Souviens-toi des jours heureux

Chapitre 3 : Le retour du frère inconnu

3737 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour il y a environ 1 mois

Mes yeux passèrent en revue les livres de ma toute nouvelle bibliothèque. Les étagères étaient pleines à craquer désormais, et pourtant, il me restait deux cartons de livres à rentrer dedans. Comment avais-je réussi cet exploit la première fois ? Je n'en avais aucune idée. Dans un soupir, je décidai de fourrer les romans restants dans les tiroirs des tables de chevet de chaque côté de mon lit. Chamallow, allongé dans le lit, me regarda faire avec mépris. Je le dérangeai clairement pendant sa sieste et son regard hurlait « Si tu ne pars pas dans les trois minutes, je vais faire pipi sur ton lit », aussi décidai-je de le laisser tranquille.


L'après-midi avait été bien chargée. J'avais vidé la plupart des cartons de ma chambre et du salon. Neelam semblait en avoir fait de même dans sa propre chambre. Je décidai d'aller prendre une douche rapide avant la soirée qui commençait dans une heure. Undyne m'avait envoyé un message me disant de venir chez elle un peu avant, pour qu'elles puissent rejoindre la maison où se déroulerait les festivités ensemble. Je commençai à trouver le temps long. Je n'avais jamais été très excitée par les fêtes avant, mais celle-ci sortait de l'ordinaire. J'allai chez de parfaits inconnus, pour célébrer le retour du frère d'un squelette que j'avais rencontré le matin même. Mon sourire perdit de son éclat. Qu'est-ce que j'étais en train de faire ? Il y a quelques jours à peine, jamais je n'y serai allée. Je ne connaissais personne ici. Et si c'était une mauvaise idée après tout ? Peut-être que je pourrais trouver une excuse, ou...


Non. Non, je devais apprendre à faire mes propres choix. J'avais accepté d'aller à cette soirée et j'irai à cette soirée. Ce n'était pas comme si mes nouveaux voisins allaient me dévorer toute crue. Et puis, Undyne serait là, et elle était douée pour mettre les gens à l'aise. Si jamais j'avais peur, je pourrais simplement la serrer dans mes bras comme une enfant en la suppliant de me ramener à la maison... Et probablement m'enterrer ensuite dans le fond du jardin en pleurant sur mon sort. Un chouette programme !


Vingt minutes plus tard, je sortais de la douche, propre et habillée. Je ne savais pas trop quoi mettre et avait opté pour une robe bleue, inspirée par le hoodie du voisin croisé ce matin. Neelam prit ma place, alarmée par l'heure tardive, mais elle réussit elle-aussi à être prête à temps, malgré un clair sacrifice de sa coupe de cheveux. Nous récupérâmes le gâteau, les cookies et le tiramisu dans le frigo avant de sortir en direction de la maison d'Undyne.


Comme beaucoup de maisons de monstres, elle était complètement différente de la mienne. Les monstres avaient tendance à construire selon leurs goûts, ce qui causait parfois de drôles de discordances dans le décor. La sienne était plus petite en largeur, mais s'étalait sur trois étages. De la fenêtre ouverte du troisième dépassait une antenne étrange, pointée vers le ciel. Sans doute l'antenne TV ?


Neelam sonna à ma place. Mes mains étaient prises. Des bruits de pas semblèrent dévaler un escalier, puis il y eut un grand fracas, qui nous fit toutes les deux sursauter. Nous échangeâmes un regard inquiet. Est-ce que quelqu'un était tombé ou... ? La porte s'ouvrit sur Undyne, tout sourire. Elle semblait aller bien. Le carrelage derrière elle en revanche.


— Désolée de l'attente, j'étais au troisième.


— Oh, tout va bien, répondis-je. On n'a pas attendu longt...


— J'ai sauté deux étages pour aller plus vite !


Elle nous invita à rentrer et je constatai en effet un gigantesque trou sous l'escalier en colimaçon, qui semblait avoir été traversé par une tornade. Une lance bleue était enfoncée dans le carrelage et avait fait sauter les pavés tout autour. J'haussai les épaules. C'était une manière comme une autre de descendre les marches.


La femme-poisson nous invita à entre d'un geste théâtral, puis nous accompagna dans le salon. La décoration collait parfaitement à ce que je m'imaginais : les murs étaient couverts de bibliothèques, remplies à craquer de comics et de mangas. L'espace encore libre était tapissé de posters de divers animes, derrière une télévision allumée sur un jeu Animal Crossing. Alphys, confortablement installée dans le fauteuil, un gros casque sur les oreilles (avait-elle des oreilles ?), était concentrée dessus. Elle plantait des pissenlits le long de l'allée résidentielle de ses villageois, un grand sourire plaqué sur le visage. Dans son monde, elle ne s'était pas aperçue qu'elle était observée.


Tout du moins jusqu'à ce qu'Undyne se jette dans le canapé à côté d'elle, la faisant crier de surprise. La manette lui échappa des mains et elle tourna la tête en panique vers nous. Je la saluai d'un petit geste de main. Elle fit tomber son casque de sa tête, puis se dégagea précipitamment de son cocon douillet. Un chat sphynx, confortablement niché, poussa un miaulement plaintif lorsque sa bouillote se releva.


— D-d-désolée ! J-Je n'avais p-p-p-pas réalisé qu'il était aussi t-t-ard !


— Tout va bien, la rassurai-je. Moi non plus, je n'aurais pas envie de bouger si j'étais aussi bien installée. J'ai le jeu aussi. Je pourrais te faire visiter mon île si tu veux.


— Pour d-de vrai ? s'exclama-t-elle, excitée. U-Undyne n'arrête pas d-de dire que c'est un j-jeu de bébé, mais elle p-passe complètement à côté de l'objectif p-principal.


— Il n'y a pas de sang ! Au moins, sur Skyrim, tu peux casser la figure des villageois quand ils te parlent mal ! cria sa femme en prenant une pose dramatique sur le canapé.


— U-Undyne, je t'ai déjà dit de ne p-pas monter sur le canapé comme ça !


De manière pataude, l'imposante femme-poisson redescendit sur le sol. Neelam m'abandonna pour aller caresser le chat grognon abandonné dans le plaid. Alphys me passa à côté pour partir vers le couloir, sans doute pour changer sa robe de chambre rose pour quelque chose de plus approprié pour la soirée.


— Alors, cette première journée ? demanda Undyne en s'affalant dans le canapé. Vous en avez fini avec les cartons ?


— Bientôt ! Il ne reste plus grand chose.


— Qui a pris la chambre avec le hublot ?


— Cheyenne, malgré mes protestations, grogna Neelam. Elle a dit que comme elle est l'adulte et qu'elle paie le loyer, elle a le droit de choisir sa chambre en premier.


— Arrête de râler. Tu as la vue sur la montagne, il y a pire, défendai-je ma cause.


— C'est vrai qu'elle est cool cette chambre, approuva Undyne. C'est Sans qui a eu l'idée du hublot. Il disait que c'était un crime de ne pas profiter du ciel nocturne maintenant qu'on est sorti de la montagne. Il en a installé un dans sa chambre aussi.


— Pas toi ?


— On a fait mieux ! Alphys a construit un observatoire au dernier étage, avec un gros télescope ! Comme ça on peut mieux regarder les pluies de météorites. Il y a quelques temps, une météorite s'est écrasée dans le parc derrière, là où il y a l'étang. C'était énorme ! Il y avait du feu partout et des gens qui hurlaient !


— Ah, oui, ça ressemble à un évènement festif, répondis-je stupidement.


Undyne se leva et alla récupérer un gros caillou sur l'une de ses bibliothèques. Neelam s'approcha pour mieux regarder. C'était un joli morceau de météorite, en effet. Noir, gros, troué, comme on en voyait parfois dans les films catastrophes. Je n'étais pas franchement rassurée quant à la probabilité de chute de météorites dans le jardin, mais ça avait son charme.


Ils furent interrompus par un coup à la porte. Undyne reposa la pierre et courut ouvrir la porte. Alors que les premiers éclats de voix se faisaient entendre, Antoinette, le gros labrador de mon voisin, Sans, entra tranquillement dans le salon, une balle de tennis dans la gueule et la queue battant l'air paisiblement. La chienne marqua le pas devant la table où se trouvaient les gâteaux, les naseaux frétillants, puis elle se détourna pour aller saluer le chat sur le canapé, qui le gratifia d'un coup de patte qui ne l'impressionna nullement.


Ce ne fut qu'à cet instant que je repérai le harnais coloré qui indiquait « Chien d'assistance ». Je ne l'avais pas remarqué la première fois, mais cela faisait plus de sens et expliquait pourquoi Antoinette avait alerté Undyne le matin même.


La femme-poisson et Sans ne tardèrent pas à les rejoindre. Le squelette avait troqué son hoodie bleu pour une chemise à carreaux plus légère. Il nous adressa un grand sourire, auquel je répondis d'un signe de main.


— Oh, je vois qu'il y a de bonnes choses pour ce soir ! s'exclama le squelette en se penchant sur le contenu de la table. Beaucoup de sucre. N'en donne pas trop à Papyrus ou il ne va jamais réussir à dormir.


— Lui aussi réagit mal à ça ? Je connais quelqu'un qui est dans le même cas, me moquai-je.


— Gna, gna, gna, grogna Neelam depuis le canapé.


Le squelette avait l'air plus lucide que lors de leur première rencontre. Plus souriant et réveillé, également. Il me rappelait le père de madame Pompon, un vieux lapin placide au grand cœur, toujours calme et détendu en toute circonstance même lorsqu'il y avait des problèmes. Sans avait l'air plus jeune. Je n'en savais rien, après tout, ce n'était pas comme si les squelettes pouvaient attraper des rides, mais j'avais la sensation que c'était le cas.


Il ricana à ma blague, puis siffla Antoinette (d'une manière ou d'une autre malgré son absence de lèvres). La chienne leva les oreilles et revint s'asseoir à ses pieds, la langue pendante. Mes doigts effleurèrent à peine son pelage qu'elle me lava la main à grands coups de langue.


Undyne s'éclipsa pour aller voir où en était Alphys.


— Elle a l'air de bien t'aimer, remarqua Sans.


— J'ai une touche avec les animaux. Madame Pompon dit que je suis une princesse Disney, étant donné que j'ai tendance à ramener beaucoup de bestioles à la maison.


— Elle a sauvé un homard d'un restaurant, une fois, intervint Neelam. Elle l'a mis dans la baignoire. Chamallow l'a grignoté pour le dessert.


— J'ai fait ce que j'ai pu ! me défendis-je.


Sans continua de rire, en se tenant les côtes et à gorge déployée cette fois. Je sentis mes joues chauffer, un peu gênée, puis je m'autorisai à sourire à mon tour. Son rire était communicatif, c'était le moins qu'on puisse dire.


Undyne revint quelques secondes plus tard, Alphys dans les bras, portée comme une princesse. Elle regarda Sans avec ahurissement, puis nous deux. Sa tête me fit craquer définitivement et j'explosai de rire à mon tour, contaminée par Sans.


— Woah, réagit Undyne. Tu le connais depuis quelques heures et tu ris déjà avec lui ? Il ne t'a pas sorti une de ces vannes sur les squelettes, j'espère ? Elles sont horribles.


— Je ne sais pas si je dois me sentir flatté, répondit Sans, incapable d'arrêter de sourire.


— Un amateur de mauvais jeux de mots ne peut pas être quelqu'un de mal, appuyai-je, bien décidée à soutenir mon nouveau voisin.


Sans claqua des doigts avant de lâcher un « Heeey » enthousiaste. Undyne leva les yeux au ciel. Elle redéposa sa femme sur le sol et se dirigea vers la table pour porter quelques assiettes. L'heure du départ venait de sonner de toute évidence.


Nous quittâmes la maison, qu'Alphys referma à clé, puis nous nous dirigeâmes vers la grande bâtisse au bout de la rue, bien plus impressionnante que les autres. Elle ressemblait davantage à un petit manoir qu'à une habitation modeste. Intimidée, je marchai derrière Undyne, préférant la compagnie d'Antoinette et de Sans. Neelam, au contraire, surexcitée, se trouvait déjà loin devant. Nos pas foulèrent une allée de pierre qui s'enfonçait dans un grand jardin jusqu'à l'entrée. Des sculptures végétales l'encadraient. L'une d'elle ressemblait étrangement à une tête de squelette. Les autres semblaient encore en travail, comme si elles avaient été abandonnées à mi-chemin.


Neelam s'arrêta devant la porte. Elle leva la main pour toquer, mais, timide, se ravisa presque immédiatement et attendit qu'Undyne la rejoigne. La femme-poisson frappa deux fois, puis poussa la porte pour entrer sans attendre que le propriétaire n'arrive. Cette dernière, dans la cuisine, abandonna promptement le grand plat qu'elle tenait pour venir les saluer. Neelam se figea, la bouche grande ouverte, sous le choc.


— Entrez, entrez ! dit la nouvelle venue. Mettez-vous à l'aise dans le salon. Frisk ! Descend, s'il te plaît !


L'hôte des lieux était encore plus grande et imposante qu'Undyne, ce que je ne pensais pas possible. Elle avait les poils blancs et soyeux, ainsi que deux petites cornes sur la tête. Son sourire s'agrandit lorsqu'elle posa les yeux sur ma sœur et moi.


— Oh ! Vous devez être les nouvelles voisines ? Undyne m'a parlé de vous. Je m'appelle Toriel, mais vous pouvez m'appeler Tori, comme ils le font tous.


— Enchantée ! Je suis Cheyenne, dis-je en lui serrant la main qu'elle me tendait. Et voici Neelam, ma petite sœur.


— C'est la reine ! s'exclama Neelam, avant de poser ses deux mains sur sa bouche lorsque Toriel la regarda.


— Oh, je n'ai pas de titre ici, sourit-elle. Entrez donc vous mettre au chaud, et... Oh ! Vous avez ramené aussi de quoi manger ? Il ne fallait pas !


— Tori cuisine toujours pour cinquante personnes, se moqua Sans, derrière nous. Ça va faire une sacrée concurrence.


La reine pouffa, avant de m'arracher le plat des mains et de regagner la cuisine. Sans entra, puis me fit signe de le suivre d'un signe de tête. Je poussai Neelam pour la faire avancer. Assis dans les marches, un jeune adolescent nous salua d'un signe de main.


— Je suis Frisk, signa-t-il de ses mains.


Je répétais mon nom et celui de ma sœur de la même manière, par réflexe. Frisk sourit franchement, surpris.


— Tu maîtrises la langue des signes ? demanda Sans. C'est un don rare.


— Neelam ne parlait pas beaucoup lorsqu'elle était petite, et la psy nous a dit que c'était un bon moyen de communiquer. J'ai tout appris par moi-même.


L'adolescent se releva et s'approcha de Neelam, qui le salua timidement à son tour, cachée derrière moi. Je ne fis pas attention à ce que lui dit Frisk, mais cela sembla la sortir de sa coquille. Un grand sourire élargit son visage et elle hocha la tête. Le jeune homme remonta les escaliers, Neelam sur les talons.


— Il veut me montrer sa chambre, expliqua-t-elle devant mon air interrogatif. On revient !


Abandonnée par mon propre sang, je décidai de suivre Sans vers le salon, où tout le monde s'installait. Undyne et Alphys s'était accaparée un canapé, Antoinette allongée entre elles, et discutaient à voix basse d'animes. Mon accompagnateur s'écrasa dans un fauteuil dans lequel il devait passer beaucoup de temps puisqu'il avait exactement sa forme dans les coussins. J'hésitai, puis m'installai timidement dans celui à côté de lui. Il en restait un en face, pour Toriel, qui revint bientôt avec un plateau plein à craqué de tasses de chocolat chaud et de biscuits.


— Servez-vous, il y en a encore plein !


J'en pris une et la tendit à Sans qui la récupéra avec un clin d'œil. Le petit squelette timide était vraisemblablement un charmeur. Il avait bien caché son jeu à notre première rencontre.


Toriel s'installa sur le dernier fauteuil libre. Je sentis son regard poindre sur moi.


— Je ne m'attendais pas à ce que tu sois aussi jeune. Tu étais en famille d'accueil chez Madame Pompon, n'est-ce pas ?


— C'est ça, répondis-je timidement.


— Tu as bien grandi. Tu ne t'en rappelles sûrement pas, mais nous nous sommes déjà rencontrées. C'est moi qui me suis occupé de ton placement à l'époque. Ta sœur et toi sont les deuxièmes et troisièmes humains à vivre parmi nous, ce n'est pas rien. Frisk étant le premier. Je suis très heureuse de t'accueillir dans ce quartier. C'est assez calme, lorsqu'Undyne ne jette pas sa voiture contre ma maison parce qu'elle ne démarre pas.


— C'est arrivé une fois ! se défendit la femme-poisson. Et j'ai dit que j'étais désolée !


Sa réaction détendit l'atmosphère et dérida les visages.


— Je vois que tu as déjà rencontré presque tout le monde. J'ai appris pour ce matin. Désolée que tu aies eu à rencontrer Sans dans ses conditions, ce n'est pas dans ses habitudes.


— Oh, ça va. C'était une expérience intéressante. Un peu effrayant, mais ça s'est bien terminé.


— Encore désolé, marmonna Sans, les joues bleues.


Frisk et Neelam nous rejoignirent enfin. Ma petite sœur avait les yeux qui brillaient. L'adolescent s'installa avec elle entre Alphys et Undyne. Concentrée sur son téléphone, Alphys évitait les contacts visuels et se contenta de se déplacer.


— Tu as fait connaissance ? demandai-je à Neelam.


— Oui ! Il a plein de figurines d'anime dans sa chambre !


— Ce sont celles de Papyrus, intervint Sans d'une voix un peu triste. Il lui a donné avant de partir à l'université. Les plus petites seulement, les autres sont toujours dans sa chambre. Il les collectionne.


— Il pourra te les montrer, signa Frisk. Il adore les montrer à tout le monde.


— Je pourrai Cheyenne ? demanda Neelam, suppliante.


— Si Sans est d'accord. Tu ne vas pas déranger les gens comme ça, répondis-je.


— Elle peut passer quand elle veut. C'est calme à la maison depuis que mon frangin n'est plus là.


Neelam manifesta son contentement en levant les deux bras en l'air, ce qui fit beaucoup rire les invités et les hôtes. Antoinette se joignit à son cri de joie d'un long hurlement, qui redoubla les rires. Tout du moins jusqu'à ce qu'une porte de voiture se fasse entendre. Undyne bondit sur ses jambes et courut jusqu'à la fenêtre.


— C'est lui ! Planquez-vous !


La suite s'avéra confuse. Undyne bondit derrière le canapé, entraînant Alphys, Frisk et Neelam avec elle. Toriel s'approcha de la porte et abaissa un levier que je n'avais pas remarqué, qui fit tomber une banderole du plafond sur laquelle était écrit « Bon retour Papyrus ! », puis elle se glissa sous la table. Ne sachant pas trop où me mettre, j'aidai Sans à pousser nos deux fauteuils l'un contre l'autre et me glissai à côté de lui.


Le salon devint brusquement silencieux. On n'entendait plus un bruit, si ce n'était les cornes de Toriel frottant contre le bois de la table.


Soudain, une main se posa sur mon épaule, que je reconnus comme squelettique. Je lançai un regard confus à Sans, mais m'aperçut rapidement qu'il avait ses deux mains au sol, et que d'autres doigts étaient posés sur ses épaules. Une tête gigantesque nous bloqua brusquement la vue.


— Pourquoi est-ce qu'on se cache ? chuchota un deuxième squelette d'une voix peu discrète.


— Papyrus ! cria Sans, les larmes aux yeux, avant de se jeter dans les bras du nouvel arrivant.


Je reculai dans un cri, surprise. Comment était-il entré sans passer par la porte ni la fenêtre ? Il ne pouvait pas juste avoir traversé le mur ? Je vis la même surprise passer dans les yeux d'Undyne, qui venait de se relever du canapé. Elle sembla cependant oublier rapidement ce moment et commença à râler. La surprise ne s'était pas passée comme prévue.


Cela ne dérangeait pas outre mesure le squelette qui venait de s'inviter. Il était grand, bien plus grand que Sans, mais un peu moins que Toriel et Undyne. Il flottait dans un de ces polos universitaires que portaient les sportifs dans les feuilletons de l'après-midi. À en croire son attitude et ses cris, il était du genre exubérant et très expressif. Les pieds de Sans volaient à mesure qu'il tournait sur lui-même, en le serrant contre lui comme un jouet qui couine. Il finit néanmoins par poser le petit squelette à terre pour aller saluer Undyne et Alphys, toujours de manière aussi bruyante.


En retrait, je n'osai pas me mêler à eux. Après tout, il s'agissait d'une réunion familiale, et je ne connaissais même pas le nouveau venu. Papyrus croisa mon regard et je me figeai. Il courut d'un seul coup vers moi et me prit dans ses bras, me faisant décoller du sol.


— Merci d'être venue, amie humaine que je ne connais pas !


— Cheyenne, me présentai-je timidement. Je suis la nouvelle voisine.


— Vraiment ? s'exclama Papyrus, les yeux brillants. Sans ! Pourquoi tu ne m'as pas dit que nous avions de nouveaux voisins ? J'aurais apporté un cadeau de bienvenue dans ma valise ! râla-t-il, faussement en colère.


Je ris nerveusement et soupirai de soulagement lorsqu'il me reposa enfin sur le sol. Neelam osa à son tour approcher l'immense squelette et subit le même traitement que moi. Je souris malgré moi. Il n'avait pas l'air méchant.


— Alors, j'avais pas raison ? intervint une voix grave à côté de moi.


— Pour ? demandai-je à Sans.


— Mon frère, c'est le plus cool.


— Il a l'air adorable, en effet. Très tactile aussi.


Papyrus fit tournoyer Neelam dans les airs. Ma petite sœur eut du mal à tenir sur ses jambes après ce manège improvisé, mais elle souriait, signe que le nouveau venu lui plaisait. Peut-être que les autres avaient raison après tout. Il n'y avait plus lieu de s'inquiéter, ce nouveau voisinage avait tout l'air d'être bien animé. J'avais hâte de voir ce que le futur me réservait.


Pour la première fois, je me sentais vraiment chez moi.


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