Blood Eater
Quitter Paris pour Gradignan, (une ville proche de Bordeaux), quand on a quinze ans, ça marque. Mon père le riche homme d'affaire m'a envoyé dans cette ville pommée suite à mes conneries d'adolescente compliquée; entourée de domestiques. Je vis donc dans une maison rien que pour moi, avec une petite piscine, un petit jardin, un étage, un balcon. Quand ma mère ou lui peuvent passer, ils le font. Souvent à l'improviste, à vrai dire. J'ai passé mes dernières vacances d'été au Pays-Basque avec ma bande d'amis de Paris, avant de remonter ici pour la dernière semaine. Et, au cas où vous ne l'auriez pas compris, ça m'énerve vachement.
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Je suis tirée de mes songes par la chanson "Heavydirtysoul" de Twenty One Pilots. Je coupe. J'enfile mes chaussons licornes et ma robe de chambre en soie noire. J'attache ma crinière blonde en une queue de cheval et je descends l'escalier pour aller déjeuner. Lola, une domestique petite, mince, et blonde avec qui je m'entend très bien nettoie la table basse en verre. Je lui sourie.
"Bien dormi Mademoiselle?
-Oui, Lola. Merci.
-De rien. Je vous ai préparé des céréales au chocolat bio, une orange et un vert de lait à côté, comme vous l'aimez.
-Merci Lola."
Je m'assois au bar gris de la cuisine et dégaine mon Iphone 7. Je fais un tour dans mes messages. Il y en a un de ma mère:
"Bonne rentrée. Nous passerons te voir mercredi. On arrivera à 12H et nous repartirons à 19H."
"Okay. Merci. Bisous Maman."
J'en veux beaucoup moins à ma mère qu'à mon père pour cette histoire de déménagement. En effet, c'est surtout lui qui a insisté pour que je quitte Paris. Je fais un tour sur Instagram; tous mes amis de Paris m'ont dédié une photo sur notre compte commun. Je la like et la commente, me rendant compte que le quart de mon ancien collège ont déjà commenté. Je suis envahie par une pointe de nostalgie. Cette année, je ne serais pas incluse dans le groupe de notre classe. Je ne participerais pas au Musical.ly de mes potes. Je ne verrais pas commenté sous mes photos de "Sale richousse du 16ème", alors même que je n'allais pas au collège de cet arrondissement. Je ne comprendrais plus les délires des story snap que moi seule pouvait comprendre. Je ne serais pas incluse dans le blog de notre collège/lycée. Certes, j'aurais perdu bien des amis si j'étais restée à Paris, car je passais au lycée. Mais là, c'était pire. Je me sentais comme une étrangère.
Je pose mon téléphone, remonte l'escalier en verre et me retrouve à l'étage. J'ouvre la porte de la salle de bain. Merry, une autre de mes trois domestiques, à fait couler mon bain. Je le prend. En sortant, j'enfile mon peignoir blanc ultra cher. Mes vêtement sont posés sur le séchoir à serviette. Après avoir mis mes sous vêtements Victoria Secret, j'enfile mon jean slim noir Kaporal, mon T-Shirt un peu transparent blanc crème que j'ai acheté chez Harrods il y a deux ans avec ma meilleure amie, enfile une paire de chaussettes Nike, une veste en cuir noire Le Temps des Cerises. Je me maquille, me fait un demi-chignon haut-perché et laisse le reste de mes longs cheveux blonds tomber en cascade jusqu'au milieu de mon dos et mets une paires de boucles d'oreilles en forme d'anneaux en argent. Je soupire. Je suis (enfin) prête pour ma première journée de lycée. Je descends une dernière fois l'escalier, glisse mon portable dans ma poche, enfonce ma paire d'écouteurs dans mes oreilles, me saisis de mon sac Lacoste rose pâle, mets mes Huarache couleur flocons d'avoines. Lola m'attend déjà dans la Berline blanche Audi A3. Je monte sur le siège passager.
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Je passe, fébrile, le portail de l'Académie Cross. Autour de moi afflue les lycéens arrivant pour la première fois de leur vie ici. Evidemment, seuls les secondes et les sixièmes rentrent aujourd'hui (les secondes le matins, les sixièmes l'après midi). Je surprend déjà des garçons en train de me reluquer, et des filles me regarder avec un regard jaloux. Nous sommes une centaine. Certains se font accompagner par leurs parents. Je me souviens, que, lors de ma première rentrée au collège, ma mère m'avait accompagnée. Mais ma mère était magnifique (grande, mince, poitrine opulente, cheveux noirs ultra longs, soyeux, et brillants, yeux bleu turquoise et bouche en forme de cœur dont j'avais hérité) et très cool. Cette fois, ce n'était pas sur ma mères que les pères poules se retournaient, mais bel et bien sur moi. Ce qui, en soit, me dégoûtais profondément. Qu'un mec de mon âge me mâte, c'était normal, agréable. Qu'un mec qui aurait pu être mon père me reluque avec insistance, ça faisait quand même un peu pédophile...