Mon Sorceleur : au-delà du jeu

Chapitre 20 : Le Loup Blanc dans mon monde / L'Ultime Traversée et la Promesse du Continent

Chapitre final

2161 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour il y a 27 jours

La réalité est une chienne. Et la mienne en plus, j'avais maintenant un Sorceleur aux yeux d'or qui n'avait aucune idée de ce qu'était un micro-ondes. Geralt était là, devant moi, dans mon appartement, mais le médaillon à son cou était aussi silencieux que ma vie sociale avant qu'il ne débarque.

Ses yeux dorés, habitués à percer les brumes d'une forêt ancestrale ou la fureur d'un hurleur, balayaient mes arbres familiers avec une perplexité amusante, si la situation n'avait pas été aussi désespérée.

Il ne comprenait pas le bruit lointain des voitures, la lumière des réverbères, les odeurs mêlées de terre et d'échappement. Il était un loup dans une meute de chats de salon, et l'inconfort était palpable.


"C'est… bruyant," a-t-il grommelé, ses sens surchargés. Je pouvais presque le voir lutter contre l'envie de couvrir ses oreilles.

Pour lui, ma ville était probablement le monstre le plus étrange qu'il ait jamais affronté, sans points faibles connus. Sans parler des trottinettes électriques… j'ai eu peur qu'il ne les prenne pour de nouvelles formes de Stryges.


La première nuit a été un cauchemar logistique et un festival de l'incompréhension mutuelle. Geralt ne pouvait pas se montrer en armure de Sorceleur en pleine ville, sauf s'il voulait finir dans un reportage de M6 sur "Les cosplays extrêmes". J'ai fouillé mon dressing, tentant de le "civiliser". Un vieux jean trop grand, un sweat-shirt sombre qui camouflait sa musculature impressionnante, des baskets qui lui serraient les pieds et le rendaient curieusement agile pour des chaussures aussi inconfortables. Il avait l'air d'un roadie de rock énervé, un peu perdu, ou d'un touriste russe en pleine réorientation professionnelle.

Et son épée… impossible de la cacher. J'ai dû la démonter et la dissimuler dans un sac de sport, une abomination pour un Sorceleur. J'ai imaginé sa réaction si je lui avais proposé un legging et un crop-top.

La Chasse Sauvage aurait eu moins de chances de le traumatiser. Ses méditations de l'aube étaient désormais rythmées par le chant des coqs lointains et le klaxon des livreurs de pizza.


"C'est quoi ce… truc ?" m'a-t-il demandé un matin, fixant ma cafetière Nespresso avec une méfiance digne d'un Nekker. Il avait préféré l'eau froide du robinet à ce "breuvage noir et fumant". Le micro-ondes était un appareil démoniaque ("Il n'y a pas de signe de magie, mais ça chauffe la nourriture sans feu… Dangereux."), et il refusait d'utiliser mes couverts en acier inoxydable, préférant ses propres couteaux de chasse qui, heureusement, étaient restés dans sa botte. J'ai dû insister pour qu'il ne les jette pas sur le grille-pain quand il s'est mis à faire des siennes.


Mais au-delà de ces détails comiques, la gravité de la situation nous pesait. La Chasse Sauvage n'était pas un conte de fées. Ils avaient été là, dans mon monde. L'air en portait encore l'écho glacial.

Et si Eredin avait réussi à les faire passer une fois, il essaierait encore. Et la perspective de voir des cavaliers fantômes galoper dans ma ville était… moins qu'idéale.


Mon objectif est devenu obsédant : le renvoyer. Mais pas seul. Nous devions repartir ensemble. Je suis retournée au bosquet chaque jour, mesurant, testant, cherchant le moindre résidu d'énergie.

J'ai même rebranché le générateur, tentant de reproduire les conditions exactes de l'ouverture. Rien. Le silence du portail fermé était assourdissant.


Geralt passait ses journées à errer dans l'appartement, agité. Il méditait, affûtait ses épées (heureusement en secret dans le jardin du rez-de-chaussée, en faisant semblant de tailler les rosiers), et regardait les infos avec une curiosité intense.

Il ne comprenait pas la langue, mais il était fasciné par les images des villes modernes, des avions, des écrans. "Vous avez construit de grandes cages," a-t-il commenté un jour en regardant un reportage sur New York. Je me suis dit qu'il avait peut-être trouvé le bon résumé, même s'il n'avait pas encore découvert le concept du télétravail.


Nos conversations tournaient toutes autour du même sujet : comment rentrer. Je lui expliquais mes théories sur les résonances énergétiques, les lignes telluriques, la physique quantique et les failles dimensionnelles.

Il écoutait, ses yeux fixés sur les miens, posant des questions pertinentes avec une intelligence qui me coupait le souffle.


"La magie de votre monde est silencieuse, mais elle existe," a-t-il dit un soir.

"Elle est partout. Vous la contrôlez sans le savoir." J'ai failli lui expliquer la fibre optique, mais je me suis dit que c'était déjà assez compliqué comme ça.


Je pensais à la Grande Conjonction, à la manière dont les mondes s'étaient entremêlés. Et si notre séparation n'était pas un simple accident, mais une nouvelle anomalie ? Une sorte de lien brisé qui devait être réparé.

La Chasse Sauvage n'était pas la cause originelle, mais un amplificateur, un chasseur de ces anomalies. Ils étaient venus me chercher, pas pour la détruire, mais pour la maîtriser. Et si j'étais la clé pour stabiliser un nouveau passage ?


La tension montait entre nous. Non pas de la discorde, mais de l'urgence. Nous étions une équipe, plus que jamais. Lui, le Sorceleur arraché à son monde, sans but ni quête dans le mien.

Moi, la femme de mon siècle, déchirée entre la vie que j'avais et celle que j'avais trouvée. La séparation nous rendait fous.

Nous devions trouver un moyen. Et la seule constante, le seul fil conducteur, était le point de convergence. Le bosquet. L'endroit où tout avait commencé, et où tout avait failli finir.


Un soir, alors que je m'apprêtais à abandonner pour la journée, mon téléphone a vibré. Pas un appel. Une notification. Une alerte météo pour un événement rare : une tempête géomagnétique d'une intensité inhabituelle, prévue pour la nuit même, centrée précisément sur ma région.

Une activité solaire anormale qui allait perturber les champs magnétiques terrestres.


Mon sang s'est glacé, puis s'est mis à bouillir d'excitation. Une tempête géomagnétique. Des perturbations des champs magnétiques. Une concentration d'énergie hors normes.

Ce n'était pas de la magie, mais c'était le plus proche que mon monde pouvait offrir d'un phénomène de conjonction. C'était notre chance.


J'ai couru vers Geralt, ses yeux se sont posés sur le mien, et il a su. Il n'y a pas eu besoin de mots. La quête de notre retour allait commencer. Et cette fois, j'espérais qu'on ne me renverrait pas avec un Arachas. Ou un SUV.



La nuit est tombée, lourde et électrique. Le vent s'est levé, hurlant à travers les branches des arbres du bosquet, et le ciel, autrefois parsemé d'étoiles, est devenu un tableau tourmenté de nuages violacés, strié d'éclairs silencieux.

C'était la tempête géomagnétique, et elle était magnifique et terrifiante à la fois. Geralt se tenait à mes côtés, son visage à la lumière des rares éclairs, son médaillon de loup vibrant faiblement mais perceptiblement, une sorte de pouls lointain du monde qu'il avait laissé derrière lui.


"C'est… différent de la magie," a-t-il murmuré, ses yeux dorés fixant le ciel. "Mais la puissance est là. Sauvage."


"C'est la Terre qui respire, ou plutôt qui crache un peu de foudre," lui ai-je dit, tentant de masquer mon propre trac. J'avais l'impression d'être à l'aube d'un examen final pour lequel je n'avais pas révisé, avec le destin de deux mondes en jeu.


J'avais positionné le générateur au centre du bosquet, le plus près possible du point d'impact de la dernière faille.

Les câbles s'étendaient comme des serpents, branchés à un assortiment hétéroclite d'appareils électriques que j'avais trouvés – des vieux récepteurs radio, des haut-parleurs, même une vieille télé à tube cathodique que j'avais traînée là.

L'idée était de créer un maximum de perturbations électromagnétiques et d'énergie ciblée. Si la Chasse Sauvage avait utilisé les lignes telluriques et mon propre corps comme point d'ancrage, alors cette tempête était mon alliée.


Je me suis approchée du panneau de contrôle, les mains moites.


"Geralt, quand la faille s'ouvrira, il faudra être rapides. Je ne sais pas combien de temps elle tiendra. Et surtout, il ne faudra pas regarder en arrière. Pas question de laisser Eredin ou ses copains passer de nouveau."


Il a acquiescé, sa main sur la poignée de son épée d'argent. "Je te couvre."


J'ai activé le générateur. Un bourdonnement strident a rempli l'air, suivi d'un cliquetis alors que l'énergie traversait les câbles.

Les appareils branchés ont commencé à grésiller, la vieille télé crachant une neige statique fluorescente. Le vent s'est intensifié, tourbillonnant autour de nous. Des éclairs ont strié le ciel plus fréquemment, frappant au loin, mais l'énergie qu'ils dégageaient était palpable.


Soudain, l'air devant nous a commencé à scintiller. Pas une lueur, mais une distorsion visuelle, comme une image déformée par la chaleur, mais dans l'obscurité.

Le bourdonnement est devenu un hurlement. La terre a tremblé sous nos pieds. Et puis, la fissure s'est ouverte.


Ce n'était pas un portail violet et menaçant comme celui de la Chasse. C'était une ouverture plus chaotique, une déchirure dimensionnelle qui crépitait d'une énergie brute, mêlant des teintes de bleu électrique, de vert phosphorescent et d'or.

L'odeur du soufre, du métal froid et de l'humidité du Continent a frappé mes narines, me donnant le vertige.

L'air y était plus dense, plus… vivant.

De l'autre côté, j'ai aperçu un paysage familier : les pics sombres de Kaer Morhen, sous un ciel orageux.

Et au pied des murs, je pouvais distinguer de faibles lueurs. Des torches. Quelqu'un attendait.


"Maintenant !" ai-je hurlé, attrapant la main de Geralt.


Nous avons couru vers la brèche. Le vent hurlait, me poussant presque en arrière. L'énergie du portail me tirait, m'étirait, une sensation douloureuse mais familière. J'ai serré la main de Geralt, et il m'a tirée avec une force rassurante.


Alors que nous franchissions le seuil, un cri a retenti de l'autre côté du portail, dans le bosquet. Un cri lointain mais distinct, rempli de fureur et de frustration. C'était le hurlement d'Eredin. Il avait senti la réouverture du portail. Il savait.


Je n'ai pas regardé en arrière. Nous nous sommes jetés dans la brèche, le corps s'élançant dans le vide. La sensation de distorsion a été amplifiée, un bref instant d'anéantissement avant que nos pieds ne heurtent la pierre.


Nous étions à Kaer Morhen. Le vent fouettait nos visages, portant l'odeur familière des montagnes.

Le portail derrière nous a commencé à se refermer, non pas en implosant, mais en se solidifiant, en se scellant.

L'énergie que j'avais libérée dans mon monde avait agi comme un verrou, une barrière stable qui se refermait, non pas pour l'empêcher de s'ouvrir à nouveau, mais pour la stabiliser et la rendre plus difficile à rouvrir.


Pour la Chasse Sauvage, Le cri d'Eredin s'est fait plus faible, plus lointain, puis s'est éteint avec le dernier scintillement de la faille.


Le portail était fermé. Vraiment fermé. Pour de bon. Plus de passages involontaires.

Plus de visites surprises de la Chasse Sauvage dans mon appartement.


Devant nous, la lueur des torches est devenue plus forte. Vesemir, Yennefer et Eskel couraient vers nous, leurs visages marqués par l'inquiétude et l'espoir.


"Geralt ! Luna !" a hurlé Vesemir, le soulagement évident dans sa voix.


Geralt a tourné son visage vers moi, ses yeux dorés brillant d'une lueur que je n'avais jamais vue. Une lueur de soulagement, de détermination et, oui, d'amour. Il a souri, un vrai sourire, qui a illuminé son visage fatigué.


"On est rentrés," a-t-il dit, sa voix rauque mais pleine de certitude. Il a serré ma main plus fort. "Chez nous."


J'ai regardé les murs de Kaer Morhen, les montagnes imposantes, le ciel orageux.

C'était bien la réalité. Mon cœur s'est rempli d'une joie immense, mais aussi d'une nouvelle détermination.


Et le monde qui m'avait acceptée était désormais mon véritable foyer.


La menace d'Eredin était toujours là, la quête de Ciri aussi. Mais cette fois, je savais que je l'affronterais à ses côtés. Le retour avait été brutal, la quête pour revenir, ardue. Mais nous étions là. Ensemble. Et cela changeait tout.


J'étais ici….


Avec lui.

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