Horrortale : Pomme Pourrie
Chapitre 17 : L'odyssée de Tyler Cassano
5392 mots, Catégorie: M
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Tyler Cassano passait une drôle de journée.
Tout avait commencé avec un ordre de mission, tôt ce matin. Suite à l'affaire de ce gamin sorti de la montagne, son capitaine lui avait demandé d'aller sur les lieux présumés que leur avait décrits l'enfant pour vérifier qu'il n'y avait pas de victimes supplémentaires, ou de suspects à appréhender. Comme à son habitude, il s'était retrouvé en duo avec Frank Morris, son collègue et meilleur ami, à gravir la montagne à pied sur les coups de cinq heures du matin.
Aucun d'eux ne croyait, même pour une seconde, trouver quelque chose qui confirmerait les dire de l'enfant. Pour Tyler, c'était clair : il s'était pris un sale coup sur la tête, avait halluciné des monstres avant de revenir vers la ville instinctivement pour trouver de l'aide.
Après deux heures de randonnée vaines, ils en étaient venus à la conclusion que Frisk, Marianne, ou peu importe son nom, avait menti. Il n'y avait ni crevasse ni caverne sur cette montagne, et à part tourner en rond, leur expédition se révéla infructueuse.
Tout du moins jusqu'à ce que Frank Morris disparaisse soudainement. Alors qu'ils traversaient un massif de hautes herbes, le sol se déroba sous les pieds de l'officier. Tyler tenta bien de le retenir, mais le poids de son collègue ne fit que l'entraîner en avant. Tyler le lâcha à contrecœur dans le gouffre pour sauver sa vie. Malheureusement, en essayant de revenir sur la terre ferme, son pied se prit dans une racine, puis dans un caillou trop fin qui ne réussit pas à tenir son poids.
Dans un cri, Tyler chuta.
La chute dura longtemps. Il ne sut dire si c'était à cause de son cerveau, qui essayait de le préserver d'une mort brutale ou quelque chose de plus superficiel, presque de magique. La roche continuait de défiler, encore et encore. Il ferma les yeux. Il était policier depuis longtemps. Des suicides dans le vide, il en avait vu des tas. Personne ne pouvait survivre à une chute pareille.
Il pensa à sa femme, à sa fille. Ils chercheraient longtemps après son corps, mais ils ne trouveraient rien. Cette faille était trop bien dissimulée. Dans le pire des cas, elle clamerait d'autres victimes.
Son corps s'enfonça dans la terre humide. Elle l'absorba comme une éponge avant de le repousser vers la surface. Le souffle coupé, l'homme n'osa pas bouger. Il était vivant, du moins, il le croyait. Mais dans quel état ? Tous ses os devaient s'être brisés à l'impact. Comment savait-on qu'on était mort ? Peut-être que la réalité était tellement horrible que son âme avait fui avant qu'il ne touche le sol ?
Pourtant, il ne se sentait pas tellement différent d'avant.
Lentement, il se redressa, pantelant. Il regarda autour de lui. Il faisait sombre, si l'on écartait le rayon de lumière qui éclairait l'endroit où il s'était écrasé : un tapis de fleurs dorées qui, malgré son poids n'avaient pas flétries.
Tyler tâta ses bras, ses jambes, à la recherche de fractures. Il ne trouva rien. Aussi miraculeux que cela puisse paraître, il n'avait même pas une égratignure.
— Frank ? appela-t-il. T'es là, vieux ?
Seul un silence pesant lui répondit. Tyler se releva et fit quelques pas pour s'assurer qu'il tenait sur ses jambes. Il alluma la lampe torche de son équipement et chercha autour de lui des traces de son collègue. Malgré la lumière, l'obscurité restait oppressante, surnaturelle. Tyler marcha jusqu'au bout de la caverne. Sa main toucha un mur rocheux, épais. Il avança en le tenant un long moment jusqu'à une grande porte mauve, ancienne.
— J'ai trouvé quelque chose, dit-il, toujours persuadé que son ami devait se trouver proche de lui. Frank, tu m'entends ?
Toujours aucune réponse. Tyler attrapa son talkie-walkie et l'alluma. Il appela une nouvelle fois son collègue. Sa propre voix lui revint en écho, toute proche. Sa lampe balaya le sol jusqu'à tomber sur une masse inerte, quelques mètres devant la porte étrange, dans une partie plongée dans le noir.
Tyler s'accroupit auprès de son ami en silence. Il n'eut pas besoin de chercher un pouls. Les yeux grands ouverts, les membres dans des positions inhumaines, il n'avait aucun doute quant à son sort. Frank Morris n'avait pas eu autant de chance que lui pendant sa chute. Il avait frappé la pierre à pleine vitesse.
Une étrange boule d'énergie bleue flottait au-dessus de son corps. D'abord méfiant, Tyler décida qu'il n'avait rien à perdre et tenta de la saisir. La chose, en forme de cœur, se brisa aussitôt en deux et disparut entre ses doigts. Frustré, l'officier poussa un soupir.
Il avait du mal à y croire. Frank et lui avaient fait l'école de police ensemble. Ils s'étaient mariés à deux jours d'intervalle et étaient les parrains des enfants de l'autre. Sa perte faisait mal, bien plus mal que celle d'autres collègues qu'il avait perdu ces dernières années. Pourtant, Tyler ne s'autorisa pas à pleurer. Avant ça, il devait rester concentré sur sa mission. Le gamin avait raison sur la caverne, peut-être avait-il aussi raison sur les personnes qui y étaient coincées.
Il attrapa son talkie-walkie et tenta de contacter le central.
— Ici l'officier Tyler Cassano, vous me recevez, central ?
Il attendit quelques secondes, puis réessaya.
— Ici l'officier Tyler Cassano. L'officier Frank Morris est tombé, je répète, l'officier Frank Morris est tombé. Demande de renforts immédiatement. Localisez-nous par balise. Je répète, localisez-nous par balise. Cassano, over.
Il attendit quelques secondes, dans l'espoir d'un quelconque retour, mais il dut rapidement se rendre à l'évidence : aucun signal ne passait ici-bas. Tyler attrapa son collègue sous les bras et, le plus délicatement possible, le tira en direction du banc de fleurs dorées. Il le déposa sous la lumière et ferma les yeux de Frank proprement.
— Je vais nous sortir d'ici, vieux, dit-il à voix basse. Je ne laisserai pas ta famille enterrer un cercueil vide.
Il décrocha l'arme de service à la ceinture de son collègue, ainsi que sa plaque. Il valait mieux avoir des balles supplémentaires. Il ne savait pas ce qui l'attendait au-delà de la porte. Des réfugiés ? Une nouvelle civilisation ? Un guet-apens ? Il ne voulait prendre aucun risque.
Après un dernier regard pour son ami, il s'engagea dans l'inconnu.
Pas à pas, il s'engagea dans une grande salle vide. Il y avait en effet des traces de civilisation. Ancienne. Très ancienne. Tout était en ruines. Tyler traversa plusieurs salles dans un silence pesant. Il remarqua plusieurs mécanismes inquiétants sur le chemin, des pièges ou des puzzles, il n'était pas certain. Tous semblaient avoir été désactivés.
Il repéra quelques signes de vie en chemin : des traces de pas, récentes. Des traces d'autres choses aussi. Des animaux ? Des racines ? Il ne saurait dire. Il se sentait épié, mais pour le moment, rien ne laissait à croire que ces ruines étaient habitées.
Jusqu'à ce qu'il tombe sur une grenouille, au détour d'un couloir. Ce n'était pas une grenouille comme on en voyait parfois au bord des lacs. Celle-ci devait faire la taille d'un gros caniche au bas mot et... Il y avait quelque chose de dérangeant avec son visage. Sans aucun doute le fait qu'elle en avait deux : le faciès que l'on attendait d'une grenouille en haut... Et un autre visage caché entre ses pattes, en bas.
Tyler observa la créature un long moment, méfiant, et la bête lui rendit la pareille.
— Ribbit ?
Il sursauta. Sa main agrippa immédiatement son arme de service, prêt à dégainer si cette chose s'approchait de trop près.
— Allez, ouste ! cria-t-il en faisant de grands gestes, pour tenter d'effrayer l'animal.
La grenouille pencha la tête sur le côté. Une langue gigantesque fut propulsée dans sa direction, le forçant à se baisser pour l'éviter. C'en fut trop. Tyler dégaina son arme et tira à côté de la créature. Elle sursauta, puis s'enfuit à toutes jambes dans les ruines, à son grand soulagement.
Tyler décida de ne pas se poser plus de questions et continua d'avancer. Il était désormais certain d'être suivi. Plusieurs créatures se terraient dans ces ruines, mais, depuis le coup de feu, elles se tenaient à distance. L'inspecteur garda son arme à la main en dissuasion, prêt à réitérer son avertissement si l'un d'eux s'approchait.
Bientôt, il arriva dans un grand espace qui lui parut plus habité que le reste. C'était une grande maison, presque aussi grande qu'un manoir. Par acquit de conscience, il toqua à la porte, mais ne reçut aucune réponse. Il testa la poignée de la porte, et, à sa grande surprise, celle-ci s'avéra déverrouillée.
Arme à la main, il entra à pas de loups. Il prit le temps d'explorer les pièces une à une pour ne pas se faire surprendre. Quelqu'un vivait encore ici jusqu'à il y avait peu de temps, il en était certain. Une femme, à en juger par les nombreux accessoires féminins et les robes qu'il trouva dans les différentes pièces, et très grande avec ça. Certaines pièces avaient été vidées de leur contenu, comme les bibliothèques. Il ne trouva pas non plus de photographies ou de papiers importants dans les tiroirs, ce qui lui confirma la piste d'un déménagement récent. Certains murs portaient la marque encore récente de cadres disparus.
Dans un long couloir, il découvrit une chambre d'enfant. Les placards regorgeaient de vêtements à rayures, de jouets, mais aussi de chaussures de taille différentes. Pourquoi se trouvaient-ils toujours ici si le reste de la maison avait été vidé ? Quelque chose était-il arrivé aux enfants ? Peut-être que Frisk avait été retenu contre son gré dans cette pièce ? Il avait lu quelque part que plusieurs gamins avaient été portés disparus dans Ebott et ses alentours ces vingt dernières années. Peut-être qu'il venait de découvrir une partie du mystère ?
Il referma la porte en faisant attention à ne laisser aucune trace de son passage, puis se dirigea vers les escaliers qu'il avait aperçus en arrivant. Ils descendaient vers un long couloir qui rappelait ceux qu'il avait traversés plus tôt. Au bout, une grande porte, similaire à celle qu'il avait traversée dans la première salle qui l'avait amené dans ces ruines. Il remarqua des traces étranges tout autour, comme si on avait brûlé quelque chose ici. Il préférait ne pas savoir quoi.
L'inspecteur poussa la porte, et atterrit dans une autre pièce plongée dans l'obscurité, à l'exception d'un rond d'herbe au beau milieu des murs délabrés où avait poussé, par miracle, une fleur aux pétales dorés.
Quand Tyler s'avança, la fleur se retourna soudainement, surprise. C'était stupide. Une fleur ne pouvait pas être surprise. Une fleur n'avait pas d'émotion. Pourtant, cette fleur avait bien plus que des émotions. Elle avait un visage.
— Qu'est-ce que...
Tyler recula d'un pas. La fleur venait de parler. C'était impossible. D'abord la grenouille, maintenant ça... Il devait y avoir une substance hallucinogène dans l'air. Frisk avait peut-être halluciné tout ça, lui aussi, ce qui était une explication bien plus rassurante que la présence d'un autre peuple sous la montagne, comme l'avait suggéré l'enfant.
— Hum... Tu es nouveau dans les Souterrains, n'est-ce pas ? lui dit la fleur. Tu dois te sentir tellement perdu ! Je m'appelle Flowey.
— Je n'ai pas le temps pour ça...
L'inspecteur décida d'ignorer son hallucination et traça sa route. Flowey le regarda passer, confus, puis, le voyant poursuivre sa route vers la sortie, décida d'intervenir. Une racine attrapa la cheville de Tyler et le tira brutalement en arrière, le faisant perdre l'équilibre. La fleur le ramena vers lui, alors que l'inspecteur se débattait pour se libérer.
— Je vois, tu es un petit rigolo, toi, siffla la fleur. C'est malpoli de tourner le dos à ton nouveau copain. Je n'ai même pas eu le temps de t'expliquer comment les choses fonctionnent ici-bas.
— Lâche-moi, saloperie !
Tyler tenta d'agripper la fleur, mais elle leva ses racines et le suspendit pieds en l'air au-dessus d'elle sans la moindre difficulté. Tyler tâcha de garder son calme, de plus en plus nerveux.
— Te lâcher ? Bien sûr ! Je pourrais te lâcher de très haut et regarder tous tes petits os se briser. Ou alors je pourrais les casser moi-même, un à un. Oh, mais suis-je bête, c'est déjà ce qu'il t'est arrivé, pas vrai ? Tu es tombé de très, très haut. Et maintenant, tu es coincé avec le reste d'entre nous ici. Je pourrais te tuer. Ce serait tellement facile. Mais ce ne serait pas drôle. Tu arrives dans une drôle de période, humain, et je suis curieux. Terriblement curieux. Est-ce que tu te feras tuer dans d'atroces souffrances ? Est-ce que tu vas vieillir et mourir dans ce trou à rats sans échappatoire ? Il y a tellement de possibilités que je ne sais plus où donner de la tête.
La racine relâcha sa poigne autour de sa cheville. L'inspecteur s'écrasa dans l'herbe, sur le dos, le souffle coupé. Il se redressa rapidement pour faire face à son adversaire. Flowey paraissait... Ennuyé.
— Tout le monde sera tellement déçu. Ils attendent tous un autre humain qui ne viendra jamais, pas vrai ? Quand ils apprendront que Frisk les a abandonnés, peut-être qu'ils comprendront enfin mon point de vue. Tout ça n'est qu'un jeu, et toi, humain, tu viens d'en devenir le pion sans même le savoir. Continue ta route par cette grande porte.
— Attends, tu connais Frisk ? demanda-t-il. Est-ce que le gamin est vraiment tombé ici ?
— Quelle importance ? Frisk est parti, et toutes les âmes avec lui. En temps normal, je t'aurais tué, mais à quoi bon ? Il en faudrait encore six autres comme toi avant de pouvoir sortir d'ici. Si ce n'est pas moi qui te tue, quelqu'un d'autre s'en chargera. Bonne chance !
— Attends !
Trop tard. La fleur s'enfonça dans le sol et disparut. L'inspecteur s'accroupit pour essayer de trouver l'endroit où elle (il ?) avait bien pu s'en aller. Il réussit à rentrer sa main dans un trou, mais se retrouva rapidement bloqué. Il y avait un tunnel là-dessous, et il semblait très profond. Il ne parviendrait pas à rattraper la fleur, tant pis.
Dans un soupir, Tyler décida de poursuivre sa route. La menace de cet étrange individu, en revanche, resta dans un coin de son esprit. Si l'on cherchait à le tuer, il était prêt à montrer que ce ne serait pas aussi simple que prévu. Il vendrait chèrement sa peau.
L'officier s'arrêta devant une nouvelle porte, aussi imposante que les deux dernières qu'il avait traversées. Celle-ci semblait aussi plus épaisse et... Luisait. Il hésita, puis se décida finalement à la pousser.
Il resta bien bête quand il se retrouva les deux pieds dans la neige. La porte se referma derrière lui sans qu'il ne la touche. Tyler hésita, puis décida de faire demi-tour. Il ne savait rien de cet endroit, il avait besoin de plus de préparation. Seulement, lorsqu'il tenta de rouvrir la porte, celle-ci ne bougea pas. Il eut beau s'acharner dessus et lui donner un grand coup de pied, elle n'eut pas l'ombre d'un frémissement. Il était coincé dans cette forêt enneigée.
Tant pis, pas d'autre choix que d'avancer. La main tenant toujours fermement son arme, il s'aventura sur un grand sentier encerclé d'arbres. Comment des arbres pouvaient-ils pousser sous terre ? De même, la neige ne lui paraissait pas naturelle. Elle était froide, mais pas si froide que ça, un peu comme si elle avait été générée artificiellement.
Il traversa une grande barrière en bois. Un poste de contrôle ? Une frontière ? Les barreaux étaient trop espacés pour laisser passer qui que ce soit. Son intuition se confirma quand, un peu plus loin, il repéra un avant-poste, ou tout du moins une petite cabane de bois. Il en fit le tour, curieux. Rien à signaler, et elle devait être à l'abandon depuis quelques jours à en juger par le tas de neige sur la chaise cachée derrière le stand. Il trouva dans un tiroir une vieille bouteille de ketchup et quelques farces et attrapes : un coussin péteur, une poignée vibrante et de fausses crottes de nez. En tout cas, il espérait qu'elles étaient fausses. La personne qui montait la garde ici ne devait pas prendre son travail très au sérieux.
Il passa ensuite devant un autre avant-poste, constitué lui de cartons détrempés qui tenaient encore debout par miracle. « Avant-Poste du Grand et Magnifique Papyrus », pouvait-on lire au marqueur sur la façade. Des pièces métalliques étaient soigneusement rangées à l'intérieur... Et un piège à loups. Tyler nota de rester sur ses gardes. Il y en avait peut-être enfoui dans le sol... Ou il y avait des loups ici-bas, ce qui n'était pas plus rassurant.
Un bruit de pas lui fit relever la tête. Tendu, il se cacha derrière un arbre pour observer la scène. Il ne tarda pas à voir une personne en armure intégrale débouler, une gigantesque lance bleue à la main. Quand elle souleva la visière de son casque, l'inspecteur découvrit qu'elle - c'était une femme, il en était certain - n'était pas humaine. Son visage était bleu, couvert d'écailles. Elle s'accroupit sur le sol et l'étudia attentivement.
Tyler posa sa main sur son arme. Il n'avait pas pensé à cacher ses empreintes dans la neige. La piste menait directement vers sa planque. Il réfléchit à toute vitesse. Fuir ? Pour aller où ? Il ne connaissait pas les lieux, elle pourrait le traquer facilement dans les bois. La confronter ? Il n'était pas sûr que ce soit une bonne idée non plus. Il devait prendre le contrôle sur la situation.
Il dégaina son arme, et, lentement, contourna la guerrière pour se retrouver dans son dos. Il s'approcha, puis posa l'arme sur sa nuque.
— Pas un geste, ordonna-t-il. Lâche cette lance.
La femme se figea, puis leva lentement les mains en l'air. Bien, elle comprenait ce qu'il disait, et elle semblait avoir compris le danger de la situation dans laquelle elle se trouvait.
Ou pas.
La femme poisson se retourna soudainement et chercha à lui asséner un grand coup de lance. Tyler bondit en arrière et l'évita de justesse, habitué à ce type de retournement de situation. Il braqua son arme sur elle.
— J'ai dit ne bouge pas ! Ou je tire !
— Tu crois que tu vas réussir à me faire mal avec ton petit objet ? Les humains sont vraiment pleins de surprise.
— Je ne te veux pas de mal, continua Tyler, tendu. Pose ton arme et on pourra discuter. C'est à toi cet avant-poste ? Tu fais partie de la police ? La garde ? Je suis policier. Je fais le même travail que toi là-haut. Je suis sûr qu'on peut trouver un accord. Je m'appelle Tyler Cassano.
La femme ne bougea pas. Elle semblait le jauger, hésiter. Tout du moins, jusqu'à ce qu'il remarque une lumière bleutée sous lui. Tyler n'eut pas le temps de l'éviter. Une lance sortit soudainement du sol et lui traversa la jambe de part en part. L'officier cria de douleur et perdit l'équilibre. En apercevant d'autres lumières, il rampa hors d'atteinte aussi vite qu'il le put, tirant sa jambe blessée derrière lui.
Il se planqua derrière un arbre, puis se retourna, arme à la main. Il visa la partie à découvert de l'armure, son cou, et fit feu. La créature tenta d'éviter l'impact, mais la balle réussit à se loger dans son épaule. Elle poussa un cri de douleur, avant elle aussi de se retrancher derrière un arbre. Tyler profita de la diversion pour examiner sa jambe. L'adrénaline masquait encore la douleur, mais pour combien de temps ? Son genou était foutu, il pouvait voir à travers. Il s'arracha une manche et fit de son mieux pour faire un garrot autour de la plaie. Il serra les dents au moment de serrer. Ce ne serait pas suffisant pour sauver sa jambe, mais il espérait que ça stoppe suffisamment le saignement pour éviter qu'il ne se vide de son sang.
— Tu as fait quoi ? entendit-il derrière lui. J'ai pas besoin d'aide, Alphys, je peux m'en occuper toute seule !
Tyler se pencha sur le côté. La femme poisson haletait. Elle avait retiré son casque et parlait avec quelqu'un sur ce qui ressemblait à un téléphone. Des renforts devaient être en chemin. Il décida de ne pas s'attarder. Il agrippa le tronc et se força à se relever, avant de boiter en direction de la forêt aussi discrètement qu'il le put. Il devait s'éloigner d'ici le plus vite possible et trouver un abri.
Juste quand il atteignait une intersection, une autre créature apparut de nulle part. Tyler braqua son arme dessus, le souffle court. Il était plus petit que la femme en armure. Clairement moins dangereux également. Il portait une veste bleue, une paire de shorts noirs et... Des pantoufles roses ? Le squelette leva les mains en signe d'apaisement.
— Tout va bien, je ne vais rien faire, dit-il d'une voix calme. Je m'appelle Sans. Sans le squelette. Tu peux poser ça, qu'on puisse discuter ? fit-il en montrant le pistolet.
Tyler hésita. Il lança un regard derrière lui, mais la femme poisson n'avait pas l'air sur ses talons. Il baissa l'arme lentement.
— Tyler Cassano. Je suis inspecteur de police. Est-ce que la guerrière en armure est avec vous ?
— On peut dire ça, répondit le squelette, un peu crispé. C'est elle qui a fait ça ?
Tyler baissa les yeux sur sa jambe. Il hocha la tête.
— Si je dois être parfaitement honnête, j'ai été obligé de lui tirer dessus. Je ne pense pas qu'elle soit sérieusement blessée, mais...
— Quelqu'un va s'occuper d'elle, le rassura Sans. Je pense que c'est mieux que l'on parte d'ici rapidement. Je vais t'emmener voir notre reine, elle s'occupera mieux que moi de tout ça. Je ne suis qu'un envoyé, dit-il avec un clin d'œil.
— Ce serait bien, merci. J'ai des questions à lui poser. Et... Mon collègue. Il est tombé avec moi dans ces espèces de ruines tout à l'heure.
— Il est blessé ?
— Non, répondit Tyler sombrement. Il s'est mal réceptionné, il est mort.
— Navré. On s'occupera de son corps, promis. Vous avez des questions pour la reine ?
— Oui. Un gamin est venu nous trouver. Il nous a parlé d'un peuple sous la montagne, qui avait besoin d'aide. Personne ne l'a cru, mais j'ai été envoyé vérifier, au cas où. On dirait que j'ai bien fait, et que je dois des excuses à quelqu'un.
Sans se figea, les yeux pleins d'espoir.
— Frisk est venu vous trouver ?
— Oui, c'est lui.
— Est-ce qu'il va bien ?
— Je... Je ne sais pas, répondit-il sincèrement. Il n'avait pas de parents, donc la directrice de l'orphelinat dont il s'est échappé est venue le récupérer. L'enfant n'avait pas l'air emballé à l'idée d'y retourner. Il criait après une certaine Toriel tout du long ? Je n'ai pas de nouvelles depuis. Il est pris en charge, en tout cas.
Le squelette ne parut pas vraiment rassuré par la nouvelle. Il ne fit cependant pas plus de commentaires sur le sujet. Il n'en eut pas le temps.
Une lance passa soudainement à côté d'eux, les faisant sursauter. Elle avait manqué sa cible de peu. La femme en armure était de retour. Elle ne semblait pas heureuse de les voir.
— Toi ! cria-t-elle au squelette. Qu'est-ce que tu fais ? C'est un humain, Sans !
— Oui, j'avais remarqué, répondit ce dernier d'une voix froide. La vraie question, c'est qu'est-ce que tu fais, toi ? Undyne, tu n'es plus en charge des humains. Grillby et Papyrus sont en chemin, ne rends pas les choses plus difficiles qu'elles ne le sont en t'interposant. Laisse-nous gérer ça.
— Il a tenté de me tuer ! rugit-elle. Il est dangereux, et on a besoin de son âme. Écarte-toi !
Sans marcha tranquillement devant l'inspecteur, pour se mettre sur le chemin. L'inspecteur hésita, puis décida de lui faire confiance. Le squelette n'avait montré aucun signe d'hostilité jusqu'à présent. S'il voulait le tuer, il l'aurait déjà fait. Tyler avait baissé sa garde depuis plusieurs minutes. Il avait toujours eu du flair sur les gens qui l'entouraient : ce Sans était quelqu'un de bien, et il essayait clairement de gagner du temps.
— Je te préviens, Sans, ça ne va pas recommencer. On ne peut pas faire ça éternellement, on a besoin de son âme.
— On en a déjà parlé, et jusqu'à tes soi-disant élections, ce n'est pas toi qui es en charge des Souterrains, c'est Toriel. La reine a dit que les humains qui tombent sont le problème de la couronne. La garde royale n'a pas à être impliquée dans ce dossier. Rentre chez toi et laisse-nous nous occuper de ça.
— Toriel n'est pas ma reine.
Elle lança sa lance dans la direction de l'inspecteur, qui fit un pas de côté pour l'éviter. Il n'en eut pas besoin en vérité. Un os était sorti de terre et avait dévié l'arme avant même qu'elle n'approche. Le mouvement, en revanche, lui coûta beaucoup. Tyler grimaça à mesure que la douleur dans sa jambe se réveillait. De toute évidence, l'adrénaline avait commencé à retomber. Il ne savait pas combien de temps encore il pourrait tenir debout.
— Ça va ? lui demanda Sans, en le voyant tituber légèrement.
— Je ne sais pas. J'ai la tête qui tourne, je ne pense pas que je vais pouvoir continuer comme ça encore longtemps.
— On va vite s'en aller, promis. J'attends juste des amis à moi pour la gérer. Tiens, prends ça.
Il lui tendit une petite pastille verte. Tyler la regarda sans comprendre, puis la mit à la bouche. Surprenamment, elle disparut immédiatement dans sa bouche, et il sentit rapidement ses forces lui revenir. Il préféra ne pas questionner ce qu'il venait de se passer.
Quelques secondes plus tard, des bruits de course se firent entendre derrière eux. Un autre squelette les rejoignit au pas de course, bien plus grand que le premier, suivi par un autre homme fait entièrement de flammes, en costume.
Sans se retourna pour les saluer, et lâcha la femme-poisson du regard. Grave erreur.
Tyler capta le regard de la femme et, avant qu'il ne puisse crier, une lance s'envola à toute vitesse dans sa direction. Il savait qu'il n'aurait pas le temps de l'éviter, et que Sans ne l'avait pas vue. Alors, il leva son arme et fit feu dans la direction de la femme. La balle rebondit sur son armure et alla s'écraser dans la neige.
Quand Tyler baissa les yeux, en revanche, une lance gigantesque dépassait de sa poitrine. Il haleta une fois, deux fois, puis ses jambes ne supportèrent plus son poids. L'inspecteur tomba en arrière, dans les bras du deuxième squelette qui avait couru pour éviter qu'il ne se cogne à terre.
Il entendit les monstres hurler et se crier des choses les uns aux autres, mais il ne réussit pas à comprendre ce qu'ils disaient. Il ne comprenait plus rien. Il ouvrit la bouche, à la recherche d'air, mais seul le goût âpre du sang lui revint. Il toussa, dans l'espoir fou de redémarrer ses poumons, de les forcer à prendre une inspiration, mais rien ne fonctionna.
Il se sentit partir.
Et puis il ne sentit plus rien du tout.
**********
Papyrus continua de secouer l'homme pour le forcer à garder les yeux ouverts. Ses mains tremblaient de manière incontrôlable, et il n'arrivait plus à voir clair, les yeux embués de larmes. Il tenta un nouveau sort de soin. Sa magie refusait de fonctionner. Pourquoi refusait-elle de fonctionner ?!
— Papyrus...
Il secoua la tête, refusant d'écouter son frère. Il essaya une nouvelle fois. Il avait déjà utilisé ce sort sur Frisk, il savait que ça marchait sur les humains. Rien à faire, cependant, le sort rebondissait sur l'humain. Sa magie refusait de le soigner.
Une main se posa sur son épaule et le força à reculer. Papyrus grogna et tenta de repousser son frère, mais Grillby vint lui porter main forte, le forçant à s'asseoir dans la neige. Le contact froid le sortit de sa transe. Il leva les yeux vers son frère.
— Tout va bien. Tu vas bien. Prends une grande inspiration.
Papyrus obéit, et calqua une respiration qu'il n'avait pas remarquée retenir jusque-là, sur celle de son frère. Sans le serra contre lui. Papyrus le laissa faire sans réagir, perdu. Qu'est-ce qu'il venait de se passer ?
Sans sortit un mouchoir de sa poche, et lui essuya doucement le visage. Papyrus le regarda sans comprendre, jusqu'à ce qu'il sente un liquide poisseux sous ses mains.
Ah, oui. L'humain s'était pris une lance dans la poitrine. Le sang avait éclaboussé Papyrus qui se trouvait juste derrière. Papyrus avait tenté d'arrêter le saignement, mais... Mais c'était déjà trop tard.
— Tu es en état de choc, lui dit Sans calmement. Reste assis, un peu.
— Mais... L'humain, il...
— C'est trop tard, Papyrus, murmura Sans. On ne peut plus rien pour lui. Il est mort.
Abattu, les épaules de Papyrus s'affaissèrent légèrement. Il lança un regard vers Grillby, accroupi devant le corps. Il pouvait sentir la colère de l'élémentaire de feu d'ici. Comme il était fait entièrement de flammes, ses émotions rayonnaient tout autour de lui. Les deux frères furent frappés de plein fouet par l'aura de fureur qui se dégageait de lui. Il se releva, puis s'approcha d'Undyne à grands pas.
— Pourquoi est-ce que tu as fait ça ? Il n'opposait aucune résistance !
— On a besoin de son âme !
— Et tu viens de la gâcher ! répondit l'élémentaire sur le même ton. Les âmes humaines ne survivent qu'un court moment après la mort. Elle s'est déjà brisée. Tu n'étais pas habilitée à gérer cette situation. Tu es trop impulsive, et c'est exactement pour cette raison que la reine ne voulait pas que la garde royale soit impliquée.
— J'ai fait mon devoir. J'ai protégé mon peuple !
Sans secoua la tête. Il s'assura que Papyrus se remettait, puis se redressa. Il vint se placer à côté de Grillby.
— Il avait des informations importantes sur Frisk, dit Sans d'une voix froide. Il venait pour nous aider. On aurait pu trouver une solution pour l'aider à rentrer chez lui et qu'il revienne avec de l'aide. Tu as tout foutu en l'air, Undyne. C'est ça, la vérité. Je ne sais pas à quoi tu joues, mais Grillby a raison. Tu n'as pas le recul nécessaire pour t'occuper des humains. De plus, ce que tu viens de faire, c'est un assassinat.
— Il m'a attaqué, répondit-elle, tendue.
— Il s'est défendu. Mais ça a l'air d'être une constante, chez toi. Le monstre que tu as tué de sang-froid dans la forêt l'autre jour, il t'avait attaqué, aussi ?
Les yeux d'Undyne s'écarquillèrent de surprise. Sans l'ignora, puis sortit son téléphone. Dans un soupir, il composa le numéro de Toriel et s'éloigna.
— Sans ? répondit Toriel à l'autre bout du combiné.
— Oui, c'est moi. Je n'ai pas de bonnes nouvelles. Il y a eu un problème.