«Explique-moi la Vie.»

Chapitre 2 : Yuka

1246 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 09/11/2016 05:20

Ce midi, j’étais à la cafétéria avec ma meilleure amie, Ikuko qui dévorait son bento. Oui, dévorer, la baguette manqua d’y passer. J’ai ris, et lui ai dit :

« Haha… Ikuko, tu devrais manger moins vite, tu vas finir par vraiment t’étouffer ! »

Je lui fis un clin d’œil et enchaîna, d’un air enjoué :

« Qui va m’aider pour mes devoirs ensuite ? »

 

Ikuko rigola à son tour, et me rembarra :

« C’est pas avec ce que tu mange que ton intelligence va grandir, toi ! Regarde-moi ce sandwich, qu’une fine couche de fromage ! »

 

J’ai haussé les sourcils, mimant un air dédaigneux :

« Peuh… Je mange assez… »

 

Elle me répondit, l’air malin :

« Si tu deviens maigre et maladive, comment feras-tu pour plaire à ton Senpai ? »

 

J’ai recraché ma bouchée –très glamour au passage, en rougissant violemment tout en sifflant :

« Ne prononce pas son nom ici ! »

 

Mon ami me tira la langue, en signe de défi, ne me laissant pas d’autres choix que de soupirer. Ce garçon, mon Senpai, était tout pour moi. Beau, drôle, et intelligent. Selon Ikuko, passable, hautain, et débile. Mais je l’aime ce garçon, et elle me soutient de tout son cœur, même si elle adore me taquiner à son sujet… Surtout que j’ai la fâcheuse habitude de prendre une intéressante couleur rouge tomate à l’instant où on prononce son nom.

 

Halàlàlà… Il passe son temps à raconter des blagues, il est d’origine russe, blond, yeux bleus bridés, grand, atl… Bon ok, pas athlétique. Excusez-moi je m’égare, mais haaa…

 

Bref, ceci étant, j’ai croqué dans mon sandwich. Abominable. Je ne saurais qualifier ce goût, mais la sensation de nausée m’envahit immédiatement. « Aller… Avale puis fais semblant de mâcher, telle est la clé de notre survie. Et n’oublie pas de mimer ton régal ! » me répétais-je. Ces paroles, je les tenais de ma mère qui a toujours tenu à ce que je mène une vie dite « normale ». C’est juste dommage qu’elle ne soit plus là pour me voir.

 

Remarquant qu’Ikuko me fixait d’un air attentif, j’ai rapidement chassé ces pensées de mon esprit et lui sourit –ne souhaitant pas l’inquiéter. Après tout, les humains paraissent tant apprécier ces sandwichs… Je vais finir par attirer l’attention si la nausée me monte à la tête. Si vous connaissez les caractéristiques principales qui font d’une goule l’être misérable que je suis, vous vous doutez donc bien que je ne peux ingurgiter que de la chair humaine… Et que mon appétit grandit, entouré par cette bande de lycéens bruyante.

 

Ikuko ? Non… Ikuko est ma meilleure amie, elle est tout pour moi et pour rien au monde je ne pourrais la manger. Il faut que je mène une vie des plus classiques pour ne pas me faire repérer. Si le pire arrivait… Je serais forcée de l’éliminer, et de m’enterrer par la même occasion. Ma vie n’est qu’une tragédie, j’en ai déjà fait l’expérience, mais autant gagner le plus de temps possible…

 

Je lui ai donc sourit tout en finissant en vitesse mon sandwich, (« avale, et fais ensuite semblant de mâcher… ») puis j’ai annoncé en me levant :

« Il faut que j’aille aux toilettes, on se rejoint dehors. »

 

*****

 

En revenant de ce qui fut un quart d’heure de souffrance ventrale terrible –dont je vous passerais les détails, je vis des hommes à valise qui sortaient de la cafétéria des professeurs. Manquant trois respirations, je me suis planquée derrière un pilier près des toilettes le temps de rajuster mon air affolé.

 

Un flot d’émotion traversa mon esprit. Pourquoi étaient-ils là ? Qui cherchaient-ils ? Etait-ce donc moi ? Les derniers souvenirs de mes parents remontèrent à ma mémoire, pourquoi devais-je y penser à un tel moment ? Leur place n’était pas au lycée, pas plus que celle des inspecteurs. Ce n’était pas normal, ça ne pouvait pas être normal, et pourtant ils étaient bien là, en chair et en os. Que devais-je faire, l’affolement m’a toujours fait perdre mes moyens, comme aujourd’hui et…

 

« N’abandonne jamais, quoi qu’il arrive, n’abandonne pas ta vie. »

« N’abandonne pas. »

Ma mère, avec sa voix douce et rassurante.

 

Tant de douceur, et pourtant ces quelques mots suffirent à me redonner courage. Je devais l’affronter, un point c’est tout. Ne pas abandonner. Et puis, je m’étais mis du déodorant après avoir vomi dans les toilettes donc l’odeur ne devrait pas les interpeller. Tout ce que j’espérais, c’est que je leur sois inconnu. Je m’explique, je ne peux pas nier que se battre contre les agents du CCG ne m’est pas inconnu, même si mon masque me dissimulait, je les évite à tout prix.

 

Je me suis redressée, et droite comme un i je me suis avancée vers l’autre bout de la cour, ne pouvant m’empêcher de redouter le moment infaillible où on se croisera. Le déodorant devrait suffire.

 

Comme on pouvait s’y attendre, ils ne firent pas attention à moi… A l’instar de mes repérages :

1m75, environs 80 kg, homme allure droite

1m95, environs 90 kg, homme d’allure sec et portant une légère bar… Attendez.

 

Mais je le connais, lui.

 

C’est lui qui a tué mes parents. Mon cœur se serra.

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