Light-Tale - Tome 1 - L'Âme de lumière

Chapitre 3 : Une légende devenue réalité

2751 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour il y a plus de 6 ans

La lourde écharpe du sommeil avait eu raison de sa conscience. Morphée semblait finalement avoir accepté d’accueillir la fillette dans la soie du repos éternel. Ses doigts de fumée caressaient ses joues et ses cheveux flottant dans cette noirceur entêtante.


Pourtant, ce tissu de songes idylliques cachait les cauchemars redoutés d’êtres maudits par le temps et des dieux sans pitiés. Elle sentait les relents de tristesse envahir les lieux, la poussant à abandonner ce paradis. Ils lui chuchotaient leur avertissement d’une voix à peine audible ; une voix morte, décidée à hanter l’assassin de ses rêves passés.


Un visage d’une noirceur infinie apparue devant ses prunelles apeurées ; un visage barré d’un sourire rougeâtre, reflétant la haine incommensurable d’une créature au cœur rongé par la rancune.


Ses yeux s’ouvrirent brusquement sur deux pupilles luisantes de terreur. Elle aspira l’air avec force et se redressa de sa douloureuse position. Elle haleta durant plusieurs secondes, jetant des regards hallucinés aux murs judicieusement teintés de violets et d’autres couleurs s’accordant avec harmonie.


Elle calma ses saccades irrégulières et prit ensuite le temps d’observer les imposants murs pourpres, à la couleur passée qui l’entouraient. Un sol terreux, recouvert de dalles effacées par le temps, parcourait toute la longueur de l’endroit.


Des colonnes en pierre jaunie, recouvertes de lianes et de diverses espèces de lierres, supportaient la voûte de la cavité.


Les ténèbres régnaient sur les lieux, oppressantes, suffocantes. Seul un mince rayon de lumière venant des étoiles – filtrant à travers une large ouverture dans la roche constituant le plafond de l’endroit – semblait avoir décidé d’honorer les lieux de son auguste présence.


Nora inspira puis expira longuement, essayant de défaire le nœud de tension qui s’était formé dans son ventre. Elle avait réussi… Elle avait atteint ce monde.


Le pétale d’une fleur douce et dorée comme le soleil chatouilla ses doigts crispés sur le lit végétal. Elle zieuta le massif ocre, dans lequel ses jambes et ses mains étaient enfoncés.

Elle caressa brièvement les petites plantes, et laissa aller sa main parmi leurs délicates corolles ambrées. La fillette soupira puis la retira lentement.


Elle voyait devant son nez une profonde anfractuosité, soutenue par une arcade en marbre craquelé et terne. C’était sa seule chance de progresser à travers ce souterrain.


Néanmoins, lorsqu’elle tenta de s’appuyer sur ses jambes, l’écœurant craquement d’un os que l’on brise retentit. Une douleur aiguë remonta tout le long de son membre.

Elle retint le hurlement amer qui menaçait de franchir ses lèvres.


Elle baissa ses iris tremblants vers sa cheville. Celle-ci faisait un angle étrange par rapport à son mollet, et une longue et profonde estafilade la parcourait. Lors de sa chute, elle se remémora sa jambe heurtant avec dureté la paroi. Elle avait sombré dans sa torpeur avant d’avoir sentie une quelconque souffrance troubler son esprit.


La fillette souffla vite et brièvement pour essayer de calmer les lancinements intolérables. Elle s’accrocha tant bien que mal à la paroi emplie de creux et chercha brièvement des yeux un quelconque moyen de se déplacer sans anicroches.


Une épaisse branche séchée attira son regard. Elle semblait désespérément attendre qu’un opportun l’emporte dans son aventure ; qu’une âme altruiste décide de l’extirper de cet abandon où elle s’était retrouvée bloquée.


Elle se laissa retomber sur le tapis doré et se traîna en gémissant jusqu’au végétal bienvenu. Elle l’attrapa en testant sa résistance. Il semblait apte à supporter son poids.


L’humaine s’appuya sur la branche et se leva en serrant les dents, tentant de ne pas céder à l’envie de poser sa cheville brisée sur le sol. Elle finit enfin par tenir debout, grâce à l’aide de sa béquille improvisée. Elle geignit silencieusement, puis essaya de trouver de l’équilibre avec sa « troisième jambe ».


Elle claudiqua jusqu’à la voûte de pierre, toujours autant intéressée par l’exploration de l’Outremonde. Une place entièrement recouverte par un voile ténébreux attendait la fillette. Seul un petit rai de lumière, venant d’un trou dans la roche, perçait le tissu d’ombre.


Une petite chose courbée, au corps longiligne et vert portant une tête entourée de pétales jaunes et sales, se tenait au centre de la place lugubre. La créature tourna sa tête vers la nouvelle venue en tremblant. Ses pupilles noires s’élargirent quand elles virent la fillette entrer dans leur sanctuaire solitaire.


Nora fixa l’être végétal, en essayant de se remémorer si elle n’était pas en train de rêver…


« Que fais-tu ici, toi ? questionna brusquement la fleur d’une voie aigue, tout en zieutant les alentours.


- Je… je n’en sais rien… répondit la fillette en un souffle douloureux.

- Tu n’en sais rien ? Haha ! C’est la meilleure ! Tu veux que je te dise pourquoi t’es là ? Parce que le désespoir t’a grignoté jusqu’à l’os, et que t’avais plus aucune options que d’en finir ! HAHAHA !

- Mais non je…


Nora s’affaissait de plus en plus sur son appui, et menaçait de s’écrouler devant cette créature rongée par la folie.


- T’as aucune chance ici petite sotte ! Les ténèbres prolifèrent lentement dans ces ruines obscures… Tous les monstres qui y sont restés ont adoptés cette philosophie à présent : Tuer, ou être tué… HAHAHAHAHA !


Elle recula autant qu’elle le put à l’aide de sa canne improvisée. Elle dévisageait ce qui se trouvait face à elle avec une expression terrorisée.


- Vois-tu, le mal règne dans les boyaux de ce souterrain… Il contamine les monstres et les pousse à réduire en charpie tous ceux qu’ils voient. Et vu ton état, donne leur directement ton Âme à manger, aller se battre contre eux est du suicide !


- Mon… Âme ? murmura l’humaine en continuant de s’éloigner de la fleur aussi discrètement que lui permettait son handicap.


- Tu ne sais pas ce que c’est ? continua la créature en écarquillant légèrement ses yeux. Laisse-moi te montrer ce que c’est… »


Un étrange sourire fendait le visage blanc et craquelé du monstre.


La luminosité baissa, puis un orbe étincelant s’échappa de la poitrine de Nora. Il se modela en un cœur aussi gros que le poing de la jeune fille, et se déplaça devant elle. Il était d’une couleur aussi flamboyante que le soleil. Dans son halo étaient mélangés avec subtilité sur vert et du rouge.


Le végétal zieuta l’Âme en ouvrant encore ses prunelles ébène, comme étonné, puis secoua légèrement sa tête.


« Voici ton Âme… commença d’un ton mielleux la fleur. C’est ce qui te constitue entièrement, l’essence de ton être, en gros. Et laisse-moi te dire qu’elle est extrêmement intéressante…


Il se rendit brusquement compte qu’il avait pensé à haute voix. Mais son air doucereux resta imprimé sur sa face d’albâtre.


- Mais sais-tu ce qu’un monstre peut réellement faire à ton Âme, petite humaine ? ajouta la menue chose en repliant sa lèvre inférieure, laissant apparaître de petites dents pointues sur la mâchoire du dessus. »


Nora n’eut que le temps d’observer les immenses racines épineuses sortir de terre et s’enrouler autour de ses poignets. Elles la rabattirent en un violent coup vers la terre, et la laissèrent contempler le nombre incalculable de minuscules projectiles blancs entourer le petit cœur rayonnant ; ils avançaient lentement vers l’Âme étincelante.


« Ici, les monstres prennent l’Âme des humains ! HAHAHAHIHIHAHAHA ! »


Sa tige se tordait en tous sens sous ce rire sardonique ; était secouée en tous sens par cette euphorie malsaine. La fillette plissa ses yeux autant qu’elle le put. Elle ne voulait pas voir ce que son Âme – et par conséquent elle-même – deviendrait si un seul de ses objets parvenait à la toucher.


La fleur continuait de délirer.


Nora, elle, attendit. Attendit que la mort violente ne l’emporte vers le purgatoire, la punissant de son erreur, et de son vœu de vouloir en finir avec le monde du dessus… Mais l’impact ne semblait vouloir se produire que si elle se décidait à regarder la mort en face. Elle leva doucement son menton humide et constellé de gouttes de sueur vers le cœur brillant.

Pourtant, un spectacle loin de la désolation et de la souffrance qu’elle attendait se présenta devant ses yeux ébahis.


Ses iris dépareillés fixaient avec incompréhension le globe d’un vert magnifique qui entourait l’Âme toujours aussi rutilante. Tous les projectiles s’écrasaient dessus en éclatant en une myriade de particules blanchâtres.


« Qu’est-ce que… marmonna le végétal en faisant disparaître les derniers objets laiteux. Son visage avait d’ailleurs pris une teinte avoisinant cette couleur. Comment as-tu pu te servir de cette magie ?! TU ES HUMAINE ! s’indigna-t-il en faisant sortir une troisième liane parsemée de pics acérés.


Il entoura la plante autour du ventre de la pauvrette et la serra jusqu’à voir le visage de Nora virer dans des teintes improbables. Le bouclier verdâtre disparu d’autour du concentré d’essence humaine, laissant ainsi une opportunité à la fleur malveillante d’assouvir son infect désir.


Néanmoins, la créature préférait continuer de torturer l’innocente en réduisant en miette ce qu’il restait encore de sauf en son corps.


- Meurs pauvre idiote ! »


Ses côtes criaient grâce. Chacun de ses membres semblaient ankylosés par une boule cotonneuse. Quelques mots sortirent faiblement d’entre ses lèvres, avec le peu d’air que ses poumons compressés avaient jusque-là retenu de toutes leurs forces :


« Aidez… moi… »


Ils étaient tous deux sortis du plus profond de son être. Deux simples mots dont elle connaissait déjà le sens. Elle ne savait pourquoi elle avait prononcé cela ; son esprit embrumé venait d’avoir un dernier soubresaut avant de sombrer dans les limbes, une ultime tentative pour survivre…


Ces paroles semblèrent toucher la fleur. Elle ne prit pas en pitié sa victime, mais ces deux mots venaient de faire ressurgir les fantômes d’un passé qu’il imaginait empli de gloire et de respect. Il revoyait celle qui lui avait arraché destin, telle une mauvaise herbe à qui l’on retire ses racines et la terre dans laquelle elle avait grandie. Il se remémorait cet instant où elle aussi avait lâché ces mots, avant que les autres Âmes ne se retournent contre lui…


Il desserra son emprise sur le corps de la fillette, puis la laissa lourdement retomber au sol.


Le dément haletait. Il recommençait à délirer sur cette gamine odieuse qui lui avait tout volé. Il jetait des regards hallucinés à toute la pièce, puis s’arrêta sur la jeune humaine. Elle était affalée par terre, et semblait ne plus pourvoir respirer. Des saccades entrecoupées de sifflement désagréables sortaient d’entre ses lèvres entrouvertes.

Elle tentait de saisir un petit flacon en forme de « L », qui sortait de sa poche. La fleur observait la malade suffoquer.


Elle voyait pourtant son Âme au-dessus d’elle, qui se teintait doucement de vert. De petites particules de cette couleur sortaient du sternum de la fillette. Son souffle se calma au fur-et-à-mesure que les petites poussières jades s’échappaient de la chair meurtri de Nora. Son corps se souleva soudainement, puis retomba en faisant un bruit plat.


L’humaine se redressa avec brusquerie et toussa une gerbe de sang, avant de se rendre compte que sa respiration était redevenue normale. Elle prit lentement quelques bouffées d’air, avant de de nouveau s’apercevoir de l’endroit où elle se trouvait.


Elle ne chercha pas plus longtemps à savoir comment cette crise d’asthme venait d’être stoppée, et empoigna sa béquille en grimaçant. Chaque mouvement qu’elle faisait réveillait une pénible douleur dans tous ses membres.


Elle tenta vainement de se relever, mais sa cheville ne semblait pas avoir été touchée par cette miraculeuse guérison. Elle hurla sous la contrainte de la douleur, toutes les peines et tous le chagrin qu’elle avait enduré pour arriver jusqu’ici ; toute cette souffrance qu’elle avait ressenti lors de son arrivée ici… Simplement en voulant abandonner une existence ne voulant plus d’elle…


Elle sentit brusquement une petite pression au niveau de son torse ; elle se figea. La fillette fut doucement soulevée du sol. Elle vit une énième racine l’enserrer, mais par rapport aux autres, aucuns piquants ne s’y trouvaient pour la blesser. Le végétal la redéposa sur ses pieds, puis elle se retrouva debout, face au monstre qui avait voulu sa perte. Une expression indescriptible était peinte sur le visage de la fleur.


« Va-t’en d’ici… S’il te plait… marmonna celui-ci en baissant sa tête, faisant se balancer mollement ses pétales déchirés.


Cependant, elle resta face à la chose. Se cramponnant toujours au bout de bois séché qui lui servait d’appui. Elle n’arrivait plus à bouger. Elle n’avait pas peur, ni envie de narguer cet être dérangé… Elle éprouvait seulement un étrange sentiment de compassion pour lui. Elle voyait que plusieurs évènements l’avaient conduit à céder à la folie. Elle sentait la rancœur et la haine qui grandissaient un peu plus à chaque seconde dans son cœur.


- PARS D’ICI ! brailla une dernière fois le fou envers la fillette. »


Elle ne se le fit pas prier une troisième fois, et contourna la créature en prenant garde à ne plus entrer en contact visuel avec lui.


Nora marcha en boitant vers une seconde arcade de marbre violet et abîmé, puis abandonna à son triste sort le damné. La jeune humaine jetait de temps à autre de petits coups d’œil peu assurés à son Âme, qui voletait toujours gaiement à ses côtés.


Devant-elle s’étalait une pièce étrangement lumineuse, recouverte de feuilles rouges aux nervures noires. Le même mauve foncé s’était glissé dans cette pièce des ruines, et contaminait les briques crasseuses.


Les marches de deux escaliers, d’un gris trop clair par rapport au reste de la salle montaient vers une énième arcade lavande, donnant sur le reste du souterrain. Une curieuse étoile dorée flottait au-dessus d’un épais tapis de feuilles rouges. Elle s’approcha en claudiquant du petit astre à quatre branches et essaya de le toucher en mettant ses doigts juste au-dessus.


Un petit point rougeoyant apparu brièvement au centre du cœur étincelant, qui s’était vivement déplacé devant sa propriétaire. Il brilla d’une douce chaleur avant de retrouver son éclat d’origine, comme-ci de rien n’était.


La fillette avait perçu un étrange sentiment d’apaisement quand elle avait touché l’objet. Elle se sentait comme prête à continuer cette aventure où elle avait été projetée malgré elle. Elle se retrouva emplie de Sérénité et de Détermination pour poursuivre ces péripéties. Elle se fichait de la dangerosité de ces souterrains. Elle ne voulait plus être Nora la petite fille faible et geignarde…


Ainsi commence le voyage de cette jeune humaine innocente. Elle ne sait pas que son Âme possède un pouvoir bien plus grand que l’on ne pourrait l’imaginer…


Laisser un commentaire ?