L'ombre du Mal
En chemin, Arnael me rend mon arc et mon épée. Quand on arrive au niveau de la mer, le soleil se lève à l'horizon. Je m'arrête pour contempler le ciel mauve et or à l'horizon. Arnael s'arrête à côté de moi. Nous regardons un peu le soleil se lever, puis Arnael me dit:
- Il n'y a qu'une seule lune dans ton monde. Et les constellations sont différentes. C'est perturbant.
-Pas pour moi, répondis-je. J'y suis habituée, vu que j'ai grandi ici.
-Et nos deux lunes ne te perturbent pas?
-Pas plus que ça.
Je sors mon portable et regarde mes messages. L'un de mes amis me demande une réponse rapidement. Une autre me menace de dire une énorme bêtise à toute la classe pour que je lui réponde. J'essaye de leur envoyer un message, mais je n'y arrive pas. Je ne sais pas quoi dire. Je demande donc à Arnael d'attendre quelques minutes, le temps que j'appelle Clara. Il est 9h53. C'est la récré au lycée. J'appuie sur le bouton d'appel, sans trop savoir ce que je vais dire à ma meilleure amie. Elle décroche à la deuxième sonnerie.
-Lena! s'exclame-t-elle. Nous étions super inquiets! Pourquoi tu ne répondais pas?
-J'étais quelque part où je ne pouvais pas répondre. Tu es seule?
-Ben... Avec Cindy et Emma, pourquoi?
-Il faut qu'on parle. Et que toi et moi.
-Ça va Lena? Tu as une voix bizarre...
-Je t'expliquerai. Mais il faut qu'on se voie. Tu ne me croirais pas, sinon.
-Pourquoi? Et pourquoi tu ne viens pas au lycée?
-Je ne peux pas venir.
-Tes parents sont au courant?
-Plus ou moins.
-Donc non. Qu'est-ce que tu caches? T'es enceinte ?
-T'es folle?!
-Ben...je sais pas, t'as l'air bizarre...
-Tu pourrais essayer de venir près de chez moi?
- Je pense pas...pourquoi?
-Pour qu'on parle. Là on n'a pas trop le temps.
-Attends. Tu me demandes de sécher les cours, là ?
- Franchement Clara ce que je vais te dire... Ça vaut la plus grande découverte scientifique du monde!
-T'es sérieuse? C'est quoi?
-Je peux juste te donner un indice: Tamriel.
-Hein?
- Dovahkiin, nous avons besoin de toi.
-T'es en train de jouer?
-C'est bien plus que ça... Imagine un univers imaginaire devenir réel...
-Tu débloques, là...
-Non. Viens, s'il te plaît !
-Je ne peux pas.
J'entends une sonnerie en arrière fond.
-Je dois retourner en cours.
-Ok...dis-je, déçue.
-Je t'appelle dès que je quitte.
-J'ai besoin de ton aide, et rapidement.
-À propos de quoi?
-Elder Scrolls.
-Je ne te suis plus.
Elle se tait une seconde, puis rajoute:
-Il faut vraiment que j'y aille. Promis, je te rappelle plus tard.
Et elle raccroche. Je ne peux pas retenir un juron, ce qui fait sursauter Arnael.
-Elle ne veut pas ?
-Non...dis-je, dépitée. Elle a dit qu'elle allait rappeler.
-Dans combien de temps?
-Je ne sais pas...peut-être deux heures, peut-être ce soir...
-D'accord.
Il marque un pause, puis demande:
-Et si elle ne veut pas?
-Je ne sais pas...
Je n'ose pas lever les yeux. J'ai tellement l'impression d'être bête...
-Lena?
- Quoi...
Je sens ses doigts qui me relèvent la tête tout doucement. Il me murmure:
-Tu n'y es pour rien si elle refuse. On trouvera un moyen de la faire coopérer.
je me redresse en le fixant avec horreur.
-ne t'inquiète pas...continue-t-il en me prenant les mains. Nous n'utiliserons la force que si c'est nécessaire.
Je contemple mes mains entre les siennes. Puis je lève les yeux vers son visage. Son regard est si confiant que je sens mon coeur s'apaiser.
-d'accord? me demande-t-il.
Je hoche la tête doucement. Il sourit.
-On y va, maintenant?
Je hoche de nouveau la tête. Il se relève en m'entraînant au passage.
Puis, au bout d'un moment, il me lâche les mains et me dit:
-Il faudrait qu'on y aille maintenant.
Nous recommençons à marcher le long de la plage. Je me mets à rêver. Je sens mes yeux se refermer tout seuls. Maintenant que l'émotion est passée, je sens la fatigue prendre le dessus. Je trébuche dans le sable, glisse sur quelques rochers, et me laisse distancer par le thalmor. Au bout d'un moment, Arnael se retourne et s'arrête:
-Allez ! me crie-t-il.
Je ne réponds pas. Il revient vers moi et prend ma main dans la sienne.
-Courage, me murmure-t-il. On arrive. Regarde les rochers, là-bas. On approche.
Je hoche la tête et le laisse me guider dans le sable. Je viens de passer une nuit sans dormir et je le sens maintenant. Arnael ralentit l'allure. Ses yeux restent posés sur moi. Il me parle doucement en m'encourageant. Dès qu'on arrive au rocher, il s'arrête et je m'effondre à côté de lui. Je veux tellement dormir...
-Au fait, me dit-il en sortant quelque chose de sa poche. Tiens.
Il me tend mon mp3. Je le prends.
-À quoi ça sert, me demande-t-il.
-À écouter de la musique. Ici, on a des machines capables de rejouer des chansons, si on les enregistre. Les mp3 les lisent et les rejouent. Sauf qu'on ne peut les entendre qu'à travers les écouteurs.
-D'accord.
Je mets un écouteur dans mon oreille et lance la musique. Je souris. C'est nightwish, mon groupe préféré.
-Je peux écouter? me demande Arnael.
Je lui tend un écouteur. Il le met dans son oreille prudemment. Il semble surpris quand il entend la musique, puis se détend. Il finit même par fermer les yeux et à battre la mesure au rythme des basses. À la fin de la chanson, une autre enchaîne. Cette fois, c'est evanescence qui prend le relais. À la fin de la chanson, il enlève l'écouteur et me demande:
-Incroyable, cette musique. De quoi s'agit-il ? Il y a de nombreux instruments que je n'ai jamais entendus...
- La première c'est plutôt du metal symphonique, alors que la deuxième est plus rock.
- Tu pourras me traduire les paroles?
-Heu...je vais essayer...
Je me lance alors dans une traduction des deux chansons, à peu près au mot à mot. À la fin, Arnael me contemple avec rêverie et admiration.
-C'est spécial...me dit-il. En tous cas, bravo pour la traduction. Tous les bardes utilisent-ils cette langue?
Je ris.
-Ici, il n'y a pas de bardes. On parle de chanteurs ou de groupes, suivant les cas. Et non, tous ne chantent pas en anglais. Nightwish, par exemple, utilise de temps en temps le finnois. Et il y a beaucoup de chanteurs et de groupes qui utilisent le français, l'allemand, l'espagnol ou d'autres langues actuelles. Mais il y en a aussi qui chantent dans des langues inventées.
-D'accord. Et pour les instruments ?
Je ne peux retenir un bâillement, ce qui fait rire Arnael.
-Quoi? lui demandai-je.
-Rien, rien...me répond-il, un brin moqueur.
Je me relève et prends la direction de la maison du pendu. Arnael me regarde partir et me lance:
-Reviens!
-Il faut qu'on y aille ! lui répondis-je par-dessus mon épaule.
Je l'entends pester, puis courir dans le sable pour me rattraper. En deux secondes, il est devant moi. Ses yeux se posent sur moi et il me dit:
-Tu vas me rendre fou, jeune fille.
Son sourire me fait penser le contraire. Je souris aussi. Il reprend:
-Mais tu as raison. Les autres doivent nous attendre.
À ce moment-là, mon portable se met à sonner. Arnael sursaute et me demande;:
-C'est quoi?
Je lui montre mon portable avant d'appuyer sur le bouton "décrocher".
-Oui? demandai-je.
-Tu pourrais essayer de revenir sur Dunkerque? Cet après-midi je n'ai pas espagnol ni anglais. Je retourne au lycée pour une heure et je viens te voir direct. Je peux même aller jusqu'à sécher le cours d'ECJS. Mais il faut que je sois sûre que tu sois là.
-Je vais voir ce que je peux faire. Mais s'il te plaît...
-Oui?
-Viens seule. C'est important.
-D'accord. Emma voulait venir, mais j'ai refusé.
-Ok.
-Envoie un message pour me dire si tu viens et où tu viens.
-Ok.
-Pourquoi tu me dis pas ce qu'il y a ?
-Tu ne me croirais pas.
-C'est si incroyable que ça?
Je jette un coup d'œil sur Arnael.
-Bien plus que tu pourrais le croire...