Le Journal de Myfanwy

Chapitre 1 : Le Journal de Myfanwy

Chapitre final

4235 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 26/09/2017 21:40

7

Style

7

Scenario

7

Note globale

350 point(s)

Aujourd’hui, mes agneaux, je m’en vais faire un tour du côté de chez Swann du Cap’tain Jack.

Non pas le couard gesticulant de Pirates des Caraïbes incarné par un Johnny Depp en mal d’inspiration (et de royalties), non. Je vous parle du charismatique voyageur temporel, immortel et omnisexuel, le beau Jack Harkness qui, fraîchement débarqué à Torchwood 3, décide sur un coup de tête d’adopter un ptéro. Parce qu’il est comme ça, Jack : les bêtes qui souffrent, lui, ça lui crève le cœur. A moins qu’il n’ait eu envie de tester ses limites sexuelles, ça, on ne le saura jamais. Dans le doute, et vu les images glauques que cette hypothèse fait naître dans mon pauvre cerveau, nous resterons sur la première idée.

Oui, mais a-t-il un seul instant envisagé la possibilité que, peut-être, le ptéro n’avait aucune, mais alors aucune envie d’être là ? Que la créature avait d’autres desseins que celui de rester bien sagement le ■■■ dans son nid sans œuf à attendre qu’on lui fasse l’aumône d’un steak et de quelques carrés de chocolat ?

Heureusement, OldGirl est là pour rendre justice à la SPPB (Société Protectrice des Ptéros Brimés) en prêtant sa plume à l’héroïne la plus piquante du whoverse.

Hardi donc, moulons quelques grains de ce fameux mélange Spécial Jack , et plongeons-nous allègrement dans le Journal de Myfanwy .


Style/Orthographe


C’est toujours un plaisir de lire les récits de l’auteure. Pas de surprise quant à la maîtrise impeccable du français. Pas de fautes, des phrases réfléchies, fleuries et construites sur un rythme court qui donne toute la mesure de la détresse de la narratrice et de ses pensées affolées, parfois incohérentes, et globalement résignées.

L’auteure nous met au parfum d’entrée de jeu : c’est une fic fofolle . Pas de prétention, donc, sinon celle de divertir le lecteur. Pour autant, nous n’avons pas affaire à un gros nawak qui tache : tout est sous contrôle. Le ton est clairement humoristique et décalé et le style légèrement inhabituel pour qui a lu les autres récits d’OldGirl.

La fic est construite comme un journal intime, qui enchaîne les jours et permet de suivre l’évolution dans le temps des pensées de Myfanwy. L’auteure n’hésite pas à jouer avec cette forme bien particulière de narration et s’en sert par petites touches dans un comique de répétition qui fonctionne très bien. Elle n’en abuse pas cependant, ce qui rend ces petits moments d’humour encore plus plaisants.

Nous sommes dans la tête de la ptéro et avons par conséquent affaire à un langage introspectif, davantage parlé que vraiment littéraire, avec de fréquentes interpellations du lecteur. Issue d’une obscure noblesse ptéro, la narratrice s’exprime un peu comme une cagole marseillaise, les gros mots en moins, avec force exagération et haute opinion d’elle-même ce qui, étrangement, sied plutôt bien à la personnalité que l’auteure lui a inventée. Cela n’empêche pas le vocabulaire d’être riche, inspiré, et toujours ad hoc (encore un capitaine ?).

Le récit se lit rapidement, avec beaucoup de facilité et, personnellement, je n’ai pas boudé mon plaisir malgré un niveau d’écriture un peu moins soigné que les autres productions de l’auteure. On sent à travers cette fic une volonté forte de distraire et de secouer son monde, à la fois par le fond et par la forme. Ça fait mouche, les saillies de la ptéro sont savoureuses, brutes de décoffrage et en même temps pleines de tendresse pour ce troupeau bizarre qui lui voue un culte bien légitime.

Pour finir et nuancer légèrement mon propos, j’avoue être parfois mitigée sur le choix de certains mots. Ainsi, même si j’ai qualifié Myfanwy de cagole, je ne l’imaginais pas se fendre d’un Peuchère ! que n’aurait pas renié Marius lors d’une partie de pétanque avé le pastis et le cricri des cigales. Mais ce serait être bien injuste envers les diptères innocents que de reprocher à l’auteure son laxisme langagier. Disons que ces expressions fleuries et inattendues font partie intégrante du charme indéfinissable du personnage principal.

Mon œil de correctrice a également détecté quelques maladresses et des tournures répétitives qui ne dérangent sans doute que moi et mon tatillonnage parfois excessif : j’essaie d’attraper ses dactyles dans mon bec pour en couper deux trois pour me faire des bonbons , je ne peux pas faire trop le bec délicat , etc. Rien qui entrave la lecture, loin de là. Mais je connais la tendance au perfectionnisme de l’auteure et je sais qu’elle partage ma conception qu’une critique peut être bien accueillie si elle est utile. Dont acte. Plaisir d’offrir.


Histoire/Personnages


Tout est dans le titre : nous lisons un journal. Et pas n’importe quel journal. L’auteure nous permet de poser nos petits doigts sales et boudinés sur les pensées les plus intimes du ptéro de garde de Torchwood 3 et de nous faire vivre la première saison à travers ses yeux globuleux. Et, de personnage anecdotique qui fait plus ou moins partie des meubles de la série, OldGirl a imaginé tout un personnage, avec un passé, une histoire crédible traitant de la façon dont la pauvre créature s’est retrouvée à Cardiff et, surtout, une personnalité. Et la ptéro est loin d’avoir l’affable tempérament de l’animal de compagnie qu’elle est supposée être. Son journal nous narre par le menu sa vie d’avant dans son monde de ptéros aux syllabes limitées, son arrivée impromptue à travers une faille spatio-temporelle et sa capture, avant d’égrener impitoyablement les jours qui passent et la voient se résigner de plus en plus à son état de résidente permanente de cette caverne inconfortable qu’est le Hub.

Tout est pris à contre-pied et, pour qui connaît la série et les séquences dans lesquelles apparait Myfanwy, la révélation de son sentiment profond sur son environnement sera un choc. Car la ptéro n’apprécie pas du tout d’être retenue prisonnière de ce clan de bipèdes mal embouchés qui ne sont même pas fichus de lui amener un bout de viande convenable. Pourtant, comprenant qu’elle ne sortira sans doute jamais d’ici, elle finit par leur trouver quelque intérêt, allant même jusqu’à prier sa propre Déesse pour que leur vienne une descendance décente. Je ne veux pas en dévoiler davantage sans vous gâcher le plaisir de la découverte, mais l’auteur s’amuse et détourne avec un plaisir manifeste et communicatif les références à la série, tordant le cou aux idées convenues. En prime, vous aurez droit à l’ingrédient secret qui rend le café de Ianto si particulier.

C’est drôle, bien écrit et, pour un fan, c’est un régal. Attention, il n’y a pas de sous-titre ! Si vous ne connaissez pas la série, vous risquez de passer à côté de tous les clins d’œil évoqués à demi-mot au cours du récit, comme les tentatives amoureuses de certains ou la fin de Lisa Hallett. Mais même le néophyte passera un bon moment tant l’écriture est agréable et la personnalité de la ptéro attachante.

Côté personnages, outre évidemment Myfanwy dont on suit la captivité avec passion, les autres ne sont pas en reste, mais, passés au filtre franchement irrévérencieux de la narratrice, ils perdent parfois de leur superbe. Ou pas. Est-il étonnant de constater que le charme du beau Jack agit même sur les femelles ptérodactyles, en faisant battre leur petite membrane de midinette ? Ou que Ianto Jones est traité par la Reine Autoproclamée de Céans comme le larbin de service et le Grand Dispensateur du Breuvage Merveilleux ?

Une vision sévère et déformée, mais pas dépourvue d’un certain réalisme.

Ce récit nous offre au final un point de vue décalé sur la série et sur la vie au sein du Hub qui, au-delà du divertissement, nous amène à nous interroger sur la façon dont un même événement peut être perçu par des protagonistes de cultures (ou de races, comme ici) totalement différentes, nous balançant à la figure la tolérance dont nous devrions sans doute faire preuve envers les Autres. Ces fameux Autres, que nous trouvons si éloignés de nous et de nos confortables petites vies, ces Autres que nous ne comprenons pas toujours et que nous ne pouvons pas juger à l’aune de nos propres croyances, mais simplement les accepter tels qu’ils sont. Connaissant l’auteure, je ne serais pas étonnée qu’elle ait eu cette réflexion en tête lors de l’écriture de sa fic. Qu’elle ait choisi d’en faire un moteur comique plutôt que dramatique n’enlève rien à la gravité de cette seconde lecture et c’est un bonheur de voir que, encore une fois, tout est pensé et mesuré, même dans une histoire récréative.


Conclusion


Oldie nous a habitués à une prose de qualité, avec un phrasé complexe mais délié, un choix de mots aussi varié que précis et une grande tendresse pour ses personnages. Cette fic, même si elle diffère des autres dans le style et la narration et se situe légèrement en-deçà de ses autres productions, ne déroge pas à la règle. Si vous aimez les side-stories intelligentes, menées un peu à contre-courant, et animées d’un esprit très british à l’humour WTF, vous apprécierez ce One-Shot sans prétention qui souffle comme une brise de folie bienheureuse dans les univers déjà bien tapés de Torchwood et Doctor Who, et qui offre en filigrane une petite réflexion pas méchante sur la tolérance et l’intégration…

Et, parce que je suis gentille, je laisserai le mot de la fin à Myfanwy : Kraaaa !