pense pas, je le sais.

John marqua une pause, l’œil dans le rétro sur un vieux combi Volkswagen trop collant, et il soupira :

-J’ai l’impression d’être devenu aussi paranoïaque que ce vieux fou de Mulder…

Il ralentit légèrement pour pousser le van à doubler.

-Il avait raison sur certains points, ce maboul. Ces individus planifient quelques choses. C’est prévu pour fin 2012. Et ils n’hésiteront pas à bafouer des lois, mentir sur les rapports d’enquêtes, ou même s’en prendre à un enfant…

Harrison ne le savait pas, mais lors du procès de Fox Mulder se trouvait parmi les témoins le jeune Gibson Praise. Un ado possédant la capacité de lire dans l’esprit des gens. Au moment même où le gosse fit face aux accusateurs, il se retrouva sur la liste de tous les assassins que ce groupe de conspirateur pouvait engager. C’est John qui se chargea de couvrir la fuite du môme. C’est John qui se chargea de le faire disparaitre aux yeux de ces monstres. Non, ça, Harrison l’ignorait. Ce qu’elle savait en revanche, c’est que chaque enfant en danger ramenait John à son propre fils, Luke, et a son meurtre, un peu moins de dix ans plus tôt. Et cela le rendait physiquement malade.

Sur le bord de la route, un large panneau annonçait un petit diner à quelques miles.

-Je sais pas toi, mais moi, je prendrai bien un café.

John mit son clignotant.



X



11 Avril 2003

Phare de Willowcreek

Willowcreek, Ohio



           Au bout de la jetée, amarré à la structure de bois noircie par les années, flottait dans les remous de l’Erie, le petit chalutier rouge et bleu de Dany Malkin: le Sylvia. Il lui avait donné le nom de sa mère. Le jeune pécheur en tirait une grande fierté : pouvoir vivre de sa passion et avoir deux employés, allait bien au-delà des espoirs du jeune homme qui venait de souffler ses vingt-cinq bougies. Mais son monde aujourd’hui avait basculé. Il avait basculé deux semaines plus tôt en vérité, le jour de la disparition de son père. Ce dernier était partie pour une de ses parties de chasse et n’était jamais réapparu. Dany avait fini par reprendre le travail ce matin-là, avec le soutien de ses deux pécheurs, Jim et Stan. La pêche n’avait pas été exceptionnelle, mais retourner sur le lac lui avait vraiment fait du bien. Du moins, jusqu’à ce que le corps de son père ne remonte dans les filets. La peau était verdâtre, le visage boursouflé, il lui manquait les yeux, mais c’était son père. La veste de chasse à carreau rouge était déchirée, mais c’était la sienne. Dany n’avait pas hurlé. Il n’avait pas pleuré non plus. Son regard s’était perdu quelque part dans le loin, depuis ce moment-là Dany n’a plus dit un mot. Il était entouré de policier, on lui posait mille questions, mais Dany n’était plus là.


Le soleil de midi dansait sur les vagues qui faisaient taguer le chalutier. Aujourd’hui le sheriff Lucius Darn aurait presque regretté ses années à New York. C’était un homme noir, de grande taille, une calvitie au-dessus de ses tempes blanchies qui descendaient en une barbe fournie sur son double menton. Il tenait à deux mains, comme par respect pour le mort, son large chapeau sombre, sur sa bedaine qui lui tirait les boutons de sa chemise grise règlementaire. Il observait, gêné, son adjoint interroger le pauvre gosse Malkin. Il s’approcha, posa la main sur l’épaule de son collègue, et de sa voix gutturale :

-Arrêtes de l’emmerder avec tes questions Gutierrez, tu vois bien qu’il n’est pas en état.

Il s’adressa ensuite à Dany :

-Les gars vont te ramener chez ta mère mon bonhomme, on lui annoncera la triste nouvelle.

Le regard vide sous sa tignasse emmêlée, le visage creux, Dany semblait presque englouti dans le large col de son grand anorak jaune. Il suivit comme un automate deux agents qui le firent monter dans la voiture de patrouille blanche que Lucius, sur le bord de la route, regarda ensuite s’éloigner.

-C’est le coup dur, hein, chef ?

Le shérif n’avait pas remarqué que Gutierrez était toujours à ses côtés.

-Tu es vraiment une andouille, Gutierrez. Lui répondit-il le plus calmement possible. Vas voir si les autres ont pas besoin d’aide, et essaie de savoir où en est le coroner.

Francis Gutierrez, avec les pointes blondes de ses cheveux en brosse et son petit bouc taillé, était le genre à prendre soin de son apparence. Darn l’avait toujours eu dans les pattes, et il avait toujours trouvé la force de le supporter, le trouvant plus bête que méchant, mais aujourd’hui, le jeune Mexicain avait bien compris qu’il s’en faudrait de peu pour qu’il énerve vraiment son supérieur. Il tourna les talons. Au pied du grand phare blanc aux larges rayures rouges, Lucius leva les yeux aux ciels. «Qu’on y passe pas la journée» Marmonna-t-il en se vissant son large chapeau sur le crane. Une Ford Escort noir s’approcha et ralentit à sa hauteur, puis s’arrêta. Lucius eu peur d’en voir sortir cette pimbêche d’Olivia Autumn de la gazette locale. Le soulagement n’en fut que plus grand lorsqu’il reconnut son ancien partenaire :

-Johnny, c’est toi!

Doggett lui rendit un large sourire compatissant. Son visage avait vieilli, mais sa tignasse était toujours aussi noire. Il portait une veste de cuir coupée droite, épousant ses larges épaules. Le rabat de sa veste cachait mal le holster qui retombait sur son t-shirt chocolat. Il ficha sa main gauche dans son blue jean, et de l’autre main indiqua sa partenaire qui venait à son tour de quitter le véhicule.

-Je te présente Leyla.

Le vent faisait danser la coupe au carré de la jeune femme qui n’avait pas vraiment réussi à se défaire de l’image d’Épinal des agents de terrain : chemisier blanc et tailleur sombre. La coupe était impeccable, et son pantalon noir bien taillé mettait en valeur sa fine silhouette. Le seul écart auquel Leyla s’était autorisée était une touche de rouge vif sur ses lèvres. Lucius voyait le poids des années sur le visage de son ancien collègue, l’effet n’en était qu’accentué par la fraicheur de la jeune Harrison. Elle n’était pas à l’aise et gardait les bras croisait dans le dos. Le regard direct, elle salua le sheriff d’un mouvement de tête. Doggett s’approcha et d’une tape sur l’épaule accompagnée d’une franche poignée de main, il s’enquit :

-Ça va vieux ? Sale histoire. Puis résuma : On est passé par ton bureau en arrivant et ta secrétaire nous a mis au parfum.

-M’en parle pas… Deux corps en moins de deux semaines. C’est les scribouillards de la Gazette qui vont se frotter les mains.

John se désola de devoir préciser à son ami, le regard sur l’horizon :

-Possible, mais sans eux, je n’aurais pas eu vent de l’histoire, ni des détails.

Quelques jours plus tôt en effet, la Willowcreek Gazette avait publié un article généreux en détail sur le premier corps. Des détails auquels Autumn n’aurait pas dû avoir accès, comme les étranges traces de morsures, ou la large plaie sur le torse de ce pauvre David Bennet. Des détails suffisamment éloquents pour attirer l’attention de Jimmy.


Quelques minutes plus tard, la vieille camionnette noire du coroner se gara derrière la Ford. Deux employés en combinaison grise s’en extirpèrent en faisant grincer les portières de l’antique véhicule. Le plus petit des deux, cheveux noir et gras, bafouilla quelques instructions sous sa fine moustache au jeunot qui l’accompagné, un grand rouquin qui faisait bien deux têtes de plus que lui.

Ils s’apprêtaient à sortir la civière lorsque Guiterrez s’avança vers eux :

-Prenez votre temps les gars, on inspecte encore le macchabé…


Le corps était toujours à la verticale, pris dans les filets du chalut. Derrière les lambeaux de vêtements, les plaies étaient bien visibles. Leyla, qui n’avait jamais vu de cadavre, était fasciné par ce corps inerte, sans vraiment arriver à assimiler le fait qu’il s’agissait de quelqu’un. Avec John et Darn, ils n’étaient plus que trois à bord du Sylvia, bercés pour les remous. Sur le ponton, de chaque côté de la passerelle, silencieux, les deux pécheurs attendaient pour ramener leur bateau au hangar.

-Les gars de la morgue sont là, constata Lucius. Ce n’est qu’une question de minute avant de voir arriver les vautours de la Gazette…

Le regard vers les berges, de l’autre côté du lac, Doggett ne pris pas la peine de relever. À quelques centimètres du corps de Malkin, le nez presque dans les filets, Harrison annonça :

-Ces blessures ressemblent à une vieille affaire non classée.

Elle sortit un fin stylo noir, et sembla redessiner les plaies dans le vide :

-Vous voyez la forme de ces entailles cadrant les morsures, formant comme une croix ?

Toujours penché en avant, la jeune femme lança un regard convaincu à son collègue :

-Comme les dents de certains invertébrés. Si nous pouvions…

Mécaniquement, elle enfonça son stylo dans l’une de ces plaies, comme pour en sonder la profondeur, avant de comprendre son geste. Dans un léger râle de regret, elle se jeta contre le parapet, et vomit sur les planches du vieux ponton. Doggett soupira et sortit de sa poche un petit sachet de plastique transparent, il enfonça sa main à l’intérieur, et, l'utilisateur comme un gant, retira calmement le crayon resté dans le cadavre. Il referma le sachet et le tendit à Lucius :

-Tiens. Désolé. Fais-le analyser, on sait jamais.

De sous sa veste, Doggett sorti ensuite un petit appareil photo numérique et pris quelques clichés du torse du pauvre empêtré dans les filets. Puis il lança à Harrison, qui ne savait plus où se mettre :

-La forme de ces plaies est effectivement peu commune. On va envoyer ça à Jimmy, on verra s’il trouve une concordance.

Il marqua une pause, hésitant à remonter le moral de sa collègue, mais préféra demander au Sheriff, en pointant l’horizon du doigt :

-C’est quoi cette usine au fond là-bas ?

Pointant deux colonnes de fumée de ses cheminées grises, un bloc sombre comme la rouille semblait s'abreuver dans l'eau de l'Erie. Darn se contenta d'un:

-C'est compliqué.



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