Un sorceleur spécial
Je ne sais pas combien de temps je reste là, les yeux fixés sur les étoiles. Depuis toujours, j'ai rêvé de devenir astronaute, de voyager dans l'espace et de découvrir des mondes inconnus. Qui n'a jamais rêvé de rencontrer d'autres espèces, de vivre des aventures hors du commun ? Mais ce rêve n'a jamais eu la chance de se réaliser. Je suis parti à cause d'une maladie rare, la mucoviscidose, qui m'a volé mon souffle et a rendu mon corps faible. En plus, j'avais hérité de la fragilité de ma mère ; alors, dès ma naissance, je n'ai connu que l'hôpital.
Pourtant, malgré la maladie, j'ai eu la chance de rencontrer des gens formidables. Les infirmières et les médecins qui prenaient soin de moi m'aimaient beaucoup. Grâce à eux, j'ai pu vivre presque comme un enfant normal. Je me rappelle de mes anniversaires, surtout celui de mes quinze ans. Ce jour-là, tout l'hôpital et mes parents avaient cotisé pour m'acheter un téléphone portable. Je m'en souviens comme si c'était hier. J'avais pleuré de joie, tellement heureux d'avoir quelque chose qui me permettait de vivre comme les autres. Avec ce téléphone, je pouvais enfin aller sur Snapchat, regarder des vidéos, et surtout, lire. C'est là que j'ai découvert la fanfiction.
Lire des histoires, imaginer des mondes fantastiques, m'aidait à sortir de ma bulle, même quand j'étais coincé dans une chambre stérile. Les nuits, je rêvais de mondes pleins d'aventures et de magie, où la maladie n'avait aucun pouvoir sur moi. Mon préféré ? The Witcher 3. Je me souviens des forêts mystérieuses, des villages perdus sous la neige, et de cette musique douce que Priscilla chantait. Sa mélodie, comme une promesse, disait qu'au-delà des épreuves, chacun pouvait espérer trouver son âme sœur. Cette idée me réconfortait, comme si, même avec ma vie isolée, ce rêve restait possible.
Ce jour-là, dehors, je pouvais voir les premiers flocons de neige tomber à travers la fenêtre. Ils dansaient doucement dans le vent, comme de petites étoiles qui viendraient du ciel juste pour moi. Leurs mouvements étaient lents, paisibles. J'avais l'impression qu'ils venaient m'accompagner dans cette fin de voyage.
Mais cette joie n'a pas duré. Le moment fatidique est arrivé, ce jour où je me suis retrouvé à bout de force. À peine éveillé, je sentais la fin approcher, et je voulais dire quelque chose, mais les mots restaient coincés dans ma gorge. Devant moi, ma mère pleurait, mon père retenait ses larmes, et les infirmières, mes amies, étaient là, le visage ravagé par la tristesse.
Ma mère, entre deux sanglots, m'a dit : « Pardonne-moi, ma chérie. » Sa voix était brisée, les mots presque murmurés. Mon père, lui, s'est approché, posant une main tremblante sur mon épaule. « Fils, même si tu nous quittes… sache que nous t'aimons plus que tout. » Sa voix aussi s'est brisée, et je voyais ses larmes perler malgré tous ses efforts pour rester fort.
Les autres infirmières et certains médecins pleuraient aussi. Après toutes ces années, ils m'avaient vu grandir. Pour eux, j'étais presque un membre de leur famille.
Alors que je sentais mes forces m'abandonner, j'ai réussi à murmurer : « Merci… grâce à vous, j'ai eu une grande famille. » Mes propres larmes coulaient, mais j'ai gardé le sourire, comme l'un de mes héros préférés.
Le monde devenait flou autour de moi, les contours des visages disparaissaient dans un brouillard doux. Mais, au-delà de ce flou, j'avais l'impression d'apercevoir des lumières, comme des étoiles, qui semblaient danser et m'inviter. Juste avant de sombrer complètement, une étrange chaleur parcourut mes mains, et quelque chose de nouveau, de doux, m'entourait.
Le bip… bip… bip de la machine a ralenti, s'éloignant peu à peu, jusqu'à devenir un simple murmure. Puis, le silence complet. Dans cet infini calme, une chaleur nouvelle m'enveloppa. Une lumière douce, tamisée, comme celle d'une bougie. Peut-être étais-je enfin en train de commencer ce voyage vers un monde que j'avais tant imaginé.