Un monde brisé

Chapitre 17 : Pas d'asile pour les elfes

2580 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 30/10/2021 23:49

Après une forêt marécageuse de champignons géants, ce fut maintenant une forêt d'un tout autre genre que les deux elfes et leurs improbables compagnons de routes pénétrèrent. Une forêt sèche cette fois-ci, composée d'arbres semblables à des pins dont la canopée était si large, épaisse et d'une couleur si sombre qu'elle plongeait le sous-bois dans l'obscurité. Le sous-bois n'était éclairé que par des cristaux verts pâles disséminés dans le relief accidenté de la forêt, ainsi que par le fruits des arbres, également semblables à des pommes pins, qui même tombés de l'arbre brillaient d'une douce lueur bleue. Une lueur qui n'était pas sans rappeler à Gahahli les lampadaires de confections elfes de la nuit.

— Serait-ce la forêt Terokkar ? demanda-t-elle à Nobundo en se remémorant les cartes qu'elle avait parcouru au Bastion de l'Honneur.

— Autrefois, on appelait cette région Talador, lui répondit le Roué mélancolique. Quand c'était une forêt lumineuse et colorée, ainsi qu'un sanctuaire pour le peuple draeneï. Puis la Horde corrompue par la Légion est venue, a tout saccagé et corrompue cette forêt avant de la laisser aux arakkoas qui l'ont rebaptisé Terokkar en hommage à un de leur plus redoutable chef.

— Et... qu'est-ce donc que ces ara-quoi ? demanda Bathris.

— Vous en verrez sûrement rôder dans cette forêt, lui répondit Nobundo. Ou bien qui ont trouvé refuge à Shattrath après avoir été banni par leur clan. Vous les reconnaîtrez facilement, avec leur sale gueule de piaf.

— Est-ce donc prudent de vous conduire là bas ? demanda derechef l'elfe de sang.

— Pas d'inquiétude ! rassura le Roué. Depuis la dislocation de Draenor, Shattrath est considéré comme un sanctuaire, un asile pour tous ceux qui sont persécutés par la Légion Ardente et où les armes ne sont autorisés que contre les ennemis de la Lumière, comme la Légion et ses sbires. C'est le dernier endroit qui résiste encore à la tyrannie du Seigneur de l'Outreterre. Nous y serons en sécurité.

— J'espère bien, marmonna l'elfe de sang.

Toujours guidé par les sporelins qui semblaient décidément bien connaître le chemin, même sortis de leur marais, le petit groupe progressa prudemment dans la forêt, à l'affut du moindre danger, d'un signe d'embuscade. Passé la beauté des pommes de pins lumineux, il se dégageait quelque chose de malfaisant dans cette forêt. On pouvait entendre des sons épouvantables résonner dans le sous bois, comme un mélange de cris de corbeau, de vautour et de perroquet. Nobundo précisa que c'étaient les arakkoas qui se battaient soit entre eux soit contre des intrus qui avaient empiété sur leur territoire.

— Vous disiez tout-à-l'heure que la Horde et la Légion avaient saccagé et corrompu cette forêt, dit soudain Gahahli qui se rappela l'état dans lequel elle avait trouvé sa forêt natale après le passage des dits ennemis. Je peux sentir la corruption mais je ne vois pas trop le saccage...

— C'est que nous sommes dans une petite portion de la région qui a survécu aux attaques de la Horde et à la corruption de la Légion, lui expliqua le Roué. Mais attendez de voir le Désert des Ossements, au sud. C'est la portion restante.

L'elfe de la nuit eut un frémissement à la mention "désert aux ossements". Pour une fille de la Nature comme elle, une telle association de mot ne pouvait que lui infliger des cauchemars. Au moins, elle savait à quoi correspondait la "grosse tâche" grise sur la carte de Terokkar et eu des frissons en se rappelant la taille que faisait la tâche par rapport à la partie en vert.

Même Bathris semblait interdit à la mention d'un tel endroit qui lui rappela la Malebrèche, cet horrible sentier de terre morte et jonché d'ossements qui traversait Quel'thalas et Lune d'Argent, coupant la région elfique en deux.


Le groupe arriva finalement en vue de la cité de Shattrath. Ou plutôt ce qu'il restait.

Elle ressemblait à une forteresse en ruine à l'architecture inconnu pour les deux elfes, nichée dans ce qui ressemblait à une crique et construite sur plusieurs niveau. Au centre se tenait une esplanade surélevé, dominant ce qui devait être la ville basse et sur laquelle se dressait édifice d'où s'échappait une colonne de lumière montant jusqu'au ciel.

"Pourquoi cet aura de lumière m'est si familière ?" songea l'elfe de sang.

— Ne vous fiez pas à son aspect délabré, dit Nobundo comme s'il lisait dans les pensées des deux elfes. Avant l'arrivée de la Légion Ardente, ce fut une ville aussi resplendissante que. prospère. Elle comptait parmi les plus belles constructions draeneï avec le mausolée d'Auchindoun et le temple de Karabor.

— Et que sont devenus ces édifices, par simple curiosité ? demanda Bathris.

— Karabor est devenu le Temple Noir quand il tomba dans les griffes de la Horde et de la Légion pour servir de repaire à ceux qui dirigent Draenor ou ce qu'il en reste, répondit le Roué. Quant à Auchindoun vous la trouverez aisément dans le désert des ossements, au sud. En ruine.

" Mais il faut que je vous prévienne, il serait préférable que nous entrons par la ville basse et que nous nous fondions dans la foule, si nous ne voulons pas attirer l'attention des gardes.

— Laissez moi deviner, c'est la présence d'un elfe de sang qui pose problème ? demanda Bathris désabusé.

— Loin de moi l'idée de vous offensez, mais j'en ai bien peur, répondit le Roué navré.

Il s'avérait que les passerelles menant au niveau supérieur étaient effectivement gardés par des draeneï en armure, équipés de marteau en cristal, plutôt sévères et diligents. Gahahli se rappela que les draeneïs ne portaient pas les elfes de sang dans leur cœur.

L'entrée de la ville basse était cependant moins bien gardée, seulement obstruer par les réfugiés. Un peu léger, comme protection ! songea l'elfe de la nuit.

Parmi ce beau monde on trouvait des sporelins dont ceux qui avaient guidé le petit groupe ne tardaient pas à rejoindre mais aussi des Roués à l'image de Nobundo. Puis il y avait les fameux arakkoas, au dos voûtés, aux mains griffes et écailleuse, au bec crochu semblables à celui d'un corbeau et vêtus de robes moitié moins chatoyantes que leur plumage Il y avait également des êtres étranges couverts de bandages les faisant passer pour des momies mais au corps éthéré. Gahahli vit aussi des humains, des nains (probablement présents depuis l'Invasion de Draenor) ainsi que des ogres et des orcs à la peau marron. Mettant Gahahli de plus en plus mal à l'aise à l'idée de se fondre dans la masse.

Le groupe se mêla à la foule et fit profil bas pour ne pas attirer l'attention, rasant littéralement les murs et obligeant Bapthris à couvrir ses oreilles pointus sous sa cape pour finalement pénètre la ville basse. Comme on pouvait s'y attendre, elle était crasseuse et mal famée, ressemblant plus à une douce desséchée qu'à un quartier viable. Et c'était sans compter l'œuf de poisson pourri qui filait la gerbe. Comment pouvait-on accueillir des réfugiés pour les envoyer dans endroit aussi insalubre ? s'indigna l'elfe de la nuit.

Passé la porte, le groupe se faufila dans un coin, à l'écart de la foule. Ce qui n'était pas pour déplaire l'elfe de la nuit ni son Sabre-de-nuit qui n'étaient jamais à l'aise dans la foule, à l'étroit.

Bathris en profita pour prendre à part le Roué :

— Au sujet du fait que je ne devrais pas être vu, est-ce que cela aurait un rapport avec... les affiliations de mes semblables avec les nagas ?

— Oh, c'est bien plus grave que ça, mon jeune ami ! lui répondit Nobundo. Plus grave que ça...

— Pouviez-vous arrêter de tourner autour du pot et me dire la vérité ? s'impatienta l'elfe de sang. J'ai besoin de savoir !

Gahahli fut surprise. C'était la première fois qu'il voyait l'elfe de sang aussi à cran.

— Bon bon ! Pas la peine d'être aussi agressif ! le calma le Roué tout en prenant soin de parler à voix basse. Ça a commencé il y quatre-cinq ans. À l'époque, l'Outreterre était encore sous le joug de la Légion Ardente en la personne de Magtheridon. Puis sont venus les elfes de sang, leurs alliés nagas ainsi qu'un semi-démon se faisant appelé le Traître qui a pris la tête du mouvement.

— Le "Traître" ? demanda Gahahli dont la curiosité fut éveillé par l'évocation de ce surnom.

— Son véritable nom, je n'ose le dire, de peur de l'invoquer, reprit Nobundo. Toujours est-il qu'ils ont rallié plusieurs tribus de Roués à leur cause, leur promettant d'être libéré de l'oppression des démons et des orcs en échange de leur aide. Et ça a marché. Trop bien marché. Au prix de trop nombreuse vies. Le demi-démon ainsi que ses alliés nagas et elfes de sang avaient renversé Magtheridon mais aussitôt pris le contrôle de l'Outreterre, ralliant à leur cause d'anciens serviteurs de la Légion. Dès lors, ce fut le traître que nous devions servir, de gré ou de force.

— Si je comprends bien, vous vous êtes battu pour une renverser une tyrannie uniquement pour la voir se faire remplacer par une autre, résuma Bathris le ton grave.

— Parce celui et ceux qui nous avaient promis la liberté, oui, confirma Nobundo.

Qui que fut ce "Traître", il devait bien mérité un tel surnom ! songea l'elfe de la nuit.


Ils furent interrompu par une vieille quêteuse leur demandant l'aumône pour les orphelins de Shattrath.

Gahahli aurait bien voulu donner, ne pouvant s'empêcher d'avoir de la pitié pour des enfants orphelins, mais elle se rendit compte qu'elle n'avait pas un rond. Et Nobundo non plus.

Ce fut donc Bathris, qui par chance avait encore de la monnaie sur lui, qui fit donna pour eux trois.

— Merci beaucoup, monseigneur ! le remercia la quêteuse. Soyez béni !

— Selama ashal'anore ! répondit machinalement l'elfe de sang (ce qui signifiait "Justice pour notre peuple" en elfique).

— Qu'est ce... Qu'est ce que vous venez de dire ? demanda la quêteuse soudain alerte.

Bathris se rendit compte un peu tardivement qu'il venait de se trahir avec ce qui n'était qu'une manière de dire au revoir parmi les siens.

Le groupe resta interdit quand la quêteuse se mit à crier :

— Un elfe de sang ! Un elfe de sang dans la ville !

Ses cris firent mouche et des regards d'abord surpris puis hostiles se tournèrent vers Bathris pris au dépourvu.

— Traître ! pouvait-on entendre injurier.

— Voleur !

— Assassin !

— Espion !

— Rapace !

— Je ne suis pas votre ennemi ! tenta de se défendre l'elfe de sang. Écoutez-moi, je ne suis pas votre ennemi !

— Vous devez le croire ! intervint Nobundo. Lui et son amie aux cheveux bleus m'ont sauvé des nagas dans le marais.

Tout le monde s'était tut quand le Roué avait pris la parole. À les entendre, tous avaient reconnu le prophète Nobundo et cela avait généré un vrai ramdam au sein de la foule.

— Il nous dit forcément la vérité ! déclara un "éthéré" dont la voix sonnait tout autant. Pourquoi un prophète tel que lui nous mentirais ?

— À moins que ce ne soit un coup monté ! dit un Roué peu convaincu. Qu'il s'est fait passé pour un sauveur pour gagner sa confiance !

— Impossible ! protesta un autre Roué. C'est un prophète ! Il aurait déjà percer ses intentions !

— Sauf si l'elfe de sang lui a manipuler l'esprit ! dit un arakkoa.

— Connaissant leur vils pouvoirs, ce ne serait pas surprenant ! rétorqua un troisième Roué.

— Et l'autre là avec les cheveux bleus, vous croyez qu'ils sont de mèche ? demanda un second arakkoa.

La tension se faisait de plus en plus palpable. On remettait en doute les paroles pourtant sincères de Nobundo et les deux elfes ne durent quoi faire face à un tel débordement. Les réfugies étaient clairement à cran contre les elfes de sang au point qu'ils avaient déjà décidé que Bathris était un criminel.

— Qu'est-ce donc que ce raffut ? demanda soudain un garde draeneï qui dispersa la foule à l'aide de sa cohorte.

Sentant que cela allait barder, Bathris tenta de s'éclipser et de quitter la ville mais les gardes le repérèrent juste avant qu'il n'eût le temps de disparaître.

— Circulez ! vociféra le garde de tête. Il ne faut pas qu'il nous échappe !

Gahahli tenta de s'interposer et de les arrêter, leur expliquant qu'il ne s'agissait que d'un simple malentendu. Mais elle n'eut qu'à un violent coup d'épaule de la part du garde de tête qui la fit vaciller.

Les gardes draeneïs se postèrent de l'autre côté de la porte par laquelle Bathris s'était éclipsé et balayèrent la zone du regard. Apparemment, ils avaient perdu l'elfe de sang de vue. Cela pourrait être une aubaine pour ce dernier.

— Vous deux, allez prévenir la grande prêtresse qu'il faut renforcer la sécurité de la ville, ordonna le garde de tête à ses subordonnés. Vous autres, suivez-moi ! Il faut qu'on retrouve ce félon, quitte à passer la forêt au peigne fin.

Les gardes s'exécutèrent au pas de course et deux d'entre eux retournèrent dans la cité faire le rapport, ignorant l'elfe de la nuit qui gisait encore sur le sol, atterrée par ce qui venait de se passer.

— Je suis désolé pour votre ami, tenta de s'excuser Nobundo tandis qu'il aidait Gahahli à se relever. Je l'avais pourtant prévenu qu'il ne serait pas le bienvenu et qu'il ne fallait éviter d'attirer l'attention.

— Vous avez aussi dit que nous serions en sécurité dans cette ville de malheur ! pesta rageusement la jeune elfe. Pour l'amour d'Elune, il est venu à votre secours dans le marais, il vient de donner pour des orphelins, sans que personne ne lui le demande ! Et voilà comment on le traite en retour ?

— Où allez-vous comme ça ? demanda le Roué en voyant l'elfe passer la porte à son tour.

— Je dois le retrouver avant les gardes ! répondit Gahahli résolue. Je ne peux pas le laisser ainsi !

— Mais soyez raisonnable ! tenta de raisonner le Roué. Vous ne survivrez pas deux minutes seule dans cette forêt ! Ni ailleurs dans l'Outreterre ! Votre ami est perdu !

— Raison de plus pour que je le retrouve au plus vite ! rétorqua la jeune elfe qui partit sans attendre son reste, Jakua sur ses talons.


À l'extérieur de Shattrath, elle se retint d'appeler l'elfe de sang par son prénom, de peur d'attirer l'attention des gardes encore dans les environs. Elle scruta la forêt de ses yeux, ses oreilles et son nez au sens aiguisés, à la recherche d'une piste.

Ce fut finalement Jakua qui en trouva une le premier, le regard fixant le sud et la lèvre supérieure retroussée, signe qu'il avait flairer une odeur. Pourvu que ce fut la bonne !

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