Un nouveau monde
— Par simple curiosité, qu'est-ce qui a pu conduire votre fille à fuguer ? demanda Harrina.
— En quoi ça vous regarde ? lui rétorqua sèchement Fyrvas.
— En rien, ça m'intéresse, tout simplement, lui répondit l'humaine en haussant les épaules. Et puis, si ça peut nous permettre de passer le temps en attendant que le maître des griffons prépare notre monture.
— Alors pourquoi ne pas plutôt m'explique ce pourquoi on doit...
La magicienne l'interrompit d'un coup de coude dans l'estomac. Elle frappait fort pour une humaine de son gabarit, elle dont la tête lui atteignait tout juste la poitrine.
— Parce qu'on n'est pas censé en parler en public, lui rappela la magicienne à voix basse. Pas tant qu'on est à portée d'oreille.
— Mes excuses, répondit l'elfe en se massant le ventre.
Le jour venait de se lever à Theramore. Bien que le temps fut nuageux, c'était encore trop lumineux pour le vieil elfe à qui la petite humaine avait dû prêté sa cape trop courte pour l'imposant elfe et dont la capuche n'était malheureusement pas assez large pour qu'il pût la rabattre devant ses yeux. Et les longues oreilles de l'elfe — ou du moins celle qui était encore entière — n'aidaient pas tant elles n'entraient pas dans la capuche, qui clairement était confectionné pour des oreilles aux oreilles courtes et petites. Fyrvas devait donc se contenter de recouvrir sa tête avec le tissu sans le boucler et le maintenir de ses mains, tout en regardant ses pieds pour ne pas être ébloui par la lumière du jour. Il se sentait ridicule. Surtout quand il entendit les gloussements de certains passants qui devaient être à son encontre.
Les deux compères avaient terminés les préparatifs pour leur prochaine excursion vers l'île d'Alcaz. Ils devaient juste attendre que le maître des griffons — un nain, par dessus le marché — leur mît à disposition un griffon qui puisse survoler les côtes du marécages (ce fut le prétexte qu'Harrina avait donné pour louer un griffon sans que le propriétaire n'émît la moindre objection). Ils allaient avoir besoin d'une monture volante pour accéder à l'île en toute sécurité. D'autant que Fyrvas ne maîtrise pas encore sa forme de vol (qui pourtant lui aurait été pratique) et qu'Harrina ne pouvait se téléporter là où elle n'avait encore jamais mis les pieds. De son côté, le druide avait beau se convaincre que chevaucher un griffon ne serait pas différent qu'avec un hippogriffe, il appréhendait quand même la puissance de ces bêtes-là, largement supérieurs aux montures aériennes habituelles des elfes de la nuit.
L'étable aux griffons n'étant pas loin du port de Theramore, Fyrvas risqua un regard vers les bateaux arrimés. Dire que l'un d'eux pourrait l'emmener dans les Royaumes de l'Est et ainsi le rapprocher de sa fille pour laquelle il se faisait un sang d'encre de jour en jour. Malheureusement pour lui, ces bateaux étaient pour la pêche et surveiller les côtes, pas pour risquer une traversée en mer. Et dire qu'il fallait lui attendre au moins deux semaine pour que le prochain bateau pour les Royaumes de l'Est ne pointât le bout de son nez.
— Aussi, ça pourrait nous aider à la retrouver quand on aura fini notre affaire, reprit la magicienne.
— Comment ça ? demanda Fyrvas incrédule.
— Mais voyant, on nous mettant à sa place deux seconde, lui expliqua Harrina. On nous mettant dans sa tête qu'on comprenne ce qui l'a poussé à agir ainsi.
— Vous ne seriez pas un peu chasseresse, dès fois ? lui demanda le vieil elfe.
— Que nenni, mon ami, lui répondit Harrina avec un gloussement. Je ne suis qu'une simple mage, spécialisée dans la cryo et l'hydromancie. Et puis ce n'est pas ma tasse de thé, la chasse.
— Vous parlez pourtant comme un chasseur, se défendit le druide. À "penser comme la proie qu'on traque si on veut l'attraper".
— Simple question de déduction, dit la magicienne avec un nouveau haussement d'épaule, suivie d'un gloussement.
Voyant que le maître des griffons tardait à préparer la monture, le druide lâcha un soupir d'exaspération et finit par céder.
— Tout ce que je peux vous dire à son sujet, c'est que c'est une gamine très têtue, dit-il d'un ton las. Dès qu'il lui vient une idée en tête, elle n'en démord pas, que ce soit pour satisfaire sa curiosité ou défier l'autorité. Déjà toute petite, elle voulait tout explorer et tout connaître de sa forêt natale, de nos terres ancestrales et même au-delà. Ce qui nous avait déjà préoccupés, ma femme et moi, à l'époque.
— En quoi est-ce un problème ? demanda Harrina incrédule. Si elle est curieuse à ce point, c'est que c'est loin d'être une idiote...
— Ce n'est pas tant son envie insatiable de tout voir et de tout savoir le plus préoccupant, s'empressa d'ajouter l'elfe. Elle manque de discipline, de retenue et surtout elle n'a aucune conscience d'à quel point le monde qu'elle désire tant explorer est dangereux. Même pour une Sentinelle aguerrie. Et avec le drame qui nous a frappé il y a cinq ans, l'invasion des démons, la corruption des orcs, j'avais espéré que cela l'aurait rendue plus prudente et plus avisée. Au lieu de ça, cela lui a donné envie combattre avec véhémence les ennemis de la Nature et de son peuple.
— Je vois, et donc vous craignez pour sa sécurité, commenta la magicienne en hochant de la tête.
— Quel père je ferais si je restais les bras croisés pendant qu'elle inutilement met sa vie en danger ? s'indigna la druide. De plus, elle est tout ce qui me reste depuis l'invasion de la Légion Ardente.
— Oh, je suis désolée, lui réconforta Harrina. Et vous dites que votre fille est encore au stade de l'adolescence ?... Du coup, j'imagine que cela a créé un désaccord entre vous, elle voulait faire ses preuves, vous ne vouliez pas la laisser faire pour sa sécurité, cela s'est envenimée avec le temps et ça n'a pas été aidé par la crise d'adolescence...
— Pour ma défense, je lui avais laissé une chance, l'interrompit Fyrvas. Et elle l'a aussitôt gâché.
— En êtes vous sûr ? lui demanda la magicienne sceptique. Êtes vous certain de ne pas avoir changé d'avis en cours de route ?
— Je vous le dit, elle est impossible à encadrer, cette petite impertinente, s'impatienta le druide. Il faut toujours qu'elle n'en fasse qu'à sa tête. Même un ordre simple comme rester là où elle est est et attendre mon retour, ça lui passe au-dessus de la tête.
— Et c'est là qu'elle a décidé de fuguer ?
— Non, ça c'est après que je l'ai puni pour m'avoir désobéi.
— Ah bah voilà ! s'exclame l'humaine. On y est ! Vous l'avez puni, ça a été le coup de trop pour elle et donc elle a décidé de se faire la malle.
— Comme je vous le dis, elle n'en fait qu'à sa tête.
— Mais... Vous ne vous sentez pas un peu responsable, aussi ? Juste un peu ?
L'insinuation de l'humaine avait mis le vieil elfe tellement hors de lui qu'il ne sût quoi répondre. En quoi pouvait-il être "responsable" dans l'acte de sa fille ? Ce n'était pas comme s'il l'avait lui même exigé à Gahahli de prendre la mer pour se rendre sur un tout autre continent, encore moins pour s'acoquiner avec une race dont il se méfiait. À moins qu'elle insinue que ce fut l'attitude du druide à son égard qui avait poussé sa fille à fuguer ? Hors de question ! songea l'elfe. Il n'avait agi que dans l'intérêt de sa fille. Il n'avait donc rien à se reprocher. Cette hypothèse confirmerait seulement l'ingratitude et l'égoïsme de sa fille. Ou bien l'humaine insinuait que l'elfe aurait raté son éducation ? Qu'est-ce qu'elle en savait au juste ? Avait-elle eu ne serait-ce qu'un enfant à sa charge durant toute sa vie ?
— Je ne vous accuse de rien, tenta de rassurer Harrina qui avait perçu l'énervement du druide. C'est juste que... moi aussi j'ai été une adolescente, vous savez ? Et je peux vous dire, j'étais loin d'être une enfant modèle, à l'époque ! En fait, j'étais ce qu'on pouvait appeler une enfant gâtée. Et j'ai aussi connu des prises de becs avec mes vieux parce qui pensaient mieux connaître mon intérêt que moi. Cela nous a un peu éloigné au fil du temps, mes parents et moi. Jusqu'à un point où... il est trop tard pour faire machine arrière.
Fyrvas fut tellement surpris par le ton soudain grave et sérieux de la jeune humaine, jusque là calme et sereine, qu'il oublia sa colère de tout à l'heure et en perdit son darnassien. Il n'osait lui demander plus de détail ce qui se passait entre Harrina et sa famille, mais il en déduit aisément quelque chose de grave, de funeste même.
— Tout ça pour dire que c'est facile de se déresponsabiliser et de rejeter la faute sur l'autre chaque fois qu'il y a un pépin, reprit la magicienne. Parce que c'est rassurant de se convaincre que ce n'est pas de notre faute. Mais il vient toujours un moment où se demande si c'est vraiment le cas. Si on n'aurait pas notre responsabilité dans ce qui pu mal tourner.
— Votre monture est prête, messieurs dames ! déclara le maître griffon en leur présentant ladite monture, mettant ainsi fin à leur discussion.
Le duo resta silencieux tandis que l'animal au splendide pelage-plumage blanc comme la neige survolait la côte nord du marécage.
Harrina tenait les rênes tandis que Fyrvas, encore peu à l'aise sur le dos d'un griffon, s'agrippait nerveusement à sa taille d'une main, l'autre étant occupé à maintenir tant bien que mal la cape sur sa tête, menaçant à tout moment d'être emporté par le vent qui fouettait le visage des deux passagers. Ce serait trop bête de perdre un vêtement appartenant à une personne qui venait si généreusement le lui prêter, le temps pour ses yeux de s'habituer à la clarté du jour..
Durant le vol, le druide se ressassait les paroles de la magicienne et s'étant calmé depuis le décollage, il commençait à réaliser que peut-être il n'était pas si innocent que ça, qu'il avait peut-être sa part de responsabilité dans le départ précipité de Gahahli. Il se rappela que durant les jours qui avaient suivi leur dernière dispute, il avait éprouvé quelques remords, se disant qu'il avait été un peu trop sévère avec elle. En réalité, maintenant qu'il avait évoqué le drame ayant frappé sa famille cinq ans plus tôt, il se rendait compte que la disparition tragique de son épouse avait dû y jouer un rôle. Non seulement, il s'était fait la promesse de veiller sur ce qui restait de sa famille, de réussir là où il avait échoué avec Méridia et l'enfant qu'elle portait encore dans son ventre ce jour-là, mais c'était surtout Méridia qui "portait la culotte" au sein de la petite famille. Avant sa disparition, Fyrvas était un père relativement détendu et indulgent, avec lequel sa fille passait le plus de temps à jouer et qui prenait à la rigolade son attitude effrontée. Probablement parce qu'il s'était reconnu en elle et qu'il en était fier. Et c'était probablement la raison pour laquelle Gahahli s'était toujours sentie plus proche de son père que de sa mère, bien qu'ayant été profondément chagrinée par sa disparition. Peut-être même était ce qui l'avait le plus chagriner, qui sait ? Il n'en demeurait pas moins que l'arrivée des orcs et des démons ainsi que les événements désastreux qui avaient suivis lui avaient fait comprendre que le temps des jeux, des rires et de l'insouciance était révolu. Une époque que même le druide commençait à regretter.
Pourtant, il fallait bien que Gahahli se fît à cette idée, aussi désagréable fût-elle, que la vie n'était pas un jeu et qu'elle devait se comporter en adulte, autrement elle n'allait pas faire long feu. C'était la raison pour laquelle Fyrvas se montrer si dur et intransigeant à son égard.
Il fut arraché à ses pensées quand Harrina lui montra quelque chose juste sous leur pieds et fut obliger de crier pour se faire entendre malgré le vent, brisant ainsi le silence qui s'était pesé depuis qu'ils avaient quitté Theramore.
— Vous voyez l'épave juste en dessous ? lui demanda-t-elle. C'est là où j'ai enquêté l'autre jour. Et on dirait que les murlocs ont décidé d'occupé les lieux.
La magicienne disait vrai. Les yeux du druide s'étant finalement et progressivement habitué à la lumière du jour, il commençait à voir plus clair. Entre deux îlots au large de la côte, Fyrvas distinguait les silhouettes de ses créatures amphibiennes, semblables à des poissons bulbeux à qui il serait poussé des pattes de grenouilles à la place des nageoires, en train de circuler à travers les débris de ce qui fut jadis un bateau de transport. C'était bien leur genre, à s'installer dans des épaves quand il ne s'agissait de carcasses d'animaux échoués sur les plages qu'ils squattaient.
— Et la grande île que vous voyez juste-là, c'est là que nous devons nous rendre, reprit Harrina en dirigeant son bras plus à l'Est.
Bien qu'étant suffisamment de la côte pour être inaccessible à la nage, il était impossible de manquer la fameuse île d'Alcaz tant elle sortait de la mer telle une montagne sur laquelle avait poussé une jungle luxuriante. Si le terrain n'était pas aussi vallonné, il y avait assez d'espace sur cette île pour construire deux fois la cité de Theramore. Et Fyrvas arrivant à distinguer des des constructions humains tels des tours de guet et une jetée sur la plage en contrebas, il semblerait que les humains avaient tenté de s'y installer, mais avaient probablement dû y renoncer avec les nagas.
Des nagas, ni le druide ni la magicienne n'en voyait l'ombre depuis les airs tandis qu'ils approchaient de l'île. Mais ils pouvaient clairement distinguer des hydres rôdant autour de l'île et pria intérieurement Elune que l'enquête d'Harrina se déroulât loin de ses bêtes. Quitte à se frotter à des ennemis, autant que ces derniers fussent à sa taille et non pourvus de deux têtes supplémentaires.
Le griffon fit une soudain une descente en piquet et se posa en urgence sur le bord d'une falaise, derrière une tour en pierre délabrée et surplombant ladite falaise avant de se réfugier dans la végétation. D'abord surpris par le brusque comportement de l'animal et de sa conductrice, Fyrvas ne tarda pas à en comprendre la raison lorsqu'il leva simplement les yeux au ciel et se rendit compte que lui et Harrina n'étaient pas le seul à survoler l'île.
Au dessus de leurs têtes planaient trois drakes aux écailles noires de leur larges ailes membraneuses. Fort heureusement, ils ne prêtèrent guère attention au griffon ni à ses locataires. Cela ne pouvait signifier que le duo et leur monture n'avaient pas été vus. Les drakes n'étaient peut-être que des dragons au stade de l'adolescence, ils n'en demeuraient pas moins des bêtes féroces, redoutables et intelligentes, presque autant que leurs aînés, des monstres qui n'auraient fait qu'une bouchée du griffon.
— Est-ce que par hasard vous aurez omis de mentionner la présence de dragons durant notre enquête ? demanda amèrement le druide à l'intention de la magicienne tout en prenant soin de parler à voix basse.
— Je ne savais pas qu'il y en avait aussi sur cet île ! se défendit Harrina tout en gardant également la voix basse. Et je ne comprends pas non plus ce qu'ils font ici !
Fyrvas pesta intérieurement, se disant que ce fût une bonne chose que Gahahli ne fût pas présente. C'était à cause de ce genre d'incident qu'il lui avait privé d'aventure.
Il n'eut pas le temps qu'elle était la suite du programme que la magicienne avait déjà mis le pied à terre et exhortant le druide d'en faire de même. Une fois descendu du griffon, Harrina incita à l'animal de reprendre son vol et de retourner auprès de son propriétaire au plus vite.
— Qu'est ce que vous faîtes ? s'insurgea Fyrvas alors que le griffon avait déjà pris son envol.
— Ne vous en faîtes pas ! la rassura la magicienne. J'ai attendu que les drakes soit suffisamment hors de vue pour qu'il puisse décoller en toute sécurité. Et puis, il volera plus vite déchargé si par malheur il se faisait repérer.
— Et pour notre ticket de retour ? demanda le druide impatient.
— Je nous téléporterai à Theramore, rassura Harrina. Une fois qu'on aura terminer ce que pourquoi nous sommes ici.
— Et est-ce que vous pouvez m'expliquer sur quoi vous enquêtez au juste ? s'impatienta Fyrvas. Que je sache dans quoi vous m'avez embar...
La magicienne plaqua une main sur la bouche du druide et désigna de la tête deux nagas armés qui venaient de faire leur apparition en sortant de la tour. Heureusement, les deux compères étaient suffisamment éloignés et dissimulé derrière les buissons pour être hors de vue mais la simple présence de ses hommes-serpents suffisaient à les immobiliser de terreur, le moindre geste risquant à tout moment de trahir leur présence. Ils retinrent leur souffle tandis que les nagas balayaient la zone du regard, "humant" l'air avec leur langue à la manière des serpents. Apparement, ils avaient dû entendre des bruits suspects (probablement le bref passage du griffon) depuis leur tour et avaient dû sortir pour voir ce que s'étaient.
Les deux compères étaient si proches l'un de l'autre qu'ils pouvaient tous les deux sentir leur cœur battre la chamade comme un seul.
Au bout de plusieurs minutes qui parurent une éternité pour les deux compères, les nagas s'échangèrent un regard, haussèrent les épaules et retournèrent dans la tour, comme si de rien n'était. Les deux compères relâchèrent leur souffle. Ils s'en était fallu de peu.
— Si vous voulez tout savoir, j'enquête depuis quelques semaines sur la disparition d'une certaine personne qui aurait dû répondre présent à la convocation de Jaina pour une réunion au sommet, dit finalement Harrina à voix basse. Une réunion secrète, qui devait avoir lieu il y a quelques mois à Theramore.
— Une réunion pour quoi ? demanda indiscrètement Fyrvas également à voix basse.
— De ce que j'ai compris, ça devait être pour négocier une possible paix avec la Horde, mais ce n'est pas le plus important. On a appris quelques jours plus tard que... cette personne était en route pour Theramore et avait même pris soin de voyager incognito. Mais qu'au moment de prendre la mer, il fut enlevé par les Défias.
— Qui sont ces... Défias, au juste ?
— Une organisation de bandits ayant déclaré la guerre au royaume de Hurlevent mais là encore, ce n'est pas le plus important. D'ailleurs, on a vite écarté toute thèse de vendetta ou de demande de rançon quand on s'est aperçu qu'ils n'avaient fait aucune revendication à ce sujet. C'était comme si cet enlèvement devait également rester secrète.
— Et comment avez vous su tout ça ?
— J'ai réussi à démasquer quelques uns qui avaient coopérer avec les bandits dans cette affaire et je leur ai fait cracher le morceau. À ma manière (elle fit brièvement apparaître des cônes de la glaces du bout de ses doigts, leur donnant une apparence de griffes, avant de se liquéfier). Mais le plus mystérieux, c'est qu'il étaient au courant du déplacement de leur cible qui, je vous le rappelle, devait être secrète. Apparement, quelqu'un a du les prévenir de cette réunion clandestine.
— Qui donc ?
— Ça, je l'ignore encore. Aucun de ceux que j'ai "interrogé" n'ont était en mesure de me révéler son identité. Juste que l'espion est aussi quelqu'un occupant les hautes sphères du royaume de Hurlevent.
— Quelqu'un qui était farouchement opposé à une paix avec la Horde, j'imagine ? Franchement, je ne pense pas que je lui aurais donné tort.
— Il est encore trop tôt pour déterminer le motif de cette enlèvement. Mais il est clair que ça implique quelque chose de plus important que juste du banditisme de bas-étage. Les suspects que j'ai interrogé me l'ont avoué et pourtant j'y avais cru. J'étais persuadé qu'ils bluffaient. Et puis, il y a de cela quelques jours, il y a eu ce bateau appartenant au Défias qui a fait naufrage sur nos côtés, non loin de cette île. Une île qui est gardée par des nagas et des dragons du vol noir dont le territoire est pourtant située à l'autre bout de la région, au sud. Je ne sais encore ce qui se trame derrière cette affaire, mais ça n'augure rien de bon.
— Et c'est donc pour connaître la clé du mystère que vous avez tenu à vous rendre sur cet île ?
— Pas exactement ! Ce que je cherche en priorité c'est la preuve irréfutable que le naufrage du navire des Défias et la présence des nagas sur cette île sont liés.
— Vous voulez parlez... du disparu ? Vous pensez que les nagas le détiennent prisonniers ?
— Pourvu qu'il soit encore vivant.
Les deux compères reprirent alors leur enquête, à commencer par la tour délabrée où Harrina fut obligée d'assomer les deux nagas d'un javelot de glace quand ces derniers avaient finalement senti leur présence, à temps avant qu'ils ne songent à attaquer ou à sonner l'alerte. Ils ne trouvèrent rien d'intéressant hormis les deux occupants gelés dans cette tour qui devait visiblement servir de salle de repos des gardes pour les nagas. Et ceux qui occupaient n'étaient pas en état de répondre à leur question.
Ils se rendirent vers un petit vallon en contrebas où devait se tenir un campement abandonné, tout en veillant à faire le moins de bruit possible et de rester à l'abri des regards indiscrets. Sous sa forme féline, plus adéquate pour les missions d'infiltration, le Fyrvas ouvrait la marche à travers la végétation et exhortait Harrina de marcher dans ses pas, ce que le magicienne fit précautionneusement.
Ils arrivèrent enfin au campement, constitué de vieilles baraques en bois et de tour de guet également en bois, au centre duquel se tenait un rassemblement de naga. En se dissimulant derrière une des baraques, les deux compères distinguèrent ce qui semblaient être la cheffe des nagas, une femelle naga, aussi appelée sirène, reconnaissable à sa paire de bras supplémentaire et au fait que malgré un nez plat, des yeux reptiliens ainsi que l'absence de sourcils et de cheveux, elle avait le visage relativement humain contrairement aux mâles qui avaient tous des têtes de lézards. Celle-ci semblait être en tête à tête avec un draconide aux mêmes écailles noires que les drakes que les deux compères avaient vu passer peu de temps auparavant. Les draconides ressemblaient à des dragons dépourvue d'ailes et construit comme des centaures, pourvu de quatre pattes postérieurs et de deux bras attachés attaché à un corps humanoïde. Ils étaient principalement réputé pour servir loyalement les vols draconiques auxquels ils sont attachés. Et celui-ci semblait particulièrement contrarié.
— Notre maîtresse a eu l'indulgence de vous confier la garde du prisonnier ! s'écriait-il. Comment avez-vous pu le laisser s'échapper ?
— Mes gardes ont commis l'erreur de sous-estimer son ingéniosité et sa volonté de fer, clama la sirène sur la défensive. Mais je puis vous assurer que nous ne referons pas la même erreur.
— On vous avait pourtant prévenu, pour sa volonté ! rétorqua le draconide en exhibant sous le nez de la sirène un objet brillant qu'il tenait dans ses griffes et qui sembla attirer l'attention d'Harrina. Ce n'est pas un politicien veule et lâche que vous avez attrapé dans vos filets en coulant ce navire, c'est un guerrier légendaire. Et maintenant, grâce à votre incompétence, il s'est évaporer dans la nature. Ce n'est plus qu'une question de temps avant qu'il rentre à Hurlevent et sabote les plans de notre maîtresse.
En écoutant la conversation, Fyrvas lança un regard hésitant à Harrina, lui demandant du regard quelle allait être la suite du programme s'il s'avérait que ce qu'ils étaient venus chercher sur cette île avait disparu. Les yeux de la magicienne ne partageaient pas son désarroi pour autant. Elles pétillaient même de malice. Elle avait un plan.
— Essayez de créer une diversion à l'autre bout du campement, lui suggéra-t-elle à voix basse. Nous allons les prendre en sandwich.
— Elle ne me plaît pas trop, votre idée, objecta le druide.
— Cessez d'être pessimiste et faîtes moi confiance, rétorqua la magicienne d'un ton et avec un regard plus ferme qui parvint à faire céder le vieil elfe, d'habitude intraitable.
Tout en conservant sa forme féline, Fyrvas longea la baraque en bois le plus silencieusement possible afin d'atteindre l'autre bout du camp, tandis que les deux créatures reptiliennes continuaient leur discussion.
— Il n'a pas pu aller loin, je puis vous l'assurer, avait repris la sirène. Le naufrage lui a fait perdre la mémoire. Votre "guerrier légendaire" n'a plus aucune idée de qui il est ni d'où il vient. À l'heure qu'il est, il doit errer sur le continent à la merci de la Horde. J'y ai déjà envoyer mes soldats retrouver sa trace.
— Ils ont tout intérêt à réussir si vous ne souhaitez finir dans une poêle à frire, prévint le draconide qui se faisait de plus en plus menaçant. Sachez qu'Onyxia ne tolère pas qu'on lui fasse défaut.
— Attention, draconide ! prévint à son tour la sirène. Sachez que nous autres nagas, nous servons des dieux que même vos maîtres redoutent. Des dieux qui feraient perdre la tête au plus puissants de votre espèce.
En écoutant la conversation d'une oreille distraite, le druide deviner que la sirène faisait référence aux Anciens Dieux. Mais le nom d'Onyxia l'intrigua. Qui pouvait être cette Onyxia, et qu'avait-elle a voir dans cette histoire d'enlèvement ?
Il n'eut cependant pas le temps de réfléchir davantage à la question car il était déjà à l'autre bout du camp et devait faire son entrée en scène.
Bien qu'appréhendant l'idée d'engager le combat avec les nagas, il se lança, optant pour sa forme d'ours et surprenant les hommes-serpents d'un rugissement, dressés sur ses pattes postérieurs. Cela suffit a attirer l'attention de toute l'assemblée qui chargea aussitôt sur l'intrus. Le druide parvint à se défendre à coups de pattes et de dents contre ses assaillants mais craignit de se retrouver en infériorité numérique, voyant des nagas sortir des baraques.
Il vit alors Harrina à l'autre bout du camp lancer une vague de froid qui gela instantanément les nagas de sa zone, incluant la sirène et le draconide qui se contentaient de donner des ordres.
Fyrvas finit de dégommer les quelques nagas restant et ayant échapper à la vague de froid, s'en tirant avec quelques cicatrices, mais rien de grave tant qu'il restait sous sa forme d'ours. Puis Harrina la fit signe de la rejoindre et le druide ne se fit pas prier. Les nagas prisonniers de la glace commencèrent à se libérer tandis que d'autres, éparpillés sur l'île et probablement avertis par les bruits de combat, étaient en train de rappliquer. Les chances de survie du duo se réduisait à vue d'œil.
Puis Harrina fit apparaître un cercle lumineux et constitué de runes à leurs pieds. Fyrvas n'eut pas le temps de demander ce qu'elle était encore qu'en train de faire qu'il vit à travers la lumière émanant du cercle la silhouette d'un naga fonçant à tout allure sur le duo, brandissant une lance avec laquelle il visait sur la magicienne.
D'instinct, le druide protégea la magicienne de son corps d'ours, tournant le dos à l'assaillant. Il sentit la pointe de la lance se planter sur son omoplate quand la lumière émanant du cercle les enveloppa.
Lorsque la lumière se dissipa, non seulement les nagas avaient disparus mais Fyrvas sentit la magicienne se laisser tomber dans ses pattes velus. Son sort avait dû lui consommer toute sa mana restante tant elle fut avachie. Si bien que le druide devait la garder fermement serrer dans ses pattes pour l'empêcher de tomber
En regardant autour de lui, il réalisa que la magicienne venaient de les téléporter. Ils n'étaient plus sur l'île d'Alcaz mais devant les portes de Theramore, devant deux gardes quittèrent leur poste pour venir à leur rencontre.
Il crut pendant un instant que les gardes étaient venus secourir une femme retenue prisonnière des pattes d'une bête imposante. Il sentit la panique l'envahir, ne pouvant se défendre car devant garder la magicienne debout. D'autant qu'il sentait encore la pointe de la lance du naga planté dans son dos et il ne parvenait pas à s'en défaire.
Mais les gardes ne montrèrent aucune signe d'hostilité à son égard. L'un d'eux se proposa même de retirer la lance — du moins, ce qu'il en restait — du dos du druide, lui permettant de reprendre sa forme normale, malgré une blessure encore vive au dos.
— Vous allez bien, vous deux ? osa demander le second dont la voix trahissait l'inquiétude.
— J'aurais bien besoin d'un médecin, maugréa Fyrvas à l'intention du garde.
Harrina revint soudain à elle et se mit à parler d'une voix encore faible à l'intention des gardes :
— Allez prévenir... Jaina... que je reviens... de mon enquête.
L'un des gardes ne se le fit pas dire deux fois et en s'alla trouver Portvaillant dans sa tour dominant la cité, tandis que le second restait aux côtés des deux compères.
— C'est bon, dame Harrina ? demanda le druide d'un ton soucieux. Vous récupérez ?
— Tout va bien, lui répondit la magicienne avec un sourire béat. J'ai juste besoin... d'un second souffle.
— Alors profitez en parce que je m'apprête à vous tuer, dit le druide amèrement. À quoi ça nous a mené, votre expédition sur l'île ? De nous frotter aux nagas ? On a failli se faire tuer ! Tous les deux !
— Je reconnais que ça ne s'est pas passé exactement comme je l'avais prévu, avoua Harrina. Mais on appris deux-trois choses sur cette île. Et surtout, le plus important...
Elle dégrafa de se ceinture une petite bourse et la présenta devant le vieil elfe. Elle semblait contenir quelque chose.
— J'ai ma preuve. Et ça, grâce à vous.