Un monde brisé

Les groupes respectifs de la Horde et de l'Alliance, menés respectivement par Trollemort et Nazgrel, s'étaient donné rendez-vous dans un avant-poste abandonné non loin du Sentier de la Gloire et s'étaient mis d'accord pour former deux groupes. Le premier allait lancé l'assaut et attirer l'attention du chef de guerre Kargath Lamepoing et le vaincre dans la mesure du possible, tandis que le second allait profiter du chaos pour infiltrer les sous-sols de la Citadelle où serait retenu le démon Magtheridon et le tuer, privant ainsi la Gangr'Horde de créer d'autres orcs gangrenés via le sang du démon.

Il était impératif qu'au moins une des deux missions réussissent, qu'au terme du raid, la Gangr'Horde fût privé soit de sa "tête" soit de son "coeur". Les aventuriers n'auraient de ce fait pas le droit à l'erreur.

Lors de la formation des deux escouades qui fut décidé par les deux chef de factions, les deux groupes originelles durent se mélanger, pour le déplaisir de certains.

Celle pour l'opération Magtheridon se composa de Morpsev (qui disposait d'une connaissance en démons non négligeables en tant que démoniste), de Fyrvas, de Harrina et du vieux tauren Béliah, tous assez puissants pour venir à bout d'un ennemi aussi puissant — en particulier s'ils parvenaient à combiner leur magie respectifs.

Ne restaient plus pour l'opération Kargath Baelbo, Batël et Ouladre qui durent unir leur forces avec l'orc Brotar, les deux trolls Turakh et Baorekh, et enfin le tauren Walkyro.

Dès lors que les deux escouades furent formés et les opérations lancées, la tension fut palpable au sein des deux groupes. Plus particulièrement chez celle de l'opération Kargath qui souffrait d'un déséquilibre Horde-Alliance. D'autant qu'un des deux trolls était accompagné d'un raptor femelle, Eventreuse.

— Quelle plaie qu'on ait pas notre chasseresse habituelle ! avait pesté le gnome. Avec son Sabre-de-nuit, on aurait un parfait équilibre.

— Peut-être, mais la connaissant, grande chances qu'elle y fasse des siennes et nous coûtent la mission, avait relativisé le nain. Au fond, ce n'est pas plus mal qu'elle ne soit pas là.

— Comment peux-tu dire une chose pareille ? s'était indigné Baelbo. D'accord qu'elle est difficile à encadrer mais jamais elle ne nous a fait défaut, autant que je sache !

— C'est pourtant ce que je lui reproche ! avait répondu Batël. Ce n'est certes pas la volonté qui lui manque mais justement elle fait preuve de trop de zèle, elle agit trop souvent sans réfléchir et puis son manque de discipline, quoi !

Et il n'y avait pas que le déséquilibre qui posait problème. On sentait qu'aucun ne supporter la présence de la faction rivale, et pour cause. Ouladre était toujours hanté par le souvenir des premières exaction des orcs sur Draenor. Batël s'était forgé une réputation de tueurs de trolls et d'orcs au fil des années. Baelbo avait tout simplement la Horde en horreur et ne voyaient en eux que des sauvages, des bêtes sans foi ni loi. Les deux trolls nourrissaient également de très mauvais souvenirs de l'Alliance et conservaient une méfiance à son égard. Brotar de son côté, il y vouait même une haine féroce. Quant à Walkyro, il considérait tout simplement la Horde comme sa famille, sa tribu et quiconque s'en prendrait à sa famille était un ennemi à ses yeux. Et puis il y avait la présence du draeneï dont l'apparence rappelait le démon Archimonde aux aventuriers de la Horde et par extension la bataille du mont Hyjal qui avait coûté tant à leur frères d'armes et leur proches.

De ce fait, aucun n'osait adresser la parole entre Horde et Alliance au risque de voir la discussion s'envenimer et générer des tensions qui mettraient la mission en péril.

Car il fallait bien se faire une raison. Les deux factions affrontaient en cet instant un ennemi qui représentait une menace autant pour les deux factions. Ils avaient donc intérêt à mettre leur différends de cote le temps de résoudre le problème.

Mais une fois l'assaut sur la Citadelle lancée, les tensions entre Horde et Alliance diminuèrent considérablement. Les combattants étant occupé à massacrer leurs ennemis et à rester en vie, ils en venaient temporairement aux côtés de qui ils combattaient.

Ce fut un massacre sur les remparts de la Citadelle. Batël et Brotar menaient l'assaut en brandissant leur hache et chargeaient dans les troupes ennemis. Ils étaient suivi de près par Turakh à cheval sur son raptor qui envoyer sa lance transpercer les ennemis, puis Walkyro seulement armé d'une masse mais dont la force seule suffisait à envoyer les ennemis dans les airs. Les autres restaient en retrait, Baorekh tantôt Baelbo pour lancer des sorts sur les ennemis et tantôt Ouladre pour soigner et protèger leurs alliés.

Les gangr'orcs et leurs monture worgs tomberaient comme des mouches face à cette équipe de choc et non moins improbable.

Mais là où ça devenait intéressant, ce fut quand le groupe pénétra à l'intérieur de la Citadelle, jusqu'à une sorte de salle de trône dans lequel ils assistèrent à un sordide rituel. Un démoniste gangr'orc était en effet en train de créer d'autres gangr'orcs qu'il envoyait sur les assaillants sitôt le rituel accompli.

Le groupe vint rapidement à bout du démoniste et gangr'orcs fraîchement créés, et ce fut au terme de cet affrontement, alors que tous étaient éreintés et à court de mana, qu'une voix les interpella :

— Hé, vous ! Vous pourriez nous libérer, tant que vous y êtes !

C'était un des deux orcs non corrompus (du moins ils n'avaient aucune protubérance osseuses et leurs crocs étaient d'une taille modeste) enchaînés dans un coin de la pièce. Ils devaient probablement attendre leur tour.

Celui qui interpeller les aventuriers avait deux tresses tombant jusqu'à sa poitrine et l'air plutôt stoïque. Le second cependant, avec la queue de cheval qui surmontait son crâne dégarni, avait plutôt l'air renfrogné, comme si ça lui était égal d'être secouru ou non.

Chose encore plus étonnante, si ces deux orcs n'avait pas la peau aussi rouge vive que les gangr'orcs, ils avaient la peau bien marron.

— Des Mag'hars ! s'exclama Ouladre. Alors il en reste encore ?

— Des quoi ? demandèrent le reste de l'escouade.

— Des Mag'hars, c'est ainsi que sont appelés les orcs non corrompus, ceux qui avaient refusé de goûter au sang du démon, leur expliqua le draeneï. Mais je pensais que la Horde les avaient tous décimé.

— Ça ne saurait tarder, pourtant ! commenta l'orc marron dépressif.

— Hé, pas si vite, le bleu ! intervint Brotar. "Non corrompus" ? Alors comment t'expliques leur peau ?

— Comment ça leur peau ? demanda le draeneï perplexe.

— T'es aveugle ou quoi ? s'impatienta l'orc vert. Leur peau est marron ! Pas verte ! Pas comme nous ! Comment t'expliques ça ?

— Mais enfin, c'est votre couleur de peau naturelle ! lui répondit Ouladre légèrement vexé. Du moins ça l'était...

— Comment ça ?

— Avant les orcs avaient tous des teints marrons, expliqua le draeneï. Et puis il y a eu la corruption des démons et c'est ce qui vous a donné ces teints verdâtres.

— Ça alors ! s'exclama Baorekh. Et toi tu n'en savais rien ?

— Comment le pourrais-je ? rétorqua Brotar sur la défensive. Je suis né vert et d'aussi loin que je m'en souvienne, je n'ai connu que des orcs verts.

— C'est bien joli tout ça, mais que fait-on de ces deux là ? demanda Turakh en désignant les deux orcs enchaînés.

— Vous pourriez peut-être nous libérer et nous faire sortir de cet endroit avant que leur chef ne rapplique ! insista le premier.

— Te fatigues pas, Dranosh ! rétorqua le second. Quel différence ça fait, d'être libéré ou non ? Notre race est condamnée de toute façon.

— Dîtes, s'ils ne sont jamais été corrompus, est ce que ça voudrait dire que EUX sont... Pacifistes ? demanda Baelbo à Ouladre. Contrairement aux... autres ?

— Disons qu'ils sont moins sanguinaires mais honnêtement, ça ne veut pas dire grand chose, répondit le draeneï.

— Mouais... Ben je suis d'avis à ce qu'on les laisse à leur sort, dit Batël méfiant. Parce que l'Allier à un seul orc, vert ou marron, c'est déjà trop.

— Ben moi je suis pour qu'on libère ! protesta Walkyro. Personne ne mérite d'être enchaîné ainsi ! Un peu de cœur, quand-même !

— Si vous pouviez vous dépêcher ! s'impatienta le dénommé Dranosh. On n'a pas toute la journée !

— Non, en effet ! dit une nouvelle voix plus grave et rocailleuse.

À l'autre bout de la salle, un gangr'orc sortait lentement du couloir plongé dans les ténèbres. Il était vêtu d'une armure lourde et ornées de piques qui le rendait plus imposant que n'importe quel gangr'orc de la Citadelle et avait deux lames aux bords acérés à la place des mains.

— Alors, c'est vous les intrus qui viennent foutre le bordel dans MA citadelle ? clama-t-il menaçant. Vous le paierez de votre vie, misérables vermines ! Et parmi vous, des larbins de Thrall et de sa fausse Horde !

— C'est donc lui... Kargath Lamepoing ? demanda le gnome impressionné. Je comprends mieux pourquoi on m'appelle ainsi.

— C'est curieux, il me semblait qui lui restait une main valide, fit remarquer le draeneï guère plus rassuré.

— Qu'est-ce que ça change ? s'impatienta le sorcier troll. Éliminons le pendant qu'il est là !

— Pas si vite ! s'interposa le guerrier orc. C'est peut-être notre ennemi mais ça reste un guerrier légendaire au sein de la Horde. Un des premiers à s'être soulevé contre la tyrannie des ogres...

— Et qui vous écrasera comme j'ai écrasé mes oppresseurs ! cria Kargath en chargeant sur les aventuriers. Goûtez à la puissance de la Vraie Horde !

Il blessa l'imposant tauren à l'épaule d'une de ses lames avant de se ruer sur le reste de l'escouade avant d'être intercepter par le nain et l'orc vert. Le combat fut intense, même contre deux adversaires, le chef de guerre gangr'orc avait la vigueur d'au moins dix de ses semblables. Ces deux adversaires déjà épuisé par leur récent carnage eurent du mal à lui tenir tête.

Le reste de l'escouade n'osait hélas intervenir. Walkyro venant d'être blessé, Turakh étant un piètre combattant au corps à corps et Éventreuse toujours éreinté, le chasseur troll n'osait engageait le combat son raptor de compagnie. Quant au reste de la troupe, ils n'avaient toujours pas récupéré leur mana. Du moins pas assez pour être d'une quelconque utilité dans ce combat. Cela reposait sur leur deux guerriers qui commençaient à faiblir à vue d'œil.

Seul Baelbo prit l'initiative. Profitant de sa petite taille, il se faufila à travers la salle en restant loin du combat, rejoignit le tauren blessé et lui fit signe de le suivre jusqu'au dénommé Dranosh. Le gnome n'avait certes pas assez de mana pour attaquer Kargath de manière conséquent ou sans risquer de blesser Batël ou l'orc vert dans la foulée. Mais il lui en restait assez pour faire chauffer ses mains jusqu'à les rendre aussi brûlantes que du fer chauffé à blanc. Il empoigna donc les chaînes qui retenait l'orc marron, des chaînes pourtant assez solides pour maintenir un orc de son gabarit prisonnier, et parvient à les ramollir. Puis il fit signe à Walkyro de tirer sur la chaîne de son bras encore valide. En temps normal, le tauren aurait besoin de ses bras pour venir à bout d'une chaîne aussi robuste. Mais la chaîne fut tellement ramollie par les soins du gnome que son seul bras valide suffit à la briser.

Dranosh libre, il ramassa une hache de gangr'orc qui traînait à proximité et chargea Kargath qui se retrouva cette fois déborder par non pas deux mais trois adversaires, dont un encore en pleine forme et débordant de fougue.

Finalement, le groupe finit par avoir raison du chef de guerre qui finit par s'effondrer sous les coups et l'épuisement.

— Vous... n'avez pas... encore... gagné ! jura-t-il au moment de recevoir le coup de grâce. Mon Maître... le Seigneur de l'Outreterre... vengera ma mort... Et la Vraie Horde... vaincra !

— Et ben, c'est pas pour tout de suite ! déclara Batël en lui assénant le coup de grâce.

— Une minute ! s'écria tardivement Ouladre.

— Ouais, sale ur'gora ("Sans honneur" en langue orque) ! pesta Brotar. Tu ne l'as pas d'un tout tué dans les règles de l'art ! Je rappelle qu'il s'agissait d'une légende...!

— Hé ho ! Est-ce que moi je critique la manière dont tu trucides tes adversaires, Peau-verte ? lui rétorqua sèchement le nain.

— Je ne parlais pas de ça ! les interrompit le draeneï. Avant de mourir, il a évoqué son maître, le "Seigneur de l'Outreterre". Je me demande s'il faisait référence à...

— Vous venez de signer votre arrêt de mort ! leur cria le second orc marron qui venait d'être libéré à son tour. Kargath a raison ! Son maître vengera sa mort !

— On a l'habitude, t'inquiètes ! lui rétorqua le sorcier troll.

— Vous ne savez donc pas à qui vous avez affaire ? leur demanda l'orc marron.

— À la Légion Ardente, répondit l'autre troll. Je suppose ?

— Pire ! Le "Seigneur de l'Outreterre", c'est le pire cauchemar des démon ! insista l'orc marron de plus en plus pessimiste. Il a déjà mis à mal les plans de conquête de la Légion en prenant le contrôle de ce monde. C'est lui qui a détrôné et fait enfermé sous nos pieds le démon Magtheridon après lui avoir pris son titre. Tout l'Outreterre est sous son emprise, jusqu'au Raz-de-Néant. Et malheur à ceux qui lui résistent !

— En voilà assez, Garrosh ! s'écria Dranosh. Ton pessimisme devient insupportable ! (Il se tourna vers les aventuriers) 'Faut l'excuser, il s'est mis en tête que notre peuple ne mérite pas de vivre à cause du crime commis par son père.

— Quel crime ? demanda le tauren.

— D'avoir lié la Horde et la Légion en buvant de son plein gré le sang de Mannoroth le Destructeur, répondit Dranosh.

— Pas si vite ! intervint Brotar interloqué. Vous parlez de Grommash Hurlenfer ?

— Je ne veux plus jamais entendre ce nom ! s'énerva Garrosh.

— Lui-même ! répondit Dranosh.

— Mais alors, c'est... ?

— Le fils de Grommash, Garrosh Hurlenfer, confirma Dranosh. Et moi même suis le fils du puissant Varok...

Brotar ne prêtait plus attention aux paroles de Dranosh. Il avait déjà posé humblement le genoux devant Garrosh incrédule.

— C'est un honneur de me retrouver en présence d'un Hurlenfer ! lui dit-il avec piété.

— Tu t'agenouilles devant la progéniture d'un traitre ur'gora ? demanda Garrosh.

— Votre père n'était pas un traitre et encore moins un "Sans-honneur" ! répondit vivement l'orc vert. Il a peut-être lié la Horde à la Légion en buvant le sang du démon mais il nous a également libéré de ce lien au prix de sa vie ! Et qu'il y eût ce maudit lien ou pas, cela a contribué à la puissance de notre Horde actuelle.

— Des paroles, des paroles, rien que des paroles ! marmonna Garrosh. J'ai passé l'âge de croire à ce genre de connerie...

— Ceux ne sont pas des conneries ! protesta Brotar. Attendez d'être en présence de notre chef de guerre, Thrall, et demandez-lui comment votre père est mort ! Il était là ! Il était à ses côtés jusque dans ces derniers instants !

— Je crois que c'est officiel ! fit remarquer le chasseur troll à ses compagnons d'armes. Notre peau-verte s'est trouvé un amoureux !

Batël venait de décapiter le chef de guerre gangr'orc déchu quand il demanda aux guerriers de la Horde :

— Pour la tête de Kargath, vous voulez qu'on tire à pile ou face pour savoir qui la ramène à son Bastion, ou bien... ?

— Gardez-la ! lui rétorqua Brotar. Nous, nous avons mieux que ça.

Ainsi l'escouade quitta la Citadelle sans accrocs. Les quelques gangr'orcs restant avaient déjà déposé les armes, tous dépités à la vue de la tête coupé de leur chef de guerre. Il fallait croire que même corrompus jusqu'à l'os, ils conservaient un minimum de respect pour leurs adversaires triomphant.

— Finalement, on ne s'en est pas trop mal tiré ! dit Baelbo optimiste.

— J'espère qu'on pourra en dire autant de ce qui s'occupent de Magtheridon ! dit Batël qui ne partageait pas tant l'optimisme du gnome. Si voulez mon avis, on a eu un raid beaucoup trop facile.

— Je partage votre inquiétude ! intervint Ouladre. Je pense à ce Seigneur de l'Outreterre évoqué par Kargath. Qui n'es pas Magtheridon. Et que l'autre orc marron dont j'ai oublié le nom décrit comme le "pire cauchemar des démons", une nuisance pour la Légion Ardente. Je me demande quel genre de diable ça puisse être pour se forger une telle réputation.