Cure for Mankind (Book One : Winter)
Dans une nuée de monstres, Ellie et moi nous sommes dirigés vers le bâtiment où James était bloqué avec les médicaments qu’Ellie voulait pour Joel. Même si, à bien y penser, peut-être qu’elle voulait réellement me soigner, moi aussi ? Je ne pouvais l’affirmer.
Je ne dus pas beaucoup tirer, pendant notre trajet, car Ellie massacrait la plupart des Runners avec son couteau de poche. Cette fille avait une sacrée rage de vaincre, j’en étais un peu jalouse. Je me dis tout simplement qu’elle était aussi motivée pour sauver Joel, le mettre hors de danger. Encore une fois, je trouvais leur relation touchante, et j’eus beaucoup de mal à perdre mon sourire idiot en pensant ça.
Nous fûmes arrivées à destination quelques minutes plus tard, et un énorme contaminé essayait de forcer la porte de la cabane qui contenait les médicaments. Un Bloater, si je me souvenais de la classification que m’avait donnée James. D’ailleurs, en parlant de ce dernier, il était bel et bien à l’intérieur, il nous faisait des grands signes depuis une des fenêtres. Je me tournai vers Ellie pour lui proposer un plan d’action, mais elle avait déjà assailli le mastodonte.
-Ellie ! m’écriai-je
-Hé, gros tas de merde ! cracha-t-elle. Par ici !
Ellie ramassa un caillou par terre, et le jeta dans la figure du monstre, qui se retourna vers nous. Elle prit son petit pistolet, et me regarda d’un air explicite. Je compris ce qu’elle voulait faire, même si ça ne me plaisait pas. Le monstre la regarda d’un air… illisible.
-Cache-toi le nez ! me dit-elle. Ouais, c’est à toi que je parle, Lady Gaga, ajouta-t-elle en faisant signe au monstre d’approcher. Viens jouer avec moi.
Le Bloater rugit et marcha vers Ellie, diffusant une fumée épaisse, et je me souvins de ce détail-là, aussi : le Bloater diffuse de quoi contaminer. Je le contournai, alors qu’il poursuivait Ellie courait dans tous les sens, et entrai dans la cabane.
-James ! Où es-tu ? lançai-je en entrant
-A l’étage !
Dans les escaliers, je tirai une balle dans la jambe de chaque monstre que je croisai, les faisant tomber comme des bouses dans les marches, et je rejoins James à l’étage, qui affrontait un Bloater tout seul. Je lui tirai deux balles dans le dos pour qu’il se détourne de James. Ça réussit, le Bloater se dirigea vers moi. Et je me mis à courir. Oups, j’aurais dû songer à un plan…
A force de courir partout, je me rendis compte que la cabane, qui me paraissait petite vue de dehors, était en fait assez grande. Ou alors, je tournai en rond, ce qui n’était pas impossible. La résistance du Bloater fit que je fus rapidement sans munitions, et ce gros lard montait les escaliers beaucoup plus vite que je le pensais. En plus, je devais garder mon bras devant la bouche, donc ma mobilité était réduite. Après un tour supplémentaire, James me rejoignit, avec son arme à la main.
-Tu as un plan ? me demanda-t-il
-Non, pas vraiment. Je pensais le faire tomber dans l’escalier, mais il est tellement plus résistant que les autres larbins.
-C’est bien ce qui m’inquiète.
-Comment ça ?
Nous nous dirigeâmes vers un mur, en attendant le monstre, et au moment où il nous fonçait dessus, nous nous décalâmes pour qu’il se cogne. Quelques coups de feu dans ses genoux pour le ralentir encore, et nous fûmes repartis.
-Il y a trois Bloaters qui se sont incrustés, reprit James. D’habitude, ça n’arrive jamais, la faille ne peut pas être aussi grande. Je pense que quelqu’un nous a trahis, et a ouvert les barricades.
-Tu as une idée de qui ça peut être ? Et pourquoi ?
-Non. Mais je pense que ça a un lien avec votre arrivée, à Ellie et toi.
-Comment le sais-tu ? demandai-je, un peu intriguée
-Je ne crois pas aux coïncidences.
J’accusai le coup, parce que moi non plus, je n’y croyais pas. Dehors, quelqu’un cria quelque chose, et James me força à m’arrêter. Un cocktail Molotov venait de passer par le fenêtre, et le Bloater prit feu juste devant nous. Nous en profitâmes pour sortir de la cabane, et la jeune Dahlia était juste près de l’entrée, avec un deuxième cocktail à la main. Elle me regarda arriver avec une certaine appréhension, et regarda son camarade.
-Tu as leurs médocs ? lui demanda-t-elle
-Ah ouais. Avec tout ce qui s’est passé, j’ai oublié.
James se tourna vers moi, et souleva son manteau et son t-shirt pour sortir une pochette en papier, qu’il avait soigneusement cachée. Il me la tendit, et remit ses vêtements en place.
-Merci beaucoup, lui dis-je avec un sourire
-Je t’en prie. Maintenant, filez.
Comme si elle avait entendu le dialogue, et au moment où je commençais à m’inquiéter de ce qu’elle était devenue, Ellie réapparut, avec un air satisfait sur le visage que je ne m’expliquais pas. En fait, je vis qu’elle regardait la pochette de médicaments que j’avais dans les mains.
-Ce sont les médocs ? demanda-t-elle
-Ouais, dit James avant moi. Des antibiotiques, des antidouleurs et du désinfectant. Comme je ne sais pas pourquoi vous en avez besoin, j’ai pris la base.
-Super, dit Ellie avec l’ombre d’un sourire
-Où est David ?
-Je l’ai laissé près de la cabane à provisions, où il s’organise avec d’autres gens pour refaire la barricade. Il pense qu’elle a été sabotée.
-Donc tu avais raison, dis-je à James, avec qui j’avais eu cette discussion peu avant
-Mais qui ? lança Dahlia, que j’avais un peu oubliée
-Bref, on vous laisse enquêter, nous on va y aller, dit Ellie d’un ton rapide. Hein Sherry ?
-Euh oui oui, dis-je un peu prise au dépourvu. Et encore merci.
-Il n’y a pas de quoi, dit James d’un ton soudain plus sombre
Je le regardai, un peu surprise, et Ellie me prit par la main pour qu’on s’en aille. Derrière nous, Dahlia nous fit un grand signe de la main, auquel je répondis comme je pus, étant donné qu’Ellie me tirait avec elle. Nous arrivâmes à la barricade, et alors que nous étions sur le point de sortir, un homme, apparemment d’un certain âge, nous barra la route. Il semblait blessé, et ses vêtements étaient en lambeaux. Il me regarda d’un air suppliant, et alors qu’il s’apprêtait à parler, son regard se figea lorsqu’il vit Ellie, et son expression se tordit en un mélange étrange de tristesse et de colère.
-C’est elle ! C’est elle ! répéta-t-il en montrant ma jeune amie
Ses cris rameutèrent les ouvriers qui réparaient la barricade autour de nous.
-Hors de mon chemin le vieux ! s’écria Ellie en serrant la pochette de médicaments dans sa main libre
-Qu’est-ce qui se passe ? lui demandai-je
-Il ne faut pas la laisser partir ! beugla l’homme de plus en plus fort
A côté de moi, Ellie sembla perdre patience, et lâcha ma main pour prendre son arme. Les gens qui regardaient se rapprochèrent, comme s’ils voulaient arbitrer.
-Bouge de là ! s’écria-t-elle sur le même ton
-Sinon quoi ? Tu vas me tuer, moi aussi ?
-Ellie, calme-toi, dis-je à ma camarade
-Tu ne vois pas qu’ils ne veulent pas nous laisser partir ? dit Ellie sans me regarder. Je savais que c’était un traquenard cette merde !
L’homme se rapprocha de nous en boitant, et au moment où il allait tirer son arme, dont je voyais dépasser le manche de sa poche, un coup de feu retentit, et une balle transperça le crâne de l’homme pile entre les deux yeux. Je me retournai pour voir d’où il venait, et, bien entendu, mes soupçons se portèrent sur la tireuse d’élite, même si elle n’avait aucune raison de faire ça. Mais cette dernière était plus loin, son fusil était dans son dos, et elle avait une expression horrifiée, les mains devant sa bouche. Autour de nous, la foule sembla s’agiter, et Dahlia accourut vers nous.
-Partez ! Vite ! nous dit-elle en nous poussant
Ellie et moi n’avons même pas eu le temps de réagir, que nous étions déjà dehors, alors que la porte de la barricade se refermait derrière nous. Derrière, j’entendais les protestations de la foule, qui semblait nous accuser, et Ellie rangea son arme et me reprit la main.
-On se casse, avant qu’ils ne changent d’avis, me dit-elle d’un ton impérieux
-D’accord, dis-je d’un ton vaincu
Nous nous éloignâmes donc du camp, les voix s’atténuaient de plus en plus, et elles disparurent lorsque nous fûmes de nouveau dans la forêt. Pendant le trajet, Ellie semblait concentrée, dans ses pensées, et j’osai à peine lui parler. Cependant, je me sentis obligée, au bout d’un moment, car cette histoire m’intriguait.
-Ellie ?
-Quoi ?
Son ton était neutre. J’avais la nette impression que soit elle ne m’écoutait pas, soit elle allait éluder la question que j’allais poser. Et aucune de ces perspectives ne me plaisaient.
-Tu connaissais cet homme, c’est ça ? tentai-je
Ellie se tourna rapidement vers moi, et se replongea dans sa contemplation du vide, après avoir poussé un soupir.
-Je crois, ouais, me dit-elle après une courte pause. Ce n’est pas bien clair.
-Peux-tu t’expliquer ?
-Le jour où Joel a eu son accident, j’ai dû affronter toute seule une bande de trous de balle qui voulaient nous tuer. Je pense que ce type en faisait partie, qu’il a survécu, et qu’il voulait trouver de l’aide dans le camp de David.
-En tous cas, lui il t’a reconnu, notai-je
-Tu penses que tu pourrais oublier le visage de la personne qui a tué un ou plusieurs de tes potes ?
-Mais cet événement date d’il y a des semaines, non ?
-Ouais. Apparemment, il a erré un moment, en se soignant comme il pouvait, et au final, au moment où il pensait trouver de l’aide, il se fait buter. La vie est vraiment une pute.
J’avais déjà entendu Jake dire quelque chose comme ça. Moi, j’aurais choisi d’autres mots, mais j’avais eu mon lot d’événements marquants, alors je ne pouvais qu’être d’accord. ‘Mais la vie avait parfois de bons côtés’, avais-je envie de dire à Ellie. ‘Elle t’a permis de rencontrer Joel, à moi de rencontrer Jake, et ensuite elle nous a permis de tous nous rencontrer’. Mais ça faisait un peu moralisateur romantique, et je savais que ce n’était pas le genre d’Ellie, alors je m’abstins.
En parlant de Joel et Jake, je me demandai comment ils allaient. Je n’avais aucune idée du temps qui s’était écoulé depuis qu’Ellie et moi étions parties, alors si ça se trouve, ils étaient déjà partis. Mais non, je ne pensais pas que c’était possible. Nous étions parties au début de l’après-midi, et il n’avait même pas commencé à faire sombre, alors ils devaient encore nous attendre. Lorsque nous fûmes arrivés à la maison où nous nous étions établis, Ellie se figea près de la porte.
-Qu’est-ce qu’il y a ? lui demandai-je
-Callus n’est plus là, dit-elle d’un ton que j’entendais comme choqué
-Callus ? répétai-je
-Le cheval. Ne me dites pas que…
Elle ne finit pas sa phrase, et entra en trombe dans la maison, avant de dévaler les escaliers qui menaient à la cave. Je la suivis comme je peux, et j’arrivai peu après elle. La cave était vide.
-MERDE ! s’exclama-t-elle en jetant furieusement son sac à dos par terre
Je regardai à mon tour près du matelas ensanglanté. Nos deux amis avaient disparu.