Pour le bien de l'humanité

Chapitre 25 : Le point de non-retour

2091 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour il y a 23 jours

Assis dans un couloir sombre, Sans patientait, seul. Gaster avait emmené Papyrus depuis une vingtaine de minutes maintenant, et il commençait à douter de la véracité de ses promesses vides. La grande porte de fer devant lui ne laissait rien filtrer : ni bruit, ni voix. Il ignorait tout de l'épreuve qui l'attendait. La seule chose dont il était certain était qu'elle ne serait pas plaisante du tout. Mais avait-il seulement le choix ? Il pouvait encore sentir le contact des doigts de cet humain sur son visage. Son regard était froid, peut-être même plus que celui de son père. Les livres d'histoire disaient que les hommes pouvaient tourner les monstres en poussière d'un seul coup s'ils étaient assez déterminés. Il ne doutait pas une seconde que celui-ci en soit capable.


Sur le mur devant lui, plusieurs flacons étaient disposés. Chaque étiquette qui les recouvrait portait les étranges symboles de son père. Pour éviter que des scientifiques humains s'approprient son travail, il avait créé ce langage secret et compris uniquement par ses associés les plus proches, ses suivants. Plus les années passaient et plus cela ressemblait à un culte. Sans savait par expérience qu'au moins l'un d'eux le surveillait actuellement. Une caméra était braquée sur lui au-dessus de la porte. Peut-être cet horrible homme-chat. De tous ses assistants, il était celui que Sans détestait le plus. Jaloux du travail de Gaster, il prenait un malin plaisir à faire mal au squelette lorsque ce dernier avait le dos tourné, juste pour se décharger. Il n'avait pas le cran de s'opposer directement au scientifique royal, aucun d'eux ne l'avait, mais tous crachaient dans son dos dès que l'occasion se présentait. Ils n'étaient pas les seuls. Asgore était en réalité le seul qui ne voyait aucun défaut chez lui. Cela en devenait presque inquiétant.


La porte par laquelle il était entré s'ouvrit sur un autre des assistants du docteur, une petite créature semblable à un bonhomme de pain d'épices en trois dimensions. Il était à peine plus grand que lui, mais avec le chat, il était aussi l'un des seuls suivants avec des bras. Plus pratique pour accrocher le tas d'électrodes qu'il tenait dans les mains. Sans se préoccuper des états d'âmes du squelette, il tira sa chemise pour le mettre torse nu et commença à brancher l'appareillage sur ses côtes et son âme. Bien sûr que Gaster ne l'enverrait pas juste comme ça tuer un humain. Il voulait décortiquer, analyser et disséquer chacune de ses réactions, mentales, physiques et sociologiques. Comme à chaque fois. La science passait avant tout.


Le laborantin se retira et referma la porte derrière lui. Une lumière verte s'alluma au-dessus de celle menant vers le terrain d'expérimentation. Comme son père le lui avait indiqué avant de l'enfermer ici, il se leva et se plaça derrière la porte. Ce ne serait qu'une mauvaise étape à franchir. La situation évoluerait ensuite en sa faveur. Il devait garder Papyrus comme unique objectif. Peu importait le prix.


La porte s'ouvrit dans un bruit de métal rouillé sur Gaster. Son père lui adressa un grand sourire et lui ouvrit la voie d'un grand geste de main. Sans entra dans l'immense pièce blanche avec appréhension. Au centre de la pièce, Charlie se débattait sur une table, chevilles, poignets, cou et vent ceinturés par des menottes de métal. Il hurlait de colère et de peur après Papyrus. Sans suivit son regard et fut tétanisé sur place. Derrière une vitre en verre, Toriel, Undyne et Papyrus avaient les yeux braqués sur lui. Son petit frère pleurait déjà, et la fillette-poisson n'allait pas tarder à en faire de même à en juger par son visage inquiet. Dans une deuxième pièce, elle aussi derrière une vitre, Asgore était installé sur son grand trône, entouré par ses plus proches conseillers et quelques membres influents de la Garde Royale. C'était un véritable zoo, et il était l'animal au coeur de toutes les attentions.


"Suis-moi, ordonna Gaster."


Il accompagna le petit squelette dans un cercle bleu tracé sur le sol. A sa vue, Charlie se figea.


"Sa-Sans ? supplia-t-il. Aide-moi ! Il est complètement fou !"


Le squelette ne répondit pas et détourna le regard, qui dévia inévitablement sur Papyrus. Il prit une grande inspiration. Il devait garder son sang-froid. Ne rien laisser paraître. Obéir. Ce serait bientôt fini. Il devait rester concentré. Ses mains tremblèrent légèrement. Il serra les poings pour essayer d'étouffer la peur qui grandissait en lui.


"Gaster ! supplia Toriel derrière la vitre. Ce ne sont que des enfants ! Tu ne peux pas lui demander ça ! Asgore ! Espèce de couard ! Dis quelque chose ! hurla-t-elle, presque hystérique."


A son ton paniqué, Undyne éclata en sanglots. La reine s'abaissa près d'elle pour la rassurer. Le scientifique royal l'ignora copieusement et s'accroupit devant Sans. Le squelette fit un pas en arrière pour mettre de la distance avec lui. Ce n'était pas parce qu'il acceptait de devenir un pion dans son échiquier que tout redeviendrait comme avant. Le lien père-fils était brisé et plus rien ne pourrait jamais le reconstruire à présent. L'homme poussa un soupir et se releva, plus froid.


"Tu sais ce que tu dois faire. Une fois qu'il sera mort, tu devras arracher son âme de son corps et la placer contre ta poitrine pour l'absorber. Je vais rejoindre Asgore. Prends le temps qu'il te faut."


Il s'éloigna sans un regard pour lui. Il traversa la vitre comme si elle n'était qu'une formalité et alla s'asseoir à côté du roi. Sans se retrouvait seul avec Charlie. Il n'était plus certain de vouloir le faire. Maintenant que l'enfant était devant lui, sans aucune défense, il commençait à trouver l'expérience déplaisante. Comme si une exécution pouvait être quelque chose d'autre. Toriel lui criait dessus et tapait derrière la vitre, mais Sans ne l'entendait plus. Gaster s'était sans doute assuré d'insonoriser les pièces à volonté. C'était peut-être mieux comme ça. Il n'aurait pas supporter ses supplications ou celles de Papyrus.


Il prit une grande inspiration et fit le vide dans son esprit. Devant lui, Charlie cessa de se débattre et se mit à pleurer, effrayé. Peut-être acceptait-il finalement ce qui allait arriver ? L'oeil de Sans vira au bleu et il leva la main devant lui. Elle tremblait de manière incontrôlée. Il n'arrivait pas à trouver cette décision juste ou justifiée. Charlie n'avait jamais rien demandé. Papyrus et lui non plus. Dehors, pourtant, c'était tuer ou être tué.


"Je suis désolé, Charlie, murmura-t-il. J'ai les mains liées.


— N-non ! Attends !"


Il activa sa magie. Un gigantesque os sortit du sol et transperça la table et l'humain sans la moindre difficulté. Charlie poussa un cri terrifiant et commença à convulser sur la table. Sans recula d'un pas, avant de poser ses mains sur sa bouche, horrifié. Du sang en grande quantité coulait sur le sol, là où son attaque avait fait le plus de dégâts. Il avait fait ça. Ses jambes ne le supportèrent plus et il tomba à genoux avant d'éclater en sanglots, les mains sur la tête. Il avait tué un enfant de sang froid ! Qu'est-ce qui n'allait pas chez lui ?


Gaster choisit ce moment précis pour retirer l'isolement des portes. Les cris d'horreur de Toriel lui parvinrent aux oreilles, mêlés aux pleurs de Papyrus et Undyne. Il n'osa pas les regarder. Il ne voulait pas les regarder. Le seul qu'il voyait depuis le sol était Gaster. Gaster et son éternel sourire satisfait. Pas une émotion ne transparaissait de son visage. Sans sentit la colère montait en lui. Pourquoi lui faisait-il subir ça ? Quel plaisir en tirait-il ? Il n'avait plus qu'une envie : le détruire avec tout ce qu'il avait en sa posséssion. Pourtant, il devait réfreiner ses instincts pour le moment. Papyrus passait avant. Toute cette stupide mascarade était pour sa protection.


Sans releva la tête vers l'humain. L'immense os magique qui le transperçait était en train de disparaître, mais Charlie restait terriblement immobile. Le squelette s'approcha doucement de lui et détourna le regard. Les yeux exhorbités l'enfant haletait encore faiblement, la bouche couverte de sang. Au-dessus de sa poitrine, une petite boule d'un jaune intense brillait : son âme. Sans tendit la main et s'en saisit avec précaution. Instinctivement, la petite âme se rapprocha de sa poitrine. Il se contenta d'appuyer dessus et elle disparut dans sa propre âme. Charlie poussa un dernier hoquet avant de se figer définitivement, le regard braqué sur lui.


Pendant un instant, il ne se passa rien. Et soudain, une vive douleur le prit à la poitrine. Il bascula en arrière à cause de la douleur et sentit chaque particule de l'humain pénétrer sa propre âme. Son oeil vira au bleu, puis un fin filin jaune embrasa une partie de sa pupille. Il se sentit immédiatement plus fort, mais aussi plus puissant, comme si toute une partie de son esprit venait de se déverrouiller. Il posa une main sur sa poitrine, essoufflé.


Gaster le rejoignit tranquillement. Sans bondit en arrière, le regard noir.


"Calme-toi, il n'y a pas lieu de..."


Un blaster d'une puissance effroyable le faucha avant qu'il ne puisse prononcer un autre mot. Le scientifique vola à l'autre bout de la pièce, mais les dégâts ne s'arrêtèrent pas pour autant. Sans sentait les points de vie de son adversaire continuer à baisser, sans qu'il ne le contrôle. Gaster se releva, l'air contrarié et leva un pistolet dans sa direction. Il fit feu. Le squelette ne sut comment, mais il arriva à prédire avec précision la trajectoire de la fléchette et l'esquiva en se téléportant juste à côté. Il n'était plus qu'instinct de survie et envie de vengeance.


"Sans, tu utilises trop de magie, tenta de le résonner une nouvelle fois Gaster en tirant la grimace. Calme-toi ou tu risques de faire une overdose et de te tuer. Tu viens d'absorber une âme, elle lutte pour prendre le contrôle de ton corps. Tu dois contrôler son pouvoir. Concentre-toi."


Le squelette obéit. Il ne pouvait pas se laisser aller comme ça. Il pouvait voir du coin de l'oeil les gardes royaux s'agiter derrière Asgore. Si son père n'avait pas le cran de s'en prendre à lui, ils le feraient. Il prit une grande inspiration et cala sa respiration sur les battements de son coeur. Petit à petit, les blasters et les attaques se désagrégèrent. Sans se laissa tomber au sol, complètement épuisé. Gaster se redressa en faisant la grimace et boita pour le rejoindre. Dans le même temps, la barrière qui séparait la reine se dissipa. Toriel courut vers Charlie et commença à lui administrer un sort de soin qui n'aurait plus aucun effet maintenant que l'enfant était dépourvu d'âme. Papyrus lança un regard vers son frère, avant de tourner la tête et rejoindre Toriel. Sa réaction brisa le peu de bravoure qui lui restait et il fondit de nouveau en sanglots.


"Ils ne peuvent pas comprendre, dit calmement Gaster derrière lui. Ce sont des idiots, Sans. Tu as fait le bon choix. Je suis fier de toi."


Ses derniers mots sonnèrent comme un nouveau coup de massue. Lorsqu'il tenta de lui prendre le bras pour l'aider à se relever, Sans se dégagea d'un violent coup d'épaule.


"Je peux marcher tout seul, répliqua-t-il froidement.


— Comme tu le souhaites. Je te ramène dans ta chambre. Ton frère t'y rejoindra dans quelques minutes, le temps que nous réglions le problème de la reine. Je doute qu'elle nous laisse approcher le corps de l'enfant, et j'ai une dissection programmée. Je déteste avoir du retard sur mon planning."


Sans hocha simplement la tête, inexpressif. Il avait perdu toute envie de se battre pour le moment. Il voulait simplement passer à autre chose. Pourtant, il avait la forte intuition que le cauchemar était encore loin d'être terminé.


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