Un monde brisé
Passé d'un héros de Quel'thalas à un hérétique, tel avait été le choix de Bathris.
Quitte à renoncer à sa carrière de chevalier pour laquelle il s'était tant battu.
Pourtant, l'idée d'un tel renoncement ne fût pas aussi dur que la déception dans le regard de Dame Liadrin quand il lui avait annoncé son choix et dût lui remettre son tabard, son armure, son épée et son bouclier appartenant à l'Ordre des Chevaliers de Sang.
Et clairement, Liadrin ne fût pas le seul à être déçue par la décision de son protégé. La nouvelle de la rétrogradation de Bathris s'est répandu dans tout le royaume, jusque dans les Terres Fantômes et beaucoup d'elfes de sang ayant eu vent des exploits du chevalier fraîchement adoubé avaient porté leurs espoirs sur eux. Dès lors, il le traitèrent comme un renégat. Ce qui était ironique, sachant que ça avait été en exécutant un elfe renégat que le jeune elfe de sang était devenu un symbole d'espoir pour ses compatriotes.
Mais c'était ça ou il participait au contrôle des pensées des citoyens de Quel'thalas, ce dont il ne pouvait se permettre en son âme et conscience. Ce n'était pas pour ça qu'il s'était fait chevalier et ça aurait été à sa yeux la vraie trahison qu'il pouvait faire à son peuple.
Cependant, il allait lui être plus difficile de défendre sa patrie quand elle-même le rejète en le traitant d'hérétique et de lâche. Et avec sur lui qu'un côte de mailles, une épée et un bouclier tous de seconde main, il n'irait pas loin.
Il quitta alors sa patrie, non sans un léger pincement au cœur ainsi que le sentiment d'être réellement ce qu'on lui reprochait et erra dans les terres maudites de Lordaeron.
Autrefois un royaume humain prospère qui comme Quel'thalas fut ravagé par la Peste et le Fléau mort-vivants. Dès lors, il n'y eut plus que la mort, la désolation et la malveillance. Le jeune elfe de sang, pourtant familier avec ce royaume voisin pour l'avoir arpenté avec sa famille entre deux guerres durant sa jeunesse, avait le souvenir de plaines verdoyantes et de forêts luxuriantes s'étendant à perte de vue. Désormais, ce n'était plus que des plaines desséchées, des forêts d'arbres morts ainsi que des villes et villages fantômes dans tous les sens du terme.
Des hordes de morts-vivants, autrefois d'honnêtes citoyens de Lordaeron, erraient et rôdaient à travers le paysage dévasté des Maleterres, attaquant à vue toute trace de vie. Heureusement pour Bathris, il avait gardé son pouvoir de Lumière, efficace pour repousser les morts-vivants.
Les seuls à ne pas montrer d'hostilités à son égard furent les Réprouvés, avec lesquels les elfes de sang s'était allié depuis quelques mois. Mais ça non plus, le jeune chevalier déchu n'arrivait pas à le digérer. Depuis l'invasion du Fléau, rien ne lui faisait autant horreur que la simple vue d'un mort-vivant, Réprouvé ou non. Ils avaient massacré sa famille et son peuple par milliers, tout comme ils avaient ravagé et pillé son royaume. Et parce qu'ils avaient décidé de s'émanciper du Fléau, ils espéraient sincèrement à faire oublier leur crimes passés ? Et qu'est-ce qui lui garantissait qu'ils n'étaient pas une alternative au Fléau, ne vivant que pour répandre la mort et la désolation, qu'ils ne combattaient le Fléau uniquement que pour se tailler la part du lion, pour supprimer la "concurrence" ?
Les quelques vivants qu'ils rencontraient dans les Maleterres n'étaient cependant pas plus amicaux que le Fléau. Il s'agissait en effet de la Croisade Écarlate, un ordre religieux principalement composé d'humains et ayant juré à l'éradication des morts-vivants, qu'ils fussent du Fléau ou des Réprouvés. Partageant leur haine farouche pour les morts-vivants, Bathris crût bon de tenter de les rejoindre et de leur prêter main foret, mais il eût la mauvaise surprise de constater que la Croisade était également hostile envers les races non-humaines, pour des raisons qui lui dépassaient. Impures et porteur de la Peste mort-vivante, qu'ils dissent.
"Si c'était le cas, je ne devrais pas déjà ressembler à mort-vivant ?" pestait Bathris.
Il tenta alors sa chance plus au sud, du côté de Gilnéas, un autre royaume humain limitrophe, et de Dalaran. Il avait cru comprendre que Gilnéas avait été épargné par l'invasion du Fléau et de la Légion Ardente, tandis que la cité-état de Dalaran, bien qu'ayant été détruite par la Légion, était en pleine reconstruction. Avec un peu de chance, ils accepteraient ses services sans tenir compte de ses origines ou des allégeance que l'elfe lui-même reniait.
Mais après avoir traversé la forêt de Pins Argentés formant la côte ouest de Lordaeron, et combattu d'hommes-loups qui infestaient ladite forêt que Bathris n'avait jamais auparavant, il comprit vite comment Gilnéas avait été épargné par la Peste et survécu aux assauts massives des morts-vivants et des démons : un mur gigantesque et infranchissable empêchait quiconque d'entrer ou de sortir du royaume.
Quant à Dalaran, elle était protégé par un immense dôme magique, empêchant également toute intrusion.
Néanmoins, il put atteindre Hautebrande, la dernière région de Lordaeron à ne pas avoir été complètement ravagé par la Légion ou le Fléau et où les les résidents encore vivant n'avait pas rejoint la Croisade Écarlate. En tout cas, à part un vieux donjon en ruine, il n'y avait rien de conséquent dans cette région provinciale pour fournir un bastion à ces fanatiques, juste des fermes et un village portuaire. L'elfe de sang était donc tranquille de ce côté là.
Mais là aussi, il fut trop optimiste.
Cela avait pourtant bien commencé. Un matin, après avoir passé la nuit sous un arbre, il fut réveillé par les cris d'enfants pourchassés par une horde de murlocs. Ni une ni deux, il partit à la rescousse des bambins et repoussa les assaillants avec brio — même si c'était vrai que ça n'avait rien de difficile pour un chevalier ou un guerrier chevronné, on ne faisait pas plus lâche qu'un murloc. Puis il se proposa d'escorter les enfants jusqu'à la ferme où ils habitaient. Ceux-ci, ayant de leur propre aveu eu la "brillante idée" de s'aventurer sur la rive au sud pour observer les murlocs, lui furent plutôt reconnaissant pour son intervention. Mais ce ne fut pas le cas de leur parents.
À peine étaient-ils en vue de la ferme qu'il fut accueilli par des paysans armés de fourches, le prenant pour une sorte de ravisseur d'enfants et menaçant de l'embrocher s'il ne les relâchait pas. Les enfants avaient beau expliqué à leur parents que l'elfe n'avait eu aucune intention malveillante à leur égard, les adultes refusaient de les écouter et s'obstinait à traiter l'elfe de sang de monstre.
Dépité, Bathris, se résout à laisser les enfants à l'entrée de la ferme et à tourner les talons pour être bombardé de tomates et pommes de terres pourries.
Juché sur une colline, loin de toute habitation et couvert de légumes avariés, le jeune elfe de sang se sentit désemparé comme jamais il ne l'avait été depuis la chute de Quel'thalas. Même les petites gens refusaient ses services et ne voyaient en lui qu'un être plus infâme que les orcs ou les trolls.
Rejeté par sa patrie, il n'avait même plus le luxe d'avoir une famille ou des amis pour lui apporter réconfort et soutien en un temps aussi difficile.
— Excuse-moi, l'ami, intervint soudain une voix grave et éraillé. Aurais-tu l'amabilité de...
Bathris sursauta et fut sur le point de dégainer son épée quand il se retrouva face à un tauren au pelage blanc et vêtu de peaux de bêtes. Il paraissait vieux, à en juger par ses cornes usés, son visage bovin fripé, ses yeux ternes et le fait qu'il se tenait avec une cane, mais il n'était pas moins imposant, le genre à affronter à mains nues un ogre pourtant armé jusqu'aux dents.
— Allons du calme ! dit le tauren. Pourquoi cette réaction ? Je n'ai aucune intention de te faire du mal ! Après tout, nous sommes alliés !
Il disait vrai, hélas. Les taurens faisaient parti de la Horde à laquelle venaient de s'affilier les elfes de sangs. Ils étaient de ce fait alliés, au même titre que les orcs, les Réprouvés et les trolls Sombrelance. Et c'était pour ça qu'il ne pouvait plus approcher ces anciens alliés de l'Alliance que furent les humains ou les nains.
Bathris consentit à rengainer son épée mais resta méfiant. Cet individu poilu semblait sortir de nulle part et pourtant, au vu de son allure et sa carrure, il n'avait pas l'air d'être quelqu'un de furtif.
— Qu'est-ce que vous voulez au juste ? demanda-t-il en trahissant une pointe d'amertume dans sa voix.
— J'ai ouïe dire qu'il y avait des cercles élémentaires dans les environs, expliqua poliment le vieux tauren. Est-ce vrai ?
— Vous devez parler des cercles de liens, rectifia Bathris. En effet, il y en a quatre, un par éléments, mais ils sont dans les Hautes-Terres d'Arathi, de l'autre côté du mur de Thoradin à l'Est.
— Fort bien ! s'exclama le tauren. Je souhaiterai m'y rendre. Pour un simple pèlerinage. J'aurais cependant besoin de quelqu'un m'accompagne jusqu'à l'un de ces cercles. Quelqu'un qui connait la région et qui saurait me protéger contre d'éventuelles attaques de rôdeurs ou d'humains de l'Alliance.
— Je ne peux rien pour vous, désolé, lui répondit le jeune elfe. C'est qu'il vous faut pour ça, c'est un chevalier.
— Et tu ne l'es pas ? demanda le tauren incrédule.
— Si. Enfin, je l'étais, répondit amèrement l'elfe de sang.
— Et bien ça fera l'affaire !
— Attendez, je crois que vous m'avez mal compris, je ne suis PLUS chevalier. J'ai été évincé de mon ordre.
— Et alors ? Est-ce que cela t'empêche d'exercer toute activité chevaleresque ?
— Et bien...
— Je ne connais pas grand chose en chevalerie, mais je doute fort que ça se limite à porter une armure et des couleurs. Après tout, tu as bien porté secours à ces enfants humains, malgré le fait que leurs parents voient en vous un ennemi.
— Vous... ? Attendez, comment savez-vous... ?
— Mes yeux ne sont peut-être plus ce qu'ils étaient, mais j'ai toujours une bonne audition, lui répondit le tauren d'un air plaisantin. Assez pour être attentif aux cris et clameurs que me rapporte le vent.
Sacré audition ! songeait Bathris.
— Très bien, vous avez gagné ! Je vous escorte à quelle cercle ?
— Celle liée à la Terre, de préférence, répondit le tauren. J'ai toujours eu une meilleur connexion avec la Terre Mère.
— Alors suivez-moi !
— Trop aimable !
Ainsi, le jeune elfe de sang escorta le tauren à travers Hautebrande, en évitant soigneusement toute habitation humaine, notamment la ville portuaire d'Austrivage, sachant que les résidents, aussi modestes fussent-ils était ouvertement hostile à la Horde et tous ceux qui y étaient affilié.
Ils atteignirent le mur de Thoradin à la frontière Est, presque aussi imposant que le mur de Gilnéas mais en ruine et laissé à l'abandon et de ce fait, ils le franchirent sans accrocs.
Ils se trouvèrent enfin dans les Hautes-Terres d'Arathi, une vaste plaine ayant jadis été le berceau de la civilisation humaine tel que le monde connaissait et où avait été établi le premier contact entre les humains et les elfes durant la guerre des trolls. Une lointaine époque, datant du père du père du jeune elfe de sang.
Aujourd'hui, c'était encore une région laissée à l'abandon suite aux événements qui avaient ébranlé le monde cinq ans plus tôt, bien que ladite région avait visiblement été épargné par les assauts du Fléau et de la Légion.
Au sud se dessinait la citadelle de Stromgarde, autrefois la capitale de l'empire humain d'Arathor avant que celui ne se divisât en plusieurs nations parmi lesquelles Lordaeron, Dalaran, Gilnéas, Kul Tiras et Hurlevent pour ne citer que ceux-là.
Que des vestiges de ce qui fût jadis l'une des civilisations les plus prospère d'Azeroth, que Bathris contemplait avec mélancolie.
— Nostalgie ? demanda indiscrètement le tauren, brisant ainsi le silence qui s'était pesé depuis le début de leur voyage ensemble.
L'elfe de sang ne lui répondit pas et se contenta de reprendre la marche vers le cercle de lien avec la terre situé au sud, non loin de la citadelle en ruine.
— Je sens de l'amertume dans ton comportement, fit remarque le tauren imperturbable. À moins que ce ne soit du mépris. Et ce depuis que nous avons commencé notre voyage ensemble. J'espère ne pas en être la cause.
Il avait visé juste, à un détail près.
— Ce n'est pas contre vous personnellement, lui répondit Bathris. Ni contre votre peuple, en fait. C'est juste... je n'arrive pas à me faire à l'idée que j'appartiens désormais à la Horde.
— Allons, mon jeune ami ! La Horde est loin d'être aussi mauvaise que certains de l'Alliance disent. Prends mon peuple par exemple. Certains de l'Alliance voit en nous des sauvages, des grosses bêtes tout en plus, à l'image de ce qu'ils appellent "bétail". Nous, nous ne voyons comme des chasseurs et des guerriers certes redoutables, mais pas moins pacifiques et honorables, vivant en parfaite harmonie avec la Terre Mère. Et sans les orcs et leurs alliés trolls des jungles, nous n'aurions jamais pu nous établir dans les plaines verdoyantes du Mulgore et notre peuple aurait été décimé par les centaures. Ceux sont d'honorables guerriers, tu sais, prêt à se battre pour défendre leur frère d'armes... Les orcs, hein ! Pas les centaures !
— Les orcs ont assiégé Quel'thalas ! rétorqua amèrement l'elfe. Ma mère est morte en les combattant !
— Durant la Seconde Guerre, il me semble ! précisa le tauren. Mais la Horde a changé entretemps. Il a notamment changé de chef de guerre qui je peux t'assurer, n'a rien à voir avec ses prédécesseurs. Lui n'aspire qu'à la paix et à protéger les siens, pas à faire couler du sang inutilement. Et il est très strict là dessus, de ce que j'ai entendu.
— D'accord pour les orcs, mais les morts-vivants ? Ils ont saccagé Quel'thalas, décimé mon peuple et... ma famille. Ça, je ne pourrais jamais leur pardonner, peu importe à qui il prêtent allégeances.
— Je ne porte pas non plus les morts-vivants dans mon cœur, pour être honnête, lui confessa le tauren. Cela dit, je te trouve assez injustes envers eux. Aucun d'eux n'avaient choisi d'être un mort-vivant et ils étaient tous soumis à la volonté d'un être maléfique quand il réduit votre royaume et celui des humains à feu et à sang. Et sans cette "Sylvanas", ils seraient toujours sous la coupe de cet être infâme.
— Pour autant, il leur faudra plus qu'une sécession et un changement de chef pour que je leur pardonne leur crimes.
— Ne leur rejette pas toute la faute sur eux, voyons ! s'offusqua le vieux tauren. Ne m'as tu donc pas écouté quand j'expliquai que les morts-vivants étaient soumis à la volonté d'un être maléfique. Ou que les orcs se sont bonifiés depuis que Thrall est devenu leur chef de guerre ?
— Parce que vous connu les orcs avant Thrall ? Ou les mort-vivants quand ils obéissaient tous au Roi Liche ?
— À vrai dire, non, reconnut le tauren. Mais ce que je veux dire c'est que tu ne dois pas reprocher à toute la Horde les crimes commis envers votre peuple et votre patrie. Au pire, si tu devais le reprocher à qui que ce soit, ce sont les coupables et uniquement eux.
— Comme vous, j'imagine ?
— Plait-il ?
— Vous m'avez parlé des centaures qui avaient tenté de décimer votre peuple. Vous parlez des centaures dans leur ensemble, ou seulement des quelques uns qui vous ont attaqué ?
Devant le silence interdit du vieux tauren, Bathris réalisa un peu tard qu'il avait dû touché un point extrêmement sensible. Et d'une manière très indélicat de sa part.
— Non, désolé, tenta-t-il s'excuser. Je ne voulais pas...
— Non-non, ce n'est rien, répondit le tauren d'une voix qui trahissait l'incertitude. C'était... très spirituel de votre part.
Ils arrivèrent finalement au Cercle de lien, un cercle composé de pierres pointées vers le ciel pour la plupart ou disposées sous forme d'arche et qui avait tout l'air d'être un lieu sacrée.
— Parfait ! s'exclama le vieux tauren satisfait d'avoir atteint sa destination.
— Si je puis me permettre, qu'est-ce qui vous amène ici ? demanda Bathris. Si loin de vos terres ancestrales.
— Simple pèlerinage, je vous assure, lui répondit le tauren.
— Je veux bien vous croire mais dans quel but ? insista l'elfe de sang.
— Disons que je suis en quête de réponse, avoua finalement le tauren tandis qu'il s'installait en tailleur au centre du cercle. Mes vieux os indiquent qu'une tempête se prépare et je viens consulter les esprits de la Terre afin de m'assurer qu'il n'y a pas de quoi s'inquiéter.
— Je vois... Du coup, vous n'avez plus besoin de moi...
— Tu peux rester aussi si tu le désires, l'invita le tauren.
— Pourquoi faire ?
— Me tenir compagnie ou tenter vous aussi d'obtenir des réponses aux questions qui vous taraudent. Vous n'aurez qu'à faire comme moi.
— Je ne suis pas vraiment dans le chamanisme mais... J'ai plus grand chose à perdre ! céda l'elfe qui se mit à son tailleur à côté du vieux tauren.
— À la bonne heure ! s'exclama ce dernier tandis qu'il dégrafait une gourde de sa ceinture. Au fait, tu dois avoir soif après un si long voyage.
Il était vrai que le jeune elfe sentait sa gorge se déssécher et il se disait qu'un peu d'eau n'allait pas lui faire de mal.
Le vieux tauren lui tendit à lors sa gourde à laquelle le jeune elfe prit deux-trois gorgées avant de le rendre à son propriétaire qui s'hydrata à son tour.
— Bien, maintenant silence ! clama-t-il après avoir rangé sa gourde.
Bathris demeura silencieux, contemplant le tauren en pleine méditation avec une certaine curiosité quand soudain...
Des couleurs et des formes indistinctes commencèrent à tourner autour de lui avant de se stabiliser et de prendre forme.
Une gigantesque porte en pierre se dressa devant le jeune elfe de sang. Plutôt une arcade rectangulaire flanquée de deux grandes sculptures d'hommes encapuchonnés et tenant fermement un épée chacun comme s'ils gardaient la porte. Au sommet était sculpté un serpent à gueule ouverte, présentant ses crocs d'un air menaçant.
Au centre de l'arcade tournoyait inlassablement un vortex qui passa du bleu au vert, donnant l'impression à Bathris d'être malgré lui aspiré par ce vortex.
Passé à travers l'arcade, le jeune elfe de sang se retrouva devant le Puits de Soleil visiblement restauré, en présence du prince Kael'thas Haut-Soleil, se tenant fièrement devant le fameux Puits. Trop fièrement. Il paraissait même dément. Comme possédé par il-ne-savait-quelle force démoniaque.
Au dessus du puits se tenait également le mystérieux être de Lumière que les chevaliers de l'ancien Ordre du jeune elfe retenait contre son gré et utilisait pour manier la Lumière à leur guise. Il paraissait en bien piteux état, voire mourant, sa lumière étant en train de défaillir et même sans être physiquement présent, Bathris pouvant ressentir la détresse de cette être mystérieux.
Avec sa propre magie, le prince fit voler l'être de Lumière en éclat et fit dangereusement bouillir les eaux magiques du puits jusqu'à ce qu'une silhouette en émergea. Une silhouette imposante, ailée, cornue, aux mains griffus, avec pour pieds des sabots fendus et le regard brillant de malveillance.
Puis des flammes vertes jaillirent du puits et consumèrent toute l'île de Quel'danas où avait été bâti le puits sacré, avant de se propager sur tout le royaume de Quel'thalas, de Lordaeron, des Royaumes de l'Est et finalement de tout Azeroth.
La vision se dissipa en un clin d'œil et Bathris se retrouva avachi sur le sol, le souffle coupé, couvert du sueurs et tremblant d'effroi. Que diable venait-il de voir ?
Il voulut poser la question à son "ami" tauren mais constata rapidement qu'il n'était pas en meilleur état. Il était toujours assis en tailleur mais se tenait la tête dans les mains et gémissait, comme s'il luttait contre une horrible migraine. Ou bien contre un cauchemar.
Quand le tauren revint à lui, il semblait sortir d'un mauvais rêve, tout comme le jeune elfe de sang, le souffle court et tremblant d'effroi.
— C'est pire que je ne le craignais ! s'exclama-t-il.
— Vous l'avez vu aussi ? demanda Bathris incertain.
— Qu'as tu vu exactement ? lui demanda le tauren en guise de réponse.
— Je... J'ai vu Kael'thas...
— Qui ?
— Le prince des elfes de sang... de mon peuple... Il était en train de manipuler le Puits de Soleil pour... pour invoquer un démon et... plonger Azeroth dans les flammes.
— Les flammes de la mort et de la destruction, dit le vieux tauren d'un air pensif. Qu'as tu vu d'autre ?
— Je... J'ai vu... Une grande porte... Je crois que c'était la Porte des Ténèbres...
— Quelle genre de porte c'était ? Comme une gigantesque arcade gardée par des statues encapuchonnés et un serpent de pierre ?
— O-oui ! C'est ça ! C'est par cette porte que les orcs ont débarqué dans notre monde ! En tout cas, de ce qu'on m'a raconté...
— Et tu sais où se trouve cette porte ?
— Au sud du continent, de côté du royaume de Hurlevent.
— Alors nous devons nous y rendre sans plus tarder !
— De quoi ?
— Si nous voulons empêcher la catastrophe que viennent à l'instant de nous prédire les esprits, il faut qu'on atteigne cette porte au plus vite.
— M-m-mais c'est beaucoup trop loin !
— Raison de plus pour ne pas traîner.
— Il nous faudra traverser Khaz Modan et le royaume de Hurlevent. Des territoires appartenant à l'Alliance.
— Dans ce cas, ça va être plus compliqué. Nous prendrons un autre chemin, alors !
— Parce que vous connaissez un autre chemin pour nous rendre à la Porte des Ténèbres ?
— Il y en a forcément un !
— Comment pouvez-vous en être aussi sûr ?
— Il n'y a pas que la voie terrestre, tu sais ?