Vipère au pied
Chapitre 4 : La rencontre avec Capistran
1975 mots, Catégorie: T
Dernière mise à jour 30/10/2018 19:04
A l’aube, Davo, Dagreed et Maja arrivaient devant la maison de Malendrec. Wyn et Malendrec leur racontaient la péripétie de la nuit. Le pêcheur prévoyait deux voyages. Tout d’abord, il les amènerait tous les quatre sur l’île. Puis, dans l’après midi, il reviendrait chercher femme et enfants pour déménager sur l’île de Beren.
Le quatuor aida le pêcheur à préparer la longue barque, à éperon et à fond plat, pointue à la proue comme à la poupe. Le mât fut vite monté ainsi que la voile latine. La mise à l’eau occasionna une belle suée et le groupe mouilla ses chausses. Le vent soufflant des terres permit à l’embarcation de prendre le large à bon allure. Le soleil automnal réchauffa l’atmosphère et l’océan se révélait plutôt calme, la voile se gonfla, l’embarcation avançait bon train.
Le voyage dura une bonne heure, peu à peu l’île de Beren se découpa à l’horizon. Elle devait avoir une superficie de 4 kilomètres carré tout au plus, à la côte rocheuse très prononcée. Selon Malendrec, l’île comptait une centaine d’habitants guère plus. La grande barque longea quelques îlots rocheux. Puis, ils aperçurent une longue plage de sable coincée entre deux falaises rocheuses. Un petit village d’une trentaine de maison en bois se tenait au-delà de la plage. Les ruines d’un donjon se découpaient sur les hauteurs dominant la plage, il ne restait plus grand-chose de cette construction, quelques murs de pierre noire et une vieille tour partiellement éboulée.
Ils halèrent la barque jusqu’à la partie haute et herbue de la plage. D’autres embarcations reposaient là à l’abri de la marée haute. Une dizaine de pêcheurs les épièrent à l’œil mauvais et dur. En voyant Malendrec, les regards se décrispèrent et les pêcheurs se remirent à la tâche de repriser les filets.
Dès les premières pentes herbues, ils remarquèrent la présence de nombreux petits serpents verts ou noirs. Les reptiles filaient se cacher dans les anfractuosités des rochers mais il y en avait assurément des centaines. Le groupe marchait en fil indienne et s’attachait à regarder ou il mettait les pieds. Dans le village, les gens regardaient le groupe avec anxiété, la présence de Malendrec les rassurait à peine. Ils entendirent quelques quolibets et menacent sur les étrangers. Dans les ruelles, ils y avaient moins de serpents mais leur présence était plus incommodante. Les reptiles reposaient sur les margelles des fenêtres, sur et sous les bancs, derrière les paniers en osier. Beaucoup de villageois avaient de petit bâton pour pousser les serpents un peu trop mal installés.
Ils arrivèrent devant une bâtisse en bois plus grande et longue, assurément la maison commune du village. Quand ils passèrent la porte, le brouhaha intérieur s’arrêta brusquement, l’ensemble des personnes présentes tournaient leur visage en direction de l’entrée dans un silence glacial. Certains hommes armés se levèrent, la main à la poignée de leurs épées ou de leurs dagues. Puis, un vieillard à la barbe blanche, se dressa et d’un geste apaisa l’assistance.
- J’ai toute confiance en Malendrec, il va nous expliquer la survenue de ces étrangers ? demanda le vieillard en s’adressant au pêcheur. Il lui fit signe d’approcher de sa tablée. Des gens se levèrent pour laisser de la place au petit groupe. Puis, la salle retourna à ses palabres. Au côté du vieillard se tenait une demi-elfe manchote, une des manches de sa veste était retournée et attachée.
- Messire Capistran, je vous présente des amis, Wyn, Davo, Dagreed et Maja.
- Pas de messire entre nous, je ne suis qu’un vieux pêcheur. Je vous présente Délia, ma compagne, rétorqua Capistran en montrant la demi-elfe.
- Nous sommes venus chercher des réponses auprès des habitants de Beren. Odon, le collecteur d’impôt de la châtellenie nous a relaté la situation par ici. Néanmoins, nous n’avons plus confiance en lui, émit Davo.
- C’est un fourbe doublé d’un lâche, il aide Elvire de Beren à reprendre le pouvoir ici. Il était le toutou de Marthe, il est devenu le laquais d’Elvire, répondit Capistran.
- Pouvez-vous nous parler de ce diabolique duo de Marthe et Elvire, on a vu le tableau chez Odon, demanda Dagreed.
- Une triste période dont on ne pensait plus avoir à se rappeler… Marthe de Beren, la dernière châtelaine était une femme tyrannique et cruelle, injuste et sans cœur. Nous vivions dans la peur et la misère. Son chien galeux d’Odon nous pressurait le peu que nous avions. Puis, elle est morte d’une crise cardiaque, la déesse Melitèle nous avait enfin entendus. Selon Odon, nous devions payer un impôt supplémentaire pour financer les obsèques de celle-ci. Excéder, nous avons décidé de nous battre, les choses s’envenimèrent entre les gardes et notre communauté. Ivre de vengeance, nous avons incendié le château, bouté le dernier carré de gardes et la petite fille Elvire hors de l’île manu-militari. J’ai été nommé échevin par mes condisciples et tenu d’administrer la suite. Nous avons mis en place un conseil îlien. Nous ne reconnaissons plus que notre loi ancestrale et celle de notre roi Foltest dans l’attente qu’il place un intendant juste et intègre, raconta Capistran.
- Pour ne rien vous cacher nous sommes des agents du margrave et donc du roi, répondit Maja.
- Et nous sommes là pour que la situation évolue… Le margrave sait qu’Odon est corrompu et à la solde d’un autre… A la solde d’Elvire… dit Dagreed posément.
- A la solde de la Vipère, répondit Délia avec une voix chargée d’amertume.
- Elvire de Beren, la Vipère ? interrogea Maja.
- La Vipère n’est autre qu’Elvire de Beren… répondit Délia. Capistran acquiesça de la tête.
- Une belle assertion que voilà, vous en avez la preuve ? répliqua Maja.
- Oui, j’ai été sa seconde pendant un an… Ma loyauté à changer de camp… J’ai perdu un bras mais j’ai gagné un compagnon, une famille et une juste cause… Elvire de Beren a changé quand elle est revenue au pays… Elle veut sa châtellenie même au prix du sang. Elle est mauvaise, tout autant que sa grand-mère voir pire… Elle est devenue la Vipère ! Elle a créé cet alter-ego pour magnifier le futur retour d’Elvire qui chassera la Vipère d’un revers de main… J’ai tout révélé à Capistran et aux habitants… Son stratagème a fait long feu… J’ai perdu un bras en essayant de la combattre mais elle est redoutable au sabre...
- Face à Elvire, Délia m’a sauvé la vie, répondit Capistran.
- Elvire a été élevée par son défunt oncle, un espion à la solde de la Rédanie. Je suis convaincu que derrière Elvire, il y a les services secrets du Roi Vizimir. La grande majorité des coupe-jarrets dirigés par Elvire viennent de Novigrad, polémiqua Délia.
- Les Rédaniens ont toujours eu des visées expansionnistes sur le détroit du Pontar et ces îlots, explicita Capistran.
- Par la loi nobiliaire, Elvire de Beren est dans son bon droit. Indubitablement, ses méthodes et sa motivation sont blâmables. Nous avons bien compris qu’Odon est son serviteur zélé, qu’il fait tout pour qu’elle reprenne sa châtellenie, répondit Maja.
- Par contre, si la collusion avec la Rédanie est prouvée cela change tout, elle devienne un ennemi à la couronne, rétorqua Dagreed.
- La Vipère est un fauteur de troubles dont la tête, morte ou vive est mise à prix par le burgrave. Ramenons la tête de celle-ci à Messire Odon qui devrait perdre de sa superbe ! Le problème d’Elvire de Beren sera réglé dans la même foulée. Le pouvoir royal trouvera bien un nobliau pour gérer cette contrée, émit Wyn sur un ton badin.
- Ce n’est pas faux, chassez une hors la loi est dans nos attributions… dit Davo.
- Je sais ou elle se cache. Elle et sa bande occupent une vieille tour en ruine dans le Bois d’Échebrune, au nord de Vars. Quand j’ai retourné ma veste, elle commandait dix gars dont un maître-chien et ses deux mastiffs.
- Cela fait du monde tout de même… émit Dagreed.
- Vous pourrez compter sur une manchote ivre de vengeance et je devrais pouvoir trouver cinq îliens aux compétences martiales. Qui n’a pas souffert d’Elvire ou de la Vipère sur l’île… répondit Délia.
- Une alliance est en train de se dessiner. La Vipère mérite de tomber, rétorqua Wyn.
- Nous partons en bateau, nous accostons sur une plage proche du bois et nous fonçons sur l’antre de la Vipère, ni vu, ni connu… Pourquoi pas cet après-midi quand le fer est chaud il faut le battre, dit Délia.
- Pas d’emballement, permettez nous d’en discuter tous les quatre, répliqua Maja.
- On a une salle attenante à la maison commune. Vous y serez tranquille pour réfléchir à tout çà. Sachez que la Vipère alias Elvire devra tôt ou tard répondre de ses crimes… Indépendamment de tout droit du sang… compléta Capistran en se levant pour mener le groupe dans la salle voisine. Malendrec s’éclipsa pour rejoindre son embarcation.
Un îlien apporta une assiette de sardines fumées et une bouteille de rhum pour aider la réflexion du quatuor. Puis, ils furent tous les quatre tranquille.