La Fiole Blanche

Chapitre 3 : Du sang sur la glace

4156 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour il y a 3 mois

Fort-Ivar se trouvait à deux journées de cheval de Vendeaume. C’était un village modeste mais prospère, dû aux allers-venus des voyageurs venant de Faillaise ; une grande ville se trouvant à l’extrême sud-est de Bordeciel, ainsi que des nombreux pèlerins se rendant au village situé au pied de la montagne de la Gorge du Monde, pour y gravir les 7000 marches menant à la forteresse du Haut-Hrothgar. De par l’affluence de personnes sur les routes, les attaques de bandits étaient monnaie courante. Rares étaient les caravanes sans gardes du corps. Calyndra même si elle échangeait joyeusement avec Agmund, restait contrairement aux apparences, aux aguets.

En début d’après-midi, ils avaient presque atteint l’embouchure où se rejoignaient les deux rivières et bientôt, ils arriveraient au pied de la montagne des Grises-Barbes. Cela faisait maintenant plusieurs heures qu’ils chevauchaient et Agmund était absorbé par les paysages qui défilaient devant ces yeux. Il se mit à s’intéresser aux herbes et plantes qu’ils croisaient en chemin.

- Cette fleur, dit le garçon en désignant au pied d’un arbre un végétal aux pétales d’un violet luminescent et aux feuilles sombres. J’ai déjà vu mon oncle l’utiliser, c’est de l’Obscurcine, non ?

- Tu as bon œil, acquiesça Calyndra. Sais-tu à quoi elle sert ?

- Non, reconnu Agmund.

- C’est un ingrédient essentiel dans la concoction de poison, répondit-elle. À petite dose, elle peut servir comme d’un paralysant. Généralement, ce sont les assassins et autres personnes peu recommandables qui l’utilisent de cette manière, en imbibant leurs lames ou la pointe de leurs flèches pour se débarrasser plus facilement de leur cible.

À ces mots, le Nordique fronça les sourcils.

- Ce n’est pas très honorable.

- Peut-être, répondit-elle. Toutefois, il est parfois plus efficace de se sortir d’une situation désespérée avec des moyens peu honorables, comme tu dis, que de courir vers une mort certaine, tu ne crois pas ?

N’osant pas dire qu’il désapprouvait, il se contenta de hausser les épaules.

- As-tu déjà vu des Grelots-de-La Mort ?

Elle esquissa un sourire, la curiosité insatiable du jeune Nordique l’amusait, mais avant qu’elle ne lui réponde, il ajouta :

- Verick dit que ces fleurs poussent proches des endroits où des personnes ont trouvés la mort dans des circonstances malchanceuses, ou qu’elles attirent les gens et les animaux vers un funeste destin.

La haute-Elfe secoua la tête, agacée à l’évocation du Bréton.

- Ce ne sont que des histoires bonnes à effrayer les enfants, raya-t-elle. Cependant, reprit-elle d’une voix plus modérée, il est vrai que les grelots poussent près des cimetières ou des tertres Nordique car ces plantes prolifèrent dans les coins sombres et la terre humide ; ce qui explique leur mauvaise réputation.

Agmund ne comprenait pas l’antipathie que la jeune femme éprouvait pour Verick et il préféra poursuivre ses questions sur la flore qu’ils apercevaient.

Calyndra lâcha un bref soupir ; peut-être allait-elle rapidement regretter cet aspect de sa personnalité.

- Là ! s’écria-t-il pour la énième fois, en pointant du doigt sur le sol, c’est quoi comme espèce de champignons ça ?

- Ce sont des cailloux, Ag…

Sentant que la patience de la Haute-Elfe avait atteint sa limite, l’adolescent, honteux, préféra se taire et resta un moment plongé dans ses pensées.

Intérieurement, la jeune femme devait bien admettre qu’il était bien plus agréable de voyager avec de la compagnie. Agmund était un garçon vif d’esprit et même si sa curiosité était parfois excessive, elle se rendit compte qu’elle prenait tout de même plaisir à enseigner. 

Cependant, il était très mauvais cavalier. Malgré ses conseils pour qu’il est un maintien souple et détendu, Agmund restait aussi rigide qu’un bout de bois. Quand elle l’entendit moins bavarder mais plus souvent remuer dans son dos, elle sut que les premières douleurs avaient déjà fait leurs apparitions.

- Un peu de marche nous dégourdirait les jambes, qu’en dis-tu ?

- Alors là, tu ne me le demanderas pas deux fois ! répondit-il en essayant vainement de répartir son poids d’un côté puis de l’autre.

- Je ne sens plus mes fesses… grogna-t-il.

Un gargouillement sonore retentit.

- J’ai faim, Caly, signala inutilement l’adolescent.

Calyndra soupira.

- N’as-tu pas mangé un bout de fromage, de la viande séchée et une pomme tout à l’heure ?

- Si. Mais j’ai encore faim.

- Tu as l’estomac d’un Smilodon, Ag. Apprend plutôt à nourrir ton esprit, répondit la Haute-Elfe en levant les yeux au ciel.

Elle arrêta Torrentciel sur le bord de la route et indiqua au jeune Nordique comment descendre de monture. Alors qu’Agmund s’exécutait maladroitement, la jument se remit en marche. Surpris, il tomba à la renverse dans la poudreuse.

- Hey, Torrentciel, stop ! ordonna Calyndra, prise aussi au dépourvu.

- Cette jument ne m’aime pas, cria-t-il en se relevant péniblement, et moi non plus !

- Mais non, voyons… dit la jeune femme en camouflant son rire d’une toux.

Elle descendit souplement de Torrentciel et en voyant le soupir satisfait de la jument, elle se dit qu’elle avait dû assouvir sa vengeance de la dernière fois, lorsque le garçon était monté brusquement sur son dos.

Elle s’éloigna d’Agmund, qui pestait encore contre Torrentciel, pour observer les environs.

- Il doit y avoir une clairière pas loin, si mes souvenirs sont bons. Ce serait le lieu parfait pour t’entrainer à quelques sorts défensifs.

Alors qu’elle était en train de réfléchir par quel sort ils allaient commencer, un coup mou derrière sa tête la fit sursauter. Elle passa sa main dans ses cheveux humides et se retourna en foudroyant du regard le jeune Nordique.

- Touchée, fit-il avec un sourire en coin.

- Tu me déçois beaucoup Agmund. Je ne sais vraiment pas pourquoi j’ai accepté qu’un gamin écervelé m’accompagne dans cette quête. Tu n’aies même pas capable de rester sérieux deux minutes… et en plus de ça, tu vises mal.

La boule de neige qu’elle avait fait apparaître par magie dans son dos, atterrit en plein visage de l’adolescent. Il en fut si surprit, qu’il tomba à la renverse à l’endroit précis où il avait chuté auparavant.

Ils menèrent ensuite une rude bataille. Le tronc des arbres alentour, leur offrant une protection idéal. Concentrés, ils ne firent pas attention aux hennissements de plus en plus stridents de Torrentiel, qui s’était éloignée du lieu de leur duel.

- C’est bon je me rends ! cria Agmund de derrière un arbre.

Il leva les bras en signe de reddition, car les tirs de la Haute-Elfe étaient d’une précision dévastatrice.

- Ah bon, tu en es sûr ? On commençait tout juste de s’échauffer ! répondit Calyndra en laissant échapper entre ses lèvres un rire cristallin. 

Cependant, le garçon se concentra afin de faire apparaître une boule de neige dans sa main, comme l’avait fait Calyndra, pour un dernier coup déloyal. Alors qu’il sentait le froid se former entre ses doigts, il remarqua un mouvement presque imperceptible à gauche de son amie ainsi que quelque chose sur le sol.

Une empreinte.

Torrentciel hennis encore bruyamment en se cabrant et au dernier moment, il changea de cible, transformant la neige dans sa main en glace. Le trait de glace sembla atteindre quelque chose dans l’espace vide et il y eu un cri de douleur. Dans un bref frémissement, une Elfe-Noire apparu. Elle tenait entre ses mains la stalactite qui l’avait transpercée en pleine poitrine. Une dague était à ses pieds, où du sang gouttait de sa blessure ; formant comme des fleurs pourpres dans la neige immaculée.

Calyndra se rua sur Agmund, les bras levés. Plusieurs flèches se heurtèrent contre le bouclier magique qu’elle venait de faire apparaître devant eux. Entre les arbres, des silhouettes couraient dans leur direction, armes sorties. La Haute-Elfe visa son premier adversaire, un Nordique à la carrure impressionnante, qui fonçait sur elle en poussant un cri de guerre. Alors qu’il arrivait à sa hauteur, sa hache à deux mains sur le point de s’abattre sur elle, Calyndra lui envoya une boule de feu en pleine face. La barbe en feu, le Nordique laissa échapper un hurlement de douleur et de rage. Elle n’eut pas le temps de faire face à un nouvel ennemi. Cette fois armé d’un long cimeterre, qui la frappa au flan. Heureusement, il ne l’atteignit pas, car elle maintenait encore son bouclier d’une main. Mais ce dernier vola en éclat, ce qui la fit vaciller sous la violence du choc.

Agmund était tétanisé. Il voyait les évènements se dérouler devant ses yeux comme s’il s’agissait d’un rêve… ou plutôt d’un cauchemar.

- Agmund ! cria Calyndra, en le poussant brusquement à terre.

Il entendit un sifflement au-dessus de sa tête, suivit d’un ”tchaac”. Une flèche vibrait encore contre le tronc de l’arbre devant lequel il se tenait quelques secondes plus tôt.

- Agmund ! Ressaisis-toi bon sang !

Elle envoya une nouvelle boule de feu, cette fois-ci en direction du tireur, qui parvint à l’esquiver. Le garçon vit avec horreur un autre Elfe-Noir courir vers lui. Ses yeux étaient d’un rouge carmin et semblaient brûler de haine. Mais ce qui l’effraya encore d’avantage ; c’était les deux lames effilées qu’il brandissait.

- Tu as tué ma Farrile, ma sœur des cendres… tu vas souffrir vermine… murmura l’elfe avec hargne, un rictus déformant ses traits.

Agmund essaya de prendre son arme dans son dos, mais le bâton restait coincé dans la lanière. À présent, Le Dunmer marchait lentement jusqu’à lui, et prit de panique, l’adolescent se mit à ramper en arrière.

- Oh oui, tes souffrances seront longues… mais je te garderai en vie pour que tu me vois ensuite m’occuper de la s’wit qui t’accompagne.

La colère chassa la peur qui gardait Agmund figé et il parvint à dégager son arme.

- En voilà des manièrrres de parrrler d’une demoiselle, sans grrriffes, susurra une voix juste au-dessus d’eux.

Ils levèrent la tête, juste à temps pour apercevoir une paire de yeux verts et dorés entre les branches, avant qu’une masse sombre tombe sur l’Elfe-Noir, l’écrasant au sol. La silhouette encapuchonnée qui se tenait accroupie sur le corps de l’elfe, se redressa. L’adolescent vit qu’une dague était enfoncée dans la nuque du Dunmer. Il était mort sur le coup.

L’inconnu retira son arme qu’il essuya sur les vêtements de l’elfe mort.

- Mogrrrimm’darrr s’excuse de cette interrrvention brrrusque. Mais il fallait que ce Khajiit vous tirrre de ce mauvais pas.

- Merci… répondit machinalement Agmund, en acceptant de prendre la main griffue de son bienfaiteur qui l’aida à se remettre sur ses pieds.

Cependant, le jeune homme ne prit pas le temps de se réjouir d’avoir retrouvé l’ami d’Eddling. Inquiet, il regarda rapidement autour de lui et il repéra avec soulagement Calyndra. Elle se tenait à quelques mètres d’eux et combattait leur dernier assaillant encore debout. Il s’agissait d’une Nordique aux cheveux d’un blond sale et vêtue d’une robe noire. Toutes deux s’affrontaient dans un duel magique. En un clin d'œil, le garçon vit que la Haute-Elfe la surpassait largement. La barrière éthérée de la Nordique se fissura et les éclairs qui crépitaient aux bouts des doigts de Calyndra passèrent à travers la protection fragilisée. En poussant des cris stridents, la femme fût prise de convulsions. Mais malgré sa douleur, Agmund l’entendit articuler :

- Sois maudite, sale putain ! Mes frères te pourchasseront et te crèveront !

- Qu’ils essayent. Je les enverrais te rejoindre dans la tombe, répondit Calyndra, le visage impénétrable.

Son sort doubla de puissance, et la barrière magique explosa. Dans un éclair foudroyant, la femme fût propulsée en arrière, son corps retombant mollement sur le sol. Agmund regarda son amie avec surprise. Il ne s’attendait pas à lire une telle froideur dans son regard. À cet instant, il se demanda s’il la connaissait vraiment.

Puis, il baissa les yeux et se rendit compte du nombre d’adversaires qu’elle avait vaincu à elle toute seule. Pendant qu’il était resté paralysé par la peur comme un enfant, elle s’était battue pour leur survie. La honte lui rosit les joues et il sentit monter en lui une colère sourde dans sa poitrine. « Quel imbécile incapable il était ! Finalement, il était peut-être juste bon à tenir une boutique d’apothicaire… » pensa-t-il avec amertume.

Calyndra remarqua alors une silhouette qui se tenait en retrait et elle brandit son bâton.

- Attention, Ag !

La grande améthyste à l’extrémité du bâton d’ébène se mit à briller d’un air menaçant.

- Non, Caly… Il est avec nous ! s’écria Agmund.

Il écarta les bras pour empêcher à la jeune femme de lancer un sort sur le Khajiit.

- C’est Mogrimm’dar, l’un des amis d’Eddling qu’on cherche !

À l’évocation de son nom, le Khajiit fit une courbette.

- Enchanté, Dame des tempêtes. Vos ennemis ont goûté à vos frrracas, dit l’homme-chat avec admiration.

- Il… il m’a sauvé la vie, bafouilla le garçon.

Calyndra hocha la tête et s’approcha du Khajiit.

Elle l’observa attentivement. Son pelage était noir avec des touches de gris, touffu au niveau de la mâchoire. Elle esquissa un sourire en voyant l’anneau d’or accroché à son oreille pointue. Il ressemblait exactement à la description que Eddling lui en avait faite.

- Heureuse de vous avoir trouvé aussi vite et en un seul morceau… Eddling s’inquiétait. Je suis Calyndra et voici Agmund le neveu d’Eddling.

Elle fixa les yeux aux pupilles verticales et ajouta dans un souffle :

- Je vous remercie de l’aide que vous lui avez apporté, c’est encore un novice.

- Ce garrrçon a été plus attentif que nous, il a repérrré les trrraces de pas dans la neige, dit Mogrimm’dar.

La voix du Khajiit était apaisante et inspirait confiance.

- Il a raison. Ag, admit Calyndra. Si tu n’avais pas remarqué la présence de cette Dunmer, je serais morte.

- Mais… Caly, j’ai paniqué. Je n’ai rien fait pour te défendre et tu as dû te battre toute seule… objecta-t-il avec colère.

- Non, Ag… insista la jeune femme, tu n’as rien à te reprocher.

Il s’apprêtait à discuter, quand il reconnut un corps dans la neige. Il s’en approcha. L’Elfe-Noire était morte, recroquevillée, ses mains serrant toujours le pic de glace enfoncé dans sa poitrine. « Comment l’avait appelé le Dunmer déjà ? Ferrile… Farrile ? » se demanda le garçon. Il ne s’en souvenait plus. Un halo pourpre l’entourait, là où la neige avait absorbé son sang.

Il s’écarta précipitamment et vomit. Plié en deux, il rejeta l’entièreté du contenu de son estomac, jusqu’à ne plus vomir que de la bille qui lui brûla la gorge. Une main compatissante s’était posée sur son épaule et l’aidait à garder l’équilibre. Il savait à qui cette main appartenait, mais ne voulait surtout par croiser son regard à cet instant. Jamais il ne s’était sentit aussi faible et pathétique.

- Ça va aller… chuchota Calyndra d’une voix douce. La première fois que tu supprimes une vie est toujours très difficile. On est tous passé par là.

Elle se pencha pour qu’il ne puisse pas esquiver son regard.

- Imagines un instant, que si tu n'avais pas réagi, ce serai moi qui serais couchée à tes pieds, une dague enfoncée dans le cœur.

Elle ajouta d’un ton ferme :

- C’était nous ou eux. Il n’y avait pas d’autre alternative.

Agmund hocha la tête, la bouche trop sèche pour pouvoir parler. Il repoussa gentiment la main de Calyndra pour s'éloigner du corps de l’elfe. Il s’assit un peu plus loin, le dos appuyé contre un tronc d’arbre. Alors qu’il se concentrait sur sa respiration et l’air frais sur son visage en sueur, il tressaillit en sentant un souffle chaud contre sa joue. Torrentciel s’était approchée, sa tête penchée vers lui. Le jeune Nordique lui caressa le museau, rassuré par ce contact.

- Voyons voirrr ce qu’ils avaient surrr eux, susurra la voix du Khajiit.

Calyndra qui observait toujours avec inquiétude Agmund, décida à contre-cœur d’imiter Mogrimm’dar et s’accroupit pour fouiller les poches de leurs ennemis.

- Ah, voilà qui est intérrressant…

Il venait de sortir de la poche de la robe de la mage, une lettre.

Calyndra s’approcha du Khajiit, qui dépliait le papier et lut par-dessus son épaule :

 

Brenya,

Voici les ordres donnés par le Grand-Maître :

Trouvez toutes les personnes recherchant l’artéfact appelé la Fiole Blanche et tuez-les.

La Guilde compte sur vous pour mener à bien cette mission.

Ne nous décevez pas.

 

- Mais quel est cette Guilde et qui peut être ce "Grand Maître" ? lui demanda Calyndra.

- Mogrrrimm’darrr n’en a aucune idée, répondit-il, en se grattant les moustaches d’un air perplexe.

Il lui tendit la lettre et ajouta avec embarras :

- Ce Khajiit ne sait pas lirrre.

Calyndra le regarda, interloquée. Puis, devant sa grimace d’excuse, elle se ressaisit.

- Je vais vous la lire.

Elle fit la lecture au Khajiit, surveillant du coin de l'œil sa réaction.

- C’est étrrrange… dit Mogrimm’dar, la tête penchée sur le côté, l’air pensif. Ils ne sont pas les seuls à suivrrre ce même objectif. À l’exception qu’eux ne voulaient pas notrrre morrrt, mais nous fairrre captifs afin de nous soutirrrer des inforrrmations sur la fiole.

- Qui ? demanda avec gravité la jeune femme.

Agmund les avait rejoints et écoutait leur conversation avec attention.

- Les impérrriaux, siffla rageusement le Khajiit entre ses dents pointues.

- Je croyais que c’était un artéfact oublié, intervint Agmund, perplexe. Comment se fait-il qu’autant de personnes soient à sa recherche ?

Mogrimm’dar jeta un regard aux alentours avant de répondre.

 - Il nous faut rrréfléchir à la question plus tarrrd, ce ne serrrait pas prrrudent de rrrester ici plus longtemps.

Calyndra approuva d’un signe de tête.

- Oui, il pourrait y en avoir d’autres et je n’aimerai pas avoir à combattre dans ces bois à la nuit tombée.

À ces mots, Agmund se rendit compte avec effroi que les ombres des arbres s’allongeaient rapidement autour d’eux à mesure que le jour déclinait.

- Il y a un abrrri non loin d’ici, où ce Khajiit pourrrai vous y emmener.

Calyndra hésita, même s’il était un ami d’Eddling et qu’il avait sauvé Agmund, elle n’avait pas totalement confiance en lui. Son intervention semblait trop providentielle pour que leur rencontre soit le fruit du hasard.

- Très bien, on vous suit.

Elle planta son regard dans le sien et ajouta d’un ton sans réplique :

- Moi aussi, j’aurai quelques questions à vous poser.

Il lui adressa un sourire carnassier avant de s’enfoncer à travers des buissons. La Haute-Elfe lui emboita le pas en empoignant Agmund au passage.

- Reste près de moi et ne baisse pas ta garde, lui chuchota-elle à l’oreille.

 Agmund attrapa par la bride Torrentciel et dût allonger le pas pour ne pas se faire distancer. Le Khajiit marchait d’un pas souple et rapide, comme s’il n’était pas impacté par son environnement. Agmund et Calyndra, contrairement à lui, devaient se concentrer pour ne pas trébucher contre des racines ou éviter d’être agrippé par des branches qui s’accrochaient à eux comme des serres. Fermant la marche, Calyndra veillait à effacer leurs traces en lançant des sortilèges d’illusion et dût rapidement faire apparaître une petite sphère de lumière qui flotta autour d’eux pour qu’ils puissent distinguer où ils mettaient les pieds dans l’obscurité grandissante. Après un temps qui sembla durer une éternité pour le jeune Nordique, il entendit le murmure d’une source d’eau à proximité et Mogrimm’dar les firent enfin sortir des bois. Devant-eux, les deux rivières ; Courtgivre et Sombreflot, se rejoignaient et bifurquaient en un coude vers le sud-est.

- Mais c’est la Gorge du Monde ! s’écria l’adolescent.

Il regardait avec des yeux écarquillés, une forme sombre et immense, dont l’ombre devait engloutir les terres à l’est sur des kilomètres. La montagne au sommet vertigineux, les avaient privés des derniers rayons du soleil couchant. Calyndra regardait avec un sourire le visage joyeux et extatique du jeune garçon. Même si la silhouette titanesque de la montagne lui était familière, sa vue restait époustouflante.

- Cette montagne est imprrressionnante, reconnu le Khajiit. Mais Mogrrrimm’darr rrregrette la chaleurrr des plaines d’Elsweyrrr.

Il poursuivit d’un ton sérieux :

- À parrrtir de maintenant, nous marrrcherrons à découverrrt, alorrrs rrestez dans l’ombrrre.

Il sortit le premier du couvert des arbres et se déplaça furtivement d’une ombre à une autre. Agmund le perdit même de vu à un moment donné, jusqu’à ce qu’il repère deux yeux jeunes qui luisaient dans l’obscurité.

- Allons-y, Agmund, souffla Calyndra.

Ils suivirent le Khajiit en s’efforçant de prendre la même posture que lui, tout en essayant d’imiter sa démarche féline. Ils progressèrent ainsi en longeant la rivière Courtgivre, sans être alertés par la présence d’ennemis à proximité. Le seul bruit qu’ils entendaient à présent, était le grondement lointain d’une cascade.

- Parrr ici, murmura Mogrimm’dar.

Il les guida jusqu’à atteindre l’entrée à peine visible d’une grotte.

- Heu… vous êtes sûr que c’est le bon endroit ? demanda Agmund avec dégoût. Ça sent horriblement mauvais.

- Ombrrrenoire était la cachette d’une bande de bandits qui se sont fait un jourrr dévorrrer par des Trrrolls-des- Glaces, répondit le Khajiit.

- Attendez, vous dites que cette grotte est infestée de trolls ? demanda Calyndra, en plissant les yeux.

- Elle l’était. Jusqu’à ce que Louve et moi-même nous nous en débarrrassions.

Calyndra et Agmund échangèrent un regard, peu enthousiasmés par ces explications.

-Je suppose que c’est toujours mieux que rien, dit le nordique d’une voix faussement décontractée.

Mais il jeta ensuite un coup d’œil à l’ouverture puante, nimbée de ténèbres, et ne put s’empêcher de faire un pas en arrière. Le désarroi d’Agmund n’avait pas échappé à Calyndra, qui n’était pas emballée non plus à l’idée d’entrer dans cette grotte. Mais elle savait qu’ils n'avaient pas d’autres options. En cas d’attaque, il serait plus facile de défendre une seule entrée, plutôt que d’être pris en embuscade de tout côté.

- Garrrdez le pas surrr, le sol est glissant, les prévint Mogrimm’dar en ouvrant la marche.

Non sans réticences, ils s’enfoncèrent à la suite du Khajiit à travers la sombre cavité rocheuse.


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