Le Jour Où tu as Guéri mon Âme

Quelques jours après sa soirée d’anniversaire, Emma décida de retourner au pub. Elle souhaitait se détendre après une journée de cours éprouvante, mais au fond d’elle-même, elle espérait secrètement revoir Kit. Quelque chose chez cette barmaid l’avait immédiatement attirée. Bien qu’elle n’était pas du genre à fréquenter les bars seule, elle ne put s’empêcher de revenir, poussée par un désir tenace de découvrir les mystères qui entouraient la jeune femme, derrière son apparence discrète et réservée.

Emma poussa la porte du King Arthur Pub, quelque peu nerveuse, mais décidée. Ses yeux scrutèrent rapidement la salle, cherchant la barmaid. Elle se dirigea vers le comptoir en bois massif, usé par le temps. Le pub anglais, niché dans les rues pavées du Vieux Lyon, à proximité de la Presqu’île, offrait en semaine, une ambiance bien différente de celles des soirées animées des week-ends. Les lumières tamisées mettaient en valeur les murs en pierre, typique de la région lyonnaise, créant ainsi une atmosphère chaleureuse, tandis qu’une douce musique anglaise se diffusait en fond sonore. Il n’était que dix-huit heures, et l’endroit était encore baigné dans une tranquillité qui précédait l’effervescence nocturne des étudiants et des habitués.

Emma prit place sur un tabouret. Ses mains caressaient discrètement le comptoir, ses pensées déjà tournées vers Kit. Tout en ce lieu, de l’odeur boisée du mobilier à la lumière diffuse, l’encourageait à attendre et à voir où cela la mènerait.

Le King Arthur était réputé pour ses cocktails et ses bières artisanales. L’ambiance traditionnelle du pub, avec ses notes médiévales, renforçait l’idée qu’il pouvait être propice à des rencontres inattendues.

Occupée à servir le peu de clients présents, Kit finit par apercevoir la jeune femme. Un frémissement imperceptible la parcourut, mais elle garda son professionnalisme, et se dirigea vers elle avec un sourire réservé dans le but de prendre sa commande.

— Salut ! Qu’est ce que je te sers ? demanda-t-elle, nerveusement.

— Salut ! Je prendrais bien un martini rosé, répondit Emma avec assurance, son regard se verrouillant sur celui de la jeune femme.

Kit prit un moment pour préparer la boisson. Elle essayait de maîtriser sa nervosité. Elle sentait les yeux d’Emma fixaient sur elle, et malgré ses efforts pour rester indifférente, une légère rougeur lui monta aux joues. Une fois la boisson prête, elle la posa délicatement devant son interlocutrice.

Fidèle à son caractère spontané et espiègle, Emma la taquina immédiatement.

— J’espère que ce n’est pas juste moi qui fais une mauvaise impression, à moins que tu sois toujours aussi taciturne ? dit-elle avec un sourire en coin.

Surprise par cette approche directe, Kit préféra rester silencieuse, et se contenta de lui servir sa boisson. Toutefois, ce silence ne sembla pas troubler Emma, bien décidée à ne pas abandonner si facilement.

— Tu sais, je ne mords pas, dit-elle en souriant. Enfin pas toujours, ironisa-t-elle avec une lueur espiègle dans les yeux.

Kit ne put s’empêcher de rire légèrement.

— Je suis plutôt du genre réservée, admit-elle finalement.

— Timide, hein ? Eh, bien, je suis tout le contraire, répliqua la jeune femme en levant son verre. À la tienne, Kit. Tu ne trinques pas avec moi ?

— Je n’ai pas le droit.

— On trinquera plus tard, alors. Et… Qu’est ce que tu fais quand tu ne sers pas tes martini rosés ou tes bons cocktails d’anniversaire ?

Kit hésita un moment, pesant le pour et le contre, puis décida de se laisser aller.

— Je suis étudiante en littérature à l’Université Jean Moulin Lyon 3. Et toi ?

— Je suis à l’École Nationale Supérieure des Beaux-Arts

— Oh ! Une artiste ? Dans quel domaine ?

— La peinture depuis mon plus jeune âge. Qu’est ce qui te passionne dans la littérature ? demanda Emma, intéressée.

— J’aime les histoires, les personnages, les émotions qu’elles peuvent susciter. C’est comme ouvrir une fenêtre vers d’autres univers.

Emma hocha la tête, fascinée.

— C’est beau. Peut-être qu’un jour je pourrais peindre l’une de tes histoires, dit-elle avec un sourire, portant à nouveau son verre à ses lèvres. À nos passions, alors.

— À nos passions, répéta Kit, touchée par l’intensité de leur échange.

Les deux femmes continuèrent à discuter, se découvrant mutuellement à travers leurs points communs et leurs différences. Le temps fila sans qu’elles ne s’en aperçoivent. Lorsqu’Emma jeta un œil à l’heure du bar, il était déjà vingt-deux heures. L’heure de fermeture en semaine.

— Tu veux aller marcher un peu ? proposa-t-elle.

Après avoir brièvement hésité, Kit accepta. Une fois le pub rangé et nettoyé, elle suivit Emma. Elles marchèrent le long des quais de la Saône, profitant de la douceur de cette nuit printanière. Les lumières de la ville qui se reflétaient sur l’eau, créaient une ambiance presque féerique. .

— J’aime beaucoup cette ville, dit Emma en regardant les bâtiments illuminés.

— Moi aussi, le regard de Kit se perdait dans les reflets dorés de l’eau.

Les deux jeunes femmes continuèrent de marcher, chacune perdue dans leurs pensées respectives, mais bien consciente de la présence de l’autre à ses côtés. L’atmosphère était paisible et intime. La ville leur offrait un moment hors du temps.

Emma s’arrêta et se tourna vers Kit, un sourire taquin sur les lèvres.

— C’était une soirée bien sympa. Je pense que l’on pourrait continuer notre conversation une autre fois, dans un autre endroit, dit-elle, une lueur malicieuse dans le regard. Qu’en penses-tu ?

Kit se surprit à sourire, transportée par la spontanéité d’Emma. En croisant ses yeux, elle y trouva une sincérité et une envie de prolonger ce moment partagé.

— Je suis partante, dit-elle doucement.

Ravie de cette réponse, Emma se rapprocha lentement, sans ne jamais briser la douceur du moment.

— On échange nos numéros. Je t’appellerai.

Kit acquiesça et sortit son téléphone.

— À très vite, alors, murmura Emma, ses paroles remplies de promesse.

Le cœur de Kit battait un peu plus vite que d’habitude. Tandis qu’elles se séparaient, chacune repartant dans une direction différente, elle ne put s’empêcher de jeter un dernier coup d’œil à la jeune femme. De son côté, Emma marchait avec légèreté, souriante. Une nouvelle histoire commençait, et elle avait bien l’intention de la vivre pleinement.