Initiales JH : Young Blood

Chapitre 3 : Falling for you

2100 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 19/12/2019 21:18

CHAPITRE III : Falling for you


JON HARTSHORNE

La sensation de torsion dans son épaule était atroce et lui vrillait les nerfs. Son cœur battait dans sa gorge, dans ses oreilles et sa vision se brouillait… S'était-elle déboitée sous le choc ? A flanc de montagne à pic, il était suspendu dans le vide : son mousqueton automatique venait de céder. L'anfractuosité où il avait eu la mauvaise idée de l'insérer était trop friable. Et la seule chose qui l'empêchait de tomber et de s'écraser au sol des centaines de mètres plus bas, était la main du bleu serrée autour de son avant-bras. La main de Jack.

— Je ne te lâche pas, disait-il avec détermination, le visage crispé sous l'effort.

Jon le regarda et il réalisa avec une parfaite clarté que ce visage avec ses yeux bleus et ses belles lèvres au-dessus d'un menton à fossette, serait probablement la dernière chose qui se graverait sur sa rétine avant de mourir. Ça aurait pu être pire ! Tant de ses camarades finissaient lamentablement, un trou dans le bide à contempler leurs intestins se répandre, la gorge ouverte d'une oreille à l'autre ou un coup de coutelas dans le dos, rendant leur âme damnée au fond d'une ruelle glauque…

Sa propre main glissait le long du bras qui le retenait à la vie. Glissait inexorablement. Foutue gravité. Pourtant, s'il lâchait maintenant, le gamin aurait une chance raisonnable de s'en sortir. Il était fort, il était en bonne condition malgré sa noyade de tout à l'heure... Il tourna la tête pour regarder le vertigineux dénivelé sous ses pieds. On ne survivait pas à des centaines de mètres de chute…

— Ne regarde pas en bas ! Regarde-moi, l'encourageait-il.

— Écoute, je ne vais pas pouvoir tenir. Pas dans l'état où je me trouve…

Sa décision était prise. Il leva les yeux vers lui, lui décocha son sourire le plus courageux et soigna son épitaphe qui se devait d'avoir un peu de panache :

— Je te remercie d'avoir essayé. Adieu, Boeshane.

Et il lâcha le bras qui le retenait.

Jack écarquilla les yeux et jura. C'était étrange parce qu'il savait qu'il s'appelait Jack mais l'ignorait dans son vrai souvenir. Il l'entrevit fourrager quelque chose avec son mousqueton mais comme il tombait vite, encore agréablement porté par l'air, il ne sut pas tout de suite ce qu'il essayait de fabriquer là-haut. Il ferma seulement les yeux, dérivant sur les courants, dans l'attente de sa mort brutale et imminente… Sa dépouille ne serait pas très présentable. Mais il n'avait personne qui aurait pu s'en indigner. Vraiment pers…

Le choc totalement inattendu lui arracha un cri et l'envoya tournebouler dans les airs. Il avait heurté quelque chose en vol !

Non, pas quelque chose mais quelqu'un car deux indéniables bras l'avaient attrapé par le milieu du corps pour le ceinturer et aussitôt une violente nouvelle secousse verticale avait freiné la chute, en lui soutirant un nouveau gémissement de souffrance – ses côtes étaient déjà bien assez douloureuses… Cassant sa nuque en arrière, il vit au-dessus de lui la corolle blanche d'un petit parachute. Et face à lui, l'éclat blanc du sourire arrogant de son ange gardien dont le souffle lui chatouilla le nez quand il prévint :

— Prépare-toi à l'atterrissage, on manquait de hauteur…

Ils percutèrent le sol et roulèrent sur deux mètres dans un grand méli-mélo de bras et de jambes avant de s'immobiliser, tandis que le fin tissu du parachute retombait mollement un peu sur eux. Crucifié par terre, sous le magnifique maboule dont il avait amorti l'atterrissage, Jon était à peu près aussi sonné qu'estomaqué.

Il avait sauté dans le vide et cet imbécile heureux avait plongé à sa suite, l'avait attrapé en vol et déclenché un parachute insoupçonné qu'il avait de planqué Dieu savait où !… Ce mec était invraisemblable !

Et il crevait d'envie de l'embrasser là, tout de suite, maintenant.

Mais à son grand déplaisir, l'autre s'était écarté de lui presque immédiatement pour se remettre debout et scruter les alentours comme s'il cherchait quelque chose. Quand il fit mine de s'éloigner de quelques pas, Jon s'aperçut qu'il boitait.

— Mais qu'est-ce que tu fiches encore ? lui demanda-t-il en asseyant avec peine la loque qu'était son corps meurtri.

— Attends-moi là, je reviens dans cinq minutes même pas.

— Mais tu peux pas souffler deux minutes, non ? Qu'est-ce qu'elle a ta cheville ?...

— Non, ils ont probablement découvert ton évasion maintenant et des drones vont être envoyés à ta poursuite, lança-t-il par-dessus son épaule en continuant d'avancer. Il faut qu'on dégage au plus vite tant qu'on a encore un peu d'avance. Ils ne savent pas trop où on se trouve encore et je veux conserver cet avantage le plus longtemps possible… Au fait, on en est à la phase D.

Il le regarda s'en aller en boitillant vers le pied de l'à-pic, ignorant combien de phases cette évasion rocambolesque, mise au point par l'un des meilleurs agents temporels connus, en comportait encore. Face à la montagne, la région était désertique, et semblait être une immense plaine sèche s'étirant à perte de vue, uniquement constituée d'un sol rocailleux constellé de quantités de petites pierres coupantes. Le ciel était d'un jaune plombé si bas, qu'on aurait pu croire les nuages à portée de bras… Il se demanda si les drones pouvaient voler en dessous… Si oui, ils seraient vite repérés.

Où était-il ? Bien mal à propos, alors qu'il aurait plutôt dû penser à sa survie, il ne put s'empêcher de repenser à ses bras autour de lui, à l'odeur de sa peau… Et au fait qu'il venait de lui sauver délibérément la vie une nouvelle fois. Toutes les putains de lois tacites et immémoriales de l'humanité stipulaient que désormais, sa misérable vie ne lui appartenait officiellement plus… Et l'excitation et le soulagement qu'il en ressentait n'avaient rien à voir avec le fait que le nouveau propriétaire était merveilleusement beau. Non, rien du tout…

Il entendit dans son dos une sorte de petit chuintement discret et eut la surprise de voir le bleu revenir en chevauchant un petit speeder beige sable flottant à vingt centimètres du sol, qu'il arrêta près de lui.

— Allez, grimpe et accroche-toi.

Jon retint sa réplique salace. Il ne savait que trop bien où il aurait voulu grimper et à quoi s'accrocher. Malheureusement son sourire le trahit probablement car M. Saut-de-l'Ange se rembrunit.

— Je t'ai déjà dit de ne pas me regarder comme ça… Tu ferais mieux de m'écouter si tu ne veux pas que je te laisse moisir ici pour t'apprendre la politesse…

Jon enfourcha le speeder en se collant exprès à son dos, le menton sur son épaule.

— Et comment veux-tu que je te regarde ? T'es un putain de héros, Boeshane…

Nichant sa tête le plus confortablement qu'il put, il enregistra le tressaillement du corps qu'il serrait avec satisfaction et ivresse.

— … et ils ne vont faire qu'une seule bouchée de toi, tu sais ça ? murmura-t-il avec une drôle d'amertume dans la voix. Ce job n'est pas fait pour les types comme toi !

— Trois heures ensemble et tu penses que tu sais déjà qui je suis ? maugréa le novice trop sexy pour son bien. T'es vraiment qu'un crétin qui ferait bien de faire gaffe où il met les mains… Et sinon... c'est quoi ton nom ?

.°.


Kranakar et le bleu étaient assis autour du feu de camp qu'ils avaient allumé sous le ciel nocturne. Comme ils étaient près d'un village, le vieil agent avait décrété que les drones de poursuite n'y verraient rien d'anormal, car les pouilleux qui y vivaient faisaient cuire leur soupe au-dessus d'un feu comme celui-là…

Jon s'était spontanément mis en retrait aussitôt que le « cerveau de l'opération » avait pris les choses en main. Assis à même le sol de terre battue, sous un gros arbre, il ruminait juste sa frustration et son envie. Pendant tout le trajet au travers du désert, enivré par le parfum impitoyable du bel ange, il n'avait rêvé que d'une seule chose : le déshabiller enfin à la lueur d'un feu comme celui-ci et lui faire l'amour. Et dans son fantasme, ils étaient seuls et il se laissait faire. Voire, il y prenait du plaisir. Voire, il lui en donnait à lui aussi. Il rêvait de mordre ses belles lèvres pour un autre bouche-à-bouche qui le laisserait, une fois encore, à réanimer, mais la peur qu'il meure en moins.

Pourtant, à voir les deux autres si manifestement heureux de se retrouver, il ne savait plus quoi penser. Ils étaient là à rire, un peu alanguis – entre deux gorgées de leurs canettes de bière aimablement concédées par les locaux – à se raconter tout ce qui s'était passé, et il lui semblait évident que leur camaraderie virile était sincère. Krana – ce poseur snobinard et mal embouché – avait l'air d'apprécier vraiment le bleu et semblait le connaître depuis plus longtemps que prévu. Depuis avant même qu'il n'entre à l'Agence, s'il en croyait les anecdotes qu'il écoutait d'une oreille plus ou moins attentive…

Il décida qu'il n'en pouvait plus et se leva, grognant qu'il allait dans la grange qu'on leur avait prêtée pour les abriter juste cette nuit. Ils n'avaient pas l'intention de s'éterniser le moins du monde, de toute façon. Dans son dos, il entendit Krana lui répondre « bonne nuit » avec l'air de chercher les emmerdes. Son ton disait assez qu'il se foutait de sa gueule.

Pourquoi, dans toute cette putain de compagnie d'agents actifs du Service Temporel, avait-il fallu qu'il tombe sur les deux seuls hétéros du coin ? Qu'est-ce qu'il pouvait y avoir de plus ringard que ça, franchement ? Ils n'auraient pas dû la ramener. D'habitude, les autres comme eux avaient un peu honte et tentaient de le cacher. Ou du moins, entretenaient le doute afin de ne pas nuire à leur carrière. Krana lui, s'en foutait parce qu'il était trop bon. Ses états de service et sa ruse le plaçaient dans une catégorie tellement à part qu'il n'avait affaire qu'avec les pontes de l'Agence. Et ceux-ci le regardaient comme un type déplaisant mais qu'ils craignaient tout de même, pour une obscure raison.

Une part de lui se demandait ce qu'il avait bien pu savoir ou découvrir sur eux qui lui donne tout ce pouvoir et tous ces privilèges spéciaux… Krana faisait ce qu'il voulait, avec qui il voulait. La Direction lui payait des filles à prix d'or dès qu'il en demandait une. Pas très souvent car ce lèche-cul faisait genre qu'il n'abusait pas... Il avait ses quartiers privés et ne se mêlait que très peu aux autres agents. Il était vif comme l'éclair et passablement brutal. Les autres titulaires en avaient fait l'amère expérience en essayant de le choper dans les douches pour lui faire passer son envie de se croire au-dessus d'eux. Bizarrement, le fait qu'il ait étendu raides cinq types à mains nues, avait plutôt produit l'effet contraire de ce qui était attendu. D'autres jeunes recrues avaient commencé à l'idolâtrer. Particulièrement les plus fragiles, qui servaient de souffre-douleur ou de chaufferettes aux autres.

Avec un sourire en coin, Jon pensait que la titularisation du petit bleu se ferait uniquement si Krana restait officiellement mort. Mais ça signifiait que l'apollon allait devoir migrer dans les quartiers des titulaires et subir le bizutage maison… Rêveusement, il songea qu'il pouvait avoir une carte à jouer ici, s'il était plus fin que d'ordinaire. Il se voyait très bien le réconforter et lui promettre de le protéger des autres… si seulement il voulait bien se montrer un petit peu compréhensif ! Une partie de lui s'en irrita, ce qu'il ne comprit pas. C'était un plan super. Pourquoi est-ce qu'il se sentait furieux ? Furieux et terriblement excité aussi.

Une fois dans la grange, il se laissa tomber sur un ballot de paille de tout son long. Même quand il fermait les yeux, il ne faisait que revoir en boucle, encore et encore, ce moment où il s'était laissé choir dans le vide en sacrifice, et où ce petit couillon l'avait rattrapé. En vol, putain de merde ! Plus classe, tu meurs.


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