Rétribution Sanglante

Chapitre 1 : Au bout de la route

4644 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 14/11/2024 15:48

Les roues de la Dominator GTX grondaient sur l'asphalte poussiéreux, projetant des cailloux derrière elle. Sharon serrait le volant, les jointures blanchies. Les collines arides de Blaine County défilaient sous un soleil impitoyable. Elle roulait assez vite pour sentir l'adrénaline dans ses veines, juste ce qu'il fallait pour rester en contrôle. Sa destination : un village reculé, à quelques heures de Los Santos. Là-bas, elle espérait retrouver un vieil allié, un dernier refuge dans ce monde hostile : Johnny.


Elle avait rencontré Johnny à Liberty City, dans une période où sa vie, bien que déjà mouvementée, semblait moins marquée par les ombres. Elle l'avait sorti d'un mauvais pas, un de ceux qui laissent des cicatrices invisibles. Avant de rejoindre les Lost and Damned et de partir pour Los Santos avec son gang, Johnny l'avait regardée avec cette reconnaissance un peu brutale, comme on observe quelqu'un qui connaît les mêmes règles de survie. Ils n'en avaient pas parlé, mais tous deux savaient reconnaître un monde qui ne laisse personne indemne.


Depuis presque un an, elle vivait sans attaches, calculant chaque déplacement, chaque détour. Pour survivre, elle avait appris à s’effacer, à couper tout lien avec ce qui restait de sa vie d'avant. Dans cette traque perpétuelle, ses ennemis prenaient des formes sans visages, leurs présences dissimulées dans l’ombre de chaque ville qu’elle traversait. La prudence et l’instinct étaient devenus sa seule boussole, la seule chose qui la maintenait en vie.


Sharon savait se battre. Elle savait survivre. Elle avait traversé le pays, changeant constamment de cachette, adoptant des identités différentes, coupant les ponts avec les rares personnes de son passé. La solitude était d’abord une contrainte, elle était désormais une alliée silencieuse et précieuse. Elle ne pouvait compter que sur elle-même, et ce n’était pas plus mal.


La GTX, son unique relique du passé, incarnait sa lutte pour survivre. Elle l’avait personnalisée, transformée en une véritable machine de guerre, un allié silencieux dans ce monde où tout le monde était un potentiel ennemi. Mais alors qu'elle accélérait dans une longue ligne droite, le moteur toussa et fit une embardée, un bruit sourd résonnant sous le capot. La puissance s’évanouissait, et l’aiguille de température frôlait dangereusement le rouge. Elle pesta. Pas maintenant. Pas ici.


Sharon manœuvra la voiture sur le bas-côté, ralentissant avant de s’arrêter dans un nuage de poussière qui retomba lourdement autour d’elle. Elle sortit du véhicule, ouvrit le capot d’un geste résolu, et une bouffée de fumée chaude s’en échappa, la piquant aux yeux. Elle fronça les sourcils, analysant rapidement le problème. Avec des gestes précis, elle tâta plusieurs conduits, vérifiant les pièces visibles, inspectant le radiateur et les courroies.


Elle connaissait bien sa voiture et savait repérer certains problèmes courants. Elle voyait que le moteur surchauffait et que quelques pièces commençaient à fatiguer sérieusement. Elle sortit de la boîte à gants un chiffon qu’elle garda sous la main pour toucher le moteur sans se brûler. Après quelques minutes, elle comprit qu’elle ne pourrait rien faire sans certaines pièces de rechange. Son regard se posa alors sur une borne téléphonique délabrée, non loin de là. Avec un soupir résigné, elle s’y dirigea, déjà agacée à l’idée de devoir expliquer la situation à un mécanicien — une fois de plus. Ses pieds soulevaient la poussière à chaque pas tandis qu’elle jetait des regards rapides autour d’elle, attentive aux moindres mouvements, prête à réagir à la moindre menace.


Après quelques tonalités, une voix rauque répondit. Sharon expliqua brièvement sa situation. Moins d’une demi-heure plus tard, le dépanneur arriva en soulevant une vague de poussière, l’énorme dépanneuse s’arrêtant dans un grincement métallique devant Sharon et sa Dominator immobilisée. Le conducteur descendit de la cabine avec la nonchalance d'un homme qui en avait vu de toutes les couleurs. Il portait une casquette délavée et un vieux T-shirt maculé de taches d’huile. Sans dire un mot, il scruta le moteur fumant, hocha la tête d'un air entendu et fit signe à Sharon de monter dans la dépanneuse.


Le trajet vers le garage se déroula en silence, rythmé seulement par le bruit du moteur et le grincement des essieux sur la route accidentée. Sharon, assise à côté de lui, fixait le paysage qui défilait, la fatigue pesant lourdement sur ses épaules. À plusieurs reprises, elle sentit le regard du conducteur glisser vers elle, curieux mais sans insistance, comme s’il pesait le mystère qui l’entourait sans chercher à le percer.


Une fois au garage, un bâtiment modeste en tôle avec des affiches fanées et un chien endormi près de la porte, un mécanicien d’une cinquantaine d’années s'approcha d’eux. Sa peau était tannée par le soleil, et des rides profondes encadraient son regard vif, marqué par les années passées sous le capot des voitures en ruine. Il se pencha sur le moteur de la GTX avec une expertise calme, ses mains parcourant la mécanique sans hésitation. Après quelques instants, il lâcha un soupir et se redressa en s’essuyant les mains.


« Ça va me prendre un peu de temps pour régler ça, » dit-il en jetant un coup d'œil rapide vers Sharon, son regard mêlant le respect et la curiosité.


Sharon sortit une liasse de billets et les compta lentement, avant de lui tendre la somme. Chaque coupure semblait peser plus lourd que la précédente, comme si chaque billet représentait une part de la liberté qu’elle cherchait à préserver.


« J’en aurai besoin le plus vite possible, » dit-elle d’un ton direct, sans détours.


Le garagiste examina l'argent sans ciller, mais un bref sourire se dessina au coin de ses lèvres. Il hocha la tête et glissa les billets dans la poche arrière de son jean, sans montrer la moindre émotion. « Passez la nuit en ville, je vous la rendrai demain. »


Sharon acquiesça d’un signe de tête. Elle n’avait rien à ajouter, pas de plaisanterie ni de sourire échangé. Une fois sortie du garage, Sharon leva son téléphone pour vérifier ses messages, lançant un regard nerveux vers l’écran. Elle avait envoyé un message à Johnny pour lui dire qu’elle venait d’arriver à Blaine County, mais aucune réponse ne lui était parvenue. Le silence inhabituel de Johnny résonnait comme une alerte discrète, le genre de sensation qui serre l’estomac sans donner d’explication rationnelle.


Elle inspira profondément, effaçant l’inquiétude qui menaçait de s’installer. Ce n’était pas le moment de se laisser envahir par le doute. Elle devait se concentrer. Derrière cette sensation vague se cachait peut-être juste la peur d’affronter enfin ce territoire des Losts, une faction qui, même à distance, projetait une ombre intimidante.

Sharon savait qu’il lui fallait avancer, et qu’hésiter ici, seule, ne servirait à rien. Avec une résolution nouvelle, elle rangea le téléphone dans la poche de sa veste, refoulant toute émotion superflue. Ses pas la menèrent vers la route poussiéreuse qui menait au QG des Losts.


Le village était plus grand qu'elle ne l'avait imaginé, un curieux mélange de bâtiments vétustes et de constructions plus modernes. Les habitants l’observaient avec méfiance, certains murmuraient sur son passage, mais personne n'osa l'interpeller.


Elle arriva devant le bâtiment délabré, le crépuscule teintant le ciel d’une lumière rougeâtre. Les motos garées à l'extérieur, les membres du gang qui fumaient nonchalamment... tout semblait étrangement familier, et pourtant il y avait quelque chose de changé. Une tension palpable, des regards détournés. Elle s'approcha du garde à l'entrée.


« Je veux voir Johnny, » lança-t-elle.


L'homme la fixa, sourcil levé. « Qui le demande ? »


« Sharon. » Elle sentit l’impatience monter, son ton se durcissant. « Il m'attend. »


Le garde haussa les épaules, indifférent. « Entre. Le chef est dans son bureau. »


Elle n’attendit pas plus longtemps, pénétrant dans le bâtiment. Les couloirs sombres dégageaient une odeur de poussière et de bière rance, les quelques motards présents la regardaient avec une curiosité teintée d’hostilité. Lorsqu’elle arriva devant la porte du bureau, elle hésita un instant avant de frapper. Une voix grave l’invita à entrer. Ce n’était pas celle de Johnny.


Elle poussa la porte et découvrit un homme massif assis derrière le bureau, son sourire narquois la mettant immédiatement sur la défensive. Il la dévisageait, l’air de se moquer.

« T’es qui, toi ? » lança-t-il, sans se lever.


« Où est Johnny ? » répliqua Sharon, ses yeux fixés sur l'homme, cherchant le moindre indice.


Il éclata d’un rire amer. « Johnny ? Il est plus là, ma grande. Il s'est fait descendre il y a quelques jours. Une histoire de règlement de comptes. »


Les mots résonnèrent dans la pièce comme un coup de tonnerre. Sharon sentit son estomac se nouer. « Quoi ? »


« Johnny s’est attiré les mauvaises personnes, et tu sais comment ça se passe dans ce milieu. Ça finit toujours mal. » L’homme se leva, ses yeux froids plantés dans ceux de Sharon. « Il a perdu le contrôle. Et toi, tu devrais peut-être en tirer une leçon. »


Elle le fixait avec une rage contenue. Johnny méritait mieux. Elle avait espéré que, pour une fois, quelqu’un de son passé tiendrait sa promesse. Mais il ne restait plus rien de cette promesse, si ce n'est une colère sourde et un désir brûlant de faire payer ceux qui avaient pris la vie de Johnny.


« Qui a fait ça ? Qui l’a tué ? » murmura Sharon, la voix vibrante de colère.


Le chef croisa les bras, un sourire narquois étirant ses lèvres. « Une mauvaise rencontre, qu’on m’a dit. Les Angels, les Aztecas, ou peut-être une bande de chasseurs de primes… Qui sait ? Franchement, qu’est-ce que ça change ? Johnny n’était plus utile. »

La désinvolture dans sa voix enflamma Sharon de l’intérieur, mais au lieu d’exploser, elle canalisa cette colère brûlante en une froide détermination. Elle plongea son regard dans celui du chef, affichant une fermeté qui n’avait cessé de croître au cours des derniers mois.


« Je veux des détails, » lança-t-elle d'une voix tranchante.


« Oh, alors t’es venue pour des détails, hein ? » ricana-t-il. « Les gars, vous entendez ça ? Elle veut des explications. » Son regard devint plus dur, sa voix plus tranchante. « Allez, montrez-lui ce qu’on réserve à ceux qui posent trop de questions. »


Un sbire s'avança, lentement, de façon délibérée, un sourire malsain flottant sur ses lèvres. L’autre restait en retrait, prêt à bondir au moindre signal. Le cœur de Sharon battait de plus en plus vite, mais elle resta immobile, guettant la moindre ouverture. Quand l'homme fut à portée, il tendit brusquement la main et attrapa sa veste.


« T’as l’air bien nerveuse, toi, » lança-t-il en la fixant de ses yeux fuyants, un sourire moqueur aux lèvres. Puis, d’un geste brusque, il attrapa le col de sa veste et le tira, comme pour la provoquer, tester sa patience.


Ce fut le déclencheur. Sharon dégagea son bras d’un geste sec et frappa violemment le visage de l’homme, le son d’un craquement accompagnant le coup. Il recula, une main couvrant son nez ensanglanté. Sans perdre de temps, le second homme surgit, un couteau brillant à la main. La lame fendit l’air, frôlant Sharon alors qu’elle esquivait, mais elle sentit la déchirure sur sa veste.


Elle répliqua instantanément, frappant le poignet de l’agresseur d’un coup sec. Un craquement résonna, et l'homme lâcha un cri de douleur en lâchant son arme. Mais elle n’eut pas le temps de souffler ; déjà, un autre fonçait sur elle, une chaîne rouillée tourbillonnant dans ses mains.


Sharon se baissa juste à temps, la chaîne sifflant au-dessus de sa tête avant de heurter une lampe suspendue. Elle se redressa rapidement, mais le motard la percuta violemment avec son épaule, l’envoyant valser contre une table. Le choc fut brutal, ses côtes hurlant sous l’impact. La douleur lui coupa le souffle, ses oreilles bourdonnaient.


Roulant sur le côté, Sharon esquiva de justesse un coup de pied qui aurait pu lui fracasser le crâne. Elle saisit un morceau de bois brisé provenant de la table et, en se relevant, l’abattit sur la tempe de l’assaillant, le faisant tituber. Il grogna, secouant la tête pour chasser le voile devant ses yeux, mais elle ne lui laissa pas le temps de récupérer. Elle lui lança le morceau de bois au visage et, profitant de la distraction, balaya ses jambes d’un coup de pied, le projetant au sol.


« Putain ! Tuez-la ! » hurla le chef, appelant d’autres membres postés à l’extérieur du bureau.


Sharon chercha frénétiquement une sortie. Elle n'avait aucune chance contre autant d'adversaires en espace clos. Ses yeux se posèrent sur une fenêtre, ses volets entrouverts à l’autre bout de la pièce. Sans perdre une seconde, elle se lança dans une course effrénée, les voix des motards se rapprochant.


À quelques mètres de la fenêtre, elle bondit, protégeant son visage de ses bras croisés. Le verre éclata dans un fracas assourdissant, et elle sentit les éclats acérés lui lacérer la peau. La chute de l’autre côté fut rude ; elle s’effondra sur le sol poussiéreux, le souffle coupé, une vive douleur s'emparant de son flanc.


Elle baissa les yeux et vit un éclat de verre profondément planté dans sa chair. La plaie s'ouvrait déjà, le sang coulant abondamment. Elle inspira profondément et tira d’un coup sec. La douleur fut fulgurante, mais elle serra les dents et appuya sa main sur la blessure pour ralentir le saignement.


« Attrapez-la ! » hurla le chef depuis l’intérieur, alors que le bruit des moteurs de moto commençait à se faire entendre.


Sharon tituba, mais ne s’arrêta pas. Elle courut à travers la ruelle adjacente, son souffle court, les poumons en feu. Elle s’accroupit derrière une benne à ordures, hors de vue, et chercha désespérément quelque chose pour improviser un bandage. Elle trouva un morceau de tissu déchiré, sale mais utilisable. Elle l'enroula autour de sa taille, serrant au maximum pour contenir l'hémorragie.


Son corps tremblait, la douleur pulsait à chaque battement de cœur, mais elle n’avait pas le choix. Elle devait tenir, même si chaque pas l’épuisait un peu plus. Ses oreilles captaient les bruits de moteurs au loin ; ils la cherchaient. En levant les yeux, elle aperçut au loin une enseigne lumineuse : « Silver Bullet ». Un bar. C’était peut-être sa seule chance de se cacher, au moins le temps de reprendre ses forces.


A l’intérieur du bar le « Silver Bullet », assis au bout du comptoir, Frank Castle profitait de ce moment rare, plongé dans l’ombre du bar, enveloppé par l’anonymat. Le bruit sourd du rock émanait du juke-box dans le coin, dissimulant la rumeur des conversations, juste ce qu’il fallait pour ne pas être dérangé. Il observait, silencieux, perdu dans la routine des lieux.


Autour de lui, la foule bruissait, animée par les rires et les murmures indistincts des habitués. Frank préférait rester en périphérie, observer en silence. C’était une habitude qu’il avait acquise au fil des années, une habitude dont il n’arrivait pas à se défaire, même en ces rares moments de calme.


Il sirotait son verre, perdu dans ses réflexions, lorsqu’une voix féminine, rauque et légèrement grave, s’éleva à côté de lui.

« Une bouteille de whisky, s’il vous plaît. »


Frank tourna imperceptiblement la tête, intrigué. Ce n’était pas une demande courante, et l’assurance teintée de fatigue dans la voix de la femme attira son attention. Il y avait quelque chose chez elle, une tension palpable, comme un fil tendu prêt à se rompre. Ses mouvements étaient mesurés, mais son regard ne mentait pas : il trahissait une fatigue, un fardeau invisible. Tout, de sa tenue sobre à la précision de ses gestes, trahissait une femme qui ne cherchait pas à attirer l’attention.


Frank avait déjà vu ce genre de comportement – le regard vigilant, le corps légèrement en retrait, prêt à réagir au moindre mouvement. Elle semblait surveiller la salle discrètement, comme quelqu’un qui se prépare à s’éclipser au premier signe de danger. Mais malgré son attitude, il y avait en elle quelque chose qui la rendait difficile à ignorer.


Puis, lorsqu’elle sortit quelques billets pour payer, il remarqua des taches sombres sur le dessus de ses mains. Dans la pénombre, difficile d’en deviner la nature exacte, mais il reconnut là un signe de quelqu’un habitué à la rudesse et à la violence.


Leur regard se croisa un bref instant. Elle scrutait son regard, l’évaluant rapidement pour avoir s’il représentait une menace. Frank sentit une étrange tension, une curiosité mêlée de prudence. Elle ne dit rien, mais ce regard… il y avait quelque chose d’insaisissable, un éclat qu’il ne parvenait pas à ignorer. Il resta impassible, buvant sa bière, la laissant l’évaluer sans mot dire. Elle détourna les yeux presque immédiatement, mais cette fraction de seconde avait laissé une impression.


Finalement, la femme saisit la bouteille et, sans attendre de verre, se dirigea d’un pas rapide vers l’arrière du bar. Frank suivit ses mouvements du coin de l'œil. Elle se frayait un chemin parmi les clients, les épaules rigides et le regard nerveux. Alors qu'elle passait devant le comptoir, elle attrapa également une poignée de serviettes en papier, comme si elle anticipait quelque chose. Ses gestes étaient précipités, mais calculés, révélant une urgence sous-jacente.


Un homme ivre la heurta en titubant, la faisant sursauter. Frank l’a remarqué. Elle souffrait, c'était évident. Ses pas étaient rapides, mais légèrement heurtés, comme si chaque mouvement réveillait une douleur dissimulée. Frank fronça les sourcils, intrigué. Les taches sombres sur ses mains étaient bel et bien du sang. Elle n’était pas seulement nerveuse ; elle était blessée, et la bouteille de whisky qu'elle avait prise n'était pas pour une simple consommation.


Elle disparut derrière la porte des toilettes, et Frank resta immobile, fixant le point où elle s’était éclipsée. Il y avait une part de lui, profondément ancrée, qui lui disait de ne pas se mêler de ce genre d’affaires. Il n'était pas là pour jouer les sauveurs. Mais la vérité était qu’il n’avait jamais pu ignorer un mystère quand celui-ci se présentait avec autant d’évidence. La femme semblait traquée, désespérée… et cela réveillait en lui des instincts qu’il croyait avoir maîtrisés.


La porte du bar s’ouvrit en un claquement sec, et les Lost MC entrèrent, projetant une ombre inquiétante dans l’espace exigu. Un à un, ils traversèrent le seuil avec une lenteur contrôlée, remplissant l'air de leur présence imposante.


Quelques clients échangèrent des regards furtifs, tandis que d’autres, le dos courbé, gardaient le regard baissé, espérant passer inaperçus. Frank, immobile au bout du comptoir, observa les réactions autour de lui, captant chaque signe d'inquiétude comme une vague muette dans la pièce.


Au milieu du groupe, un homme massif à la barbe rousse, visiblement le leader, s’avança sans hâte, balayant la salle du regard. Il scannait les visages, un par un, évaluant chaque client avec un œil de prédateur, comme pour en déceler la moindre trace de mensonge. Frank fronça légèrement les sourcils ; cet homme n’était pas ici pour l’intimidation ordinaire des Lost MC. Quelque chose dans sa manière méthodique trahissait une volonté bien plus précise.

Quand le leader parla, sa voix perça le silence, rugueuse mais d’une froideur contrôlée.


« On cherche quelqu’un, » dit-il en appuyant ses mots. « Une femme. Elle est ici. »


Le silence devint palpable. Les clients s’immobilisèrent davantage encore, leurs corps tendus, tandis que certains risquaient des coups d’œil vers la sortie, calculant une possible échappatoire. Un couple au fond, l’air incertain, se leva lentement et, après un regard rapide vers le leader, se faufila vers la porte sans être intercepté. D’autres suivirent prudemment leur exemple, profitant de la menace diffuse pour quitter le bar sous le regard glacial des motards.


Mais Frank, lui, était toujours figé. En entendant le mot femme, il repensa immédiatement à l’inconnue de tout à l’heure – la femme blessée aux mains tâchées de sang, qui avait pris une bouteille de whisky avant de disparaître dans les toilettes. Il se demanda, l’esprit troublé, ce qu’elle avait pu faire pour attirer l’attention d’un groupe aussi redouté que les Lost MC. Ces gars-là ne se déplaçaient jamais en nombre pour une affaire triviale.


L’un des motards, un colosse au visage balafré, passa près de Frank, son regard froid s’attardant sur lui un instant, comme pour évaluer s’il représentait une quelconque menace. Frank le toisa sans broncher, ses mains serrées autour de son verre. La présence des motards n’aurait normalement pas dû l'affecter, mais cette fois, quelque chose semblait différent. L’attitude de ces hommes laissait entendre qu’ils n’étaient pas venus pour impressionner ou réclamer une dette, mais pour traquer.


« Si quelqu’un l’a vue, » continua le leader avec une froideur glaciale, « mieux vaut parler maintenant. Ça vous épargnera des ennuis. »


Sa voix acérée traversa la pièce comme une lame. Ses mots n’étaient pas une simple menace – ils semblaient lourdement calculés, comme s’il avait déjà anticipé chaque possible réaction. Frank vit un homme près du comptoir se lever discrètement pour partir, et, cette fois encore, aucun des motards ne fit mine de s’interposer. La plupart d’entre eux restaient plantés au centre de la salle, verrouillant la pièce d’un regard dur sans pour autant stopper les clients qui se glissaient peu à peu vers la sortie.


À mesure que la salle se vidait, les Lost MC s’éparpillaient lentement, déployant leurs grandes silhouettes comme des ombres qui s’étiraient pour occuper tout l’espace.


D'un signe à peine perceptible de leur leader, deux hommes et deux femmes du groupe se dirigèrent vers le fond du bar, là où se trouvaient les toilettes. Les deux hommes prirent les devants, poussant sans cérémonie la porte des toilettes des hommes. Ils en ressortirent presque aussitôt, visiblement agacés par la pièce vide, et se postèrent dans le couloir, échangeant un regard lourd de frustration. Ils restèrent là, en retrait mais bien visibles depuis le bar, guettant avec une tension qui semblait prête à exploser.


Quant aux deux femmes, elles s’avancèrent jusqu’aux toilettes des femmes avec un air de détermination brutale. À peine eurent-elles franchi le seuil que des bruits étouffés et un tumulte de pas pressés s'élevèrent de l’autre côté de la porte. Les clientes qui s'y trouvaient furent rapidement chassées dehors, visiblement paniquées, certaines luttant pour contenir leurs larmes, d’autres chuchotant nerveusement en tentant de fuir le bar.


Frank sentit une pointe de frustration monter en lui. Il n'était pas là pour sauver qui que ce soit, encore moins une inconnue. Mais l'idée de rester inactif, de détourner le regard comme tant d'autres, éveillait en lui une rancœur familière. Ce genre d'indifférence avait un goût amer, celui qu'il avait juré de ne plus tolérer. Il ne savait pas ce qu'elle avait fait pour mériter ça, mais quelque chose en lui réagissait instinctivement – un vieux réflexe qu'il croyait avoir étouffé.


Son esprit tournait, se demandant ce qu’elle avait bien pu faire pour s’attirer une chasse aussi implacable. Ces deux femmes fouillant les toilettes, les hommes à l’affût dans le couloir… Tout indiquait qu’ils ne lâcheraient rien tant qu'ils ne l’auraient pas trouvée.


Il baissa les yeux, mais ses pensées s'emballaient. Ce n’était pas la première fois qu'il voyait des proies dans une impasse, traquées sans pitié. Ses instincts le poussaient à rester en retrait, mais chaque seconde qui passait renforçait un étrange sentiment de responsabilité.

Sharon était accroupie dans la cabine, la respiration rapide. Elle serrait des serviettes imbibées de whisky contre sa plaie, réprimant un grognement de douleur. Chaque inspiration brûlait ses poumons, comme si l'air lui-même était devenu hostile.


Au moment où la porte s’ouvrit avec fracas, son souffle se coupa, chaque son amplifiant sa tension. Elle sentit la panique monter, mais au fond, une colère sourde menaçait de l’emporter.

Ses instincts de survie la poussaient à rester immobile, son souffle court, alors que l’ombre des Losts approchait.


" Allez, sors de ta cachette..." La voix d’une des Losts résonna dans les toilettes, glaciale et moqueuse. Un silence lourd suivit, brisé seulement par les pas approchants.


Un rire aigu s’éleva, appartenant à l’autre femme. "Elle croit vraiment qu’elle peut se cacher ?" ajouta-t-elle, amusée, alors que ses pas s’ajoutaient à ceux de sa camarade.


Sharon restait figée, mais cette immobilité était moins une question de peur paralysante que de calcul. Chaque fibre de son corps se préparait à réagir, à saisir la moindre opportunité pour se défendre ou fuir. Son cœur battait à tout rompre, mais l’adrénaline commençait à aiguiller sa pensée, transformant l'instinct de survie en quelque chose de plus actif.


Les deux femmes semblaient jouer avec elle, prenant leur temps, jusqu’à ce que l’une d'elles s'arrête juste devant la cabine où Sharon se trouvait.

"Je parie qu'elle est ici," murmura la deuxième femme, son sourire presque audible dans sa voix.


D’un coup sec, la porte fut défoncée, la première femme surgissant avec un sourire de prédatrice. "Fin de la ligne." railla-t-elle, tandis que la deuxième femme restait en retrait, bloquant toute sortie, ses bras croisés mais son regard acéré. Sharon comprit que l'affrontement ne serait pas contre une, mais deux adversaires prêtes à en découdre.

 


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