Le Royaume des Rats

Chapitre 8 : Un regard neuf

8638 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 04/02/2021 00:35

Le Prince accompagna le diplomate et le Skaven Blanc jusqu’à la grille. Ils étaient attendus par un grand carrosse décoré aux armoiries de Vereinbarung, mené par deux magnifiques étalons racés. Un valet Humain tenait la porte du véhicule ouverte.

 

-         Mon ami, je propose de laisser vos hommes se reposer, après le trajet. Nous allons nous charger de votre sécurité et de votre confort. Toutefois, nous vous invitons à choisir deux de vos gardes pour qu’ils prennent place à bord, eux aussi.

 

Ainsi, le protocole est à peu près respecté, mais il reste une petite mesure pour me rassurer, songea l’Estalien. Très bien !

 

Clarin pivota vers son propre attelage où attendaient ses servants, et fit un geste en appelant deux noms. Les deux gardes montèrent sur le toit de la calèche.

 

Un Skaven plutôt jeune et richement vêtu s’approcha. Psody posa une main sur son épaule.

 

-         Mon fils aîné, Kristofferson, qui est aussi le premier Skaven né officiellement à la surface. Voici Maître Eusebio Clarin, qui vient de la Principauté de Sueño.

-         C’est un grand honneur de vous recevoir, répondit le jeune homme-rat avant de s’incliner.

-         Tout l’honneur est pour moi, jeune homme, répondit l’Humain.

-         Kit, tu vas conduire le carrosse jusqu’au temple de Verena, où nous déciderons de l’itinéraire qui plaira à Maître Clarin. Ensuite, tu nous mèneras partout où il souhaitera-demandera.

-         D’accord, Père.

 

Le grand Skaven brun s’installa prestement à la place du cocher. Clarin allait monter, lorsqu’il éprouva soudain une sensation désagréable. Un étrange reflet était apparu au coin de son champ de vision. Il eut le réflexe de lever la tête, et crut voir une fenêtre se fermer au dernier étage.

 

-         Quelque chose ne va pas, Maître Clarin ?

-         Eh bien… pendant un instant, j’ai eu l’impression d’être observé.

 

Le Skaven Blanc leva la tête à son tour, puis poussa un soupir en devinant où le diplomate regardait.

 

-         Ne vous en faites pas. Ce n’est pas une impression, mais ce n’est pas un danger, non plus.

-         Puis-je vous demander ce que c’est, alors ?

-         C’est mon plus jeune fils Gabriel. Cette fenêtre donne sur son atelier.

-         Vous pensez qu’il a juste voulu prendre l’air ?

-         Je crois plutôt qu’il se demande ce que vous faites là ?

-         Qu’il vienne donc me le demander, je me ferai un plaisir de lui répondre.

-         J’en suis sûr-certain, mais vous ne le verrez pas.

-         Il est malade ?

-         Non, mais il est affreusement timide. Il n’est à l’aise que devant sa planche à dessin.

-         C’est un artiste ?

-         D’une certaine façon. Il invente des machines plutôt incroyables.

 

L’Humain fronça les sourcils, songeur.

 

-         Je vous demande-prie de ne pas vous offusquer. C’est un gentil garçon, cependant il n’arrive pas à parler-communiquer avec les gens qu’il ne connaît pas. Tout le monde lui fait peur, surtout les adultes-adultes.

-         Il est si jeune ?

-         Pour un Humain, il aurait à peu près douze ans. Vous savez comment sont les enfants à cet âge-là. Lui, ça s’annonce pire.

-         Bien. Je comprends. J’espère pour lui qu’il gagnera en confiance.

-         C’est ce que nous espérons-souhaitons tous. Bien, montons !

 

L’Humain prit place à bord, suivi par le Skaven Blanc. Celui-ci allait fermer la porte de la calèche, lorsque Bianka arriva en courant.

 

-         Je dois aller au temple de Verena, moi aussi, je peux monter ?

 

Psody regarda l’ambassadeur d’un œil interrogateur. Celui-ci se tourna vers la jeune fille-rate.

 

-         Mais je vous en prie, mademoiselle. J’aurai le plaisir de profiter de votre compagnie !

 

Sans hésiter, la jeune fille monta dans le carrosse et s’assit à côté de son père. Kristofferson fit claquer le fouet, et l’attelage quitta la propriété.

 

Eusebio Clarin faisait face aux deux Skavens. Il constata avec une légère satisfaction qu’il s’habituait peu à peu à la présence des deux hommes-rats. Il regarda par la fenêtre, admira les maisons, s’étonna encore de voir des hommes et des femmes croiser des Skavens sans détaler.

 

La voix de la jeune fille le tira de ses pensées.

 

-         Maître Clarin ?

-         Oui, señorita ?

-         Sénio… quoi ?

-         Oh, c’est comme ça qu’on appelle une damoiselle en Estalie.

-         Ah. Il faudrait que j’apprenne à parler l’Estalien, un de ces jours.

-         C’est une langue à mi-chemin entre le Bretonnien et le Tiléen.

-         Je vois. Je… je voudrais vous remercier d’être si confiant envers nous. Vous êtes le premier Humain à faire preuve d’autant de sympathie à notre égard.

-         Mais pourtant, votre grand-père, tous ses sujets sont aussi Humains que moi, et pourtant ils n’ont pas l’air de vous regarder de travers.

-         Je voulais dire « un Humain de l’extérieur ». Tous les Humains qui ont suivi le Prince Ludwig le Premier sont volontaires. Tous savaient à quoi s’attendre en s’installant ici. Et donc, tous ceux que vous verrez ici ont laissé de côté leurs préjugés, dussent-ils être parfaitement justifiés. Ce n’est pas le cas des gens de l’extérieur. Enfin, jusqu’à votre arrivée.

-         Est-il déjà arrivé que des Humains soient venus, mais aient finalement quitté Vereinbarung ?

 

Bianka resta silencieuse. Elle se tourna vers Psody. Qui prit la parole.

 

-         Jusqu’à présent, nous n’avons pas encore eu à traiter ce genre de cas-affaire. Mais les mentalités peuvent changer. Nous arrivons à un stade où tous les Skavens de la première génération ont atteint l’âge adulte, et ont pleinement pris place dans notre société-société. D’enfants adoptés-chéris, ils sont devenus citoyens responsables. Or, il n’est pas dit que tout se passe en douceur. Déjà, nous vivons moins longtemps que vous, et cela nous pousse à vouloir faire les choses plus rapidement. Ensuite… je ne peux pas dire. Nous verrons bien !

-         Je vous souhaite que ça marche, Maître Steiner.

 

Le carrosse ralentit à l’approche d’un grand bâtiment. C’était une grande bâtisse austère, sans fioriture, à l’exception d’une grande enseigne de bronze représentant une balance fixée au-dessus des grandes portes d’entrée en bois. Le temple de la Déesse de la Justice avait des murs blancs, et les différents blocs étaient surmontés de toits en ardoise. Les fenêtres de la construction étaient étroites, sans la moindre coloration. Le faste n’était pas la principale caractéristique des Verenéens.

 

Les deux Skavens et l’Humain descendirent de la calèche pour pénétrer dans le temple. Clarin laissa son regard estimer la valeur des décorations, la qualité des tapisseries, la finesse des sculptures dans le bois des portes et des plinthes.

 

Sobre en quantité, mais la qualité est au rendez-vous.

 

La voix de Bianka le tira de son examen.

 

-         Maître Clarin, c’est à présent que je vous quitte, mon bureau est par ici.

 

L’ambassadeur s’inclina poliment avec un sourire chaleureux.

 

-         J’espère avoir le plaisir de vous revoir d’ici mon départ, señorita.

-         Nous verrons bien. Je vous souhaite un agréable périple. Père…

-         Bonne journée, mon cœur.

 

Les deux Skavens s’embrassèrent, et la jeune fille prit congé des deux hommes. Psody emmena Clarin jusqu’au bureau du cartographe. Une grande carte représentant Vereinbarung était accrochée au mur. Au centre, la capitale, Steinerburg. Les faubourgs comprenaient des villes aux noms à consonance Impériale. Clarin repéra la route principale vers l’Empire au nord-ouest, qui traversait Hoffnungshügel. Une ville semblait plus importante au sud-est, Neuedorf. Elle était cependant éloignée, et le trajet nécessitait plus de temps que le diplomate n’en disposait. Finalement, le représentant du Prince Calderon choisit de visiter la ville de Pluftzig. Cette ville était située au milieu de plaines autrefois arides. Le Maître Mage assura cependant que les productions de céréales étaient généreuses dans ce secteur. Cette affirmation attisa la curiosité de l’Humain.

 

Quelques heures de route plus tard, toute la compagnie était arrivée. L’attelage s’arrêta au relais. L’ambassadeur et le Maître Mage descendirent, suivis par les deux hommes d’armes de Calderon. Kristofferson resta pour s’occuper des chevaux, laissant son père et leur invité visiter les alentours à pied.

 

Pluftzig paraissait prospère. Les rues étaient larges et relativement propres. Les maisons, de toutes tailles, claires et bien entretenues. Quelques-unes des habitations, celles autour du temple de Verena au centre de la ville, étaient plus grandes et portaient quelques décorations qui laissaient présager une certaine aisance financière de leurs propriétaires.

 

Ce qui frappa le plus l’Estalien, c’était le choc de communication entre races. Ou plutôt, l’absence d’un tel choc. En effet, même dans une ville plus modeste que la capitale, où le niveau d’ouverture d’esprit du citoyen moyen restait généralement moins élevé que dans les grandes cités fréquentées par de nombreux peuples, il n’y avait aucune barrière se dressant entre Humains et Skavens. Ils se mélangeaient avec une facilité presque déconcertante.

 

Quand ils arrivèrent à la sortie de la petite ville, Maître Clarin fut surpris par autre chose.

 

-         D’après les informations de notre cartographe, tout ce secteur était aride, et complètement impropre à la culture. Comment expliquer une telle abondance ?

 

Le Skaven Blanc tendit le bras dans une direction avec un sourire entendu.

 

-         Grâce à ceci.

 

« Ceci » était la forme imposante d’un aqueduc de pierre qui se déroulait le long de la ligne d’horizon.

 

-         Quand nous avons emménagé, c’était bien une terre sèche-inculte. Mais nous avons eu l’avantage de compter parmi nous un Nain qui avait des talents d’ingénieur. Il a accepté de rester quelque temps ici pour dresser des plans et superviser le début des travaux. Tous les hommes valides ont participé au chantier, plus d’autres engagés de l’extérieur. Il nous a fallu beaucoup de temps pour le terminer, mais ça en valait la peine-peine. La première vraie récolte faite l’année suivante a été un vrai bonheur.

-         J’aimerais pouvoir m’en rendre pleinement compte ! Pourrions-nous aller le voir d’un peu plus près ?

-         Bien sûr ! Nous passerons la nuit à Bau-Aquädukt, c’est un village à proximité par où les travaux ont commencé-démarré. Beaucoup de richesses ont transité par-là, et c’est maintenant un comptoir commercial relativement important. Ils ont une bonne auberge. Je vous propose d’y aller d’ici une petite heure, le temps de prendre un verre et de laisser souffler les chevaux. D’accord ?

-         Faisons comme ça !

 

Les membres de l’équipée échangèrent quelques opinions et observations autour d’une bière fraîche. Psody invita les deux soldats de Clarin à participer à la conversation. Il prit soin de ne pas leur demander quelles avaient été leurs précédentes expériences avec les gens de l’Empire Souterrain, et préféra les questionner sur leurs origines, et ce qui les avait poussés à tenter l’aventure des Royaumes Renégats. Les deux hommes répondirent sans se montrer trop intimidés ou vexés.

 

Puis ils reprirent leur visite, vers la construction. Quelques heures supplémentaires de trajet s’annonçaient. Clarin les mit à profit pour continuer son travail d’informations.

 

-         Mais, dites-moi, Maître Mage, à Plufzig comme à Steinerburg, les maisons sont habitées par des Humains et vos pairs. Les Skavens d’ici vivent tous à la surface ?

-         Bien entendu.

-         Pourquoi les Skavens ne sont-ils pas installés sous terre ?

 

Le Skaven Blanc répondit sur le même ton avec un petit sourire :

 

-         Qu’est-ce qui vous pousse à vivre à l’air libre ?

-         Eh bien, les Humains ont toujours vécu ainsi. Nos dieux nous ont créés, avec la faculté de construire nos habitations. Or, pour les Skavens, ce n’est pas le cas.

-         Vous n’en savez rien, Maître Clarin. Les Skavens sont parfaitement capables de bâtir des maisons, eux aussi. Le Rat Cornu les a créés de la même façon que vos dieux ont créé les Humains. Et, tout comme vous, les Skavens n’aiment pas du tout vivre au milieu des ordures et des déchets venant du monde du dessus. Ils respirent de l’air vicié, ils boivent de l’eau croupie, et mangent la nourriture pourrie qui tombe des tuyaux d’évacuation des égouts. Ce n’est pas par choix.

-         Vous voulez dire que cette situation ne leur convient pas ?

-         Au contraire, ils sont constamment incommodés par cette vie. Seuls quelques-uns d’entre eux se complaisent dans la saleté, les membres du Clan Pestilens. C’est le résultat de dizaines de générations rendues obsédées par la maladie et intoxiquées par les drogues dès la naissance. Croyez-moi, tous les autres sont prêts à tout pour quitter leur cloaque.

-         Existe-t-il donc des villes peuplées uniquement par des Skavens ? Je veux dire, des endroits où ils pourraient vivre à la surface ?

-         Une seule ville, à ma connaissance : Skarogne. C’est la capitale de l’Empire Souterrain, la ville où les Skavens sont apparus de manière officielle-établie pour la première fois. Elle est au milieu d’un bourbier, quelque part entre la Bretonnie et l’Estalie.

-         C’est grand ?

-         Il paraît, mais je ne saurai pas dire à quel point, je n’y suis jamais allé. C’est la plus grande ville de Skavens, ça j’en suis sûr. Après, il y a toujours quelques forteresses Naines tombées entre leurs griffes, mais elles sont enterrées dans les montagnes. Même Malefosse est dans un gouffre.

-         Et Mordheim ?

-         Trop dangereuse pour y vivre en permanence, même s’ils y vont régulièrement pour ramasser de la malepierre. Non, en très grande majorité, les Skavens vivent-meurent sous terre. Le but des Fils du Rat Cornu est d’envahir la surface et de s’y installer. Heureusement qu’ils n’y pensent pas trop. C’est rare, mais parfois ils le font.

-         D’où les tentatives d’invasion comme Nuln ou Ubersreik, je suppose ?

-         Je n’ai jamais participé à une telle offensive, mais j’ai reçu un témoignage de première main de l’invasion de Nuln. Il paraît que c’était épouvantable-terrifiant. Et je vous crois sur parole quand vous évoquez les horreurs de l’invasion d’Ubersreik. Pour Helmgart, c’était encore pire. Ils ont fait appel aux choses-bizarres.

-         Aux quoi ?

-         Oh, excusez-moi, je parle tellement peu souvent d’eux qu’il m’arrive de les nommer encore comme font les Skavens Sauvages. Je parle des créatures du Chaos. Pour envahir Helmgart, l’Empire Souterrain s’est allié avec les disciples de leur dieu le plus pourri-corrupteur, Nurgle.

 

L’émissaire se frotta le menton.

 

-         Maître Prospero Steiner, puis-je vous demander pourquoi les Skavens Sauvages n’ont pas déjà envahi l’Empire, s’ils sont si nombreux et si bien équipés ?

-         C’est vrai qu’aujourd’hui, les Skavens Sauvages sont aussi nombreux que les Humains, ont une technologie plus destructrice, et maîtrisent une magie redoutable. Mais les Skavens Sauvages ne sont pas les Humains, loin de là. Ils ne l’admettront jamais, mais ils ont bien trop peur.

-         De nous ?

-         Oui. Vous le savez sûrement déjà, un Skaven Sauvage n’acceptera jamais de se battre à la loyale. Quel que soit son adversaire, il fera tout pour le vaincre par la traîtrise, à moins que cet adversaire ne soit clairement inférieur en nombre.

-         Les récits de batailles rangées contre eux que j’ai pu lire confirment ce que vous me dites.

-         Ils ont peur de leurs ennemis, mais la plus importante source de peur est eux-mêmes.

 

Le convoi passa près d’un champ. Plusieurs paysans, Humains et Skavens, labouraient ensemble la terre en plaisantant gaiment.

 

-         Ils ont peur d’eux-mêmes ? répéta Clarin.

-         C’est un peu long à expliquer, mais relativement simple-simple. Voulez-vous que je vous dise comment ça marche ?

-         Je vous en prie.

 

Le Skaven Blanc se racla la gorge, sortit une outre de sa besace, but un peu d’eau, et la tendit à l’Humain. Pendant que Clarin se désaltéra, Psody commença son explication :

 

« Quand un Skaven Sauvage vient au monde, il est intégré à la société dès le premier jour. Selon sa couleur, il sera Guerrier des Clans, Vermine de Choc ou Prophète Gris, sauf si c’est une femelle, auquel cas on la met dans les pouponnières où elle servira de reproductrice toute sa vie. Les filles n’ont aucune autre fonction que de se faire féconder et mettre bas des Skavens Sauvages. C’est pourquoi on ne se donne même pas la peine de les nommer. »

« La société des Skavens est comme une pyramide. Au pied, vous avez tous les esclaves, la pire racaille, les hors-Clans. Au-dessus, vous avez les Guerriers des Clans, les citoyens "ordinaires". Ce sont les plus nombreux. Puis vous avez les membres de Clans plus "spécialisés". Les Technomages, les Moines de la Peste, et autres. Viennent ensuite les Grandes Griffes, l’équivalent de nos "capitaines". Enfin, au-dessus de tous, se tient le Seigneur de Guerre, qui appartient-appartient généralement à l’un ou l’autre des Clans, et aura tendance à privilégier les membres de son Clan, évidemment. Les Prophètes Gris – les Skavens Blancs, si vous préférez – ont une place à part dans cette société. En tant qu’élus-élus du Rat Cornu, ils sont au-dessus de tout le monde. Certains sont même les véritables maîtres d’un terrier ou d’une colonie, si elle n’est pas trop grande-grande. C’était le cas pour mon maître. Les Pestilens étaient les plus nombreux, et le Diacre de la Peste Soum était le dirigeant, mais il ne faisait rien sans l’accord du Prophète Gris Vellux. Seul l’Hérésiarque est au-dessus d’un Prophète Gris ordinaire. Et seul le Rat Cornu est au-dessus de l’Hérésiarque. Et tous les Skavens Blancs sont sacrés. Selon les croyances des Skavens Sauvages, quiconque ose agresser un Skaven Blanc sans qu’il en ait reçu l’ordre par un autre Skaven Blanc sera châtié sévèrement et sans aucune pitié, par le Skaven au-dessus de lui, ou par le Rat Cornu. Ainsi, chacun a sa place. »

 

Clarin eut une expression perplexe.

 

-         Qui est cet… « Hérésiarque », exactement ?

-         L’émissaire-émissaire du Rat Cornu. Le Skaven Blanc qui entend directement ses messages et les transmet selon son cœur au peuple Skaven. Il vit à Skarogne.

-         C’est une grande figure religieuse, donc. Il serait l’équivalent du Grand Théogoniste de l’Empire ?

-         Absolument, sire Clarin.

-         Ma foi, où sont les problèmes ? Tout me paraît bien organisé et structuré, comme chez nous.

-         En apparence, vous avez raison. Mais la réalité est toute autre.

 

« L’élévation d’un rang à un autre dans cette hiérarchie n’est pas le fait d’une promotion obtenue par un travail honnête-appliqué. C’est généralement le fruit d’une traîtrise, d’un meurtre ou d’un complot pour éjecter celui qui est au-dessus. Chacun veut la place d’au-dessus, s’assure que ceux qui sont au même niveau ne constituent pas un obstacle, et veille à ce que ceux d’en dessous y restent. »

« Les Skavens Sauvages qui sont au pied de l’échelle sont les plus mal lotis, en apparence en tout cas. Les esclaves sont hors-Clan, ils n’ont pas de statut, et ne manqueront à personne. Aussi leur vie est-elle un combat quotidien. Le moindre Guerrier des Clans pourra battre à mort un esclave sur un coup de tête, sans risquer la moindre conséquence. Les Guerriers des Clans sont intrinsèquement supérieurs aux esclaves, et les esclaves sont suffisamment occupés à protéger leur vie pour ne pas vouloir venger celle de l’un des leurs. »

« Plus un Skaven Sauvage grimpe l’escalier de la Pyramide, plus il prend des risques. D’abord, par rapport à ceux d’au-dessus, qui seront de moins en moins nombreux, mais de plus en plus malins-rusés, et donc dangereux. Deuxièmement, les Skavens Sauvages de même niveau feront tout pour avoir la place au-dessus, y compris et surtout éliminer les concurrents. Et, vous l’avez compris, un Skaven Sauvage qui monte doit également faire attention à ceux restés en dessous de lui, qui feront tout pour le renverser. »

 

Un Skaven balança dans un chariot un lourd sac de toile tout en chantant. Le diplomate avait compris l’explication.

 

-         Donc, quelle que soit sa position sociale, un Skaven Sauvage aura toujours peur pour sa vie, qu’il soit le plus misérable des esclaves ou le plus important des généraux.

-         Seuls les Skavens Sauvages dont le cerveau n’est plus qu’une éponge imbibée de malepierre n’ont pas peur pour leur vie. Et plus d’un Skaven Sauvage se conduisant ainsi n’a pas vu sa fin arriver.

-         Et donc, cette peur constante pousse les Skavens Sauvages à se battre entre eux en permanence, au lieu de planifier une invasion du monde de la surface.

-         Vous avez tout compris, maître Clarin.

-         C’est bizarre, ce comportement rappelle un peu celui des Orques.

-         Les Orques se battent souvent entre eux, il est vrai. Mais d’après ce que j’ai lu, ils ne s’entretuent pas tant que ça. Même un chef vaincu par un autre ne sera pas forcément exécuté, s’il prouve qu’il peut encore être un bon guerrier utile. Ses hommes se soumettront au nouveau chef, leur loyauté va au plus fort de façon instinctive. Et les Orques n’agissent jamais par traîtrise. Ils sont violents, ils sont brutaux, ils pillent et tuent, mais ils ne sont pas fourbes. Il n’y a aucune subtilité ni ambiguïté. Et on est sûr d’une chose : ils respectent la loi du plus fort. Si leur chef de guerre est tué au combat, il y a une bonne chance pour qu’ils se sauvent en courant si quelqu’un ne le remplace pas très vite.

-         Je n’ai jamais eu l’occasion de m’en rendre compte. Manann soit loué, j’ai toujours évité les Orques, jusqu’à présent.

 

La visite des alentours de l’aqueduc se fit sans anicroche. L’émissaire Estalien réalisa que l’ensemble n’était pas décoré avec les sculptures propres à l’architecture Naine. Psody confirma, mais rappela que seul l’ingénieur était originaire des Royaumes Nains. En outre, l’urgence de la situation avait quelque peu précipité le chantier. Même s’il avait fallu quelques années pour le construire, on avait favorisé la durabilité, au détriment de l’esthétique.

 

Après un excellent repas à l’auberge du Nain Rouillé, ainsi nommée en souvenir de la couleur de la barbe de l’ingénieur Nain qui avait mené le chantier – le fameux Tueur Gotrek Gurnisson – Humains et Skavens allèrent tous se coucher. Le lendemain, ils repartirent vers Steinerburg. Il leur fallut plus d’une demi-journée pour regagner la capitale, et les cloches des temples sonnèrent quatre fois quand la calèche s’arrêta complètement devant le manoir du Prince.

 

Quand il mit pied à terre, Clarin vit cinq personnes les attendre. Le Prince Steiner était là, ainsi que la demoiselle Bianka et le jeune Sigmund, et deux personnes qu’il n’avait pas encore vues étaient là : une petite fille-rate, bien droite dans sa robe ouvragée, derrière laquelle se tenait femme Skaven au pelage clair qui avait l’air plus mature. Psody les serra dans ses bras.

 

-         Maître Clarin, je n’ai pas eu l’occasion de vous présenter les deux dernières personnes qui comptent parmi les plus chères à mon cœur-cœur : mon épouse, Heike, et ma fille cadette Isolde.

 

L’ambassadeur s’inclina, fit le baisemain à la mère, et un petit salut de la main à la fille. Cette dernière se redressa de toute sa hauteur, inspira un bon coup, et articula :

 

-         Gloire et honneur au Prince Calderon !

 

Clarin eut une moue surprise en reconnaissant sa langue natale, et éclata d’un rire joyeux.

 

-         Comme c’est adorable !

-         J’espère que vous ne vous offusquerez pas trop de son accent, elle s’est entraînée toute la journée pour vous plaire, murmura Steiner.

 

Le sourire de l’Estalien étincela davantage.

 

-         Votre Altesse, je souhaite vous remercier. Grâce à vous, j’ai eu une vision du peuple Skaven bien plus optimiste et agréable que les souvenirs d’Ubersreik. Et je suis convaincu que mon monarque et le peuple de notre principauté comprendront la même chose quand nos échanges auront commencé.

-         Je me doute qu’il faudra un peu de temps, Clarin. Même ici, la vie commune n’est pas toujours très simple. Mais je suis aussi optimiste que vous. Si les habitants de Sueño sont à votre image, nous devrions pouvoir nous entendre. Vous rappellerez au Prince Roderigo Calderon que je suis disposé à le rencontrer quand il veut, où il veut.

-         Nous trouverons un endroit à la frontière pour cela.

 

Puis, l’Humain se tourna vers Sigmund.

 

-         Jeune homme, je vous prie d’excuser mon comportement, si j’ai pu vous paraître méprisant. Votre père a su trouver les mots qu’il fallait pour me convaincre de vos bonnes intentions.

 

Le Skaven Noir ne répondit rien, et se contenta de hocher légèrement la tête.

 

-         Bien, mes enfants, vos parents et moi avons encore à faire avec Maître Clarin. Nous nous retrouverons pour le dîner.

 

Les cinq enfants Steiner saluèrent chacun leur tour l’ambassadeur, puis se dispersèrent. Les deux Humains et le couple de Skavens se dirigèrent vers la bibliothèque. Comme toujours, l’Encyclopédie des Enfants du Rat Cornu trônait sur son présentoir.

 

-         Mon ami, en gage d’amitié, je compte offrir au Prince Calderon un exemplaire imprimé de notre ouvrage commun. Oui, mon fils adoptif, mon meilleur ami et moi-même avons écrit un livre sur le peuple des Skavens. Bien évidemment, Prospero a été notre meilleure source d’informations, n’est-ce pas. Mais j’ai passé de longues heures à les étudier de mon côté, et le prieur Romulus a compilé tous les textes pour les rassembler de manière harmonieuse.

 

Ludwig Steiner ouvrit une petite armoire et en sortit un livre grand d’une quinzaine de pouces.

 

-         Le voici. Je vous prierai de le remettre à Son Altesse le Prince Calderon. Mais si je vous ai amené ici, c’est pour vous prouver qu’il ne s’agit pas d’un faux. L’exemplaire original est ici, solidement attaché à son socle. Je vous invite à prendre le temps qu’il vous plaira pour comparer l’imprimé que je vous remets à l’original.

-         C’est un ouvrage que vous avez écrit avec votre fils adoptif et votre aumônier ? Le prieur Romulus est bien votre aumônier ?

-         En effet. Et chaque chapitre est signé de la main de son auteur.

-         Ma foi… j’ai confiance, mais le protocole m’impose de procéder à une telle vérification.

-         Alors installez-vous, et prenez le temps qu’il vous plaira.

-         Oh, une heure devrait suffire, votre Altesse.

-         Nous vous laissons travailler. Quand vous aurez terminé, sonnez la cloche, Gerd vous ramènera à la salle du trône.

 

*

 

Une heure plus tard, l’Estalien se présenta de nouveau devant le Prince et ses deux enfants adoptifs, l’imprimé en main.

 

-         Toutes les pages que j’ai vérifiées étaient effectivement identiques. Je n’ai aucune raison de douter du reste.

-         Parfait. J’espère que cela permettra au Prince Calderon d’en connaître un peu plus sur les Skavens Sauvages.

-         Ainsi, la différence avec le Cinquième Peuple sera d’autant plus claire, votre Altesse.

 

Le Prince Steiner eut un sourire satisfait en entendant l’ambassadeur adopter l’expression qu’il s’efforçait d’officialiser, mais il tiqua. Il sentit que Clarin allait dire ou faire quelque chose de déplaisant. Et, en effet…

 

-         J’aimerais vous présenter mes excuses, votre Altesse, mais je n’ai pas été complètement sincère avec vous, jusqu’à présent.

-         Ah non ? Alors, que m’avez-vous caché ?

 

Le Prince avait parlé d’une voix douce, mais avec une note de fermeté. Sans perdre son sang-froid, l’ambassadeur sortit de sa poche une enveloppe.

 

-         Mon monarque m’a donné pour consigne de vérifier votre bonne foi avant de vous expliquer le fond du problème. Maintenant, je sais que vous êtes dignes de notre confiance. Aussi, je vais vous confier quelque chose que même mon peuple ignore encore.

 

Le Prince Steiner se détendit.

 

-         Ah, effectivement, j’apprécie cette confiance. De quoi s’agit-il ?

-         C’est une lettre de menaces que le prince Calderon a reçue quelques jours après l’attaque sur les deux villages.

 

Le Prince fit un petit geste. Psody s’avança, récupéra l’enveloppe que lui tendit l’ambassadeur, et la remit à son père adoptif. Steiner décacheta la missive et la lut à haute voix.

 

« La chose-homme Calderon mourra prochainement. Les Fils du Rat Cornu ont déjà commencé à remodeler ses terres. Bientôt, nous arriverons, et nous vous tuerons-dévorerons. Nos esclaves choses-hommes vous affaibliront, puis nous passerons à l’attaque, et vous apprendrez à nous craindre avant de mourir-mourir. »

 

La bouche du Prince se plissa en une moue ironique.

 

-         Oui, j’avoue que le style est assez provocateur.

-         Regardez la signature, votre Altesse. C’est ce qui nous a poussés à faire attention.

 

Le Skaven Blanc sentit une piqûre entre ses poumons quand il entendit la voix de son père adoptif annoncer :

 

« Psody le Prophète Gris du Royaume des Rats ».

 

Il remarqua que Clarin avait tourné la tête vers lui. Sentant qu’une explication était attendue, il marmonna :

 

-         Mon nom de naissance est Psody, messire Clarin. Les gens qui me connaissent-fréquentent le savent. Cependant, pour le bien de tous, nous pensons justement nous débrouiller pour que ça ne se sache plus quand je ne serai plus là. Officiellement, je resterai un enfant adopté du Prince Steiner, mais j’aurai été recueilli tout petit par un de ses bataillons de mercenaires, comme ma compagne.

-         N’y voyez pas là un rejet d’identité, ajouta Heike. C’est pour faciliter la vie des habitants de Vereinbarung. Même si je préfère la vérité au mensonge, il est certaines vérités qui provoquent plus de mal qu’elles ne font le bien. Et les citoyens qui habiteront ce royaume dans l’avenir ne doivent pas savoir que l’un des fondateurs de Vereinbarung était un Prophète Gris.

 

L’ambassadeur hocha la tête.

 

-         Vous avez parfaitement raison, ma Dame. Mais il n’empêche qu’aujourd’hui, Maître Mage, quelqu’un vous connaît suffisamment pour que votre nom de naissance ne soit pas un secret pour lui. Et ce quelqu’un ne vous aime pas. Le Prince Calderon veut connaître le fin mot de l’histoire, et si vous acceptez son aide, il se fera un plaisir de mettre sur pied une collaboration. Qu’en dites-vous, votre Altesse ?

-         Le plaisir sera partagé, mais pour l’instant… Je veux bien envoyer une équipe investiguer sur place, cependant je ne vois pas quoi faire de plus.

-         Nous avons cette lettre.

-         C’est une première piste, mais elle est plutôt mince, vous en conviendrez.

-         Parce que tous les indices ne paraissent pas clairement, votre Majesté. Pour la simple raison que cette lettre est une copie.

 

Psody, qui avait lu la lettre pendant le dialogue des deux Humains, plissa les yeux.

 

-         Ce n’est pas une écriture de Prophète Gris, en effet !

-         C’est Salluste, notre Maître Mage de l’Ordre Doré, qui en a recopié le texte, après avoir neutralisé la poudre de malepierre qui était dans l’encre. Pour ce faire, il a dû utiliser un masque et des gants de protection.

-         Excellente-excellente initiative !

-         J’ai la lettre originale. Elle est cachée dans un compartiment renforcé de mon carrosse, dans une boîte en plomb. L’Ordre Doré a établi que le plomb protège des émanations de malepierre. J’ai pensé que vous voudriez peut-être la regarder, et vous assurer que c’est bien une lettre écrite par un Skaven Sauvage ? Bien entendu, en prenant toutes les précautions. Maître Salluste nous a assuré que la malepierre était morte, mais on n’est jamais trop prudent.

 

Le Skaven Blanc se tourna vers le Prince.

 

-         Qu’en pensez-vous, Père ?

-         Il faudra faire ça dans ton laboratoire. Venez, Clarin, allons examiner ça.

 

Les quatre personnes sortirent du manoir pour retourner vers la calèche de l’émissaire. Clarin donna un ordre bref au cocher, ramené auprès du véhicule par Gerd. L’homme ouvrit un panneau dissimulé à l’arrière du carrosse, et en sortit un coffret petit mais d’apparence solide. Psody s’en saisit, et mena son épouse et les deux hommes dans un petit bâtiment reculé construit au fond du parc, du côté de la falaise. Là encore, le talent de Gotrek Gurnisson avait permis de réaliser un laboratoire performant, où chaque chose était à sa place, et où trônait une impressionnante collection d’instruments de qualité.

 

-         Cela doit être plaisant de travailler dans ces conditions.

-         En effet. Soyez sûr que même l’Hérésiarque ne dispose-dispose pas de ce matériel !

-         Ça doit faire envie à votre fils inventeur, non ?

-         J’ai promis à mon petit-fils Gabriel de lui faire construire un atelier comme celui-ci quand il aura atteint sa majorité, expliqua le Prince.

 

Le Skaven Blanc posa la cassette sur le bureau et l’ouvrit avec circonspection. Il vit à l’intérieur un parchemin constellé de taches sombres. Il ferma les yeux, posa sa main gauche sur son front, et tendit les doigts de son autre main au-dessus de la boîte. Il se concentra quelques secondes, puis releva les paupières.

 

-         Il reste quelques particules de malepierre, mais vous ne devriez pas prendre de risques-risques. Enfin, sauf si vous infusez ce parchemin et le boire comme du thé.

-         Je ne suis pas sûr que ce genre de décoction soit à mon goût, Maître Mage.

 

Le Maître Mage examina le parchemin de plus près.

 

-         Je vous laisse deviner dans le dos de quelle bête la peau a été découpée, Maître Clarin. Et je confirme que c’est bien une main de Skaven Sauvage qui a tenu la plume. Regardez l’agressivité-agressivité avec laquelle l’auteur a tailladé le cuir tanné. Il a écrit en reikspiel, mais l’écriture des Skavens est toute en traits droits, sans arrondi.

-         Un peu comme le khazalide des Nains ?

-         Non, les Nains ont une écriture bien plus raffinée, avec des symboles cunéiformes. Maître Gurnisson m’a montré quelques exemples. Là, en tout cas, c’est bien un Skaven lettré qui a écrit ça.

-         Beaucoup de gens savent écrire, chez les Skavens Sauvages ?

-         Comme chez les Humains : les prêtres et les scientifiques.

-         Et les commerçants ?

-         Ils n’en ont pas. Dans l’Empire Souterrain, on troque ou on vole. Hum… le texte est bien le même. Tenez, regardez-regardez !

 

Psody présenta le verso du parchemin.

 

-         C’est typique : l’encre a traversé le parchemin, on peut voir le texte à l’envers. Il y a sans doute de la poudre d’encre séchée sur le bureau de l’auteur. Quand j’étais Prophète Gris, j’ai taché plusieurs fois ma table d’écriture de cette façon.

-         C’est une bonne chose que les Skavens soient immunisés à la malepierre. Vous avez l’air en parfaite santé.

 

Psody eut un petit sourire ironique.

 

-         Nous ne sommes pas complètement immunisés-insensibles, Maître Clarin. Les Skavens ne peuvent manipuler que la malepierre raffinée. La malepierre brute est aussi dangereuse pour les Skavens que pour n’importe qui d’autre. Et même la malepierre traitée reste dangereuse. Ceux qui en mangent pour augmenter leurs pouvoirs risquent d’en devenir dépendants. C’est une dépendance mortelle-incurable.

-         Vraiment ? Heureusement, vous n’avez pas l’air d’avoir développé cette dépendance !

-         Non, heureusement, je n’ai mangé qu’une seule fois de la malepierre, il y a longtemps. Et je ne sais pas si les Skavens de Vereinbarung garderont cette résistance ?

-         Mes deux enfants sont nés sous terre, au milieu des effluves permanents de poudre de malepierre, expliqua le Prince Steiner. Or, tous ceux qui sont venus au monde à la surface ont toujours vécu sainement. Pour mes petits-enfants, je ne peux pas dire, mais peut-être que dans quelques générations, le sang des Skavens aura complètement perdu l’habitude de la malepierre.

-         Si c’est le prix d’une bonne santé comme celle de tous les Skavens que j’ai vus en vos frontières, ce n’est peut-être pas si cher payé ? La malepierre n’a pas sa place dans votre société, dites-moi ?

-         Nous n’utilisons pas la malepierre, en effet, répondit Heike. Et l’un de nos projets serait de trouver un moyen d’apaiser la dépendance à cette saleté.

-         Je vous souhaite de réussir, ma Dame. Et le Prince Calderon vous confie ce parchemin, qu’il puisse vous aider dans vos recherches, Maître Mage. C’est d’ailleurs ce parchemin qui m’a convaincu de votre bonne foi.

-         Comment-comment ?

-         Pendant que vous m’avez autorisé à lire votre encyclopédie, j’ai fait exprès de consulter les chapitres écrits par votre main. J’ai attentivement étudié l’écriture de cette lettre de menaces afin de la comparer à la vôtre. Il est évident qu'elles sont différentes.

-         Futé, murmura le Prince avec un petit hochement de tête. Je pense qu’il n’est pas nécessaire de faire attendre davantage le Prince Calderon. Nous devrions envoyer quelqu’un rentrer à Sueño avec vous pour examiner les lieux attaqués.

-         Je propose Sigmund, suggéra Heike.

-         Votre fils ? Il n’a pas l’air de beaucoup m’aimer.

-         Je ne vais pas lui demander de vous aimer, mais d’investiguer chez vous. Et pour ça, vous pouvez lui faire confiance. Peu importe si ça ne lui plaît pas, l’amitié entre nos deux pays est plus importante.

-         Ce sera un ordre du Prince, précisa Steiner. Il n’aura rien à y redire.

 

Clarin, satisfait, ne put réprimer un léger sourire.

 

Et un partout pour les drôles d’idées des princes !

 

-         Vous partirez demain matin. En attendant, je vous prie de vous considérer comme notre invité de marque. La journée n’est pas terminée, je vous propose de visiter quelques endroits parmi les plus notables de notre capitale flambant neuve.

-         Ce sera un immense plaisir, votre Altesse.

-         Vous comprendrez que mes affaires ne me permettent pas de quitter mon manoir, aussi je vais demander à ma petite-fille Bianka de vous servir de guide, votre escorte vous accompagnant, bien entendu. Est-ce que cela vous conviendra ?

-         Si sa culture est développée comme sa compagnie est agréable, vous ferez de moi un homme comblé, votre Altesse. Si elle est d’accord, bien sûr.

-         Je crois que vous la fascinez, répliqua évasivement la mère-rate. Il faut dire qu’elle affecte de s’entretenir avec des gens instruits, tout spécialement ceux qui viennent de l’extérieur.

-         Qu’il en soit donc ainsi, déclara Steiner. Nous nous reverrons ce soir, pour le souper.

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