Expendables
Los Angeles, Californie, douze ans plus tôt
Ses longs cheveux noirs flottaient au vent. Une larme roula sur sa joue qu'elle essuya d'un geste rageur. C'était hors de question qu'elle se mette à pleurer. Serrant ses poings de colère, ses ongles rentraient dans sa paume. Le prêtre faisait l'éloge funèbre de sa mère. Tournant la tête, il regarda son père, assis près d'elle. Il avait les yeux fermés et la tête baissée. Il triturait sa grosse croix en argent qui pendait autour de son cou. A côté de lui, son oncle, Tool, dans la même position. Elle venait de perdre sa mère. Son repère dans la vie. Sa boussole. Son père était revenu le matin même. Ce père qui était plus souvent absent que présent. Ce père chez qui elle allait vivre. Ce père qu'elle n'avait pas envie de suivre mais elle n'avait malheureusement pas le choix. Le prêtre lui fit signe d'approcher pour déposer la rose blanche sur le cercueil. Elle resta un moment plantée là sans bouger ; tout en caressant le bois de ses doigts.
- Maman, chuchota-t-elle. Je t'aime.
Sentant une main se poser sur son épaule, elle releva la tête et rencontra le regard de son père. Il déposa également sa rose et lui prit la main. Les personnes présentes les saluèrent d'un signe de tête ou s'arrêtaient pour présenter leurs condoléances ou embrassèrent la petite fille sur la joue. Son père ne lui avait pas lâché la main. Cette main si grosse que la sienne paraissait minuscule à côté. Elle regarda le cercueil descendre dans sa dernière demeure. Demain serait installé la pierre tombale. Claire Ross. Femme et mère dévouée. Repose en paix parmi les anges. Son père l'entraîna à travers le cimetière. Elle se retourna pour voir une dernière fois le trou où reposerait dorénavant sa mère. Arrivés à la voiture, Tool ouvrit la portière et la petite se glissa sur le siège.
- Alex, mon cœur, dit Tool. Tu vas venir vivre avec ton père et moi à Portland. Nous allons veiller sur toi maintenant.
Elle ne répondit rien.
Barney faisait les cent pas autour de la voiture, jetant un regard de temps en temps à sa petite fille. Il était en mission lorsqu'il avait reçu l'appel lui indiquant que son ex-femme était décédée dans un accident de voiture. Il était rentré aussi vite qu'il avait pu. Il n'était pas fait pour être père. Pas fait pour assumer la responsabilité d'un enfant. Pas avec le travail qu'il faisait. Etre mercenaire, n'était pas compatible avec une vie de famille. Sa femme l'avait quitté pour cette raison. Elle ne supportait plus l'attente. Il écoutait son frère, Tool, parler à la petite. Lui avait toujours su y faire avec les enfants. Il monta dans la voiture et jeta un œil dans le rétroviseur croisant le regard de sa fille. Elle avait les yeux bleus de sa mère. Ces yeux étaient embués de larmes mais aucunes ne coulaient. Il démarra la voiture en jetant un regard au cimetière où gisait cette femme qu'il avait tant aimé.
Portland, Oregon, 5 ans plus tôt
16 ans. Le lycée. Les amies. Les garçons. Ceux de son âge ne l'intéressaient guère. Elle passait peut-être trop de temps avec les collègues de son père, la quarantaine bien tassée. Ils n'auraient jamais osé toucher la fille du chef et ils l'aimaient tous comme si elle était la leur. Elle avait appris quelques années auparavant, le vrai métier de son père. Un soir, il avait estimé qu'elle était assez grande pour connaître la vérité. Quelle ne fut pas sa surprise d'apprendre que son père et son oncle étaient des mercenaires. Elle se souvint avoir eu un mouvement de recul en apprenant cette dure réalité. Le temps aidant, elle avait pardonné tout ce sang coulé et avait compris qu'ils se battaient toujours pour la bonne cause. Depuis ce jour, elle regardait les deux hommes qui partageaient sa vie différemment. elle s'était même surprise à vouloir ressembler à ce père qu'elle apprenait à connaître entre deux missions. Elle avait appris à tirer, à lancer des couteaux et à se battre. Elle était très loin d'être une fille de seize ans ordinaire. Et quand son père n'était pas à la maison, elle partait vivre chez ses voisins qui avait une fille de son âge, Trisha. Les deux petites s'étaient aimées dès le premier regard et étaient devenues les meilleures amies du monde. Trish était l'opposé d'Alex. Blonde aux yeux marrons avec un teint de porcelaine. Elle savait qu'elle plaisait aux hommes et ne se gênait pas pour briser des cœurs au passage. Alex avait les cheveux noirs et des yeux bleus lagon et prenait ses distances avec les hommes. Elle n'avait pas le temps pour ce genre de futilité pourtant elle savait qu'ils se retournaient sur son passage. Elle sentait leur regard dans son dos. Alex était une très belle jeune fille mais aucun d'eux n'arrivaient à lui mettre le grappin dessus. Un avait tenté un jour à ces risques et périls. Il l'avait accosté à son casier et s'était comporté en gros lourdaud. Il était revenu à la charge plusieurs fois et devant son échec avait commencé à colporter des choses pas très flatteuses sur elle. Elle l'avait attrapé et mit une bonne raclée devant tout le bahut. Les garçons la regardaient passer mais aucun n'aurait osé lui proposer un rencard.
Trish ne comprenait pas toujours son amie d'enfance. Elle aurait pu avoir tous les hommes qu'elle voulait mais aucun n'avait grâce à ses yeux. Elle enviait par moment la vie d'Alex. Son père voyageait beaucoup pour son travail et lui ramenait toujours des cadeaux formidables des quatre coins du globe. Le père de Trish, lui, ramenait seulement son alcoolisme et sa misogynie. Lorsqu'elle entendait la voiture se garer, elle regardait par la fenêtre l'état dans lequel son père rentrait. Si il titubait, elle partait se réfugier chez son amie pour la nuit car elle savait que sa mère allait subir les conséquences de cette haine qu'il vouait aux femmes. Surtout la sienne. Elle se bouchait les oreilles et courait jusqu'à la petite porte séparant les deux jardins. Elle aurait aimé être comme son amie et avoir le courage de défendre sa mère de cette violence mais elle n'y arrivait pas. Un jour tout s'arrêta net. Son père ne buvait plus. Ne frappait plus. Il arborait un joli coquard à un œil et un bras en écharpe. Elle était loin d'imaginer qu'Alex avait averti son père de ce qu'il se passait chez les voisins. Barney avait attrapé le père de Trish et lui avait tout simplement passé l'envie de taper une nouvelle fois sur sa femme. Les deux jeunes filles passaient leur soirée au bar de Tool. Un bar de motards. Elles buvaient de la bière, jouaient aux fléchettes et écoutaient de la musique Metal.
Tool avait arrêté les missions deux ans auparavant après une s'étant mal passée. Seuls lui et Barney étaient revenus. En mauvais état mais revenu. Il avait ouvert ce bar et s'était consacré à aider sa nièce dans la dure période de l'adolescence. Il l'avait briefé sur les garçons et l'aidait dans la mesure de ses possibilités dans les devoirs d'école. Il surveillait également la petite Trish qui faisait pas mal de bêtises. Il l'avait sorti de pas mal de soucis. Il s'était attaché à cette gamine perdue faisant tout et n'importe quoi pour attirer l'attention de ses parents. Il savait que sa nièce avait la tête sur les épaules et ne suivait pas forcément son amie dans tous ces délires. Trish avait le chic pour les attirer et ne pas se rendre compte qu'elle se mettait en danger. Elle s'était entichée d'un motard qui avait le double de son âge. Il avait entendu Alex tenter de la retenir mais Trish n'en faisait qu'à sa tête. Il avait vu l'homme entraîné la jeune fille dans les toilettes tout en lui massant les fesses. Elle riait en se tenant à son bras. Le sang de Tool n'avait fait qu'un tour. Il avait empoigné sa batte de baseball et était parti les rejoindre dans les toilettes. L'homme avait dégrafé le chemisier de Trish et lui tétait les mamelons. Elle avait la tête renversée en arrière.
- Lâche-la Bob ! Elle a seize ans, cria-t-il.
- Tool, mon pote. Tu vois bien qu'elle ne demande que ça. Elle m'a chauffé toute la soirée.
- Lâche-là tout de suite, c'est mon dernier avertissement.
Tool brandissait sa batte au-dessus de sa tête. Bob se rajusta et sortit en s'excusant. Trish se rendit compte que l'homme ne lui procurait plus de plaisir et ouvrit les yeux. Elle vit l'oncle de sa copine face à elle.
- Vous êtes vraiment pas drôle la famille Ross, hurla-t-elle. Et pour ta gouverne, ça fait bien longtemps que je ne suis plus vierge. J'ai le droit de me taper qui je veux, où je veux.
- Pas dans ce bar, Trisha. Et surtout pas dans ces conditions. Aie un peu de respect pour toi et les hommes te respecteront. Continue à te comporter en catin et ils te considéreront tous de cette façon.
- Très profond vos paroles, Oncle Tool. Je comprends mieux pourquoi Alex est aussi coincée avec les garçons. Vous lui avez raconté quoi ? Qu'un prince charmant allait débarquer sur son cheval blanc et conquérir le cœur de la belle princesse ? Vous savez quoi, les princes charmants n'existent pas. Les hommes sont tous des porcs. Seul le sexe compte. Je leur donne ce qu'ils veulent et j'y prends mon plaisir au passage.
Tool regardait Trish remettre son chemisier en place. Elle pleurait. Il s'approcha d'elle et la prit dans ses bras.
- Trisha. Tous les hommes ne sont pas des gros cons comme ton père. Il y en a des très bien aussi et un jour tu en rencontreras un. Il faut juste avoir la patience d'attendre ce jour. A faire ce genre de connerie, tu pourrais passer à côté de celui qui te méritera véritablement.
Portland, Oregon, 2 ans plus tôt
Assise au bar, Alex regardait la nouvelle équipe de son père. Surtout un en particulier. Lee Christmas. Elle avait mené sa petite enquête sur lui. Ancien membre des Forces Spéciales Britannique et expert en armes blanches. Elle l'avait rencontré une semaine plus tôt et depuis n'arrivait plus à le sortir de sa tête. Elle revenait de vacances avec Trish. Trois semaines au soleil à Mexico. Au bout de leur rue, elles avaient vu les motos garées le long du trottoir.
- Ton père est rentré, dit son amie.
Elles s'embrassèrent et Alex remonta l'allée jusqu'au perron. De la musique s'échappait de la maison. Des rires masculins. Des bouteilles de bière s'entrechoquant les unes aux autres. Tout en portant sa valise, elle poussa la porte d'entrée. Une fumée de cigare l'entoura et la fit tousser. Elle détestait l'odeur des gros cigares cubains que son père fumait.
- Papa, je t'ai déjà dit mille fois de ne pas fumer dans la maison, hurla-t-elle.
Un silence s'abattit sur la maison. Barney apparut et enlaça sa fille. Il l'entraîna dans la cuisine où cinq paires d'yeux la dévisagèrent. Elle en reconnut quatre mais le cinquième devait être le nouveau dont son oncle lui avait parlé.
- Christmas, je te présente ma fille Alexa. Alex, Lee Christmas. Mon nouveau bras droit.
Elle lui tendit sa main qu'il serra brièvement en plongeant ses yeux noirs dans les siens. Elle sut à cet instant que c'était foutu. Son cœur se mit à battre la chamade. Il se râcla la gorge et but une gorgée de bière.
- Tes vacances ont été bonnes ? demanda son père.
- Excellentes, papa. Je vais vous laisser entre hommes et ranger mes affaires dans ma chambre.
Elle déposa un baiser sur la joue de son père et sortit aussi vite qu'elle le put de la cuisine. Elle monta sa valise et s'écroula sur le lit.
- Tu es dans la mouise ma grande. Tu vas être amoureuse du seul mec que tu ne pourras pas avoir. Non mais sérieux.
Elle tournait sa bière dans son verre, perdue dans ses pensées. Son oncle s'approcha d'elle en souriant.
- 20 dollars pour tes pensées.
- Mes pensées ne sont pas intéressantes et ne méritent pas 20 dollars, rit-elle.
Il fit le tour du comptoir et s'installa sur le tabouret à côté d'elle.
- Et moi, je pense que tes pensées méritent plus que ça. Raconte à ton oncle préféré pourquoi tu es si morose ce soir.
- Rien et tout à la fois. Mais c'est compliqué.
Du coin de l'œil, elle vit une brune plantureuse se rapprocher de Christmas. Elle se colla à lui et l'embrassa à pleine bouche. Alex faillit en faire tomber son verre en prenant conscience que Lee n'était pas libre. Tool se rendit compte de ce qui chagrinait sa nièce et se mit à rire.
- Ma petite Alex a bien grandi et elle est amoureuse.
En disant ses mots, il lui pinça doucement les hanches. Elle sursauta et le foudroya du regard.
- Tu m'énerves ! Tu me connais trop bien.
Elle se leva, ramassa ses affaires et sortit du bar. Elle se dirigea vers sa voiture où Trish l'attendait, assise sur le capot.
- Pourquoi tu n'es pas venue me rejoindre ?
- J'avais envie de rester dehors à t'attendre. Tu as vu ton beau Christmas ce soir ?
- Ouais. Il embrassait une nana.
Trisha se retourna et dévisagea son amie. Elle n'en revenait pas. Alex était amoureuse. Elle sentait la jalousie dans la voix de son amie qui lui détaillait la scène. Elles virent Christmas et la nana sortirent du bar. Lee vit les deux jeunes femmes et les salua d'un signe de main.
- Il est en couple avec Lacy. Non mais Alex, on parle de Lacy. Il n'y a que le métro qui ne lui ait pas passé dessus.
- Il aime peut-être la facilité ?
- Effectivement sur ce point on ne peut pas faire plus simple comme chasse.
Trisha se mit à rire en descendant du capot.
- Et si on allait rejoindre les mecs de notre âge et passez une soirée agréable au bord du lac.
Lorsque Lee était entré dans le bar, il avait tout de suite aperçu Alex au comptoir. Elle semblait perdue dans ses pensées et il n'avait pas osé aller la saluer. Il se cherchait des excuses et il le savait. Il ne pouvait pas s'approcher d'elle. Elle lui plaisait beaucoup trop et c'était un coup à se brûler les ailes. Il ne fallait surtout pas mêler des sentiments avec son boulot. Sa relation avec Lacy lui allait très bien. Cela ne mènerait nulle part mais c'est tout ce dont il avait besoin à l'heure actuelle. Et surtout, il fallait qu'il se tienne assez loin de la jeune femme. Il l'avait vu quitter le bar peu de temps après son baiser langoureux avec sa compagne. Lacy voulait rentrer et ils sortirent à leur tour du bar. Il aperçut Alex et son amie et leur fit un bref salut de la main. Il grimpa sur sa moto et Lacy entoura sa taille de ses bras. Il se gara devant la maison de la jeune femme. Elle fut surprise qu'il ne descende pas de moto.
- Tu ne rentres pas ce soir ?
- Non pas ce soir. Je dois préparer mes affaires, je pars aux aurores demain.
Ils s'embrassèrent et Lee repartit aussi vite qu'il était venu. Il prenait la direction du lac. Il avait entendu les deux amies en parler devant le bar. Il roulait vite en zigzaguant entre les voitures. Il ralentit aux abords du lac. Il ne souhaitait pas qu'Alex le surprenne. Il la vit au loin, plongée dans l'eau. Elle en ressortait en riant aux éclats. Un jeune homme s'approcha d'elle et l'embrassa. Elle se laissa faire et lui prit la main en l'emmenant vers un coin isolé. Ce soir, elle avait envie d'autre chose. Elle avait envie d'oublier ce maudit Christmas. Elle se laissa aller aux caresses du jeune homme. Elle oublia le temps que dura ce moment le seul homme qui faisait battre son cœur depuis une semaine. Lee était parti ne voulant pas assister à cette scène. Il s'était rendu compte que ses sentiments n'étaient pas partagés. Il en était un peu rassuré mais son égo de macho en avait prit un sacré coup.
Portland, Oregon, 1 mois plus tôt
Alex se retournait dans tous les sens dans son lit. Elle se leva en sursaut et alluma la lumière. Ces derniers temps, elle rêvait énormément de sa mère. Elle descendit l'escalier et se dirigea vers la cuisine dans le noir. Elle trébucha et faillit tomber. La maison était silencieuse. Son père était en mission en Corée et elle avait hâte qu'il rentre. Tool était encore au bar. Elle se servit un verre d'eau et regarda la maison blanche voisine de la sienne. Toutes les lumières étaient éteintes. La voiture de Trish était garée dans l'allée. Elle entendit la balancelle grincée sur le perron. Sûrement, le vent se dit-elle en rinçant son verre avant de le ranger dans le placard. Elle se dirigea vers la porte d'entrée et entendit de nouveau la balancelle. Une silhouette passa devant la fenêtre. Elle ouvrit le tiroir du meuble à chaussures et sortit un pistolet automatique. Elle retira la sécurité et engagea une balle sans bruit. Elle se précipita pied nus dans la cuisine et ouvrit la porte. Un homme vêtu de noir la regardait en souriant.
- Mademoiselle Ross, ça faisait un moment que j'avais envie de faire votre connaissance.
Elle le dévisagea et baissa son arme.
- Je vous connais. Je vous ai déjà vu mais je me souviens pas d'où.
- Il y a douze ans à Los Angeles. Je suppose que vous m'avez vu avec votre mère. Une femme incroyable soit dit en passant. Nous avons suivi votre parcours et avions envie de venir vous rencontrez. Vous savez qui est ce nous, n'est-ce pas ?
- A votre tenue et votre manière de parler, je dirais la CIA. Mais, je ne vois pas vraiment pourquoi vous vouliez me rencontrez.
- Votre père ne vous a pas tout dit à priori.
Il se mit à rire. Un rire grinçant tout en la regardant. Il lui tendit une enveloppe kraft. Elle hésita à la prendre.
- Tout ce que vous voulez savoir se trouve à l'intérieur.
- Je ne veux rien savoir en particulier. Je connais déjà le boulot de mon père.
- Ce que contient cette enveloppe, ne concerne pas votre père, Mademoiselle Ross, mais plus votre mère.
Elle se prit comme l'effet d'une gifle. Sa mère. Mais que ne savait-elle pas à son sujet ? Elle attrapa l'enveloppe et la retourna dans ses mains.
- Quand vous saurez la vérité, appelez-moi. J'ai une proposition à vous faire.
- Votre proposition ne m'intéresse pas.
- Lisez et nous en reparlerons ultérieurement.
Il lui fit un signe de tête et s'éloigna à travers le jardin. Alex resta un moment avec l'enveloppe dans ses mains. Elle la tournait et la retournait. Elle remonta dans sa chambre et l'ouvrit. Des rapports confidentiels. Des photos. Tout le contenu se déversa sur son lit. Elle passa la nuit à les lire. Et les relire. Sa mère, agent de la CIA. Claire Ross. Sa maman qui lui racontait des histoires avant de s'endormir. Elle ne pouvait pas croire en ce qu'elle lisait. Elle entendit son oncle rentré et dévala l'escalier pour le rejoindre les documents à la main. Elle lui balança tout au visage. Elle se mit à hurler en parlant très vite.
- Comment vous avez pu me cacher ça ? hurlait-elle en boucle.
Tool ramassa les documents et les parcourut rapidement. Il savait ce qu'il contenait. Il connaissait la vérité. Cette vérité qu'ils avaient caché à Alex. Lorsqu'elle avait su la réalité sur le travail de son père, elle s'était murée dans un silence pendant plusieurs semaines. Ils n'avaient pas eu l'envie de lui apprendre le travail que faisait Claire.
- Alex, nous ne pouvions pas t'en parler.
- Vous avez décidé pour moi encore et toujours. Et bah merde c'est terminé.
Elle remonta suivi de Tool qui essayait de la calmer. Elle le repoussa, attrapa sa valise et enfoui des affaires dedans. Elle redescendit l'escalier en courant et claqua la porte derrière elle. Tool sortit son téléphone.
- Barney... Elle sait pour sa mère... Elle est partie. Et vu la colère dans laquelle elle était, elle ne reviendra pas.
Alex roulait à toute allure sans but précis. Le jour commençait à se lever et le ciel s'était teinté de rose et de mauve. Elle s'arrêta au bord du lac et sortit son téléphone portable. Elle composa le numéro de l'homme mystère.
- Mademoiselle Ross, je savais que vous m'appelleriez.
- Je veux entendre votre opportunité.
- C'est très simple. Vous allez à un endroit pour moi. Vous glanez des informations et vous rentrez. Un travail fait sur mesure.
- Seulement des informations ?
- Pas plus. Pas moins. Tout est dans l'enveloppe sur le siège arrière. Un passeport. La destination. Et la cible.
Elle raccrocha et retourna à sa voiture. Elle ouvrit l'enveloppe. Un passeport en glissa. Elle le feuilleta rapidement. Une carte d'une île suivit. Vilena. Elle ne connaissait pas du tout cette île. Elle se situait dans le Golfe du Mexique. Elle parcourut les photos de l'île vue sous différents angles de vue. A première vue, le lieu paraissait paradisiaque. Elle tomba sur la cible, le Général Garza. En uniforme et entouré d'une troupe de militaires en tenue verte. Elle remit tout en place et appuya sa tête sur le volant, se demandant comment son père allait réagir au fait qu'elle était partie. Alex tourna la clé et prit la direction de l'aéroport. Elle jeta un dernier regard à Portland dans son rétroviseur.
Golfe d'Aden, près des côtes Somalienne, au même moment
Le clair de lune se reflétait sur la mer d'huile. Au large des côtes, un cargo flottait calmement toutes lumières éteintes. Seules les lumières des torches électrique perçaient la nuit noire. Des hommes, armés de fusils, poussaient les prisonniers dont les mains étaient ligotées dans le dos. Ils étaient tous attachés à une corde qu'un homme tirait. Ils les firent descendre un escalier métallique qui descendait dans les soutes du navire. Un détenu trébucha et s'affala en bas des marches. Ils lui balancèrent des coups de pieds dans les côtes et le relevèrent sans douceur en l'injuriant. Une porte s'ouvrit, ramenant l'air frais du large. Au loin un bateau pneumatique approchait sans bruit. Il l'accosta et les six membres des Expendables montèrent à bord en silence. Sur le pont du navire, les pirates avaient aligné leurs prisonniers et pointaient les canons de leurs armes sur leurs têtes. Un d'eux alluma un caméscope et filma leur chef.
- On détient ces hommes depuis bien trop longtemps, déclara-t-il, en tenant une machette à la main. Trois mois, c'est beaucoup trop long. La Compagnie, si vous tenez à la vie de vos hommes, payez la somme demandée. Sans cela, nous serons obligés de les tuer un par un. Vous verrez la scène en direct avec le premier. Cela vous donnera peut-être l'envie de verser l'argent.
Un prisonnier était agenouillé sur le sol au pied de son tortionnaire. La main de ce dernier tenait les cheveux de l'otage, la lame de sa machette caressant le cou de sa victime.
- Vous devez payer maintenant. Sinon le sang versé entachera vos mains à tout jamais.
Il leva sa machette tout en maintenant les cheveux de l'homme au sol. Six lasers rouges pointèrent à divers endroits de son corps et un sac noir atterrit à ses pieds. Il baissa sa lame et calma d'un geste ses hommes derrière lui, enragés, tout en regardant les points sur son treillis. Il leva la tête et vit les six hommes alignés sur la passerelle au-dessus de sa tête.
- Vous êtes qui ? demanda-t-il aux hommes, en frappant sa poitrine d'un coup sec.
- Vous avez l'argent alors vous pouvez relâcher les otages, dit Barney.
- Combien ?
- Trois.
- Trois, c'est trop tard, rit-il. Maintenant, nous voulons cinq millions de dollars.
Christmas se tourna vers Barney.
- Nous aurons tout vu. Nous avons affaire à un pirate rapace, chuchota-t-il.
- Dernière chance. A prendre ou à laisser, lui hurla Barney.
- Nous voulons l'argent demandé. Pas un sou de moins.
Gunnar n'en pouvait plus d'attendre. Il chargea son fusil et se leva sur le pont.
- Somation, cria-t-il, avant de tirer.
Il n'entendit même pas les cris de protestation de ses équipiers. Le corps du chef des pirates se détacha en deux parties. La première s'écrasa contre le mur derrière tandis que la seconde était restée sur place, les jambes debout continuant à bouger doucement.
- C'est bon, dit Gunnar. J'en pouvais plus d'entendre son blabla de taré. Vous allez pas m'en vouloir pour si peu. C'était pour la bonne cause. Un taré reste un taré. Vous savez aussi bien que moi qu'il les aurait tué. Argent ou pas.
Gunnar voyait très bien le mécontentement de ses équipiers. Il savait aussi qu'il avait merdé et que ce n'était pas la première fois que ça lui arrivait ces derniers temps. En bas, les pirates se mirent à leur tirer dessus. Ils se mirent à couvert derrière le repli de la passerelle. Les balles fusaient autour d'eux. Christmas, Caesar et Toll balancèrent leur grenade fumigène pendant que Barney et Yang tiraient sur les lumières. Ils avaient plongé les pirates dans le noir. Ils mirent leurs lunettes de vision nocturne et thermique. Les pirates et les otages apparaîssaient en silhouette orange. Tous les six prirent leurs fusils mitrailleurs et firent feu sur chacune des cibles portant un fusil. Ils descendirent en rappel jusqu'à atteindre le sol. Un des pirates réenclencha la lumière, obligeant les six hommes à retirer leurs lunettes. Ils constatèrent que six hommes étaient encore debout dont un qui avait repris la machette de son chef et menaçait de trancher la tête de l'otage toujours à genoux.
- Jetez vos armes ou je le tue, hurla-t-il.
Les six équipiers se regardèrent, en souriant. Aucun d'eux n'avaient l'intention de déposer ses armes. Barney rengaina ses deux pistolets après avoir regarder tous ses équipiers. Il savait qu'il pouvait leur faire entièrement confiance. C'était à la vie à la mort. Ils étaient loyaux les uns envers les autres.
- Vous, posez-vos armes sinon vous serez morts, dit-il simplement.
- Amenez moi l'argent. A moi tout de suite, hurlait toujours le pirate.
- Je prends les quatre à gauche, chuchota Christmas.
- Non, prends les deux à droite et oublie les autres, répondit entre ses dents Barney.
- C'est toi qui devrait prendre les deux à droite, tu es moins rapide qu'avant, répliqua Christmas.
Caesar et Toll se regardaient, perplexe. Barney avait gardé sa main sur la crosse de son arme. Il évaluait la situation. Du coin de l'oeil, il vit Christmas caresser ses lames du bout des doigts.
- Sache une chose, une balle est plus rapide qu'une lame, sourit Barney. Tu veux l'argent ? Viens le chercher, lança-t-il au pirate.
Le pirate leva le bras prêt à trancher la gorge de l'homme devant lui. Barney sortit son pistolet et lui tira une balle en pleine tête, puis tira quatre autre fois aussi vite que sa main le pouvait. Les quatre autres derrière s'écroulèrent au sol, les uns après les autres. Christmas lança deux couteaux qui touchèrent leurs cibles en pleine poitrine. Toll et Caesar se regardaient en secouant la tête. Leur chef ramassa le sac rempli d'argent pendant que Yang défaisait les liens des prisonniers.
- Tu n'as pas dû en toucher beaucoup, dit Christmas.
- Je ne vois pas beaucoup de couteaux, lui répondit Barney, avec un sourire.
Caesar tapotait l'épaule de son chef et leur montra Gunnar, resté en haut. Il préparait un nœud coulant à un des pirates qui avait réussi à grimper jusqu'à lui.
- Il fait quoi là-haut ? demanda Barney.
- Ca se voit, il va pendre un pirate, répondit Christmas.
- Arrête tes conneries. Gunnar, tu fais quoi ?
- Ça se voit. Je pends un pirate.
Christmas regarda son chef en lui tapotant l'épaule.
- Bon courage avec lui, annonça Christmas.
- Sympa les mecs. Gunnar, on ne fait pas ça chez nous, tu le sais bien.
- Arrête Barney, il en aurait fait autant si nous étions à sa place.
- Gunnar, je me répéterais pas. Sinon, on te lâche.
Pendant que Barney parlait pour tenter de calmer Gunnar, Yang s'était faufilé à l'étage. Il arriva, sans bruit, derrière Gunnar et lui donna un coup de pied à l'arrière du genou qui le déstabilisa légèrement. Il lui balança, de nouveau, un coup de pied mais cette fois au visage. Du sang gicla. Gunnar se retourna tout en essuyant l'éraflure sur son visage. Il lui balança un coup de poing dans les côtes puis un autre dans la figure. Il attrapa Yang à la gorge et le coucha au bord du toit, mettant la lame de sa machette sous sa gorge tout en le regardant dans les yeux. Aucun des deux ne montrait des signes de peur ni de reddition.
- On ne tue pas comme ça, dit Yang.
- Lâche le Gunnar, dit Barney, appuyant son arme sur le crâne de son ami.
- Mon équipier m'a filé un coup au visage avec des bottes en pointes d'acier. Regarde, il m'a complètement défiguré avec ces conneries.
- Tu l'avais mérité.
- Je vais avoir besoin de plusieurs points de suture ? Tu crois que les femmes m'apprécieront plus avec une nouvelle cicatrice.
Dans l'avion les ramenant, chacun avait ses petites habitudes. Barney, qui pilotait, fumait son cigare. Son rituel après mission. Christmas regardait ses textos. Bizarrement, il n'en avait pas reçu depuis un mois de Lacy. Il réglerait ce problème en rentrant à Portland. Leur dernière soirée ensemble n'avait pas été très idyllique. Ils avaient passé la nuit ensemble mais Lee avait tenté de se faufiler pendant qu'elle dormait. Ils s'étaient disputés. Elle voulait une vraie relation et lui, non. Il ne voulait pas se sentir enchaîner à une femme pour la vie. Il appréciait ses soirées torrides avec elle mais ça s'arrêtait là. Caesar nettoyait son arme et lustrait chacune des balles qu'il retirait de son fusil, posé sur ses genoux. Toll baissa ses lunettes de lecture et le regarda faire.
- Tu bichonnes ton arme comme tu bichonnerais une femme ! lui dit-il.
- Je ne peux pas te dire. Je ne suis jamais resté très longtemps avec une femme. Elles finissent toutes par avoir peur à un moment. D'ailleurs, je ne comprends pas vraiment pourquoi ?
- Tu es vraiment sérieux là ? Tu ne comprends pas pourquoi ?
Caesar releva la tête et regarda Toll, allongé en face de lui. Yang les observait, en silence. Christmas passa près d'eux pour aller rejoindre Gunnar au fond de l'appareil. Il s'accroupit face à lui.
- Tu es calmé ?
- Oui.
Il lui trancha les liens avec son couteau et lui tendit sa machette qu'il refusa d'un signe de tête.
- Franchement, tu peux la garder. Tu apprécies les bonnes lames, toi.
Le portable de Barney se mit à résonner dans toute la carlingue.
- Quoi ?... Tu plaisantes, comment elle l'a apprise... Elle est quoi ?...
Il tapa plusieurs fois sur le manche avec la paume de sa main. La chose qu'il craignait le plus, venait de se produire. Sa fille avait découvert la vérité et maintenant, elle était partie. La connaissant, il n'était pas prêt de la revoir.