La voix de l'ombre - Livre III : Au-delà des brumes

Suite aux événements du Cataclysme, et après l'anéantissement de l’Île de Theramore fomentée par le Chef de guerre Garrosh Hurlenfer, l'Alliance et la Horde reprirent les hostilités.

Au cours d'un conflit maritime qui opposa un vaisseau amiral de l'Alliance à un bâtiment naval de la Horde, les deux navires échouèrent sur une île inconnue rendue invisible depuis des millénaires par une épaisse brume.

Alors que les deux factions débarquaient, le conflit se poursuivit sur cette nouvelle terre, tandis que le prince Anduin Wrynn, alors présent sur le vaisseau amiral, avait disparu.

Chapitre 1 : Une rencontre fortuite.

Malédiction ! Cette fois-ci, il avait été reconnu. Il sera bien plus difficile de leur fausser compagnie. D'autant que cette guerrière orque, nommée Shokia d'après ce qu'il avait pu comprendre, était déterminée à le surveiller de près. Quitte à essayer de l'intimider.

C'était sans compter la présence des Hozen Groukards, la tribu d'une race locale, et dont certains spécimens semblaient vouloir le dévorer. Ces créatures, dont l'apparence rappelait le singe, étaient tout sauf inoffensives. Alliés à la Horde, Anduin savait que les Hozen serviraient de chair à canon dans les plans de Garrosh, mais cela ne les rendait pas moins dangereux. Les Hozen arpentaient donc les environs sur ordre du général Nazgrim, qui avait mené le combat naval contre l'Alliance, dont le vaisseau était mené par l'amiral Taylor.

Soucieuse de prouver sa dévotion envers la Horde, Shokia s'amusait à administrer quelques coups de son arme à feu dans les côtes et le ventre du prince de Hurlevent. Cela l'aidait à tuer le temps, tandis qu'Anduin, qui était maintenu en joue, et donc impuissant, observait l'environnement dans lequel il était gardé prisonnier pour mieux envisager son évasion qui, de toute évidence, semblait compromise.

Il pleuvait à torrent, ce qui semblait rendre les Hozen encore plus agités, et donc plus agressifs. L'un d'entre eux fut attiré par un mouvement étrange dans les broussailles, près d'un rocher. Il se rua dessus, la lance prête à percer, et s'engouffra dans la végétation. Puis plus rien.

Un autre, curieux de savoir ce qui lui était arrivé, chargea à son tour le buisson, et ne revint pas.

L'agitation commençait à régner au sein du détachement militaire orc, lorsqu'Anduin crut que l'armée de l'amiral Taylor avait retrouvé sa trace et était venu le délivrer.

Shokia commença alors à beugler des ordres aux Hozen au moment où elle fut projetée en avant et finit dans un chariot plusieurs mètres plus loin, la tête en bas et les pieds en l'air.

Anduin n'eut pas le temps de réagir lorsqu'une petite main puissante le tira vers les broussailles jusqu'à l'extérieur du camp.

Un long chemin plus au sud menait à la Rive Bourbeuse. C'est là qu'Anduin avait été tiré de force et tenta de se défaire à l'aide de la Lumière. L'un de ses ravisseurs, celui qui le tenait, souffla sur le sort et fixa le prince. Stupéfié par la facilité du ravisseur à étouffer son sort, Anduin le fixa également.

• Anduin, c'est moi ! fit-il en relevant légèrement sa capuche malgré la pluie battante.
• Keera ! s'écria le prince. Mais...
• Nous devons traverser au plus vite, dit-elle en lui montrant du doigt un chemin qui reprenait sur l'autre rive.

Anduin acquiesça et suivit la princesse et son acolyte encore inconnu.

Ils coururent le long de la rive et atteignirent un champ lorsqu'ils se cachèrent derrière un pan de montagne et observèrent s'ils étaient suivis. Haletant, Anduin regarda l'individu derrière Keera pour essayer d'apercevoir son visage. Grand et massif, lui aussi était caché à l'aide d'un capuchon. Comprenant qu'il était observé, le pandaren fixa Anduin, puis sourit à pleine dents. Surpris par sa réaction, le prince pivota vers Keera qui les mena vers une auberge un peu plus loin.

• Par ici, entrez, les appela un autre pandaren qui se tenait dans l'encadrement de la porte.

Tous trois pénétrèrent dans l'auberge, et furent accueillis par une pandarène du nom de Nan Pied de foudre.

• Soyez le bienvenu jeune homme, fit-elle en ôtant la surcote d'Anduin.
• Merci, mais ne vous donnez pas cette peine, fit-il gêné.
• Asseyez-vous, je vous en prie, continua-t-elle en ignorant l'embarras du prince.

Elle appuya sur les épaules d'Anduin pour qu'il s'asseye à une table située au fond de la pièce, puis Keera s'assit en face, tandis que le pandaren qui les accompagnait resta au comptoir, ce qui lui donnait libre accès à un fût de bière.

Encore sous le choc de leur rencontre, Anduin questionna Keera :

• Que fais-tu ici ? Notre vaisseau a échoué ici par erreur il y a des jours. Nous ne connaissions pas cette île.
• Eh bien, disons que je connais un peu les lieux, et que j'étais loin de me douter que l'Alliance et la Horde allaient venir se battre jusqu'ici, avoua la princesse.
• Alors tu connaissais cet endroit, et tu n'en a jamais rien dit ? Même pas aux explorateurs de la Ligue ?
• Non Anduin. Cet endroit était censé rester caché, pour plusieurs raison d'ailleurs.
• Lesquelles par exemple ? l'interrogea le prince.
• Anduin... ce n'est pas à moi de te raconter l'histoire de la Pandarie.
• J'étais déjà sur la piste des mystères qui entourent le Val de l’Éternel Printemps, tout cela m'intéresse, tu le sais bien, Keera.
• Et tu auras tout le loisir de faire tes découvertes, mais Anduin, tu as été imprudent ! Partir seul à l'aventure, dans des contrées que tu ne connais pas, et alors que la Horde et l'Alliance continuent leur lutte sans même penser aux conséquences !
• Keera, on croirait entendre mon père, fit le prince qui pinça ses lèvres.

Keera le regarda en plissant les yeux. La remarque avait fait mouche. Elle comprenait bien que pour la première fois de sa vie, il était libre. Ce sentiment était grisant, et Anduin avait suivi une formation de prêtre auprès de Velen. Il savait soigner, mais très peu se battre. Il ne pouvait décemment pas se promener seul dans la nature. Sans compter qu'il était l'unique héritier du trône de Hurlevent.

Le maître des lieux, Pang Pied de foudre, leur servit du thé lacté aux perles accompagné de pain au haricot rouge. Anduin, qui n'était là que depuis peu, appréciait déjà tout ce qu'il avait pu goûter.

• C'est délicieux, dit-il en direction de Pang.

Le pandaren hocha la tête, puis s'éloigna pour les laisser.

Toujours intrigué par tous ces événements, Anduin demanda discrètement :

• Pouvons-nous nous restaurer ainsi ? Tu connais ces gens je suppose ?
• Ce sont des amis, Anduin. Je les aide à sécuriser leurs champs et à récolter leurs productions.
• Et comment as-tu su que je me trouvais là, prisonnier de la Horde ?
• Des étrangers qui débarquent en Pandarie, tu te doutes bien que cela perturbe ses habitants, répondit Keera. Et je connais Ren Patte blanche.
• Je vois, fit Anduin. Il t'a raconté qu'il m'avait secouru dans la Forêt de Jade.
• Tout à fait. Et j'ai compris que le peu de soldats de l'Alliance qui avait survécu à votre naufrage n'était peut-être pas en mesure de te protéger. Alors je t'ai cherché.
• Keera, j'ai refusé de retourner auprès de l'amiral Taylor quand Ren m'a ramené auprès de lui.
• C'est sans doute pour cela que tu t'es retrouvé prisonnier des troupes de la Horde, conclut Keera en haussant les sourcils.

Anduin devait se rendre à l'évidence : il peinait à se débrouiller seul. Il termina donc le potage que venait de lui servir Nan, l'air maussade.

La pluie avait laissé place à l'orage, ce qui arrangeait bien les fermiers, car les enquiquineurs dent-cassée se sauvaient au moindre coup de tonnerre au lieu de piller leurs champs de légumes.

Durant le repas, Keera repensa à la remarque d'Anduin à propos de sa ressemblance avec son père. Elle ne souhaitait pas l'enfermer comme l'aurait sûrement fait Varian s'il savait que son fils unique voulait s'aventurer dans les contrées les plus mystérieuses d'un autre continent. Anduin devait se construire à sa manière et par ses propres moyens, mais elle ne pouvait se résoudre à le laisser seul.

• Anduin, je te comprends. Et je respecte ton besoin d'exploration. Mais je ne peux te laisser t'aventurer seul en Pandarie.
• Alors accompagne-moi Keera, proposa le prince. Tu connais les lieux, et je doute que qui que ce soit qui te reconnaisse ose s'en prendre à toi.

Keera n'eut même pas besoin de réfléchir à cette proposition.

• Oui, je pense que je vais t'accompagner quelques temps, si cela te convient, fit-elle en souriant. Je serai ton guide en quelque sorte. En revanche, je pose une condition.
• Laquelle ?
• Je vais envoyer un oiseau messager à l'amiral Taylor de ta part. Tu lui demanderas de ne pas te chercher, tu lui diras que tu es en sécurité, et qu'il prévienne ton père de ne pas trop s'inquiéter.
• C'est d'accord, j'accepte ta condition. Et je te remercie, Keera. D'autant que j'ai encore tellement de questions à te poser ! dit-il les yeux brillants.

Comme cela, Anduin ressemblait davantage à un enfant. Les yeux pétillants et émerveillés par ses futures découvertes. Keera le regarda finir son bol de nouilles aux légumes, et remarqua que sa mâchoire était bien plus carrée que la dernière fois qu'elle l'avait vu. Ses épaules étaient plus larges, et il avait pris quelques centimètres. Il commençait à ressembler à Varian.

Elle sourit à l'idée qu'il n'avait pas fini de grandir, et qu'il allait sûrement être aussi grand que son père, malgré leur grande différence de corpulence.

Lorsque la pluie cessa, Keera proposa de poursuivre leur route jusqu'au crépuscule, afin de mettre de la distance entre eux et leurs potentiels poursuivants. Elle lui expliqua qu'ils avaient atteint la Vallée des Quatre vents, une vaste région de laboureurs et de fermiers où elle pouvait rester des mois à aider à la pousse des récoltes.

Kang Bâton de roncier, le pandaren qui avait accompagné Keera lors du sauvetage d'Anduin, proposa de les escorter jusque la ferme de Shang, au bord de la Yan-Zhe, longue étendue d'eau qui traversait la contrée. Shang étant absent, ils pourraient y passer la nuit et poursuivre leur route.

La ferme de Shang était très petite, et respectait l'architecture des autres fermes qu'Anduin avait pu observer sur la route. Il connaissait encore mal les us et coutumes des pandarens, et Keera se proposa de lui raconter une partie de leur histoire. Ils s'assirent à même le sol, puis Anduin attendait avec attention.

Keera résuma, mais expliqua tout de même que cette race était très ancienne, et qu'elle avait été oppressée pendant des siècles par une autre espèce appelée les mogus. Ils développèrent alors un art de combat à main nue, car il leur été interdit de tenir ne serait-ce qu'un couteau de cuisine. Ils utilisèrent donc leurs mains et leurs pieds pour se rebeller et se libérer de l'emprise des mogus. Ils venaient de créer un art martial et se donnèrent le nom de moine. Ils fondèrent leur propre empire qui prospéra durant des millénaires.

• Et tout allait bien jusqu'à ce que nous débarquions, ajouta le prince en croisant les bras.
• Disons que les pandarens cultivent l'art de l'équilibre. Cet équilibre apporte l'harmonie en toute chose, et c'est grâce à cette philosophie que j'ai...
• Que tu as retrouvé un équilibre, se permis Anduin.

Keera sourit timidement. Elle avait presque oublié combien le fils de Varian était perspicace.

• Tu as deviné, Anduin. J'ai trouvé cette terre durant mon périple il y a des années, et lorsque j'ai rencontré les pandarens, ils m'ont beaucoup apporté. Et beaucoup appris.
• Je ne voulais pas te faire de peine, Keera, s'excusa-t-il. Ni te rappeler de mauvais souvenirs.
• Les mauvais souvenirs font partie de la vie, Anduin. Et ils permettent l'équilibre. Sans ombre, pas de lumière.
• Eh bien, tu t'es réellement imprégnée de leur philosophie, sourit le jeune prince.
• Ce qui est une nécessité si tu veux vivre ici quelques temps. Par ailleurs, il est primordial de comprendre que cet équilibre doit être préservé à tout prix, ajouta Keera.
• Comment ça ? l'interrogea Anduin.
• Ce n'est pas à moi de t'enseigner cette partie, tu la découvriras par toi-même.

Keera et Anduin discutèrent encore un moment avant de sombrer dans le sommeil. Au petit jour, la princesse lui proposa de s'aventurer plus au sud, et s'éloigner encore de la Forêt de Jade où ils avaient débarqué.