Le Jour Où tu as Guéri mon Âme
Chapitre 8 : Emma - Une Invitation Inattendue
2212 mots, Catégorie: G
Dernière mise à jour 14/09/2024 16:27
Kit louait un petit appartement à proximité du King Arthur Pub, ce qui lui permettait de rentrer facilement chez-elle après ses heures de travail. La jeune étudiante était plongée dans ses cours de littérature, essayant de se concentrer. Elle était en train de lire « Madame Bovary » de Gustave Flaubert, écrivain reconnu pour la profondeur émotionnelle de ses personnages et sa critique acerbe de la société de son époque. Mais, ses pensées revenaient sans cesse vers Emma. Son téléphone, posé sur la table, se mit à vibrer.
D’un bref coup d’œil à l’écran, elle vit le nom d’Emma s’afficher. Son cœur fit un bond dans sa poitrine. Elle prit une profonde inspiration avant de répondre.
— Allô, dit-elle, essayant de garder sa voix calme.
— Salut, toi, comment vas-tu ? demanda Emma sur un ton enjoué.
— Je vais bien, merci, et toi ?
— Super, merci. Je me demandais si tu étais libre ce dimanche. J’ai une idée pour une sortie.
— Ah oui, quel genre de sortie ?
— C’est une surprise, répondit Emma avec un sourire dans sa voix. Mais je peux te promettre que ça te plaira. Alors, tu es partante ?
— D’accord, je suis partante.
— Super, je passe te prendre dimanche matin vers dix heures. Donne-moi ton adresse.
— Je vis près du pub, rue de la Monnaie.
— Parfait. J’ai hâte, murmura Emma avant d’ajouter, habille-toi confortablement. À dimanche.
— À dimanche, Emma, répondit Kit, sentant une vague de chaleur l’envahir.
Après avoir raccroché, elle resta un moment à fixer son téléphone, se demandant ce qu’Emma avait bien pu prévoir. L’idée de passer une journée entière avec elle la remplissait à la fois d’excitation et d’anxiété.
*******
Dimanche matin, Kit était prête bien avant l’heure prévue, son appartement baigné par un soleil printanier. Elle avait opté pour une tenue simple et confortable, tel qu’Emma l’avait suggéré : un jean, un pull léger et des baskets blanches. Elle ne savait pas trop à quoi s’attendre, mais la curiosité et l’inquiétude l’avaient tenue éveillée une bonne partie de la nuit.
Dix heures pétantes, le bruit d’un moteur de voiture attira son attention. Se dirigeant vers la fenêtre, elle se pencha légèrement pour voir une fiat 500 couleur crème se garer devant son immeuble.
Kit descendit l’escalier. Lorsqu’elle sortit, Emma l’attendait, appuyée contre le véhicule, un large sourire aux lèvres. Elle portait un jean ajusté, qui mettait en valeur ses longues jambes et son allure décontractée mais élégante. Sa tenue simple était enrichie par un haut noir à manches trois-quart, légèrement ample qui glissait subtilement sur ses épaules. Ses longs cheveux châtains, ébouriffés par la brise matinale, encadraient son visage lumineux. Ses lunettes de soleil, posées nonchalamment sur la tête, complétaient son look d’artiste insouciante.
Elle observait les rues d’un air détendu, un main glissée dans la poche arrière de son jean, l’autre reposant sur le toit de son véhicule. Ses prunelles brillaient d’une excitation, attendant de voir la réaction de son amie à la surprise qu’elle avait soigneusement préparée.
— Salut ! dit-elle en regardant Kit de haut en bas. Parfait ! Tu es exactement comme je l’avais imaginé, simple mais magnifique.
Cette dernière rougit légèrement, baissant les yeux avant de répondre timidement.
— Merci. Alors, on va où ?
Emma ouvrit la portière côté passager.
— Monte, et tu verras.
Kit s’installa dans la fiat 500, intriguée, mais heureuse de passer cette journée. Tandis qu’elles quittaient la rue de la Monnaie, une douce musique italienne se répandait dans l’habitacle.
Elles roulèrent à travers la ville pendant une bonne vingtaine de minutes et s’éloignèrent du centre.
— J’espère que tu aimes les espaces un peu plus calme, dit Emma avec un clin d’œil.
— Oui, j’adore. Tu m’emmènes à la campagne ?
— Pas exactement.
Elles arrivèrent au Jardin Botanique du Parc de la Tête d’Or. L’un des endroits les plus magnifiques de Lyon, calme et agréable durant le mois de mars, non encore envahi par les foules estivales. Le vaste espace de verdure était un havre de paix, idéal pour s’évader du brouhaha de la ville. Les serres, les jardins exotiques et le lac promettaient un climat relaxant et intime.
— Je nous ai préparé un petit pique nique, Emma sortit du coffre un panier en osier face à une Kit silencieuse. Elle avait tout prévu.
— Tu as pensé à tout, on dirait.
— Je suis une fille organisée, enfin, cela dépend. Tiens prends ça. Elle lui tendit une couverture ainsi qu’une petite glacière. Allons nous installer près du lac.
Les deux jeunes femmes se dirigèrent vers un coin plus isolé du parc, au pied d’un grand arbre qui bordait l’étendue d’eau. L’endroit était parfait, tranquille avec quelques joggeurs qui passaient par-ci, par-là. Emma étendit la couverture sur l’herbe et invita Kit à s’asseoir.
Tandis qu’elle déballait le pique-nique : des sandwichs, des fruits, et du fromage, Kit ouvrit la bouteille de vin blanc soigneusement rafraîchie par la petite glacière.
Pendant qu’elles déjeunaient, Emma racontait des anecdotes sur ses journées à l’école des Beaux Arts. Quant à Kit, elle lui faisait part de ses lectures et des auteurs, autrices qui l’inspiraient.
Puis, au détour de leur conversation, Emma se mit à la taquiner avec un sourire espiègle.
— Tu sais, je t’imagine bien dans l’un de mes tableaux. Ton regard rêveur, tes lèvres qui se pincent légèrement lorsque tu réfléchis, elle se pencha doucement vers Kit, rapprochant leur visage. Qui sait, peut-être que je te proposai de poser pour moi un de ces jours… Mais je te préviens, je ne suis pas toujours très sage en pleine création.
La jeune femme sentit le rouge lui monter aux joues et détourna le regard face à ces sous-entendus.
— J’adore ce petit air embarrassé qui te saisit lorsque tu te sens gênée. Kit la timide, s’exclama Emma.
— Je ne suis pas timide. Je suis juste… Tu es toujours aussi audacieuse ?
— Avec toi ? Je n’ai pas encore commencé, répondit Emma d’une voix plus basse, ses prunelles capturant celles de son interlocutrice. Mais si tu veux, je peux te montrer à quel point je peux être sérieuse… et plus encore.
Emma s’allongea sur la couverture, les bras derrière la tête, savourant le silence qui s’installait, un sourire aux lèvres. À ses côtés, Kit attrapa une brindille qu’elle mordilla machinalement avant de s’allonger à son tour, le regard perdu dans le ciel. La brise printanière caressait doucement leur peau, tout en faisant bruisser les feuilles au dessus de leurs têtes. Tout semblait parfait presque irréel aux yeux de Kit.
Elles restèrent ainsi, se laissant bercer par le chant de la nature et la douceur de cet instant, leurs pensées vagabondes. Puis, Emma se releva et sortit un carnet de croquis de son sac à dos.
— J’ai envie de te dessiner, dit-elle avec tendresse. Tu veux bien ?
La jeune fille acquiesça d’un hochement de la tête. Le regard de l’artiste peintre, passait de son carnet à Kit, reproduisant chaque détail de son visage.
— Tu es magnifique, chuchota Emma, ses doigts traçant des lignes sur sa feuille de dessin.
Kit avait bien du mal à cacher son embarras. Les mots d’Emma la désarmaient. Ses mains jouaient nerveusement avec le coin de la couverture.
— C’est étrange de se sentir observée de cette façon.
Emma leva légèrement les yeux de son croquis, un sourire amusé flottait sur ses lèvres.
— Oh, mais j’adore t’observer.
Doucement, elle se pencha un peu plus vers Kit, jusqu’à ce que leurs lèvres ne soient plus qu’à quelques millimètres l’une de l’autre, sans entrer en contact. Ses iris bruns capturaient ceux de la jeune femme, la troublant profondément.
— Tu m’intrigues, Kit, la voix d’Emma n’était qu’un murmure. Je veux en savoir plus sur toi, la barmaid mystérieuse, elle marqua une légère pause son détourner son regard. Tu n’as pas besoin de faire semblant ou de te cacher. Je veux te vois telle que tu es.
Le cœur de Kit s’emballa sous l’effet de cette proximité et des paroles directes d’Emma. Elle se sentait déstabilisée, ne s’attendant pas à cette franchise, mais elle devait admettre qu’elle appréciait cette qualité.
— Tu n’as pas peur de dire ce que tu penses, hein ? demanda Kit, sa voix légèrement tremblante.
— Pas vraiment, répondit Emma en haussant les épaules. La vie est trop courte pour ne pas oser, tu ne crois pas ? elle effleura le nez de Kit de bout de son index, avant de se relever.
Le soleil commençait à se coucher, cédant sa place à la fraîcheur de la nuit tombante. Toutes deux se levèrent, et rangèrent les affaires. Sans un mot, Emma prit la main de Kit et marchèrent lentement vers la voiture. Surprise par ce geste inattendu, elle sentit un frisson la parcourir de toute part, et se figea un court instant. Mais, au lieu de se dérober, Kit se laissa faire et accepta ce doux contact contre sa paume.
Le trajet du retour était chargé de tendresse. Emma rompit soudain le calme en se tournant vers sa voisine.
— J’ai passé un moment fort agréable en ta compagnie.
— Moi aussi.
— Dis-moi, t’arrive-t-il de prononcer plus que deux mots, Kit la timide ? la taquina Emma.
La jeune femme haussa les sourcils, visiblement prise de court. Elle se mordilla la lèvre, pesant soigneusement ses mots avant de répondre.
— Je sais me lâcher quand il le faut.
Un éclat amusé traversa les yeux de l’artiste peintre. Elle laissa échapper un rire léger, presque incrédule.
— Ah oui ? Je serais curieuse de voir ça.
Kit se doutait bien qu’Emma ne lâcherait pas prise. Elle resta silencieuse jusqu’à ce qu’elles furent arrivées devant son appartement. Alors qu’elle s’apprêtait à quitter le véhicule, Emma l’attrapa tendrement par le bras.
— Quels sont tes jours de repos ? elle plongea son regard dans celui de Kit.
— Lundi, mardi et dimanche, rétorqua-t-elle, se demandant où Emma voulait bien en venir.
La jeune femme fit mine de réfléchir avant de poursuivre.
— Ça tombe bien. Je te propose de nous retrouver dimanche prochain dans un endroit plus… intime. Une soirée chez-moi. Je te montrerai mon atelier et mes œuvres. Et, peut-être qu’on pourra en créer une ensemble. Je suis sûre que je pourrai capturer sur toile ton esprit réservé.
Décontenancée par cette proposition qu’elle n’avait pas prévue si rapide, Kit chercha ses mots. Une partie d’elle voulait se défiler, fidèle à sa nature prudente, mais une autre se sentait terriblement attirée par cette femme si différente d’elle.
— Euh… je ne sais pas si…
Emma ne lui laissa pas le temps de finir sa phrase.
— Prouve-moi que tu sais t’amuser, Kit, ajouta-t-elle avec un sourire audacieux.
Coincée, la jeune femme ne savait comment répondre à cette provocation directe. Elle soupira discrètement, et accepta de relever le défit.
— D’accord, murmura-t-elle, avec une pointe de nervosité mais aussi d’envie.
— Parfait, je te montrerai comment on peut être créatif avec ou sans pinceaux, la défia-t-elle, tout en lui faisant un petit clin d’œil.
Kit esquissa un sourire timide, perdue entre son envie de fuir et l’attirance irrésistible qu’elle ressentait. Juste avant de la laisser partir, Emma se pencha et déposa un tendre baiser sur sa joue. Une vague brûlante se diffusa instantanément sur sa peau. Cette douce chaleur se répandit dans tout son épiderme, laissant une sensation à la fois troublante et enivrante.
De retour chez-elle, Kit se sentait transformée par cette journée. La relation avec Emma prenait une nouvelle tournure. Peut-être, enfin, pourrait-elle se sentir aimée. À ses côtés, ce sentiment d’abandon ancré au tréfonds de son âme et causé par l’absence de son père, semblait doucement s’effacer.
De son côté, Emma, le cœur léger, savait qu’elle devait faire preuve de patience et de finesse, si elle ne voulait pas chambouler cette relation naissance. Elle devait comprendre les blessures profondes qui avaient poussé Kit à ériger ce mur de réserve autour d’elle.