Obstination

Chapitre 3 : Attente

2313 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 24/01/2022 00:11

Les semaines passèrent, puis se transformèrent en mois. Jacob était retourné à Forks. Il avait tenu sa promesse de me donner des nouvelles, les premiers temps du moins, par la suite ses appels avaient commencé à s’espacer, il sentait mon désespoir chaque fois qu’il devait raccrocher. Je l’avais supplié plusieurs fois de venir me chercher, de m’emmener loin d’ici. Il s’était montré plus raisonnable que moi, certain que mes émotions dominaient ma raison.


Je tachais de m’alimenter, de dormir quelques heures par nuit. Parfois, je rêvais de nous, de son corps fusionnant avec le mien. Le réveil était difficile, je ne voulais immerger. J’étais lasse de cette réalité insipide. Le plus souvent, quand je finissais par tomber de fatigue, la terreur me saisissait. J’hurlais et me débattais dans mon sommeil jusqu’à ce que mes parents m’en libèrent.


Mon père me trouvait courageuse, de me sacrifier de la sorte, il ne cessait de me répéter à quel point j’étais forte, qu’il comprenait si Jacob et moi prenions le risque d’être ensemble, car lui-même l’avait pris avec ma mère. Mais dans son cœur de père, il était terrifié à l’idée que les Volturis reviennent nous punir et qu’ils me perdent. Il ne savait pas que ma résiliation apparente n’était qu’une façade, j’étais constamment à la limite de l’effondrement, je pouvais basculer à tout moment, prendre la mauvaise direction, enfoncer l’accélérateur et me retrouver à Forks avant même qu’ils ne s’en rendent compte. Je ne me résignais pas, je subissais, mais l’espoir n’était pas tout à fait enseveli, je me refusais à l’éteindre.


Ma mère était constamment sur la réserve quand il s’agissait de Jacob et moi. Elle lui était reconnaissante d’avoir pris soin de moi toutes ces années, d’avoir été tout ce que j’attendais de lui. Du plus loin que je me souvienne, il avait été là, un frère, un ami, un confident. Je n’avais jamais compris, pour quelle raison Jacob avait tenu tous ces rôles, il connaissait ma mère depuis bien avant sa rencontre avec mon père puis sa transformation certes, mais quel intérêt avait-il à pactiser avec les ennemis de son espèce ? Beaucoup d’interrogations avaient germé dans mon esprit en grandissant, je n’avais jamais pris en considération ces faits or, c’était comme si nous avions toujours été destiné l’un à l’autre, qu’aucun autre chemin n’aurait pu se tracer, tout me ramenait à lui.


Alice et Jasper nous rendraient bientôt visite, j’espérais secrètement que ma tante est une nouvelle vision de notre avenir, qu’elle me laisse miroiter un futur heureux ou à défaut je me serais contentée de l’absence d’expectatives. J’aurais apprécié vivre dans l’ignorance, commettre toutes les erreurs possibles sans en craindre les conséquences. Dans mon idéal, Jacob ne m’aurait jamais quitté, il aurait demandé ma main à mon père, condition impérieuse de ce dernier, je l’aurais rejoint sur l’autel, ou sous une arche a la Push, une bague aurait orné mon annulaire. Nous aurions passé la nuit la plus magique de notre existence. J’aurais été sienne pour l’éternité.


Près de la fenêtre de ma chambre, je rêvassais ainsi des heures, imaginant une vie bien différente. Il ne restait que trois jours avant la remise des diplômes, retourner au lycée me faisait du bien, ça me divertissait. J’avais accepté d’accompagner Oscar au Bal, poussée par ma mère, elle voulait que je vive des expériences humaines et puis c’était la première fois que j’allais jusqu’à la terminale. Rosalie et elle s’était organisées pour me choisir une robe de bal, n’ayant pas la tête à cela. J’essayais de contenter tout le monde, de faire bonne figure alors que j’étais morte intérieurement.


Je rentrais à la maison, après deux heures de littérature et trouvais la robe en question sur un présentoir, Rosalie et ma mère étaient là, elles avaient hâte que je l’essaye. Je les embrassais avant de les remercier, je feintais un enthousiasme excessif. Elle était beige, pailletée et longue. La coupe était évasée et elle était doublée de tulle fin. Le col était échancré, un peu trop tape à l’œil à mon goût, et je reconnaissais bien la touche de Rosalie : ma mère n’avait pas pu choisir ce modèle-là. Je fus obligée de l’enfiler immédiatement,

Bella releva mes longs cheveux en un chignon lâche et je fus invitée à me contempler dans le grand miroir au coin de la pièce.


-     Je t’avais bien dit que c’était celle-ci qu’il lui fallait ! S’enthousiasma Rosalie.


Ma mère acquiesça, son attrait pour la mode était inexistant et elle n’avait pas d’avis tranché sur la question. Elle me sourit à travers la glace. En un regard je percevais tout l’amour qu’elle me vouait. Nous étions assez différents l’une de l’autre, elle était discrète, réservée, pas vraiment sociable. De mon côté, je n’aimais pas la solitude, ni la discrétion, je voulais être entourée, attendue j’aurais souhaité pouvoir m’exprimer, m’insurger. Si j’avais pu faire carrière, j’aurais étudié le droit, je serais devenue avocate ou journaliste, j’aurais défendu les plus faibles, donner une voix à ceux qui n’en avaient pas.


 J’admirais mon reflet, rien ne laissait transparaître de mon état mental hormis quelques cernes sous mes yeux, j’avais conscience de ma beauté, toutefois, elle ne représentait pas grand-chose, c’était un atout comme un autre. J’aimais mes grands yeux en amande comme ceux de ma mère, la couleur cuivrée de mes cheveux héritée de mon père. Je me trouvais cependant un peu trop pâle, trop frêle et le cœur qui battait dans ma poitrine me rendait plus vulnérable que les miens.


-     Allons voir Edward ! Sautilla Rosalie, fière de ses prouesses de styliste.


-     Je ne suis pas sûre que ce soit une bonne idée. Plaisanta Bella.


Nous rejoignîmes le salon, mon père était avec Emmett, contraint de regarder un match de Baseball.


-     Et voilà la Reine du bal ! S’exclama Rosalie.


Je levais les yeux au ciel, mon père m’observa, il cherchait les mots adéquats pour commenter ma tenue.


-     Renesmée tu es... magnifique, mais Rose tu peux peut-être rajouter un peu de tissus ? Il rit nerveusement. Qui aura le privilège d’accompagner ma merveilleuse fille ? J’espère qu’il le mérite.


-     La ferme Edward ! S’esclaffèrent en cœur Emmett et Rosalie.


Le téléphone retentit, mon pouls s’accéléra, j’espérais que ce serait Lui.

Je me ruais sur le combiné manquant de chuter dans la doublure de ma robe.


-     Allô ? Soufflais-je.

-     Nessie ?


Je reconnus immédiatement le timbre chaud de sa voix, personne ne me surnommait ainsi à part lui. La gravité s’inversa et je me sentis flotter.


-     Ça fait 34 jours Jacob. Précisais-je.


Je comptais chaque minute loin de lui, j’étais en suspend entre deux espaces temps en attendant son appel.


-     Pardon. Il y a eu plusieurs mutations, nous avons de nouvelles recrues. Se justifia Jacob.


-     Hé Jake, tu ne sais pas ce que tu rates, à ta place je me méfierais du cavalier ! Beugla Emmett à travers la pièce.


Je fusillais mon oncle du regard, il avait un don pour mettre les gens mal à l’aise. Jacob resta silencieux quelques secondes. J’en profitais pour rejoindre ma chambre, bien que la mince isolation ne serait suffisante pour me laisser la moindre intimité face à l’ouïe sur développée de mes proches.


-     Tu vas au bal… Danser ? Me demanda-t-il


-     Ce n’était pas mon idée. Me disculpais-je.


-     Avec qui tu... Laisses tomber. J’espère que tu passeras une belle soirée.


Je sentis une pointe de jalousie dans sa voix, comme si un autre homme pouvait m’intéresser. Je décidais qu’il valait mieux changer de sujet.


-     Tu me manques. Lâchais- Je


-     Tu me manques aussi Nessie.


-     Vous quittez bientôt Whitehorse ?


-     À la fin de l’été seulement. Il y a eu quelques contretemps, au niveau administratif…


La vérité différait légèrement, nous quittions le Canada au profil de l’Argentine. Initialement nous devions rejoindre Lionsbay, à seulement six heures de route de Forks, ainsi, j’aurais été tentée de voir Jake plus régulièrement. L’argentine était une sage décision et Carlisle avait des amis sur place qui faciliterait notre intégration.


-     Comment va Charlie ?


-     En pleine forme, il demande constamment de tes nouvelles, il aimerait que tu lui téléphones plus souvent.


-     Tu lui diras que je pense à lui, Bella compte bien prendre une centaine de clichés, il aura de quoi remplir ses albums.


-     Qu’elle n’oublie pas ceux du bal, y inclure le cavalier n’est pas nécessaire en revanche.


Je sentis une pointe de jalousie dans sa voix et soupirais, si seulement tout était plus simple.


-     Je voudrais que ce soit toi. Le rassurais-je.


-     Je t’emmènerais danser, un jour. Affirme-t-il.


-      J’espère que ce jour viendra Jake. Ma voix défaillit.


Je ne craignais qu’il espace davantage ses coups de fil par peur de me rendre triste, je choisis de couper court à notre conversation avant qu’il puisse desceller la détresse qui me submergeait.


-     Je dois y aller, mentis-je, ne m’oublies pas.


-     Prends soin de toi, je t’aime.


Je raccrochais, les mots ne parvenaient à franchir le nœud dans ma gorge. L’amour faisait-il toujours souffrir ou était-ce, car le nôtre était illégitime ? Fallait-il que nous soyons ordinaires pour nous lier ? Un loup-garou et une hybride, qui aurait parié que l’unique rempart entre nos deux âmes serait une assemblée de vampire centenaire avide de châtiments et de pouvoir.


Cette pensée fit naître une rage incontrôlable, je voulais les exterminer, pourquoi nous soumettre à des lois décrétées par des monstres qui n’en respectaient aucune ? Mes poings se serrèrent sous l’effet de la colère, mes ongles entaillèrent la chair de mes paumes, je voulais hurler, je refusais de céder, de me soumettre, je voulais me battre pour qu’enfin nous soyons libres. Des mains agrippèrent mes poignées, quelques gouttes de sang roulèrent le long de mes avant-bras. Mes paupières étaient closes, mon corps tremblait.


-     Stop ! Regarde-moi ! M’ordonna Edward.


-     Laisse-moi, je n’y arrive plus. Ce n’est pas juste. J’irais à Voltera, je les anéantirais. Tous.


La justice : le bien d’une part et le mal de l’autre. Quel concept insensé. Comment faire le bien sans éradiquer le mal ? Du mal parfois ne pouvait que résulter le bien. Aro me vénérait, il rêvait de m’ajouter à sa collection, j’étais un spécimen rare qu’il voulait posséder, je l’obsédais. Il me serait facile de gagner sa confiance, de lui tendre un piège, je trouverais un moyen de l’éliminais puis suivraient tous ses pantins.


Je fus bientôt encerclée par le reste de ma famille, alertaient par l’odeur du sang.


-     Ils sont bien plus fort que toi Renesmée, tu n’as aucune chance. Souligna mon père


Au contact de nos peaux, son esprit interféra avec le mien, il découvrit mes plans de revanche en même temps qu’ils naissaient dans mon inconscient. Ma mère assistait à la scène effarée.


-     Je ne pourrais te perdre, tu es toute ma vie, toute notre vie. Dit-elle, la voix serrée.


-     Alors, je dois les laisser gagner ? Sans même essayer ?


-     Ne fais rien d’inconscient.


Mon père me banda la main comme si je m’étais tranchée trois doigts, il me fixait silencieusement, le visage crispait. Emmett et Rosalie restèrent en retrait et ne firent aucun commentaire, fait rare. La soirée s’acheva ainsi, douloureuse et amère.

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