Mon Sorceleur : au-delà du jeu
Chapitre 16 : La Dure Réalité du Retour
1094 mots, Catégorie: M
Dernière mise à jour il y a 27 jours
Mes mains se sont posées sur le carrelage familier de mon salon, froid et impersonnel. Ce n'était pas la pierre brute de Kaer Morhen, pas le sol tapissé de peaux de bêtes où j'avais partagé des moments si intimes.
L'air sentait le neuf et le propre, pas le soufre, le sang et le parfum enivrant de Geralt. Chaque détail de mon appartement, autrefois si réconfortant, est devenu une source de douleur aigre.
Le silence de ma chambre était assourdissant, brisé seulement par le bourdonnement de mon réfrigérateur, un son que je trouvais désormais assourdissant après le crépitement du feu et les grognements des monstres.
Mes doigts ont parcouru les cicatrices invisibles que cette aventure m'avait laissées. La brûlure du baiser de Geralt était encore sur mes lèvres, la chaleur de son corps toujours présente sur ma peau.
Mais il n'était pas là. Il n'était pas là, et la distance entre nous était bien plus qu'un simple océan ou un fuseau horaire. C'était un abîme entre les mondes, une déchirure spatio-temporelle causée par un mage de la Chasse Sauvage.
Les larmes ont commencé à couler, chaudes et amères, inondant mon visage. C'était une douleur physique, une sensation de manque si intense qu'elle me coupait le souffle.
Mon cœur hurlait son nom. Geralt. Je l'avais laissé en plein combat, face à Eredin. Était-il en sécurité ? Avait-il été blessé ? Était-il mort ? L'incertitude était un supplice.
Mon téléphone a vibré à nouveau, affichant un appel de ma mère. Je n'ai pas pu répondre. Comment expliquer que j'avais passé des semaines dans une autre dimension, et que je venais de laisser l'homme de ma vie aux prises avec des cavaliers fantômes ? Elle penserait que j'avais perdu la tête.
Et pour être honnête, je n'étais pas sûre d'avoir tort. Ma santé mentale venait de prendre un sérieux coup de poignard en plein cœur.
Je me suis levée, mes jambes tremblantes, et je me suis dirigée vers la fenêtre.
En bas, la vie continuait. Des gens riaient, des voitures passaient, des enfants jouaient.
Un monde avec lequel les plus grands dangers étaient les retards de la Poste et les factures impayées. Un monde auquel Geralt n'existait que dans des livres, des jeux vidéo et des fantasmes.
Pour eux, tout était normal. Pour moi, tout était un mensonge creux.
J'ai cherché mes notes, celles que j'avais gribouillées fiévreusement sur les plantes, les monstres, les coutumes.
Mon carnet était là, sur ma table basse, exactement là où je l'avais laissé. Je l'ai ouvert. Les pages étaient blanches, sans la moindre trace de mes écritures.
C'était comme si l'aventure elle-même n'avait jamais existé, si ce n'était dans mon esprit. La preuve tangible était partie.
La détresse a cédé la place à une rage sourde. J'avais survécu, j'avais aimé, j'avais appris, et tout ça m'avait été arraché en un clin d'œil.
J'étais de retour, mais je n'étais plus la même Luna. Une partie de moi était restée à Kaer Morhen, accrochée à Geralt, à la promesse de ce qui aurait pu être.
Je me suis effondrée sur le canapé, enfouissant mon visage dans mes mains. Le goût salé des larmes remplissait ma bouche.
J'étais prisonnière d'un monde qui me paraissait soudainement insipide et vide.
Et la seule question qui résonnait dans mon esprit, une question qui me torturait jusqu'au plus profond de mon être, était : comment revenir ?
La détresse n'était plus une vague, c'était un océan qui m'avait submergée. Chaque fibre de mon être hurlait le nom de Geralt. Je me suis traînée hors du canapé, le corps lourd, le cerveau en surchauffe. Trois heures. Trois putain d'heures.
Le temps avait joué un tour cruel, rendant mon odyssée dans le monde de The Witcher à peine plus qu'un long rêve pour le reste du monde. Mais pour moi, c'était ma réalité. Mon existence.
J'ai erré dans mon appartement, chaque objet familier me semblant étranger.
Mon laptop, ma cafetière dernier cri, mes livres de fantasy – tout me renvoyaient à cette vie d'avant, si insipide et insignifiante maintenant.
Comment avais-je pu me contenter de ça ? Comment pouvais-je respirer le même air que des gens qui ignoraient tout de la Chasse Sauvage, des Arachas ou de l'odeur du sang de griffon ?
L'idée de reprendre ma vie normale était absurde. Comment retourner au travail, parler de projets ou de budgets, quand la dernière chose que j'avais vue était le visage désespéré de Geralt face à Eredin ? C'était une blague cosmique de très mauvais goût.
Mon instinct m'a poussée vers ce que je connaissais. Mon téléphone. Internet.
Peut-être qu'il y avait une solution. Une faille, un portail, un sort oublié. J'ai tapé frénétiquement des mots-clés dans les moteurs de recherche : "voyage interdimensionnel", "portails autres mondes", "comment retourner dans une fiction".
Les résultats étaient un mélange de théories quantiques complexes, de forums de fans de science-fiction et de sites louches vendant des charmes pour attirer les extraterrestres. Autant dire que Google n'allait pas me donner les coordonnées de Kaer Morhen.
J'ai même envisagé d'aller à la bibliothèque. Sûrement qu'un vieux grimoire ou un traité de physique ésotérique contiendrait la clé.
Mais la futilité de la démarche m'a frappée. C'était ridicule. Personne ne me croirait. J'étais seule. La solitude me rongeait.
Je venais de quitter l'homme qui m'avait montré ce que l'amour signifiait vraiment, et je me retrouvais dans un monde avec lequel il n'était qu'un personnage de jeu vidéo. C'était une torture.
J'ai touché la légère rugosité sur ma joue, là où la main de Geralt s'était posée la nuit dernière (où il y a quelques minutes, selon la dimension).
L'écho de ses baisers brûlait encore sur mes lèvres.
J'ai eu l'impression que la peau était encore mouillée de son corps.
La seule preuve de mon aventure était cette mémoire vivante, cette sensation gravée dans ma chair.
C'était insupportable.
Je devais trouver un moyen.
Peu importe le coût, quel que soit le danger.
Geralt était là-bas, et une partie de moi était restée avec lui.