La voix de l'ombre - Livre I : Les murmures du passé

Chapitre 27 : Rédemption

2436 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 24/02/2024 17:51

Chapitre 27 : Rédemption.



Keera avait attendu qu'Orgrim s'assoupisse pour en faire de même. La journée avait été longue, encore plus que la veille. La douleur lancinante de son dos bardé de lacérations due à la récente flagellation ne disparaissait pas. Et, malgré toutes ses tentatives pour ouvrir les chaînes qui les retenaient, cela avait été un échec.


C'est pourquoi elle crut rêver lorsqu'elle entendit un cliquetis au-dessus de sa tête. De plus, elle n'y voyait pas grand-chose dans cette obscurité.

  • Je suis tellement désolé, entendit-elle murmurer derrière elle.


Un esprit désincarné ? Vu le nombre de morts qu'avaient dû voir ces murs, nul doute que quelques esprits devaient hanter les lieux.


Puis, ses liens de fer commencèrent à se dénouer, et libérer ses poignets. Elle ne rêvait pas.

  • Qui est là ? souffla-t-elle en se réceptionnant maladroitement sur ses pieds entaillés.

Une ombre la contourna, et elle la vit retirer sa cape.

  • Hath ! s'écria-t-elle presque.
  • Que vous a-t-il fait, mon enfant, dit-il, le regard hagard devant l'état de son corps.


Il la recouvrit de sa cape.

  • Comment êtes-vous entré ? Le sous-sol doit être gardé comme une prison !
  • Je suis passé par les canalisations, princesse, avoua Hath. À présent, suivez-moi !
  • Attendez, Orgrim est attaché, certainement avec le même type de chaînes.
  • Alors Walmor avait raison, vous vous êtes entichée de ce monstre !
  • Ce n'est pas un monstre, s'indigna la princesse. Il m'a montré plus de respect que tous les humains de vos troupes de guerre réunis.
  • Vous parlez de ces monstres qui ont attaqué tant d'innocents ! Comment pouvez-vous avoir ne serait-ce que du respect pour eux ? s'offusqua Hath.
  • Certains étaient monstrueux, oui, mais pas tous, pas lui ! dit-elle en le désignant du doigt. Dites-moi, Hath, mon père n'était-il pas un monstre ? Et son père ? Et Walmor ? Ce sont pourtant des humains !


La vérité le cloua au sol. Et il connaissait cette enfant depuis assez longtemps pour savoir ce qu'elle avait enduré. Considérée comme une hybride, il lui avait été difficile d'être acceptée parmi les humains. Et pourtant, elle avait conservé un cœur honnête et aimant.

Keera reprit :

  • Ils m'ont acceptée telle que je suis. « Il » m'a acceptée telle que je suis, brutale, farouche, singulière, une étrangère. Alors oui, je vais le délivrer, et je donnerais ma vie pour lui sans hésiter ! s’époumona-t-elle de colère.


Hath observa l'orc suspendu à la croix de bois, dont les yeux étaient grand ouverts. Hath s'approcha de lui lentement :

  • Et toi, orc, es-tu prêt à tout pour la protéger ? Tu donnerais ta vie ?

Orgrim parut d'abord étonné de cette question. Car, pour lui, c'était une évidence. Il dirigea ses yeux vers la princesse.

  • Sans hésiter, dit Marteau-du-destin parfaitement serein, les yeux toujours braqués sur Keera.
  • Vraiment tout, orc ? demanda une voix près de l'entrée.


Soudain, plusieurs hommes se ruèrent vers Hath et Keera, tandis qu'elle essayait d'ouvrir les chaînes qui retenaient Orgrim. Et, alors qu'elle tirait dessus, un éclat de givre vint s'abattre sur ses mains. La princesse évita le sort de justesse.

  • Merci pour l'aide, envoya-t-elle en direction du mage.


Elle put alors briser l'attache de fer givrée et libérer Orgrim qui chargea l'homme qui voulut immobiliser Keera à l'aide de son fouet. L'homme ne put parer, et reçut l'épaule de l'orc de plein fouet. Il fut projeté contre le mur, la nuque brisée sous l'impact.

Walmor restait en arrière, observant la scène et donnant ses ordres.


De part et d'autre de la pièce retentissaient orbes gelées, coups de hache, et cris de douleur, dans un tumulte assourdissant. Le fracas des armes s'entrechoquant résonnait. Un mage avait rallumé les torches à l'aide d'un sort de feu, ce qui permit à Keera de ramasser une épée tombée au sol et de décapiter le soldat qui se ruait sur elle.


Le nombre d'adversaires diminuait, bien qu'Orgrim haletait tandis que le corps de Keera se remettait de ses blessures au fouet ne datant que de quelques heures à peine. Le général Hath, mieux équipé, s'attaquait au lanceur de sort, plus vulnérable mais plus dangereux.

  • Je m'en charge, Hath, cria Keera.


Hath la vit lancer un javelot à travers la pièce, et l'arme transperça le mage et le tua sur le coup. De son côté, Orgrim s'empara d'une longue table en bois et la lança sur deux soldats qui tombèrent sous l'impact. L'orc s'approcha d'eux, et, constatant qu'ils étaient encore en vie, souleva à nouveau la table et l'abattit sur eux, les écrasant définitivement.


Profitant de cette victoire, Hath, qui s'était rapproché de l'entrée, se jeta sur Walmor qui para son coup de hache à l'aide d'un long bâton de fer clouté au sommet.

  • Qui t'aurait cru capable de ressusciter après tant d'échecs, Wilfried ? se moqua Walmor.
  • Tu vas mourir ici, charogne ! lui promit Hath, les yeux injectés de sang.
  • Moi non, assura Walmor. Lui en revanche, c'est certain, dit-il en désignant l'orc de la tête.


Lorsque Hath risqua un coup d’œil en direction d'Orgrim, il le vit aux prises avec quatre soldats le tenant par les bras à l'aide de fouets de cuir, et un cinquième muni d'une lance sur le point de l'empaler. Keera s'élança pour stopper le cinquième, mais Hath vit qu'elle était trop loin. Le soldat tenant la lance la planta alors, sentant la chair et les os craquer.

  • Hath ! cria Keera qui poursuivait sa course, fauchant au passage deux des hommes qui retenaient Orgrim.


Le général cracha du sang, la lance enfoncée dans son dos. Orgrim en profita pour cogner l'un contre l'autre les deux hommes restants accrochés à son bras. L'un d'eux mourut sur le coup, et Orgrim attrapa la tête de l'autre et la broya contre la croix de bois.

Keera rejoignit Hath qui tombait à genoux :


  • Oh Hath, dit-elle les yeux humides, vous l'avez sauvé, pourquoi ?
  • Koff, koff, toussa le général, mon enfant, tu as trouvé ta voie, dit-il douloureusement en posant délicatement une main sur la joue de la princesse.


Keera recouvrit sa main de la sienne :

  • Pourquoi ? répéta-t-elle dans l'incompréhension.
  • Tu l'aimes, non ? la dévisagea Hath, un léger sourire se dessinant sur ses lèvres ensanglantées.


Keera le fixait, et, dans un sourire heureux, les yeux brillants, elle opina.


De son côté, reprenant son souffle, Orgrim se frayait un chemin vers Walmor qui ne cessait de lui envoyer soldat sur soldat.

  • Viens, lâche ! cria l'orc dans sa direction. Arrête de fuir ! dit-il en expédiant un soldat de son bras et qui alla s'écraser face contre mur, l'impact faisant tomber une torche allumée sur une chaise de bois.
  • Quel honneur tu me fais, orc, rétorqua Walmor tout en sortant une longue dague de son fourreau.


Marteau-du-destin chargea l'humain et lui asséna un coup de massue qu'il avait trouvé au sol, mais le coup porté s'écrasa contre le mur après que Walmor eut disparu. Il réapparut alors rapidement derrière Orgrim qui l'attrapa par la gorge :

  • Je connais tes tours, humain, cracha l'orc, à présent à quelques centimètres de son visage.


Pour la première fois, il vit la terreur sur le visage de Walmor, qui recevait les postillons de rage et de haine d'Orgrim. Il sentit le souffle de l'orc, et fixa son regard bestial.

  • J'espère que tu as savouré ces moments avec elle, cracha l'orc, parce que moi aussi je compte bien savourer ces moments avec toi.


Et tandis qu'il relâchait la pression sur sa gorge, Orgrim lui envoya un violent coup de poing au visage, et sentit le craquement de sa mâchoire dont la mandibule retomba, laissant Walmor incapable de refermer la bouche et cloué au sol, désorienté.

L'humain passa une main sur le bas de son visage, sous le choc de l'impact du coup, et essaya de se relever lorsqu'Orgrim lui attrapa le pied et le retourna dans un angle impossible. Walmor hurla de douleur de sa gueule béante.


  • Je te préfère comme ça, lui confia Orgrim, à terre et incapable de déblatérer tes balivernes, sourit-il sournoisement.


Walmor essayait de se reprendre. Il lui était intolérable, et même douloureux, de laisser l'orc penser qu'il pouvait le soumettre, ou pire, le terroriser. Et, bien qu'il souffrait, il lança à Orgrim un regard si vicieux que le dernier soldat sur sa droite tressaillit. Orgrim lui rendit son sourire sadique.


Une fumée envahissait peu à peu la pièce. Elle semblait provenir du fond. Une chaise avait pris feu, et le propageait.

Orgrim regarda en direction du feu, puis fixa à nouveau Walmor :

  • C'est encore une mort trop douce pour toi, humain, avoua Orgrim qui aurait préféré tordre chacun de ses membres de ses propres mains. Mais je préfère que tu partes en fumée avec ton manoir et tout ce qui te reste, avoua-t-il.


Pour toute réponse, Walmor le dévisagea, insidieusement, tout en essayant d'attraper un levier situé tout près du cadavre d'un de ses hommes.

Orgrim le vit trop tard, et, lorsqu'il s'élança, il fut devancé par une forme humanoïde à la vitesse fulgurante. Walmor s'immobilisa, bloqué contre le mur par une lance qui l'empala au niveau de l'estomac. Le général Hath avait surgi, et bloqué Walmor de la lance qui lui traversait déjà l'abdomen.


  • Hath ! cria Keera qu'Orgrim tira par l'épaule pour l'emmener loin des flammes, loin de Walmor, loin de leurs tourments,... loin de son ami.
  • Il est perdu, O'nosh, tu ne peux plus rien pour lui, lui dit Orgrim.


Le plafond commençait à s’effondrer. Les meubles de bois prenaient feu, pendant que les pas des domestiques à l'étage retentissaient.

Alors qu'ils s'éloignaient, Hath lança un dernier coup d’œil par-dessus son épaule et s'écria :

  • Vis, Keera ! Sois heureuse, et vis !


Puis il jeta un rapide coup d’œil à l'orc qui acquiesça dans un accord informulé. Keera le regarda une dernière fois, les yeux embrumés de larmes.


Lorsqu'ils disparurent, Hath pivota vers Walmor qui arborait un faciès dégoûté et amer, la mâchoire branlante.

  • Finissons comme nous avons commencé, mon ami, jubila Hath : ensemble.


Afin d'assurer sa prise, il agrippa Walmor par les épaules, lui faisant face. Walmor se débattait, agrippant Hath par les bras et gémissant de douleur. Tout autour d'eux s'effondrait, et Hath continuait de fixer Walmor, un sourire satisfait élargissant ses lèvres.


Une fois dehors, alors qu'ils s'étaient échappés par une porte dérobée attenante au sous-sol, Keera et Orgrim prirent rapidement de la distance. Essoufflés, blessés, ils regardèrent les flammes ardentes lécher la demeure de Walmor et l'engloutir. Un peu plus loin, en direction d'une ferme, quelques domestiques semblaient s'être échappés de justesse, couverts de suie, haletants, et secourus par des paysans.


  • D'autres vont venir les aider, et éteindre le feu, annonça Keera, les yeux rivés sur le manoir en flammes. Nous devons partir vite.


Orgrim acquiesça, et tous deux prirent la route vers le nord-est afin de retrouver leur ferme abandonnée. Dans leur course, Keera eut une pensée pour son mentor, son ami, qui avait été comme un père pour elle, bien plus que Perenolde ne l'avait jamais été. Ils s'enfoncèrent dans les bois de la Clairière de Tirisfal, déduisant que les humains des environs seraient occupés à secourir les occupants du manoir et moins vigilants. Ils tombèrent rapidement sur la ferme des Balnir, réputée pour son élevage de chevaux de race, et en repartirent avec un palefroi chacun.

Ils passèrent par des routes dénivelées pour contourner les routes plus fréquentées, et chevauchèrent vers les Terres du Nord de Lordaeron.


W


Quelques jours après l'incendie du manoir du général Walmor, ainsi que sa disparition, la fouille des décombres avait permis de découvrir un certain nombre de corps calcinés.

Le rapport officiel fit état d'une vingtaine de morts, qui, selon les domestiques rescapés, comptait le général Walmor, dont ils confirmèrent la présence au moment de l'incendie.

Beaucoup pensèrent que Walmor s'était attiré malheur et infortune, sûrement à cause de ses nombreuses exactions et de son mode de vie plutôt atypique.


Le lieutenant Vosh, qui revenait d'une mission secrète, ne déclara pas son retour, ni ne donna signe de vie au roi Terenas, et s'en fut dans la nature.


Le roi Terenas fit rappeler les hommes de Walmor encore en surveillance des contrées de Lordaeron. Chacun fut posté dans différents lieux pour poursuivre le contrôle des frontières et garder un œil sur les orcs errants, mais ne lança pas de troupe à la recherche exclusive d'Orgrim Marteau-du-destin, pensant qu'il ne représentait plus un danger imminent du fait de son inaction depuis sa fuite, et que la plupart des orcs étaient de toute façon enfermés dans les camps, inertes et abattus. S'il souhaitait lever une armée un jour, et ressusciter la Horde, il devrait les libérer. Et jamais il ne pourrait le faire seul.


De plus, il apprit que le jeune roi Varian Wrynn, monarque de la cité de Hurlevent, avait récemment lancé des raids dans tout le royaume à la recherche d'orcs renégats dans le but d'en massacrer le plus grand nombre. En effet, Varian gardait rancune à ce peuple responsable de la mort de son père et de l'anéantissement de son royaume durant la Première Guerre. Il s'était montré particulièrement belliqueux lorsque le Chef de guerre orc avait été amené à Lordaeron, pieds et poings liés, pour être exposé telle une bête de foire. Il les traquait alors sans relâche depuis des mois, laissant à Terenas l'espoir qu'il tombe un jour sur Marteau-du-destin qui avait occis son sauveur, le commandant Anduin Lothar.



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