Willow

Chapitre 20 : Nockmaar

2096 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 23/11/2024 11:40


Le voyage en direction des montagnes noires était rude. Les chemins n’étaient que des rochers tranchants, et l’atmosphère devenait de plus en plus froid et sinistre. Les collines se dressaient, menaçantes, surplombées d’une brume épaisse, rendant l’air quasi irrespirable. Le groupe se perdait peu à peu dans ce brouillard lugubre, tandis que l’ombre macabre de Nockmaar apparaissait à l’horizon.

— Nous devons rester vigilants, murmura Boorman, connaissant les dangers qu’ils allaient affronter.

Tous hochèrent la tête, un frisson leur parcourut l’échine. Airk ne pouvait se concentrer que sur une seule chose : la puissance de Bavmorda qu’il ressentait s’insinuer dans ses veines au fur et à mesure qu’il s’approchait de la forteresse maudite. Sa grand-mère avait terrorisé des générations entières et, d’une manière ou d’une autre, son esprit était encore présent.

Ils continuaient d’avancer, silencieux, tendus et non rassurés, pour seuls sons, le crissement du vent. Les montagnes noires étaient un paysage de désolation, où la végétation n’était plus. Les rochers avaient été corrompus par la magie interdite. La terre avait été rendue stérile. Pas un brin d’herbe ou de fleurs, pas une once de vie ne subsistaient, juste une dévastation sans fin.

Après des heures d’une marche épuisante, s’étendait devant eux, imposante et terrifiante, la forteresse de Nockmaar, dont la brume donnait l’impression que le château était en mouvement, attendant ses proies. Malgré son abandon depuis des lunes, une présence néfaste persistait en ce lieu damné.

Airk, Mims, Boorman et les trois chevaliers, en dépit de leur bravoure, ressentirent un frisson glacial les traverser. Rien à voir avec le froideur du vent des montagnes. Nockmaar était l’incarnation même de la démence de Bavmoda, un endroit où le mal avait pris racine. Les portes titanesques étaient gravées de symboles pnakotics.

Airk prit une profonde inspiration, rassemblant tout son courage. Il savait ce qu’il allait combattre, mais la vie de sa sœur dépendait de la réussite de cette mission.

— Allons-y, souffla-t-il.

Tous mirent pied à terre. Alors qu’ils s’apprêtaient à franchir le seuil, le jeune prince sentit une présence austère à ses côtés, sa vision se brouilla. Il se retrouva projeté dans un tourbillon infernal qui l’entraîna à l’intérieur du château, à l’époque où Bavmorda gouvernait. L’odeur du sang et de la magie noire, les chants des incantations des rituels interdits, envahissaient son esprit. Il voyait sa grand-mère dans toute sa gloire maléfique. Elle leva les yeux, et pour la première fois, Airk croisa son regard, reflet de cette âme corrompue, avide de pouvoir.

— Tu ne pourras la sauver, mon cher petit-fils. Elle m’appartient déjà. La peur coule dans tes veines, tout comme elle a coulé dans le sang de ton grand-père. Tu lui ressembles tant. Tu ne possèdes ni le courage, ni la force de ton père.

Airk était incapable d’effectuer le moindre mouvement. La sorcière lui montra des images de Tir Asleen en feu, de sa mère morte au combat au milieu de ses chevaliers, des royaumes en ruines, des peuples à genoux. Puis, elle lui montra sa sœur, transpercée d’une lame tenue fermement par une ombre, cette maudite ombre dont il ne pouvait distinguer le visage.

— Son destin est lié au mien, mon enfant, quoi que tu fasses, Bavmorda ricana d’un rire sadique.

— NON ! s’écria le jeune homme avant de s’écrouler à genoux, tout en sueur et tremblant de terreur, hanté par les paroles et le rire de sa grand-mère.

Boorman se précipita vers lui, l’aidant à se relever.

— Airk, ne te laisse pas submerger par les visions de ce lieu maudit.

Alors que Boorman le remettait debout, le jeune prince cachait ses angoisses aux yeux de tous afin de ne pas paraître faible. Le visage horrifique de sa grand-mère le dévoraient de l’intérieur. Il serra ses poings afin de chasser la vision de sa sœur, inerte. Il fixa les portes sombres et s’adressa à ses compagnons.

— Ne vous laissez-pas envahir par vos peurs ! Ne nous séparons pas !

Tous échangèrent des regards, cherchant force et encouragement en chacun. Ils resserrèrent leurs prises sur leurs armes, prêts à affronter les ténèbres de Nockmaar.

Le groupe franchit l’entrée. Une odeur suffocante de pourriture et de magie ancienne s’infiltra dans leurs narines. Le château était plongé dans une semi-obscurité. Les murs de pierres rongés par des années de maléfices, imprégnés d’écritures pnakotics, des chaînes rouillées pendaient au plafond et sur le sol, attestant de la barbarie de Bavmorda.

— Cet endroit est maudit. Il respire la mort, murmura Mims, l’intonation de sa voix trahissait ses peurs.

Boorman avait perdu son sourire et ses moqueries habituelles, revivre ces instants le pétrifiait. Il s’adressa à ses compagnons d’un air grave.

— Quoi que vous voyiez, ou entendiez, ne vous y fiez pas. Ne montrez pas vos peurs, ni vos angoisses.

— J’ai l’impression que quelque chose nous observe, répondit Mims. Finalement, mieux vaut subir les sarcasmes de la guerrière rouge, que d’être ici, ajouta-t-elle.

Les chevaliers, en retrait, gardaient leurs mains sur la garde de leurs épées, prêts à intervenir, luttant contre leurs craintes. Soudain, dans ce silence épouvantable, un craquement se fit entendre. Mims sursauta et s’agrippa instinctivement au bras d’Airk.

— Qu’est ce que c’était ? demanda-t-elle.

— Ce… ce n’est sûrement rien, juste… un vieux mur qui s’effrite, répondit Airk, essayant de garder son sang froid.

La Nelwyn réalisa soudainement son geste et retira rapidement sa main, ses joues s’empourprèrent légèrement. Elle baissa les yeux, embarrassée par cette démonstration involontaire.

— Désolée, murmura-t-elle, évitant le regard du prince.

Bien que concentré sur leur mission, le jeune homme ne put s’empêcher de ressentir, à ce contact, une émotion inattendue.

— Ce n’est rien, nous sommes tous un peu tendus, répondit-il.

— Vous sentez ça ? questionna l’un des chevaliers.

Tous se retournèrent vers lui, le regard inquiet, attendant.

— Ce… ce château est vivant. Il nous guette, poursuivit-il, incapable de dissimuler son affolement.

Une vision s’empara de nouveau du jeune prince : sa grand-mère affichant un sourire machiavélique.

— Elle est là, murmura-t-il à lui-même, son cœur s’arrachait dans sa poitrine. Ne nous éloignons pas de notre objectif. Nous devons trouver la Malatrium.

À l’entente de ce nom damné, Boorman ne put contenir sa colère.

— Le Malatrium ! Mais tu es devenu complètement fou ! Ce manuscrit est maudit ! Tu veux faire la même erreur que Willow et Elora !

— Il me faut absolument ce grimoire, avec ou sans ton aide !

— Mais c’est insensé ! Boorman se ravisa. Attends une minute… c’est pour cela que tu nous as tous menés ici, à risquer nos vies ?!

Airk s’emporta contre son ami ne contrôlant plus sa rage.

— C’est le seul moyen de LA sauver !!!

— Sauver qui ?!

Un lourd silence retomba, effroyable avant que Mims ne réponde à la place du jeune prince.

— La princesse.

Boorman ne put cacher sa stupéfaction devant cette révélation.

— Explique-toi, Airk.

— Je… depuis mon retour d’Immemorial City, toutes les nuits je suis hanté par cet affreux cauchemar dans lequel je vois ma sœur... morte.

— Es-tu crois que ce maudit bouquin…

— Grimoire, le coupa Mims

— Oui, grimoire, peu importe, va t’aider à la sauver ?

— Le Malatrium est lié à ma grand-mère, donc lié à Kit, à moi… Si c’est l’unique solution pour sauver ma sœur, je prendrai ce risque. Soit tu me suis, soit tu quittes cette forteresse, mais j’irai jusqu’au bout.

Il se retourna vers les chevaliers et s’adressa à eux sur un ton autoritaire.

— il en est de même pour vous, et pour toi Mims.

— Mon Prince, je vous ai donné ma parole de Nelwyn, je ne reviendrai pas là-dessus.

Le jeune homme acquiesça d’un hochement de tête, attendant la réponse de ses autres compagnons.

— J’ai promis de veiller sur toi, céda Boorman.

Les trois chevaliers firent allégeance à leur souverain.

— Bien, discussion close. Avançons et trouvons ce maudit grimoire.

Airk menait le groupe prudemment dans les couloirs sombres de Nockmaar. Soudain, un murmure à peine audible, semblant venir de partout et de nulle part, s’insinua dans l’esprit des chevaliers.

— Vous entendez ça ? demanda l’un d’eux, apeuré.

— Oui, répondit un autre, ses yeux scrutant les parois sombres avec méfiance.

— Je n’entends rien, rétorqua Boorman se tournant vers Mims et Airk qui confirmèrent ses dirent.

Mais les murmures continuaient, de plus en plus insistants et violents, se faufilant dans les esprits. Rapidement, les chevaliers commencèrent à se regarder avec suspicions, leurs mains serrées sur la garde de leurs lames.

— Tu n’es qu’un sale traite ! cracha l’un d’eux. Tu m’espionnes et veux ma chute !

— Non, c’est toi le traite ! répliqua un autre, les yeux écarquillés par la rage. Tu complotes dans l’ombre !

Le troisième restait silencieux, mais son regard infecté par la haine oscillait entre ses deux compagnons.

Les chevaliers s’invectivaient les uns les autres, comme possédés par une démence invisible. Leurs yeux étaient devenus vides, leurs paroles dénuées de sens. Ils se rapprochèrent, leurs épées levées.

— Qu’est-ce… ? interrogea Airk en se retournant.

— Arrêtez ! hurla Mims, vous êtes des frères d’armes !

Mais les murmures étaient bien trop puissants, ces voix sinistres qui attisaient leurs peurs les plus profondes. Le premier chevalier tira son épée.

— Je ne te laisserai pas nous trahir ! rugit-il en se jetant sur l’un de ses compagnons.

Leurs lames s’entrechoquèrent dans un vacarme, fusionnant avec leurs cris de démence. Leurs attaques étaient brutales. Chacun frappait, le visage déformé par un rictus de haine.

Airk, Mims et Boorman observaient la scène avec horreur, devant cette folie meurtrière.

— Nous devons les arrêter ! s’exclama Mims.

— Nous ne pouvons rien faire, ce n’est plus eux… Nockmaar les a déjà pris, rétorqua Boorman devant cette bataille sanglante qui se déroulait sous leurs yeux, impuissants.

Les chevaliers s’acharnaient les uns contre les autres, leur folie s’était emparée de leurs esprits, leurs gestes étaient de plus en plus désordonnés et violents. Le sol devenait une mare rougeâtre alors que le premier chevalier transperçait son compagnon, recevant à son tour un coup mortel à la gorge. Le dernier survivant regardait les corps ensanglantés, une expression de démence dans ses prunelles.

— Je savais… je savais que c’étaient des traites, murmura-t-il le souffle saccadé.

Ses iris vides se retournèrent vers Mims.

— Et toi… Tu agis pour eux !

La Nelwyn recula d’un pas, effrayée.

Le chevalier, dans un dernier élan de folie, brandit son épée et se rua vers elle, hurlant comme une bête.

— Non !!! cria Airk, se jetant devant Mims pour la protéger.

L’homme, possédé par la démence de Nockmaar, abattit sa lame avec une furie incontrôlable, mais Airk para le coup. Le choc résonna dans le silence lugubre du château. Le chevalier, devenu un pantin de folie, attaqua de nouveau. Poussé par un instinct de protection, le jeune prince riposta, n’ayant d’autre choix que de transpercer de sa lame le torse de son assaillant. Ce dernier s’effondra au sol, toujours submergé par cette aliénation.

Le silence retomba, pesant et glacial.

Boorman posa une main sur l’épaule du jeune prince, les yeux rivés vers le corps inerte.

— Nockmaar n’est pas seulement un lieu maudit, il s’attaque à l’esprit de tous ceux qui osent franchir son seuil.

— On… nous devons continuer, ordonna le jeune prince, détachant son regard de ce massacre démentiel.

— Espérons ne pas finir comme eux, marmonna Boorman.


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