Un monde brisé

Chapitre 30 : L'assaut du Temple Noir

5340 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 24/06/2022 15:12

Il s'était passé pas moins d'une journée depuis que Gahahli avait malencontreusement touché le crâne de Gul'dan. Dans sa cellule, elle attendait d'être prête psychologiquement avant de passer à l'étape suivante de son rite d'initiation. Du moins, c'était ce qu'elle avait prétendu.

En vérité, elle espérait naïvement qu'avec le temps, les marques sur sa main et son avant-bras s'effaceraient d'elle-même tel de vilaines blessures. Il n'en était rien. Les veines vertes s'étendaient au fil des heures le long de son bras et venaient d'atteindre son épaule.

Si elle n'avait pas encore les visions que lui avaient prédit Illidan, elle commençaient à entendre des voix dans sa tête. Des voix indistinctes mais qui donnèrent malveillantes. La jeune elfe en vint à se demander si elle devait vraiment se crever les yeux pour devenir une chasseuse de démon ou si elle devrait pas plutôt se crever les oreilles à la place.

Mais dans un cas comme dans l'autre, aucune de ses perspectives ne l'enchantait. Gahahli était trop attachée à ses cinq sens pour s'en séparer d'un seul, d'autant que c'était ainsi qu'elle pouvait apprécier le monde qu'elle explorait. Un tel sacrifice reviendrait pour elle à se trancher volontairement le bras, la jambe ou à être privé de parole à tout jamais.

Pourtant, elle devait si résoudre si elle voulait acquérir assez de force pour combattre la Légion Ardente aussi efficacement que lui promettait Illidan. Quitte à se transformer elle-même en démon. Et être à tout jamais rejetée des siens, voire de l'Alliance.

Et puis l'état de son bras lui rappelait qu'elle ne pouvait plus faire machine arrière. Elle n'avait plus le choix, elle devait finir ce qu'elle avait commencé. Que cela lui plût ou non.

Elle prit alors sa décision et en fit part à son gardien de cellule qui partir en faire part à son maître pour les préparatifs


Akama revint ouvrir la cellule et escorter la jeune elfe de la nuit jusqu'au Sanctuaire des Ombres où devait avoir lieu le rituel.

La peur au ventre à l'idée de devoir sacrifier volontairement ses yeux d'ici peu de temps, Gahahli profita de ces derniers instants pour savourer du regard, aussi sinistres fussent-ils, les couloirs du Temple Noir qu'elle commençait à connaître par cœur. Mais peut-être cela n'allait plus être le cas une fois qu'elle aura accompli le rituel.

Arrivé dans la grande salle, tout le monde attendait la jeune elfe de la nuit : Illidan, Kael'thas, Vashj ainsi que leurs disciples et sbires, tous réuni autour de la plateforme centrale faisant office d'autel et sur lequel Gahahli devait monter.

Son cœur se serra lorsqu'elle repèra Jakua, toujours dans sa cage qu'Illidan tapotant de ses doigts griffus et se débattant pour tenter d'en sortir et ainsi retrouver sa partenaire.

— Alors, tu t'es décidé à rejoindre mes rangs ? demanda Illidan d'un air satisfait.

Gahahli ne répondit pas, le cœur brisée de revoir son Sabre-de-nuit, qu'elle avait presque oubliée avec toutes ces émotions, dans une si triste situation et à l'idée que ce serait la dernière fois qu'elle le ferait avec ses propres yeux.

— Mmh... Je sens une once d'hésitation persister, fit remarquer Illidan avec nonchalance. Peut-être serait-il bon de te rappeler le prix qu'il t'en coûtera si tu ne te décides pas.

Il posa délicatement la main à plat sur la cage contenant le Sabre-de-nuit qui soudain se comprima, menaçant de broyer son occupant.

— Non ! Arrêtez ! s'écria Gahahli dont le cour battait la chamade. J'ai pris ma décision. Et... Je veux passer le rituel.

— Voilà qui est sage, dit Illidan qui retira sa main de la cage d'un ton satisfait.

— Juste une chose ! s'empressa d'ajouter la jeune elfe de la nuit. Promettez moi que vous le libèrerez après le... Quand ce sera fini.

— Nous verrons, lui retorqua le demi-démon. Cela ne dépendra que de toi. Qu'on lui apporte les dagues !

Un de ses disciples, un elfe de la nuit adulte, s'avança et remit en mains propres à Gahahli la paire de dagues en question, aux lames incurvées.

Cette dernière les contempla avec appréhension en sachant que ça devait être avec ces lames qu'elle allait devoir se crever les yeux. Son estomac se noua de plus en plus à l'approche du moment fatidique et son cœur se serra davantage quand elle entendit depuis sa cage le miaulement triste et désapprobateur de son Sabre-de-nuit.

" Désolée, Jakua !" songea la jeune elfe de la nuit. Elle se répéta qu'elle devait aller jusqu'au bout quoi qui lui en coûtait et que si elle en décidait autrement, les visions de la Légion allait bientôt être le dernier de ses soucis.

Son cœur battant la chamade, elle contempla une dernière fois la grande salle obscure et la foule l'encourageant à accomplir le rituel. Cela allait être là dernier chose qu'elle verra de ses yeux encore valides. Puis lentement, elle leva les dagues jumelles au dessus de sa tête et les pointa vers ses yeux.

Elle eut de plus en plus de mal à respirer et ses bras tremblaient.


Au moment où elle s'apprêtait à planter ses dagues dans ses orbites, un bruit sourd, comme une explosion, fit trembler le Temple tout entier, interrompant ainsi le rituel.

— Qu'est-ce qui se passe encore ? demanda Illidan à bout de patience.

Un gangr'orc débarqua dans la salle en courant, à bout de souffle et informa le demi-démon :

— Nous sommes attaqués ! Le Temple est attaqué !

— J'avais compris, imbécile ! pesta Illidan en frappant l'orc avec tant de rage qu'il manqua de lui arracher la tête.

Une autre explosion retentit.

— Si j'ai une bonne oreille, cela ressemble au tir des tanks nains, fit remarquer Kael'thas.

— Ces abrutis de Marteau-Hardi n'ont toujours pas compris le message, apparemment, pesta Vashj.

— Il... Il n'y a pas que les Marteau-Hardi, je le crains, mes seigneurs, ajouta le gangr'orc. Ils ont amené du renfort. Nos éclaireurs ont vu des draeneïs de Shattrath et des Mag'hars de Nagrand venir droit vers nous !

— Ainsi donc, ils ont choisi leur moment pour faire leur coup d'État ! pesta de plus bel Illidan. Tout le monde à son poste ! Vashj, Akama, emmenez vos hommes avec vous dans les souterrains et veillez à ce que personne n'entre ni ne sort ! Kael'thas, je veux que tes elfes soit postés sur toutes les remparts et les terrasses du Temple ! Et emmenez les démons avec vous pour vous assistez !

— Mais ils vont être exposés ! protesta le prince elfe de sang. Vous ne comptez pas sacrifiez mes hommes !

— Estime-toi heureux que je ne les sacrifie pas de mes propres mains pour servir d'exemple ! le menaça Illidan avant de reprendre ses ordres. Vous autres les gangr'orcs ! Les Gueules-de-Dragons, à vos drakes et repoussez-moi cet assaut ! Le reste d'entre vous, vous vous postez derrière la porte principale. Quant à vous, mes fidèles Illidari, vous venez avec moi, au sommet !

Ainsi, tout le monde se mis au branle-bas de combat selon les ordres d'Illidan.

Tous à l'exception de Gahali. Son rituel interrompue par un siège, elle ne sut comment réagir, si elle devait s'en réjouir ou au contraire s'en inquiéter. Elle sut encore moins quoi faire, si elle devait prendre part à cette agitation et dans ce cas, avec qui devait-elle rejoindre ou si elle devait en profiter pour s'enfuir. D'autant qu'elle n'avait pour seule arme que les deux dagues qu'on lui avait remis. Si seulement on lui avait rendu son arc...

À rester plantée comme un piquet, elle fut bousculée de tous les côtés. Dans ce remue-ménage, elle entendit néanmoins Kael'thas maugréer :

— Une fois de plus, on se sert de mes hommes et de ma personne comme de chair à canon ! Pour couvrir les arrières d'un lâche... Mais rira bien qui rira le dernier...

Il disparut aussitôt du champ de vision de la jeune elfe hébétée.

Quand la salle commença à se vider, elle aperçut Akama trainer la cage de Jakua vers les cachots. L'espace d'un instant, elle crut voir le Roué lui faire signe de le suivre.

Voyant là une possible issue de secours, elle s'apprêtait à les rejoindre quand Illidan l'aggrippa furieusement par l'épaule et commença à la vociférer :

— Qu'est-ce tu attends ? Ta place et au sommet ! Avec mes Illidaris !

— Je ne suis pas une de vos disciples ! protesta Gahahli de moins en moins enclin à l'écouter et tenta de se dégager. Le rituel n'a même pas eu lieu !

Dans un excès de rage, Illidan aggrippa cette fois le jeune elfe par les cheveux et pointa d'un air menaçant deux griffes sur les yeux de sa captive.

— Je peux t'arranger ça... Si ça peut te convaincre d'obtempérer.

Plus le temps passait, moins Gahahli avait confiance envers ce demi-démon qui visiblement la traitait comme une esclave. Et dire que cinq minutes, elle était prête à sacrifier ses yeux et à devenir une de ses disciples bon gré mal gré, du moment qu'il lui donnait en échange la puissance nécessaire pour vaincre la Légion.

Mais elle comprit un peu tard que le moment fut mal choisi pour jouer aux héroïnes. Elle n'était pas de taille contre Illidan et elle sentait dans la poigne de ce dernier qu'il pouvait lui arracher le scalp en tirant d'un coup sec sur ses cheveux.

Gardant ses dagues jumelles sur elle au cas où, elle n'eut donc d'autres choix que de lui obéir et de se rendre au sommet, aux côtés des chasseurs de démons qui ne la considéraient pas encore comme une des leurs à cause de son rituel interrompue, laissant ainsi s'échapper son unique issue de secours.


*****

À l'extérieur du Temple, ce fut également le branle-bas de combat.

Les chars d'assaut des nains Marteau-Hardi, commandés par Kurdran lui même prévenu par Khadgar, étaient positionnés en première ligne et commençait à bombarder le bâtiment en attendant l'arrivée des renforts. Leur tirs passèrent par dessus les remparts du Temple et la grande porte, qui devait à vue de nez devait faire un demi-mètre d'épaisseur, qu'ils encadraient. Et aux sons des cris des ennemis de l'autre côté des remparts, les tirs devaient faire un sacré carnage.

Bientôt, des orcs chevaucheurs de drakes survolèrent le Temple et prirent d'assaut les tanks en faisant tout leur possible d'esquiver leur tir. Mais les quelques uns qui purent atteindre les lignes des assaillants furent pris en embuscade par les nains chevaucheurs de griffons.


Plus au sud et profitant de l'agitation, un petit groupe comprenant Baelbo, Ouladre, Batël, Bartelo et les deux elfes de sang, se fraya un chemin jusqu'au rempart sud qui protégeait la porte principale. Tout en veillant à rester à l'abri des bombardements et des chutes des drakes ou de leur chevaucheurs, ils longèrent le mur jusqu'à atteindre une brèche non surveillée et sommairement comblée par des gravats et des planches de bois.

— C'est là ! leur dit Bathris en la désignant. Exactement comme dans les visions que j'ai eu !

La brèche paraissait insignifiant à l'échelle du Temple, une éraflure tout au plus. Mais elle était assez large pour laisser passer un humain, pour peu qu'on parvenait à dégager les planches.

— C'est donc ça, la fameuse brèche ? dit le nain contemplatif. Celle-là qui amène... ?

— Aux égouts, oui ! confirma l'elfe de sang.

— Jamais je n'aurais songé à remettre les sabots au Temple... Par ce chemin, se plaignit Ouladre dégouté. Je vous parie que ses occupants ont encore plus souillé les eaux qu'à mon époque.

— T'es bien sûr qu'on peut infiltrer le Temple par ce chemin ? lui demanda l'autre elfe de sang sceptique et faisant mine de ne pas avoir entendu le draeneï.

— Je l'ai vu dans les souvenirs de Kael'thas et cette autre femme-serpent, lui répondit Bathris avec conviction. Elle et ses nagas sont passés par ce chemin pendant que nos compatriotes et les Roués prenaient d'assaut la porte principale. C'est comme ça qu'ils ont pris le contrôle du Temple et ont pu détrôné Magtheridon,

— Mais le hic c'est que si c'est bien ainsi qu'ils ont procédé, il faut s'attendre à ce qu'ils anticipent notre coup, à l'interieur, fit remarquer le draeneï défaitiste.

— C'est pour ça que j'ai demandé à ce que nous ayons un maximum de renfort, répondit l'elfe de sang. Pour augmenter nos chances de réussir. Et puis c'est le seul plan que nous ayons.

Sans oser l'avouer, l'elfe de sang lui-même quant à l'issue de cette opération. Et il n'osait imaginer les consequences en cas d'echec. Mais ils devaient réussir coûte que coûte. La vie de Gahahli en dépendait. Pourvu que la chance fût de leur côté.

— Allons, les gars, haut les cœurs ! dit le nain voulant apporter un peu d'optimisme. Si ces imbéciles d'hommes-serpents ont pu prendre le bâtiment en passant par les égouts alors nous aussi !


Le tir des chars cessèrent, ayant probablement affaibli les défenses du Temple. Les renforts devaient être arrivés et se préparer à l'assaut de la grande porte.

— Je crois que c'est le moment ! dit Batël. Bilbo, tu nous déblaies le chemin ?

— Je vous prierai de reculer ! lui répondit le gnome. Ça va faire un gros boom.

À la demande du gnome, le groupe s'écarta de la faille, les deux elfes de sang d'un côté, ceux de l'Alliance de l'autre, tandis que Baelbo prit du recul face à la faille et se concentra pour invoquer une méga boule de feu qu'il lança sur sa cible.

Dans une déflagration assourdissante, les planches qui bloquaient la brèche volèrent en éclat.

Le passage, bien qu'encore fumant, fut ouvert. Et le tunnel qui menait aux égouts semblait désert.

Tandis que du côté des tanks on entendait les soldats draeneïs sonner la charge, le petit groupe de l'Alliance s'empressa de pénétrer la brèche, ce à quoi Bathris protesta :

— Attendez ! On n'attend pas les autres... ?

— Notre amie est prisonnière là dedans ! lui rétorqua le gnome. C'est toi même qui nous l'a dit ! Le temps nous est compté ! Et puis t'entends bien que la cavalerie arrive, alors...

— Et puis je tiens à retrouver Lili avant que son père ne nous tombe dessus ! fit remarqué Bartelo juste avant de disparaitre dans le tunnel.

Bathris hésita cependant. Bien qu'il fut le premier à vouloir délivrer la jeune elfe de la nuit, le plan était qu'ils attendaient d'être rejoint par leurs alliés, parmi lesquels le père de Gahahli, dont la présence ne serait pas de trop durant cette mission de sauvetage, avant de lancer l'opération. Malheureusement ceux-ci tardaient à venir et les Marteau-Hardi avaient déjà lancé l'assaut.

Le jeune elfe de sang fut de plus en plus sceptique quant à l'issue de cette opération. Mais il dut se résoudre à suivre le groupe dans les égouts. Après tout c'était son idée.

Sonulia lui emboîta le pas.

— Non ! objecta Bathris. Reste à l'extérieur et attends les autres !

— T'as pas d'ordre à me donner ! lui rétorqua sèchement la jeune elfe de sang.

— Je t'ai cherché dans tout Quel'thalas après l'invasion du Fléau ! Et je viens à peine de te retrouver alors que j'avais fini par penser que tu étais morte ! Il n'est pas question que je te perdre à nouveau !

Ses propos figèrent Sonulia sur place. Ainsi il le savait. Elle avait redouté ce moment depuis qu'elle avait su que son frère était vivant mais c'était bien arrivé. Et sans doute qu'il l'avait compris quand ils s'étaient retrouvés dans la forêt. Il avait percé son identité.

Mais elle ne se laissa pas défaillir pour autant.

— Laisse-moi dire une bonne chose, frérot ! lui dit-elle en bombant le torse. Je ne suis plus une gamine bonne à jouer à la poupée et à la dînette ! Je ne suis plus la précieuse petite elfe sage et docile que tu as connu étant enfant !

— Je l'avais remarqué ! lui répondit Bathris d'un ton désabusé en scrutant sa sœur jumelle de la tête aux pieds.

— Et je n'ai que faire de tes remarques ! Je n'ai nullement besoin de ton opinion et encore moins de ta protection ! Comment crois-tu que j'ai survécu durant tout ce temps ? Comment crois-tu que je sois devenu ce que je suis aujourd'hui ? Hein ?

— Pour ne rien te cacher, je ne sais pas si j'ai envie de savoir comment t'en ai arrivé là. Mais je suis sûr d'une chose, c'est que j'ai entraîné suffisamment d'innocents dans mes mésaventures jusqu'à présent. Qu'en ce moment je dois sauver l'un d'entre eux en risquant la vie des autres et que pour tout ça j'en ai assez sur la conscience. Alors je te prierai de ne pas en ajouter... Tu comprends ? T'es la seule famille qui me reste !

Ils passèrent une bonne dizaine de secondes à se dévisager sans dire un mot quand des sifflements de serpents retentirent dans le tunnel menant aux égouts, des sifflements trop familier pour Bathris, suivis de bruits de combats. Cela venait de commencer.

— Bon, je te propose de remettre cette discussion à plus tard, dit le jeune elfe de sang. Nos "amis" de l'Alliance pourraient avoir besoin de mon aide.

— De NÔTRE aide, tu veux dire ! la rectifia Sonulia en lui emboîtant le pas.

— Sonulia ! protesta son frère. Qu'est ce que je viens de te dire ?...

— Hé, je suis la seule famille qui te reste ! lui fit remarquer sa jumelle. Ceux sont tes mots ! Ce qui fait de toi la seule famille qui ME reste, gros malin ! Et moi non plus je n'ai pas l'intention de te perdre !

Bathris voulut objecter mais n'y trouva rien à redire. Sa sœur jumelle venait de marquer un point. Et puis il ne fut que trop soulagé d'avoir finalement quelqu'un qui fut de son espèce ET de son côté. Pourvu qu'il ne le regretteras pas.


Dans les égouts du Temple, fort était de constater que les aventuriers de l'Alliance formaient une équipe de choc dès lors qu'ils combinaient leurs forces. Et ils n'en furent que plus efficaces quand ils furent rejoint par les deux elfes de sang.

Sous les coups de hache de Batël, les coups de marteau de Bartela et les lames jumelles de Sonulia ainsi que les sorts de flammes de Baelbo, les nagas tombaient par dizaines et ne purent rien contre le bouclier de Bathris ni contre les sorts de soins et de protection d'Ouladre. Bientôt l'eau des égouts fut rouge du sang des nagas chargés de les surveiller. Et le groupe nettoya tout un niveau de leur présence.

— Alors, l'elfe de sang, t'as encore des doutes sur nos capacités ? dit Batël après avoir repris son souffle suite à ce premier combat. Hein ? C'est qui les champions ?

— Ne crions pas victoire trop vite ! rétorqua Bathris. On n'est pas encore tiré d'affaire !

— Pfff ! Typique des elfes, ça ! commenta le nain. Jamais contents, quoi qu'on fasse !

— Il a raison ! intervint Sonulia. Nous n'en sommes qu'au premier niveau. Et ça été trop facile ! Il doit y avoir anguille sous roche !

— Qu'elle importance ! s'impatienta Bealbo qui se dirigea vers le niveau suivant. On a une elfe de la nuit à sauver ! Alors trêve de bavardage ! Plus vite on avance et mieux ce...

Le gnome laissa sa phrase en suspens à peine eut-il disparut dans le niveau suivant qui pourtant paraissait désert.

Ces compagnons, inquiets, le rejoignirent à leur grande stupéfaction, il trouvèrent le gnome gelé dans un bloc de glace, avec une mine atterré.

Bathris eut à peine le temps de crier attention qu'ils virent Vashj débouler du niveau suivant, armée d'un arc et escortée par des nagas lourdement armés et plus robustes que ceux que le groupe venait d'exterminer. La sorcière naga tira des flèches de glaces sur les autres aventuriers de l'Alliance sans leur laisser le temps de réagir et qui connurent ainsi le même sort que Baelbo. Elle épargna cependant les deux elfes de sang qui se retrouvèrent cerner par les nagas, pointant leur trident dans leur direction.

Les elfes jumeaux ne baissèrent pas leur garde pour autant. Dos à dos et leurs armes aux poings, plus unis que jamais, ils étaient prêts à vendre chèrement de leur vie.

— Mais qui voilà donc ? dit Vashj d'un ton sarcastique à l'adresse du jeune elfe de sang. Kael'thas avait donc vu juste ! T'es venu pour ton amie aux cheveux bleus !

— Que lui avez vous fait, démons ? l'interrogea Bathris méfiant et menaçant.

— Mais enfin, pourquoi tant de haine à notre égard ? demanda la sorcière en jouant l'offensée. Après tout ce que nous avons fait pour votre peuple ! N'as tu rien retenu des souvenirs que le prince et moi t'avions partagé ? Sans nous, votre peuple serait rongé par votre manque de mana ! Sans nous, l'Alliance en aurait profité pour réduire votre civilisation à néant !

— Vous avez peut-être été un grand secours pour le prince et mon peuple, lui répondit le jeune elfe de sang. Vous nous avez sauvé d'une monstrueuse injustice. Mais vu dans quoi vous avez entrainé les miens, vous ne valez pas mieux ceux qui ont juré notre mort !

— Mais dis-moi, toi qui te crois meilleur que les autres, qu'aurais-tu fait à la place de ton cher prince ? lui demanda Vashj menaçante. Qu'aurais tu fait si tu avais la charge de ton peuple et que tu te serais trouvé dans une situation similaire ? Aurais-tu laissé les tiens à une mort certaine ? Ou bien aurait-tu saisi la seule et unique chance de sauver ton peuple ET de lui rendre sa grandeur passé ?

Bathris resta dubitatif. Il n'y avait jamais réfléchi jusqu'à présent, trop preoccupé par le sort de Gahahli et par l'issue de l'opération qu'il était en train de mener. Aurait-il fait mieux que Kael'thas s'il avait été à sa place ? N'y avait-il donc aucune solution pour sauver son peuple d'une mort injuste et en même temps de sa propre décadence ? Il ne sut quoi répondre.

— Frérot, elle essaie de t'embrouiller ! lui souffla Sonulia tentant de la ramener à la réalité. Ne te laisse pas distraire ! Concentre-toi sur la mission !

— Et maintenant que j'y pense, n'as-tu pas conclu d'alliance illicite pour faire ce que tu estimais juste ? reprit Vashj avec condescendance. N'as tu pas risqué ton avenir et ta réputation en te fâchant avec l'autorité ? Regarde la réalité en face, petit elfe !Toi et Kael vous vous ressemblez plus que tu ne peux l'imaginer.

— Ne l'écoute pas ! insista Sonulia. Concentre-toi !

Mais rien n'y fit. Bathris était assailli par le doute, si bien qu'inconsciemment, il fit l'erreur de baisser sa garde.

— Emparez-vous d'eux ! ordonna Vashj à ses nagas.

— Frérot !!!

— Mais ne soyez pas trop brutaux, ajouta la sorcière avec un mauvais sourire. Le seigneur Illidan les veut vivants et en parfait état. Tuez les autres.


Mais les nagas avaient à peine tendus leur mains griffues vers les deux elfes qui furent à leur tour gelé sur place. Et cette fois, ce n'était pas le fait de Vashj.

— Qui ose...?

Les deux elfes virent alors une panthère au pelage mauve, aux yeux d'ambre et aux longues oreilles pointues débouler dans les égouts et foncer à toute allure vers la sorcière naga.

Vashj bandit son arc vers l'animal sorti de nulle part, prête à le geler sur place avec une flèche de glace. Mais se fut son arc qui gela dans sa propre main.

Et la panthère se jeta sur elle... et prit aussitôt la forme d'un ours du même pelage avant de l'assaillir de coups de griffes.

Les deux elfes de sang comprirent qu'ils avaient à faire à un druide elfe de la nuit.

Ils virent également une jeune mage humaine aux cheveux auburn les rejoindre et commencer à dégeler leur compagnons. Ils ne tardèrent pas à comprendre que c'était elle qui avait gelé les nagas ainsi que l'arc de Vashj.

Elle fut rejointe et assistée par un vieux tauren en tenue de chaman que Bathris reconnut à son pelage blanc.

— Béliah !

— Pardon du retard ! lui dit le vieux tauren. Il a fallu qu'on trouve la brèche que tu avais indiqué.

Le groupe fut finalement dégelé. Mais Vashj, furieuse, parvint à se dégager de son assaillant qui lui avait arraché deux mains, dont celle qui tenait l'arc et chargea d'électricité ses quatre mains restantes.

Béliah et Harrina invoquèrent des élémentaires d'eau et de terre juste au moment où la sorcier leur balança ses éclairs qui furent contenu par les élémentaires invoqués.

— On s'occupe de cette vipère ! dit le vieux tauren au reste du groupe. Vous autres, vous partez délivrer votre ami aux cheveux bleus !

— Mais... Et vous ? lui demanda Bathris soucieux de leur sort.

— On commence à avoir l'habitude, avec les nagas, lui rassura Béliah avec un clin d'œil.

— Assez discutaillé ! s'impatienta Harrina ! Partez pendant qu'on la retient ! Allez sauver Lili !


Le groupe ne se le fit pas dire deux fois et poursuivirent leur chemin dans les égouts, laissant Harrina, Fyrvas et Harrina au soin de Vashj de plus en plus furieuse.

— C'est donc à vous que je dois la perte de mon Réservoir ? les invectiva-t-elle. Et de nombreux de mes fidèles nagas ? Vous le paires de votre vie !

Elle provoqua alors une explosion électrique en contenant elle même ses éclairs, manquant de faire s'écrouler les égouts et balayant la jeune magicienne et le vieux tauren qui perdirent connaissance, à moitié ensevelis sous les décombres.

Elle s'apprêta à les achever quand Fyrvas, revenu à sa forme de panthère, se jeta à nouveau sur elle.

Mais Vashj ayant anticipé son coup l'esquiva et enroula le druide dans ses anneaux avant de commencer à l'y serrer. Fyrvas tenta de lutter contre l'étreinte de la femme-serpent et pris sa forme d'ours pour gagner plus de force. Mais Vashj ne serra que davantage son étreinte.

— Inutile de lutter, cousin ! lui dit-elle sarcastique. Mais sache que ça me désole d'en arriver là !

— Garde ta langue fourchue derrière tes dents ! lui rétorqua Fyrvas qui continuait de résister contre l'étouffement. Et je ne te permets pas de m'appeler "cousin", démon !

— Et pourquoi pas ? rétorqua Vashj qui semblait d'humeur à jouer avec sa proie. Nous partageons nos origines !

— Je suis un... Elfe de la nuit ! clama le druide qui éprouvait de plus en plus de difficulté à lutter contre l'étreinte de la sorcière. Vous n'êtes que... les résidus d'un... peuple arrogant et... corrompu...

— Dans tes veines coule le sang de ce même peuple que tu qualifies d'arrogant et de corrompu, lui rappela Vashj. Un sang pas si différent de celui qui coule dans mes veines. Je peux le sentir. Inutile de le nier. Tu es un Bien-Né. Comme moi je l'avais été. Un des derniers encore vivants. On n'aurait pu travailler ensemble dans une autre vie. Accomplir de grandes choses, main dans la main. Mais le destin en a décidé autrement et je me vois obligée de te tuer. Toi et tes compagnons. Quel dommage ! Un si bel elfe !


Sous la pression des anneaux de Vashj, Fyrvas fut à deux doigts de suffoquer et de perdre connaissance quand elle desserra soudain son étreinte.

Le temps de reprendre son esprit et de se dégager de la queue de serpent, il vit Vashj s'affaiblir à vue d'œil sans en comprendre la cause. Il s'étonna même de voir que Harrina et Béliah, toujours sous les débris des égouts, venir t à peine de reprendre conscience, hébétés.

— Que... Qu'est-ce qui m'arrive ? se demanda Vashj en prise de panique et d'incompréhension. Mes forces... Mes pouvoirs... Me quittent !

Fyrvas finit par trouver la cause du mal de la femme-serpent, sortant lentement du niveau précédent, la main putréfiée tenant à bout de bras un cristal pourpre en direction de sa victime pour lui aspirer son énergie vitale.

— Tu t'épuises, serpent ! dit Morpsev d'un air sadique et avançant vers sa victime. Tu as dépensé trop d'énergie pour tu puisses me résister. Mais pas assez pour satisfaire ma faim.

À son tour, Vashj tenta de lutter contre son bourreau mais en vain. Chaque seconde qui s'écoulait, le mort-vivant la vidait de son énergie, si bien qu'elle ne put même plus tenir sur sa queue et dépérissait à vue d'œil, suppliant qu'on abregeât ses souffrances. Elle faisait peine à voir. Et Morspev semblait prendre plaisir de la voir souffrir ainsi d'une mort lente et douloureuse.

— Comme c'est ironique ! ajouta le mort-vivant avec un ricanement. Avant notre venue, toi et sbires ponctionnaient les eaux de ce monde en ruine. Et voilà que je te fasse goûter ta propre médecine.

— Arrêtez ! s'écria Harrina horrifiée par ce sinistre spectacle. C'est ignoble ce que vous lui faites subir ! Ayez un peu de miséricorde !

— Elle mérite une mort plus digne que ça ! la soutint Fyrvas. Pas comme ça !

— Oh, je vous en prie ! leur rétorqua Morpsev désabusé sans cesser son entreprise. N'essayez pas de me faire croire que vous avez de la pitié pour cette créature ! Où que vous comptez la tuer de manière plus "noble" et "miséricordieuse" ! De plus, personne n'a été miséricordieux à mon égard ! Alors pourquoi le serais-je ?

— Seigneur... Illidan... Je... Suis... Désolée, dit Vashj agonisante, juste avant de lâcher soupir.

Le petit groupe se rassembla autour de sa dépouille sans vie et diminuée. Béliah la tâta du bout de sa canne pour s'assurer qu'elle était bien morte, tandis que Fyrvas reprenait sa forme elfique et que Morpsev contemplait avec un regard gourmand le cristal contenant l'âme et l'énergie de sa victime.

— J'ai entendu des choses sur la puissance des Biens-nés, dit-il perdu dans ses pensées. Et voilà que j'en tiens un échantillon du bout de mes doigts. Il me tarde d'en connaître la véracité des...

— On peut savoir ce qui vous a pris autant de temps ? l'interrogea Harrina, soupçonneuse.

Et elle avait raison d'avoir de l'être. Le mort-vivant était encore sur leurs talons quand ils avaient atteint la brèche et une fois dans les égouts, alors qu'ils affrontaient Vashj, il n'avait pas donné signe de vie jusqu'à son intervention.

— 'Faut m'excuser ! se défendit le mort-vivant. J'ai trébuché à l'entrée de l'égout et le temps de remettre mon vieux pied en place...

— On a failli y rester à cause de vous ! s'indigna Harrina.

— Et alors ? Vous êtes tous vivants ! Et ce grâce à moi ! se défendit Morpsev

— Votre aide nous aurait été plus qu'utile il y a cinq minutes, je vous signale ! se plaignit la jeune mage.

— Et c'est seulement maintenant qu'on apprécie mes services ? fit semblant de s'indigner le mort-vivant avant de prendre Fyrvas à part. Je vous dis, les jeunes de nos jours, rien que des petits ingrats. Quoi que vous fassiez pour eux, ils ont trouveront toujours quelque chose à redire. Juste pour refuser d'admettre leur reconnaissance pour leurs aînés. Vous n'êtes pas d'accord ?

Mais Fyrvas n'était pas d'humeur à prendre part au débat. Il avait d'autre préoccupations en tête. À savoir sa propre fille captive.

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