Ceux qui brûlent dans la lumière
Le retour du lion
À la vue de la canonnière nos troupes entrent dans une ovation enthousiaste. Les voix s’entremêlent avec le bruit des épées qui rentrent en collision avec leur bouclier et plastron de plaque, les bâtons de mage, prêtre et démoniste martèlent avec vigueur le sol. Donnant une symphonie respirant l’espoir. L’immense dôme s’estompe, laissant voir clairement le ciel bleuté et les rayons du soleil viennent réchauffer nos visages.
Malgré le retournement de situation bienvenue, quelque chose me taraude, nous n’avions pas prévu de canonnières dans nos effectifs, nous avions laissés les deux seules que nous possédions à Hurlevent pour protéger les frontières aériennes, les autres étaient déployées ailleurs sous les ordres du roi pour des manœuvres militaires. Alors, d’où sortent-elle ?
- Nous sommes enfin libérés de ce maudit siège ! Grogne le vieux loup.
- Il nous faut gagner la grande porte et apporter de l’aide à nos troupes, enchaine le chef des taurens.
- Je crois que ça ne sera pas nécessaire, intervient Jaina.
L’archimage pointe alors du doigt l’horizon, là où notre vaisseau volant se dirige suivit de puissantes détonations qui font trembler l’atmosphère.
- C’est terminé, vraiment ? Personne ne se demande d’où sort ce navire ?
- Quelle importance. Il arbore nos couleurs, anéantie nos ennemis, rétorque Genn.
- Oui et nous ne pouvons que nous en réjouir…
Alors que Baine Sabot-de-Sang termine sa phrase, je sens une odeur de bois brûlé. Nous nous retournons tous, et voyons certaines tentes tauren s’enflammer.
- Au feu ! Hurle Baine fou de rage
- Nous devons immédiatement arrêter l'incendie, lance Jaina.
- Sinon il ne restera de Pitons-du-tonnerre qu'un tas de cendre sans vie, continué-je.
Ni une, Ni deux, nous nous précipitons tous aux sources d'eaux les plus proches. Tous se mettent à travailler ensemble afin de maîtriser l’incendie des quelques bâtiments avant que ça ne devienne un désastre. Autour de moi, certains font des chaînes reliant les puits aux maisons atteintes par le brasier. Les chamans invoquent la pluie et des élémentaires d’eaux, ces créatures se montrant particulièrement efficace. Au loin je reconnais la tauren qui maintenait le dôme magique. Elle tente en vain d'éteindre sa maison.
- Il est hors de question que votre ville subisse le même sort que Teldrassil !
L'elfe de la nuit avec qui elle discutait tout à l'heure la rejoint en toute hâte, et à deux ils réussissent à maitriser la propagation des flammes du tipi à temps. Les cris, les pleurs, les ordres se mélangent au craquement du bois mordu par les flammes. Pourtant, j'y vois une lueur d'espoir, un travail d'équipe entre la Horde et l'Alliance qui porte ses fruits et, peu à peu, les flammes commencent à s’atténuer.
Mais bizarrement, quelque chose cloche, aucune trace d’Aethas dans les environs.
Où a-t-il pu atterrir ? J’ignore pourquoi mon cœur se serre dans ma poitrine, j’ai comme un mauvais pressentiment. Je cours récupérer Ellemayne et, une fois en possession de mon arme, je pars immédiatement à sa recherche.
Même si l’incendie est sur le point d’être maîtrisé, les reste de cendres et de la fumée obstruent mes poumons me faisant toussoter et m'empêchent de courir convenablement. Soudain, le mur à côté de moi se met à craquer, puis se brise.
- Aethas ! crié je.
Il ne réagit pas, incantant une boule de feu tout droit dans bâtiment. Un gobelin en sort, avec un sourire mesquin et un étrange fusil. Le Sin’dorei n’attends pas que son adversaire ait le temps de faire quoique que ce soit. Entre ses mains il crée une tornade de magie et, d’un geste rapide, la pousse dans la direction de son ennemi pour l'envoyer dans les airs.
La créature disgracieuse l’évite de justesse, l'enrageant davantage. L’attention du gobelin se pose subitement sur moi. Sans prévenir, il pointe son arme. J’entends le cliquetis de la gâchette quand une sorte de missile fend l’air à toute vitesse dans ma direction. J’avale ma salive, prête à me protéger avec la lumière…
Mais Aethas crie mon nom avant de s’interposer entre moi et le projectile. Ce dernier est projeté au loin dans une trainée de sang sous mon regard terrifié.
- Enfin ! lance son ennemi en s'approchant de l'elfe de sang, ta tête va me valoir une prime envers Galliwyx !
Le corps de mon ami inerte sur le sol, baignant dans son propre sang, m’afflige d’un immense chagrin. Je me mets à trembler ; aveuglée par une soudaine et puissante rage. J’empoigne Ellemayne. Je la brandis et une vague de lumière se dessine sur le sol avant de percuter mon ennemi avec force. Quand ce dernier se retrouve à terre, je m’approche de lui les yeux noyés par un flot de larmes. Ma main s’illumine :
- Que la lumière te brûle…
Je referme mon poing et le gobelin prend feu dans des flammes de lumière. Il pousse des hurlements de terreur alors que son corps se tord de douleur. Il me supplie d’arrêter, implore ma pitié. Je n’en ai cure, je ne réponds plus de rien, ma colère m’a totalement submergée.
J’intensifie mon sort, la chair verte du gobelin noircie et ses cris sont horrifiants. Ses membres sont pris une dernière fois de spasmes, puis plus rien. Le silence. Face à moi il ne reste plus qu’un cadavre calciné, pourtant je ne me sens pas apaisée, mon cœur est toujours en proie à une haine impossible à contrôler.
Il a tué Aethas, il l’a tué ! J’enfonce Ellemayne dans le macchabée, je continue à l'assener de coup, encore et encore. Je sens des bras s’agripper à ma taille, m’éloignant du meurtrier de mon ami, pour freiner l’ouragan qu’est devenue ma rage. Je me débats de toute mes forces pour échapper à son emprise. Quand Ellemayne m’échappe et tombe sur le sol, je me mets à hurler et à pleurer.
- Il l’a tué ! Il l’a tué !
- Je t’en supplie arrête ! Dit-il en me serrant contre lui.
Cette voix… Je me tourne lentement, Anduin est là face à moi. Sa silhouette se dessine dans une aura de cendres et de flammes. Ses prunelles sont humidifiées, son visage est à la fois triste et plein d’amour. Toute la fureur qui m’habite se dissipe en un instant, ne laissant place qu'à la douleur de la perte d’Aethas. Mon amant me caresse doucement la joue, mais mon attention est rivée sur le corps de l’elfe allongé dans la poussière et le sang. Je titube jusqu’à lui, me laissant tomber lourdement sur les genoux avant de poser ma tête sur son torse, m’effondrant de chagrin.
Autour de nous j’entends des pas et les pleurs de sa sœur scandant son nom. Des doigts chancelants s’enfouissent dans ma chevelure, je perçois une légère respiration. Je relève la tête, ses paupières sont légèrement ouvertes, il me fixe. Ses lèvres bougent, ses mots sont à peine audibles, juste un murmure étouffé.
- Aethas…
Sans perdre une seconde, j’invoque la lumière priant désespérément pour quelle m’aide à le sauver, mais je n’ai pas l’impression que mon sort ait un quelconque effet. Paniquée, au bord des larmes, je parcoure la foule du regard, cherchant Anduin.
- Aide-moi, je n’arrive pas à le soigner…
Mon amour se précipite à mes côtés, mettant ses mains au-dessus d’Aethas, la lumière divine illumine les paumes de ses mains et sa magie vient recouvrir le corps de l’elfe, je viens unir la mienne à la sienne. Quand nous sommes ensemble notre lumière est plus forte, plus puissante. Les plaies de mon ami se referment une à une et sa respiration devient plus régulière. Ce dernier reste inconscient, mais en vie. Je suis tellement soulagée que mes larmes repartent de plus belle. Je me sens épuisée, à bout de souffle, je suis prise soudainement de vertige. Ilera rejoint son frère et lui prends délicatement la main tout en nous remerciant.
Quant à moi, j’enlace mon bien aimée, le serrant au plus près de mon corps, Anduin me soulève du sol me portant dans ses bras laissant les deux elfes ensemble. Autour de nous l’incendie est éteint : juste trois ou quatre bâtiments ont pris feu, rien d’irréparable.
- Ne me laisse plus jamais seule… murmuré-je
Anduin m’embrasse sur le front l’air affligé. Épuisée je ferme les yeux…
Je me réveille en sursaut, la sueur perle sur mon front, l’image du gobelin me reviens subitement en tête, je suis prise de dégout par mon propre geste… Une main rassurante se pose sur mon épaule, Anduin est auprès de moi, il vient s’assoir sur la couchette me prenant dans ses bras protecteurs.
- Tout va bien, je suis là. Essaie-t-il de me rassurer.
- Non…
Les larmes me montent à nouveau aux yeux, Anduin me berce contre lui pour me calmer.
- Le seigneur-régent et les autres vont bien, certes, ils ont perdu des hommes et que la lumière veille sur leurs âmes. Mais ils ont repoussé l’assaut. Ils sont ici au Pitons-du-tonnerre, tu as réussi, tu as sauvé le peuple des taurens.
- Non, c’est faux. Un village a été rasé, j’ai perdu beaucoup d’hommes et femmes à cause des obus ennemi. On s’est retrouvés coincé aux Pitons et la cité a pris feu… je n’ai rien sauvée du tout ! Je n’ai servi à rien ! C’est toi le héros dans l’histoire, si tu n’étais pas arrivé avec ta canonnière on serait tous mort.
- Tu te fourvoie, on n’a cessé de faire ton éloge. Baine, Grisetête et Jaina, ils m’ont dit le courage et la force dont tu as fait preuve. Tu as su garder la cohésion entre la Horde et l’Alliance, tu les as poussés à l’entraide à veiller les uns sur les autres. Je l’ai vu de mes propres yeux, pendant que tu étais inconsciente. Tu leur as inspiré l’espoir d’un avenir meilleur. Je ne pourrais être plus fière de toi.
Ses mots me réconfortent, j’avais oublié comme sa simple présence avait le don d’apaiser tous mes tracas, de me faire sentir en sécurité et aimée. Comme Velen me l’avait dit il y a longtemps, il est la lame sur laquelle je peux m’appuyer sans crainte. La rancune que j’avais ressentie de sa longue absence c’est volatilisé, ça n’a plus d’importance car il est là pour moi maintenant.
- Cet elfe de sang… murmure-t-il, tu avais l’air de beaucoup tenir à lui…
- Parce que c’est le cas.
- Oh je vois…
- On s’est rencontré à Lordaeron, il m’a sauvé de la peste, lui et sa sœur. Il a veillé sur moi pendant ma captivité à Lune-d’Argent. Il était le seul dont le regard n’était pas empli de haine. Il n’est que gentillesse, patience et douceur. C’est quelqu’un de bien et il a failli mourir à cause moi…
- Qu’est-ce que tu ressens pour lui ? Demande Anduin confus.
- Est-ce que mon roi serait jaloux ?
- Je me suis senti perdu lorsque j’ai vu l’état dans lequel tu étais pour lui…
- Aethas est mon ami, alors que toi….
Je ne finis pas ma phrase, je pose mon front contre le sien, son souffle chaud réchauffe ma peau et me fais frémir. Je n’ai pas besoin de mot pour lui faire comprendre ce que je ressens pour lui. J’entoure sa nuque de mes bras et la lumière se manifeste, reliant nos âmes : nous ne faisons plus qu’un. Je peux ressentir ses sentiments et je sais qu’il ressent les miens. Notre amour mutuel nous transcende dans un tourbillon d’émotions intenses.
À cet instant précis, nous savons tous les deux que nous sommes destinés l’un à l’autre et que personne ne pourra défaire ce lien d’amour indéfectible qui nous relis. Nos lèvres se retrouvent avec envie et nous nous abandonnons à un long baiser langoureux. Mon Bien-aimé me fait basculer sur la couchette, m’arrachant un rire, avant de s’allonger à mes côtés tout en venant reconquérir ma bouche.
- Hum hum… intervient subitement une voix.
Nous nous redressons tous les deux, surpris et aussi rouge que des pivoines. Anduin racle sa gorge comme il a l’habitude de faire quand il est gêné. Malgré tout, nous ne pouvons-nous empêcher d’échanger des regards complices. L’homme face à nous est un Gilnéen, un soldat de Grisetête.
- Je suis désolé de vous déranger princesse, mais votre père aimerait vous voir immédiatement.
J’acquiesce et l’intrus quitte notre tipi, je me relève attrape Ellemayne lorsqu’Anduin m’attrape par le poignet pantois.
- Princesse ? Ton père ? Je croyais qu’il était mort sur Utrion… Une explication mon amour ?
- Mon père est bien mort sur Utrion, il parlait de Grisetête.
- De Genn ? rétorque-t-il dans l’incompréhension.
- Eh bien, je suis la princesse et l’héritière de Gilnéas, Genn et Mia m’ont adoptée…
- Pardon ? C’est une plaisanterie !?
- Non, ce n’en est pas une, je suis très sérieuse.
- Grisetête, ne t’as jamais porté dans son cœur, il a toujours été méfiant et rude avec toi. C’est purement politique en le connaissant, j’ai refusé la main de sa fille, préférant écouter mon cœur en te choisissant toi, il a changé ses plans pendant mon absence.
- Bien sûr que c’est politique, il a été franc avec moi sur ses intentions. Tu te trompes sur une chose, peut-être qu’il a été longtemps froid avec moi, mais il a changé. Il est devenu bien plus doux et bienveillant, lui et sa femme mon été d’un grand soutien. En m’adoptant, ils m’ont offert une famille, un foyer. Pendant que tu étais à la guerre, c’est le couple Grisetête, qui a essuyé ma fièvre, qui m’a réconforté et protégé. Tu le sais mieux que personne : sous ses air bourru, Genn est un homme bon et il tient autant à toi qu’à moi.
- Je ne savais pas, je suis désolé ne pas avoir été là quand tu en avais besoin, ça me ronge… Je sais que Genn est un homme de bien, mais il reste un politicien avec des ambitions, ça m’inquiète d’apprendre ça sur le tas, je reste le roi, j’avais le droit de savoir.
- Tu as raison, tu étais en droit de savoir, je ne voulais pas te l’apprendre de cette manière. J’avais mes raisons et j’ai pesé le pour et le contre avant accepter. Tu m’en veux ? Demandé-je inquiète.
Il reste silencieux un moment puis s’avance vers moi et me serre dans ses bras. Son baiser m’arrache un sourire qu’il me rend bien. Nous sortons tous les deux pour rejoindre le vieux loup.
Lorsque j’aperçois Thrall et Yaedrel discuter, je fais un petit détour avant d’aller voir mon père adoptif. J’accoure vers eux suivit de près d’Anduin qui ne compte pas me lâcher de sitôt, pour mon plus grand bonheur. J’enlace alors mon vieil ami.
- Vous allez bien Yaedrel, vous n’êtes pas blessé ?
- Tout va bien Lynawen. Mon roi, dit-il d’un air solennel.
- Et vous Thrall, vous allez bien ?
- Je vais bien jeune fille et merci à vous Anduin d’être venu à notre aide.
- Je n’ai rien fait, c’est ma fiancée qu’il faut remercier, rétorque mon aimé avec le sourire.
- Thrall puis-je vous poser une question ?
- Bien sûr, je vous écoute.
- Votre ami, celui qui porte un masque, savez-vous où je peux le trouver ? Je ne l’ai pas revu depuis l’attaque des zeppelins et c’est vraiment très important…
- Il est n’est pas venu vous voir ? S’étonne Yaedrel.
- Non… Comment vous savez pour lui ? Demandé-je confuse.
- C’était lui ma mission. Enchaîne le Draenei.
Je me sens tout à coup perdue, ne comprenant pas la tournure que prend cette conversation. Yaedrel connait l’homme au masque, c’était sa mission ? Celle que le seigneur-régent lui avait confié ? Alors Thrall est aussi dans le coup ? Je me tourne vers l’orc en quête de réponses.
- Qu’est-ce que ça veut dire Thrall ? Interroge Yaedrel. Nous devions les réunir.
- De quoi parle-t-il mon amour ? Qui est cet homme ? S’interroge Anduin.
- Je ne sais pas… Je ne suis pas sûre, c’est pour ça que je le cherche…
Devant ma détresse Thrall ne peux plus se murer dans le silence, il s’avance vers moi et prends doucement ma main avant d'y remettre quelque chose.
- Il est n’est plus au Pitons-du-tonnerre, je l’ai supplié de venir à vous, mais il m’a dit que vous voir en bonne santé et en sécurité lui suffisait. Qu’il devait terminer quelque chose… Il ne voulait pas qu’on vous dise qu’il était encore vie que c’était mieux que vous le pensiez mort. Je ne peux pas me résoudre à mentir vous aviez le droit de savoir. C’est pour ça que je vous donne ceci : il l’a oublié en partant…
Après ça l’orc et Yaedrel me laissent seule avec Anduin. J’ouvre ma main pour examiner l’objet qu’il m’a donné et dès que je pose les yeux dessus. Je le reconnais instantanément, ce médaillon en argent gravé d’une flèche brisée : l’emblème de ma maison.
Ma main tremble alors que je m’apprête à l’ouvrir. À l’intérieur sur une des faces, le portrait de mes parents et sur l’autre c’était une peinture de moi étant enfant.
Je mets ma main sur ma bouche et les larmes commencent à noyer mes yeux, je ne peux les retenir plus longtemps.
- Mon amour qu’est-ce qu’il y a ? Dit-il chagriné de me voir ainsi.
- Mon oncle, il est vivant…
Je me jette dans les bras de mon bien aimé, déchirée entre plusieurs sentiments la joie de le savoir en vie et le chagrin mélangé à la colère : il est ici et il m’a volontairement abandonnée…
Encore merci à theforestspirit pour la correction. :)